Prédication du dimanche 22 avril 2018 - 2 Rois 6.14-17 - Changement de regard (S. Guiton)

Ce matin, je voudrais évoquer avec vous un homme de la Bible qui a multiplié le pain, défié les lois de la flottaison et ramené plusieurs personnes d’entre les morts…  
Il s’agit du prophète Elisée ! 
Elisée, qui a vécu au IXe siècle avant JC, fut le successeur direct du grand prophète Elie. Lorsque celui-ci est enlevé au ciel sur un char de feu, Elisée reçoit le Saint Esprit dont Elie était rempli. « Une double part », même. 
Par cet Esprit, Elisée va accomplir de nombreux miracles : il multiplie donc le pain, fait flotter du fer sur l’eau, ressuscite même des morts ! En cela il annonce directement Jésus, dont il est une « préfiguration ». 

L’épisode de sa vie que je vous invite à méditer se situe à une période où le roi de Syrie attaquait régulièrement le royaume d’Israël. Mais à chaque fois que le roi Syrien élaborait un plan de bataille, Elisée le révélait au roi d’Israël, qui envoyait alors ses soldats bloquer les attaques des Syriens. Naturellement, le roi de Syrie se mit à soupçonner qu’il y avait un espion israélite parmi ses confidents, mais ceux-ci le niaient. 
Le 2e livre des Rois (6.13) rapporte alors cette réponse d'un des officiers syriens : « Notre roi, il n'y a pas de traître parmi nous ! Mais Élisée, le prophète qui est en Israël, est capable de rapporter à son roi les paroles que tu dis dans ta chambre à coucher. »

Le roi de Syrie accepte cette réponse et va droit au coeur du problème : il ordonne qu’on capture Elisée. 

Lisons la suite en 2 Rois 6. 14-17

14 (le roi de Syrie) envoie une troupe nombreuse de soldats, avec des chars et des chevaux. Ils arrivent de nuit et entourent la ville. 15 Le jour suivant, le serviteur d'Élisée se lève tôt le matin et il sort de la ville. Il voit les soldats, les chevaux et les chars qui entourent la ville. Il crie : « Quel malheur, maître ! Qu'est-ce que nous allons faire ? » 16 Élisée répond : « N'aie pas peur ! Ceux qui sont avec nous sont plus nombreux que ceux qui sont avec eux. » 17 Ensuite Élisée prie en disant : « SEIGNEUR, ouvre les yeux de mon serviteur pour qu'il voie clair. » Le SEIGNEUR ouvre ses yeux, et le serviteur peut voir que tout autour d'Élisée, la montagne est couverte de chevaux et de chars brillants comme du feu.

Que se passe-t’il ensuite ? Elisée demande à Dieu d’aveugler les soldats syriens. Et Dieu l’exauce. Elisée conduit alors les soldats aveuglés à l’intérieur de la ville de Samarie, à la merci du roi d’Israël. 

Dès que le roi d'Israël voit tous ces soldats, il demande à Élisée : « Mon maître, est-ce qu'il faut les tuer ? » Elisée répond : « Non, ne les tue pas ! D'habitude, tu ne mets pas à mort ceux que tu fais prisonniers au combat. Alors, donne plutôt à manger et à boire à ces soldats, puis laisse-les retourner chez leur roi. » 
Le roi d'Israël leur fit servir un grand repas, et ils mangèrent et burent ; puis il les laissa partir, et ils s'en allèrent vers leur seigneur. Les troupes syriennes ne revinrent plus dans le pays d'Israël.

Prière : ouvre nos yeux, que nous voyons les merveilles contenues dans Ta Parole. Ouvre nos coeurs et nos intelligences pour que nous puissions entendre ce que tu veux nous dire. 

Quand un problème survient, quand un mur se dresse devant nous… comment réagissons-nous ? Est-ce que notre foi en Dieu change notre regard sur ce que nous vivons ? Et comment prions-nous ? 
Cette question est, je crois, au coeur de ce récit étonnant. Devant la même épreuve - l’attaque de l’armée syrienne- deux attitudes se manifestent : celle du serviteur, effrayé, et celle d’Elisée, que rien ne semble déstabiliser. Si l’on pouvait choisir, qui n’aimerait pas être comme lui, pour qui tout semble si facile ? Il prie avec confiance et Dieu l’exauce par un miracle.. 
Sans doute nous sentirons nous plus proches de son serviteur : on comprend aisément ce qu’il a pu ressentir, ce matin-là, en découvrant la grande troupe de soldats bien armés qui entourait la ville ! « Qu'est-ce que nous allons faire ? ». 

Si les deux hommes réagissent si différemment, c’est parce que leur regard sur la situation est différent. D’ailleurs, pour rassurer son serviteur, Elisée va simplement demander à Dieu d’ouvrir les yeux de son serviteur « pour qu'il voie clair » : 
Le serviteur voit le monde tel qu’il apparait spontanément ; il se croit seul au danger, ne pense même pas à prier et ne compte que sur lui-même : donc, face à l’armée nombreuse qui arrive, il panique. Mais Elisée, éclairé par le Saint Esprit, voit la situation telle qu’elle est vraiment : remplie de la présence bienveillante et agissante de Dieu. Alors il reste calme et se tourne vers le Seigneur pour qu’il le délivre. Il se bat avec les armes de la foi et de la prière. 
C’est cela, voir clair. 

Quand un problème survient, quand un mur se dresse devant nous… est-ce que notre foi en Dieu change notre regard sur ce que nous vivons ? Et comment prions-nous alors ? 

Certainement, de façon générale, nous comptons sur Dieu pour supporter les épreuves, et faire face à la tentation. Comme Elisée, nous savons que notre secours est en Dieu, que sans lui « nous ne pouvons rien faire ».
Cependant, il est possible qu’une part de nous continue à réagir comme le serviteur. 
Et c’est peut être parce que nous ne voyons pas encore assez clair, que nous avons du mal à voir, à croire à la réalité de la présence de Dieu autour de nous. 
Alors, si nous voulons ressembler davantage à Elisée, il nous faut réajuster notre façon de voir la réalité. 

Qu’a vu le jeune homme ? Difficile à dire. Des réalités spirituelles, en tout cas, comme le suggère l’expression « chars de feu » ; un char de ce type a enlevé Elie, peu de temps avant. 
S’agit-il d’une armée d’anges ? Le texte n’en dit pas plus, respectons sa sobriété ; ce qu’il nous dit, en tout cas, c’est qu’il y a là, bien présente, une puis­sance pro­tec­trice in­fi­ni­ment su­pé­rieure à celle des as­saillants, la puissance du Dieu d’Israël. 

Ce qui est certain, c’est que Dieu a permis au jeune homme - et à Elisée - de voir des puissances dans son royaume qui interpénétraient et soutenaient la réalité normale, telle qu’elle était visible tout autour. 
Il a vu le monde comme il est : composé de deux sphères cohabitant dans une seule réalité ; une sphère physique, matérielle et visible, et une sphère spirituelle, invisible - que l’apôtre Paul nomme « les lieux célestes ». 
Le monde dans lequel nous vivons, obsédé par des préoccupations matérielles, détourne notre attention de cette présence agissante de Dieu. 
Notre culture, qui résiste à la vision biblique du monde, ajoute des filtres occultants à nos lunettes spirituelles déjà bien rayées. L’existence de puissances spirituelles est niée et le fait d’y croire sont ridiculisés comme étant une croyance primitive.
La culture laïque dans laquelle nous avons grandi nous a aussi fait intégrer l’idée fausse que Dieu, s’il existait, n’appartenait qu’à une sphère intérieure, spirituelle, privée. On parle d’ailleurs volontiers de la présence de Dieu dans notre coeur - et cette présence est bien réelle. Mais Dieu est aussi partout ailleurs ! Rien ne saurait le limiter. 

Pourtant, combien d’entre nous vivent une vie de foi sincère en se fiant de façon presque exclusive parfois, à leurs capacités intellectuelles pour maitriser les problèmes de la vie ? Nous nous sentons plus à l’aise en cherchant nous même des solutions rationnelles, plutôt qu’en demandant à Dieu d’intervenir.
Comment prions-nous alors, si nous ne croyons pas que Dieu est présent, que rien de ce qui se produit dans le monde n’est hors de son contrôle, et qu’il est déjà en train d’agir concrètement dans notre situation  ? 
Est-ce que pour cela que nous sommes si souvent démunis face à l’épreuve, faibles devant la tentation ? 
Si nous croyons que Dieu n’est présent que le dimanche matin au 49 rue Louis, ou quand nous pensons à lui…
Si nous agissons comme si Satan n’existait pas ou qu’il était endormi… 
« Quel malheur, maître ! Qu'est-ce que nous allons faire ? », dit le serviteur pris au dépourvu.  
Bien sûr, il ne s’agit pas non plus de nous mettre à voir du « spirituel » partout ; c’est une autre forme d’excès, qui peut même être un piège pour notre foi. Un attrait excessif pour le mystérieux, pour le surnaturel peut détourner notre regard de Jésus-Christ, notre guide, et nous entraîner sur des terrains dangereux, nous faire perdre le contact avec la réalité

L’attitude d’Elisée ici nous montre ce qu’est un regard équilibré : il regarde la situation en face, (l’attaque des syriens) tout en comptant fermement sur la présence souveraine de Dieu à ses côtés. Il ne se dérobe pas, mais prie avec foi en demandant à Dieu d’agir concrètement. 

Quand un problème survient, quand un mur se dresse devant nous… est-ce que notre foi en Dieu change notre regard sur ce que nous vivons ? Et comment prions-nous alors ? 

Dieu ne nous méprise pas si nous ne sommes pas aussi sûrs de nous qu’Elisée face aux autres, face aux difficultés ou à la tentation, Dieu nous invite simplement à venir nous réfugier près de lui, dans sa présence. Il nous invite à lui demander son Esprit de force et de sagesse, son Esprit de révélation et de paix, dans une prière simple et confiante. Si nous lui demandons, il nous rendra peu à peu capables de voir clair.
  Sans surprise, la prière et la méditation de la Parole de Dieu, sous l’éclairage du Saint Esprit, sont les moyens privilégiés par lesquels Dieu renouvelle notre regard sur le monde. 
« « SEIGNEUR, ouvre les yeux de ton serviteur pour qu'il voie clair. ».

Alors, d’autres changements plus profonds se produiront en nous, comme ils se sont produits en Elisée : un regard renouvelé par Dieu permet ainsi de voir de l’espérance là où il semble ne plus y en avoir.  Ce regard permet à Elisée d’apaiser son serviteur, et de rester serein face au danger. 
Un regard renouvelé par Dieu permet aussi de voir l’autre différemment. Elisée ne s’énerve pas contre son serviteur mais voit en lui quelqu’un qui peut progresser - et c’est pourquoi il prie pour que Dieu l’éclaire.
Là où le roi d’Israël voit des ennemis à exécuter, Elisée voit des créatures de Dieu : « Fais-leur servir du pain et de l’eau. Puis, qu’ils retournent chez leur souverain ! » 
Ce renouvellement du regard sur la vie est promis à tous ceux qui placent leur confiance en Jésus-Christ ressuscité. Dieu veut aussi nous permettre de voir cette autre dimension qui est celle de sa présence, auprès de nous, et de cette promesse : « Ceux qui sont avec nous sont plus nombreux que ceux qui sont contre nous ».

Pour conclure, faisons un saut huit siècles plus tard. A Jérusalem, Dieu va accorder le même type de révélation à un petit groupe d’homme :  les disciples de Jésus. Ils viennent de voir leur Maître mourir sur une croix ; ils sont découragés parce que leurs yeux sont rivés sur la croix vide. D’un point de vue matérialiste, tout est terminé.
Pourtant, peu après, Jésus ressuscité va leur apparaître, et transformer pour toujours leur façon de voir la réalité : le monde dans lequel ils vont vivre désormais, avec Jésus, est un monde où leur maitre a triomphé du mal et de la mort. Où Jésus-Christ règne sur toutes les réalités, matérielles et spirituelles. Où Dieu ouvre à tous ceux qui croient à une vie nouvelle, une résurrection intérieure, une régénération non seulement du regard mais de tout l’être - par la puissance de son Esprit, et dans l’amour. 
Alors ces hommes jusque là hésitants et apeurés vont être revêtus comme Elisée de la puissance de l’Esprit, et n’hésiteront plus à témoigner de leur certitude que Jésus est vivant, dans les lieux célestes, mais aussi sur la terre. 

Leur monde est aussi notre monde. Croyons-nous que Christ est vivant, qu’il est avec nous, qu’il prend soin de nous, qu’il sera avec nous jusqu’à la fin du monde, comme il le promet ? 
Voulons-nous qu’il ouvre nos yeux sur sa présence, comme il l’a fait pour le serviteur ? 
« Si tu crois tu verras la gloire de Dieu », a dit Jésus (Jean 11.40)

Nous allons prendre un instant pour prier pour cela. 

Pour introduire ce temps, laissons-nous inspirer par la prière que Paul fait pour les Ephésiens : « Je demande au Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père rempli de gloire, de vous donner la sagesse. Alors vous découvrirez Dieu et vous le connaîtrez vraiment. Je lui demande d'ouvrir les yeux de votre intelligence. Ainsi, vous pourrez connaître l'espérance qu'il vous a donnée en vous appelant. Vous connaîtrez la richesse magnifique des biens qu'il donne à ceux qui lui appartiennent. Vous connaîtrez la puissance extraordinaire que Dieu a montrée pour nous qui croyons en lui. Sa puissance et sa force, Dieu les a montrées dans le Christ quand il l'a réveillé de la mort, quand il l'a fait asseoir à sa droite dans les cieux. Ainsi, le Christ est placé au-dessus de toutes les forces et de toutes les puissances qui ont autorité et pouvoir. Il est au-dessus de tout ce qui existe, non seulement dans le monde d'aujourd'hui, mais aussi dans le monde qui vient » (Ephésiens 1.17-21). 
A lui soit la gloire. 
Amen 

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