Prédication du dimanche 19 avril 2020 - Actes 9. 1-22 - « Qui es-tu, Seigneur ? » (S. Guiton)

Prédication du dimanche 19 avril 2020
Actes 9. 1-22
« Qui es-tu, Seigneur ? »


La méditation du livre des Actes nous amène aujourd’hui devant un véritable monument. Le récit d’un événement sans lequel le monde, certainement, aurait été différent : la conversion de Saul, le persécuteur de l’Église, devenu l’apôtre Paul par la seule grâce de Dieu. 

Une expérience hors du commun, qui 2000 ans après reste une profonde source d’enseignement pour nous. 

Je vous invite à en écouter le récit, dans le chapitre 9 du livre des Actes. 

Actes 9.1-22
1 Cependant Saul, qui respirait encore la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur, se rendit chez le grand prêtre 
2 et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas ; s'il y trouvait quelques-uns, hommes ou femmes, qui suivaient le chemin du Seigneur, il pourrait ainsi les arrêter et les amener à Jérusalem. 
3 Il était en chemin et approchait de Damas quand, soudain, une lumière venant du ciel resplendit tout autour de lui. 
4 Il tomba à terre et entendit une voix qui lui disait : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? 
5 Il répondit : Qui es-tu, Seigneur ? — Moi, je suis Jésus, celui que, toi, tu persécutes. 
6 Mais lève-toi, entre dans la ville, et on te dira ce qu'il faut que tu fasses. 
7 Les hommes qui voyageaient avec lui s'étaient arrêtés, muets de stupeur ; ils entendaient la voix, mais ils ne voyaient personne. 
8 Saul se releva de terre et, bien qu'il eût les yeux ouverts, il ne voyait rien ; on le prit par la main pour le conduire à Damas. 
9 Il resta trois jours sans voir, et sans rien manger ni boire. 

A Damas, le Seigneur appelle alors un disciple nommé Ananias vers Paul. « Va et cherche, un nommé Saul de Tarse. Car il prie et dans une vision, il a vu un nommé Ananias, qui entrait et lui imposait les mains pour qu'il retrouve la vue ». 
Ananias hésite, car il sait ce que Saul a fait. 

« Va, lui dit Dieu, car cet homme est l'instrument que j'ai choisi pour porter mon nom devant les nations et les rois, comme devant les Israélites ; je lui montrerai moi-même tout ce qu'il lui faudra souffrir pour mon nom ». 

Ananias obéit, va imposer les mains à Paul qui retrouve la vue, se lève et reçoit le baptême. 

« Il resta quelques jours avec les disciples qui étaient à Damas, 20 et aussitôt il se mit à proclamer dans les synagogues que Jésus est le Fils de Dieu. 
21 Tous ceux qui l'entendaient, stupéfaits, disaient : N'est-ce pas lui qui, à Jérusalem, s'acharnait contre ceux qui invoquent ce nom ? N'est-il pas venu ici pour les arrêter et les amener devant les grands prêtres ? 
22 Cependant Saul était de plus en plus puissant et confondait les Juifs qui habitaient Damas, en démontrant que Jésus est le Christ.

Je m’arrête ici dans ma lecture de la Parole de Dieu. 

Dans les milieux protestants évangéliques, on fait souvent de l’expérience de Saul le modèle standard de conversion. C’est un peu réducteur, puisque la Bible présente aussi d’autres exemples, comme celui de Pierre, dont le parcours de foi est plus progressif, et non moins profond. 
Cependant, par sa radicalité et sa puissance, la conversion de Paul nous est donnée comme source d’instruction privilégiée
Tellement importante qu’elle est racontée trois fois dans le seul livre des Actes ! Et Paul ne cesse d’y faire allusion, tant cet événement fait partie intégrante de son message. 

Il écrit ainsi à Timothée : 
« Dieu a manifesté sa bonté pour moi,. Il a voulu que Jésus Christ démontre en moi, le pire des pécheurs, toute sa patience. C'est un exemple pour ceux qui, dans l'avenir, mettront leur foi en lui et recevront la vie éternelle » (1 Tim 1.16).

En quoi l’expérience de Paul peut-elle être un « exemple » pour nous ? 

D’abord, parce qu’elle est une illustration frappante de ce qu’est la bonté, la grâce de Dieu : le don d’une vie nouvelle offerte en Jésus-Christ de façon totalement imméritée. Si même à l’un des pires ennemis de Jésus a été ainsi rattrapé par l’amour de Dieu, alors personne n’est trop loin, trop indigne, pour recevoir cet amour lui aussi. 

En venant sauver Paul, Jésus Christ « démontre toute sa patience », tout son amour. Luc montre bien que c’est lui, le Ressuscité, qui est l’auteur de la conversion de Saul. C’est lui qui vient sur la route de Damas, c’est lui qui donne les ordres pour que Paul quitte son chemin de mort pour entrer dans la vie de Dieu.  

Sur le chemin de Damas, une question notamment est posée, comme un carrefour à partir duquel la vie de Paul change de direction : « qui es-tu, Seigneur ? ». 
Cette question,  nous sommes nous aussi invités à nous la poser, pour prendre avec le Christ le chemin de la vie éternelle. 

 « Paul « était en chemin et approchait de Damas quand, soudain, une lumière venant du ciel resplendit tout autour de lui. 
4 Il tomba à terre et entendit une voix qui lui disait : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? 
5 Il répondit : Qui es-tu, Seigneur ? — Moi, je suis Jésus, celui que, toi, tu persécutes ». 

« Qui es-tu, Seigneur ? ». Cette question est au cœur de toute conversion véritable, de toute foi vivante.

« Qui es-tu, Seigneur ? » 
Il y a tant de choses dans cette question. 

D’abord, elle marque qu’une vraie rencontre est en train de se produire. Pour Paul, ce n’est peut-être pas totalement la première rencontre. Certes, comme il dira ailleurs, le Christ « s’empare » de lui d’une façon soudaine ici. 
Cependant, les textes laissent entendre que cette conversion est peut-être plutôt l’aboutissement d’un parcours déjà commencé bien avant. 
Car Paul court depuis longtemps après Dieu. Il le cherche, intensément, dans un judaïsme radical, fanatique. Mais à ce moment-là, Jésus lui aussi est en train de chercher Paul.  
Ainsi, dans un autre récit de sa conversion, en Actes 26.14, Paul précise que Jésus lui dit sur le chemin de Damas : «  C'est en vain que tu résistes, comme l'animal résiste contre le bâton de son maître.” 

Jusque-là, Paul a résisté à Jésus qui l’appelait. En même temps qu’il le dénonce comme imposteur et poursuit ses disciples, Paul ne peut chasser Jésus de son esprit. Peut-être l’a-t’il croisé au Temple de Jérusalem. En tout cas, Jésus n’a jamais été loin. Paul a assisté à la lapidation du chrétien Etienne, il a vu l’action étonnante de Dieu chez cet homme qu’on exécutait… 
Paul  « respire … la menace et le meurtre » contre les chrétiens, qu’il va chercher de plus en plus loin – jusqu’en Syrie !  Mais que fuit-il, dans cette course en avant destructrice ? Ses remords ? Ses doutes ? 
Ainsi le fanatisme est souvent la marque d’une foi défaillante, qui craint le questionnement parce qu’elle est pleine de doutes.   

A Damas, Paul trouve enfin celui qu’il cherchait confusément. 
Adrien Candiard dit cela d’une belle façon : « (Paul) se demandait comment cesser enfin de se regarder lui-même, et il découvre que c’est tout simple : il lui suffit de regarder autre chose, de regarder ce Christ qui l’aime »[1]

Et nous ? Après quoi courrons-nous ? 
Est-ce que nous résistons à Jésus, nous aussi, d’une manière ou d’autre ? 

Il est bon d’arrêter notre course régulièrement, pour revenir à Jésus : « Qui es-tu, Seigneur ? ».  

« Je suis Jésus, que tu persécutes ». Telle est la réponse donnée à Saul. 
Tout est dit : Jésus crucifié mais pourtant vivant ; Jésus, dont le nom signifie « Dieu sauve ».
Jésus seule révélation parfaite de Dieu, seul chemin vers Dieu : Paul ne fera plus que proclamer cela toute sa vie. 

Il écrit aux Corinthiens : 
« 3 Je vous ai donné avant toutes choses l'enseignement que j'ai reçu moi-même : le Christ est mort pour nos péchés, … 
4 On l'a mis au tombeau, et le troisième jour, Dieu l'a réveillé de la mort, comme les Livres Saints l'avaient annoncé ». 1 Co 15.3-4

Et il continue en racontant comment le Christ s’est révélé à Lui après être apparu aux autres apôtres et à plus de 500 frère et sœurs à la fois. 
Il est ressuscité, il est vivant. Le connaître, voilà le plus important dans cette vie.

« Tout ce que je désire, écrit Paul aux Philippiens, c'est de connaître le Christ et la puissance de sa résurrection, d'avoir part à ses souffrances et d'être rendu semblable à lui dans sa mort. 11 Et j'ai l'espoir que je parviendrai moi aussi à la résurrection d'entre les morts » (Philippiens 3.10-11)

C’est pourquoi la question « qui es-tu, Jésus ? » est si importante pour nous. Voilà l’essentiel : chercher à « connaître ce Christ et la puissance de sa résurrection », cette puissance de vie, d’amour, cette puissance libératrice qui a fait de Paul quelqu’un de transformé, plein de la vie de Dieu. 

« Tous ceux qui l'entendaient, stupéfaits, disaient : N'est-ce pas lui qui, à Jérusalem, s'acharnait contre ceux qui invoquent (Jésus) ?…
Cependant Saul était de plus en plus puissant et confondait les Juifs qui habitaient Damas, en démontrant que Jésus est le Christ.

Ainsi la conversion véritable n’est pas un changement d’habitude, une simple décision de changer. On parle beaucoup en ce moment du « monde d’après » la crise actuelle, «un monde différent sur les plans économique, relationnel, écologique… 
On verra après la crise actuelle ce qui restera des bonnes intentions exprimées aujourd’hui. 
Le « monde d’après », c’est dans nos cœur qu’il doit naitre, dans un changement profond que seul Dieu peut opérer en nous. 

Notre part, c’est de chercher à connaître le Christ par la foi. Répondre à son appel, , car lui nous cherche déjà.

Pas besoin pour cela de vivre une expérience incroyable d’illumination façon « Chemin de Damas » : la foi, c’est simplement, humblement, adhérer avec le cœur et la tête à ce témoignage des apôtres partagé dans la Bible.
Croire en Jésus, « pour qu’en croyant, nous ayons la vie en son nom ». Pour entrer dans la vie éternelle avec lui. 

« Qui es-tu, Seigneur ? » 

Ayons l’humilité de ne jamais croire avoir fait le tour de cette question, mais revenons y sans cesse, comme à une source bienfaisante, pour rencontrer le Christ en vérité, et le laisser nous amener plus loin, plus près de son amour, comme il l’a fait avec Paul. 

Parfois, Dieu peut permettre l’épreuve pour cela. 

C’est ce qui est arrivé, par exemple, à Samuel Peterschmitt, le pasteur de la Porte Ouverte de Mulhouse, d’où est parti le co-vid 21 en France. Son témoignage tourne beaucoup dans les milieux chrétiens en ce moment. 
Samuel Peterschmitt a été malade du Co-vid, sévèrement, et il raconte comment, dans la nuit de la maladie, il a reçu une nouvelle révélation de Dieu. Lui qui prêchait un Evangile de puissance et de victoire, c’est dans la plus grande faiblesse que Dieu est venu le rejoindre, pour le rappeler à l’humilité. Il lui a fait prendre conscience de son arrogance. Samuel parlait comme s’il possédait une réponse définitive sur « qui est Jésus », comme s’il savait tout de lui, comme s’il était le maître et Jésus le serviteur… 
La maladie a été son chemin de Damas, lieu d’un nouveau départ avec le Christ, sur un chemin d’humilité. 
Citant Job, ce pasteur confesse : « j'ai parlé, sans comprendre, de choses étonnantes qui me dépassent et que je ne connais pas » (Job 42.3) ». 
Et il conclue : « Heureux ceux qui ne savent rien… heureux ceux qui ont besoin de lui chaque jour, qui ne sont pas assis sur leur trône de certitude… »

Comme Paul, il a dû passer par un temps de nuit, de silence, pour descendre en lui-même. Un temps de prière, à chercher intensément la présence du Christ. 

Nous aussi, cessons de résister au Christ, cessons de nous regarder nous-mêmes pour le regarder, lui, le Ressuscité. Cherchons à le connaître davantage, et cela peut commencer par cette simple prière  : « qui es-tu,  Seigneur ? ». J’ai besoin de t’entendre, d’apprendre de toi. 

Pourquoi pas aussi prendre le temps pour cet un exercice qu’on pratique dans les retraites spirituelles : lire en entier l’Evangile de Marc comme si c’était la première fois – ce sera peut-être le cas ! – le lire comme si vous découvriez cette histoire, le lire avec en tête cette question : qui es-tu Seigneur ? Notez ce qui vous surprend, vous touche dans les paroles de Jésus, ses attitudes… Méditez-le, demandez-lui de se révéler à vous – pour la première fois, ou d’une façon nouvelle. 

Soyons assurés que le Christ saura nous conduire vers lui, car il nous cherche, lui, le premier. 
Amen


Qui es-tu, Jésus ? Aide-moi à te rencontrer, à te connaître. 
Je veux me laisser arrêter, prendre le temps de te chercher, dans la Bible, dans la prière…
Me laisser conduire par toi, pas à pas, car tu es le seul Seigneur. 

Je peux prendre le temps de lire l’Evangile de Marc en entier, comme si j’entendais cette histoire pour la première fois. Je note ce qui me surprend, me touche dans les paroles de Jésus, ses attitudes… Je le médite, je lui demande de se révéler à moi – pour la première fois, ou d’une façon nouvelle. 






[1] Adrien Candiard, A Philémon, p.56

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