Prédication du 21 juin 2020 - Romains 5.1-11 : L’espérance qui ne déçoit pas (S. Guiton)

Prédication du 21 juin 2020

Romains 5.1-11

L’espérance qui ne déçoit pas

  

A voir le monde ces jours-ci, en proie à bien des violences en plus du co-vid , on peut se demander ce qui pourrait faire que les choses aillent mieux. Dans certains domaines comme la lutte pour l’égalité et contre le racisme, c’est comme si rien ne changeait vraiment. Les émeutes américaines de ces derniers jours rejouent celles de 1968. Ici et là, les manifestations se succèdent. 

Et pourtant, le monde continue à espérer. Peut-être parce que vivre, c’est espérer. Qu’on ne peut pas vivre sans espérance. Espérer c’est d’autant plus vital quand on traverse un désert. 

 Le texte d’aujourd’hui nous amène dans un autre temps, mais c’est la même violence : à la fin du Ier siècle de notre ère, la minorité chrétienne de Rome subit elle aussi des persécutions, à cause de sa foi. 

Paul s’adresse alors à elle pour l’encourager, et ranimer pour eux cette espérance dont ils ont besoin pour tenir. 

L’espérance qu’il leur apporte,  c’est une espérance différente, une espérance « qui ne déçoit pas », ancrée dans l’amour et la grâce de Dieu. L’espérance dont ce monde a besoin, dont nous avons besoin. 

 

 Lisons en Romains 5.1-11

 

1 Ainsi, nous avons été reconnus justes par la foi et nous sommes maintenant en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. 2 Par Jésus nous avons, par la foi, eu accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement. Et nous mettons notre fierté dans l'espoir d'avoir part à la gloire de Dieu. 3 Bien plus, nous mettons notre fierté même dans nos détresses, car nous savons que la détresse produit la persévérance, 4 que la persévérance produit le courage dans l'épreuve et que le courage produit l'espérance.

5 Cette espérance ne nous déçoit pas, car Dieu a répandu son amour dans nos cœurs par l'Esprit saint qu'il nous a donné.

 6 En effet, quand nous étions encore sans force, le Christ est mort pour les pécheurs au moment favorable. 7 Déjà qu'on accepterait difficilement de mourir pour quelqu'un de droit ! Quelqu'un aurait peut-être le courage de mourir pour une personne de bien. 8 Mais Dieu nous a prouvé à quel point il nous aime : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. 9 Par le don de sa vie, nous sommes maintenant reconnus justes ; à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère de Dieu. 10 Nous étions les ennemis de Dieu, mais il nous a réconciliés avec lui par la mort de son Fils. À plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés avec lui, serons-nous sauvés par la vie de son Fils. 11 Il y a plus encore : nous mettons notre fierté en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, grâce auquel nous sommes maintenant réconciliés avec Dieu.

 

 J’aime ce passage, la simplicité avec laquelle il exprime le message de l’Evangile : « Dieu nous a prouvé à quel point il nous aime : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs ». 

Il y a de quoi s’émerveiller ! Et nous prendrons le temps pour cela tout à l’heure, en partageant la Sainte Cène. 

C’est dans cette œuvre de la croix que s’ancre cette espérance qui « ne déçoit pas ».

 

1    1.    Une espérance qui ne déçoit pas

a    a.  Une espérance éternelle

 Oui notre monde a besoin d’espérance. Mais sur quoi la fonder ? On peut espérer que nos efforts porteront leurs fruits… attendre un changements de conjoncture économique, un changement de saison, de gouvernement…  miser sur une prise de conscience collective, des élans de solidarité… compter sur la créativité humaine et le progrès scientifique… On peut espèrer une rencontre amoureuse, un coup de chance…

 

Il y a de très belles choses dans tout cela, qui font avancer, qui ont de la valeur ! 

Mais l’espérance évoquée ici est d’une nature différente : d’abord, elle est éternelle, et pointe au-delà de cette vie, tout en l’englobant tout entière. C’est « l'espoir d'avoir part à la gloire de Dieu. De voir Dieu face à face, un jour, d’entrer dans sa « gloire », sa lumière, sa plénitude, pour la vie éternelle, dans une nouvelle création débarrassée du mal et de la mort. 

 

    b.  Une espérance fondée sur la croix

Cette espérance ne déçoit pas car elle est fondée sur Dieu, qui est fidèle et parfait. 

Elle est fondée en particulier sur la croix, qui atteste concrètement de la réalité de l’amour de Dieu : « Nous étions les ennemis de Dieu, mais il nous a réconciliés avec lui par la mort de son Fils. À plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés avec lui, serons-nous sauvés par la vie de son Fils ». 

 A la croix, Dieu a montré jusqu’où il peut aller pour nous.  C’est la preuve qu’il peut et veut  accomplir ses promesses. Notre espérance s’appuie sur cette certitude que rien ne peut ébranler. 


Elle se nourrit aussi de la paix et de la grâce qui nous sont offertes en Jésus :  « nous avons été reconnus justes par la foi et nous sommes maintenant en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. Par Jésus nous avons, par la foi, eu accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement ». 

Cette paix qui peut être un sentiment apporté par le St Esprit est d’abord une situation objective : « nous sommes maintenant en paix avec Dieu», c’est notre statut, et il ne changera pas.

 

Nous sommes aussi ancrés dans la grâce, à laquelle nous avons « accès » comme on accède, de façon privilégiée, à un lieu sacré – c’est une image suggérée ici par le terme grec. 

 

Garantie par Dieu, notre espérance est donc tellement certaine que Paul en fait une raison de « se vanter », c’est-à-dire qu’il se réjouit, et se glorifie de cet amour que Dieu a pour lui. Il en est fier parce qu’il en est sûr ! 

 « Ni la mort, ni la vie, ni la mort… rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ », dira l’apôtre en Romains 8. Parce qu’à la croix, Dieu s’est engagé en personne. Donner sa vie pour quelqu’un… y a-t’il une plus belle preuve d’amour ? Jésus affirme que non. 

 

c    3. Une espérance confirmée par le Saint Esprit

Si « cette espérance ne nous déçoit pas », c’est enfin « parce que Dieu a répandu son amour dans nos cœurs par l'Esprit saint qu'il nous a donné ».

Le Saint Esprit nous offre une confirmation intérieure de cet amour et de cette paix manifestés en Jésus. 

La présence de Dieu en nous renforce notre espérance ; c’est un signe très actuel que ses promesses sont valides puisqu’il commence déjà à nous faire bénéficier de sa gloire dans ce monde, par la puissance du St Esprit qui nous est donné comme un « acompte » du Royaume ». Comme « première part des dons que Dieu a promis » dit Paul en Romains 8.23. 

Cet avant-goût de la gloire est souvent fait choses simples : avoir soif de Dieu, vouloir prier et comprendre la Bible… croire qu’il nous aime… expérimenté un pardon, une guérison physique ou intérieure… tout cela est « déversé »  par l’Esprit en nous comme un avant-goût du Royaume, et atteste de la réalité des bénédictions futures. C'est un renforcement supplémentaire de notre espérance. 

 

Sommes-nous assurés de l’amour de Dieu nous aussi ? 

 

2    2.  Une espérance pour orienter nos vies

 

a    a. Une espérance qui donne le cap

Notre espérance ne concerne donc pas seulement l’au-delà : elle est le phare vers lequel orienter toute notre existence, la lumière à fixer des yeux par tous les temps, pour atteindre le port. 

Cette espérance doit orienter toute notre vie et nous permettre de tenir le cap même au travers des tempêtes. 

 

Plus encore : croire que nous sommes appelés à « avoir part à la gloire de Dieu » peut nous permettre de donner sens à certaines « détresses » que nous traversons, et que Paul présente comme faisant partie intégrante de l’expérience chrétienne. Parfois, les difficultés permettent à notre foi d’être renforcée. J’ai été frappé de cela lors de cataclysmes en Haïti par exemple : ces gens avaient tout perdu et ils exprimaient pourtant leur foi en Dieu avec une ferveur enthousiaste ! 

 

La nôtre l’est-elle autant ? 

 

        b. Espérer pour persévérer

On retrouve cela dans ces versets 2 à 5, où Paul lie l’espérance à l’épreuve :

« Nous mettons notre fierté même dans nos détresses, car nous savons que la détresse produit la persévérance, que la persévérance produit le courage dans l'épreuve et que le courage produit l'espérance ». 

Paul exprime l’idée d’un progrès ici ; c’est qu’à travers les épreuves, le Seigneur forme notre caractère : persévérance, courage… 

Une transformation profonde de notre cœur, voilà en effet ce qui doit s’opérer lorsqu’on suit le Christ comme un disciple. C’est une école exigeante qui demande de la persévérance, comme le dit Paul dans ces versets. Or comme me le disait récemment un frère de l’Église : « L’espoir fait vivre, l’espérance fait persévérer ». 

 

Il me semble que la persévérance n’est pas forcément notre point fort d’occidentaux du XXIe siècle, élevés dans une société qui encourage le narcissisme à des fins commerciales. Demandez  à ceux qui enseignent des instruments par exemple ! Si quelque chose ne te fait pas du bien rapidement ou ne t’épanouit plus, va ailleurs. C’est parfois justifié. Ca peut aussi être une fuite et un manque de courage, sans lequel on ne construit rien de solide. Si les maçons, les soignants, les enseignants, les dirigeants, les chercheurs… n’étaient pas persévérants, nous serions mal embarqués, n’est-ce pas ? 

 

    c.  Espérer pour mûrir 

Si impatients que nous soyons, l’espérance peut nous aider à persévérer, à ne pas lâcher la main de Dieu, pour avancer avec lui – et mûrir.

Paul exprime cela dans ces versets  à  la construction particulièrement soignée : ils nous emmènent de la grâce de Dieu à sa gloire, puis de la détresse à la persévérance, de la persévérance au courage dans l’épreuve, c’est-à-dire à la fidélité à Dieu qui a fait ses preuves dans l’épreuve, et de courage à l’espérance

Cette construction littéraire ne doit pas faire croire qu’il y a là un programme de coaching spirituel façon programme fitness : d’abord, muscler ma persévérance, puis renforcer mon courage et enfin doper mon espérance… c’est un tout, l’un nourrit l’autre

De fait, comme nous l’avons vu dimanche dernier, Dieu permet peut-être que  nous traversions un désert pour renforcer notre foi. Croyons que son amour ne permettra pas que nous soyons poussés au-delà de nos forces...

Peut-être aussi avons-nous besoin que notre espérance soit purifiée, débarrassée de certains appuis illusoires qu’il nous faudrait lâcher pour mieux nous attacher à Dieu ?

 

En effet, la Bible pointe régulièrement que trop s’appuyer sur des gens, des institutions, des idées… peut nuire à notre relation avec Dieu : « Malheur à celui qui éloigne son cœur de moi, qui met sa confiance dans les hommes et cherche sa force dans les moyens humains ! » dit le Seigneur (Jérémie 17. 5). J’ai pensé à ce verset quand j’ai appris que Jean Vanier, le fondateur de l’Arche, pour qui j’avais tant d’estime, était tombé pour abus sexuels… 

Un appui qui déçoit, un de plus…

Peut-être êtes-vous déçus vous aussi ? Par des personnes ? Par l’Église ? 

On attend trop des pasteurs, trop des Églises… alors qu’il n’y a « pas de juste, pas même un seul », comme dit Paul en Romains 3. C’est raide, mais vrai. Cela ne signifie pas qu’on ne peut faire confiance à personne : la tentation serait de tomber de l’illusion naïve au cynisme le plus noir, aussi destructeurs l’un que l’autre. Mais attention que notre espérance, ultimement, ne soit pas trop dépendante de certaines personnes, certaines conceptions… Seule l’espérance ancrée dans l’amour de Dieu manifesté en Jésus ne déçoit pas. 

 

    3. Soigner les blessures de l’espoir pour accueillir l’espérance 

C’est que plus l’espérance est grande, plus la déception est douloureuse – et nous espérons beaucoup de la vie d’Eglise. Et si l’espoir fait vivre, un espoir déçu peut blesser profondément.  

Quand nos cœurs sont comme des voiles déchirés,  abimés par trop d’espoirs déçus, difficile alors d’accueillir le vent de l’espérance. 

Je connais quelqu’un que son fiancé, un futur pasteur, a abandonné pour une autre peu avant son mariage. Comment croire encore à l’amour, à la foi, après cela ? 

Comment faire confiance à Dieu, alors qu’on pensait être dans sa volonté et qu’on croyait vivre sa bénédiction ? 

« Un espoir différé rend le cœur malade », dit le livre des Proverbes (13.12)

Une guérison, alors, est nécessaire, et elle est possible en Jésus-Christ.  

Dieu connaît les blessures de l’espoir en nous. Il veut les guérir et nous conduire à travers les ruines de nos illusions vers une connaissance plus juste de nous-mêmes et de lui, de son amour et de sa grâce. 

Jésus lui-même a été souvent trahi, il sait ce que nous ressentons, et veut ôter ce qui fait obstacle à la véritable espérance, et à son amour. 

Faire souffler à nouveau un vent d’espérance dans nos voiles ! 

 

Etes-vous désabusés, dans la désillusion, par rapport à votre vie affective ? Votre vie d’Église ? Votre vie de foi ? 

S’il vous plait, ne gardez pas cela pour vous. Ce n’est pas honteux. Le Seigneur désire restaurer votre espérance, et son amour trouvera les chemins pour vous rejoindre là où vous avez été blessés. Son Esprit qui nous a été donné veut « répandre son amour dans nos cœurs » ; il travaille à les guérir. Demandons son aide ! 

Ici, un accompagnement spirituel peut aider à rapiécer les voiles.

Parlez-en à votre pasteur qui pourra vous orienter. 

Etre écouté par des frères et sœurs de confiance, soutenu par leur prière, dans la durée, cela aide à retrouver persévérer assez pour retrouver le chemin de l’espérance.   

Demandons au Seigneur de ranimer cette flamme de l’espérance dans nos cœurs, car il a promis que l’espérance, avec la foi et l’amour, « demeurerait », quoi qu’il advienne.

Amen

S. Guiton

 

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