Les paraboles du royaume - Le royaume des cieux - Matthieu 13.24-44 (F. Sépari)


Eglise de Lyon            (Diapo noire)                                                            le 29 Avril 2018

J’aimerais ce matin relire avec vous quelques-unes des paraboles de Jésus que l’on nomme habituellement les paraboles du royaume. Elles sont nombreuses dans l’Evangile de Matthieu et mentionnent sans cesse ce royaume des cieux qui va venir. Mais quel est donc ce royaume que Jésus annonce en entrant dans les villages de Galilée et en proclamant cette parole : Repentez-vous car le royaume des cieux est proche ?

Pour bien comprendre le sens de cette parole, et celui des paraboles que je vais lire dans quelques instants, il est intéressant de savoir ce que les juifs de cette époque croyaient à propos de l’âge messianique. Beaucoup avait entendu parler des écrits des prophètes annonçant la venue d’un âge nouveau au cours duquel Dieu allait libérer son peuple de ses oppresseurs, le purifier de son péché, mais ils se savaient pas comment interpréter ces prophéties, ni comme s’y préparer. A cette époque, plusieurs courants d’opinions existaient. Les juifs zélotes imaginaient la venue d’un libérateur à la manière d’un Gédéon ou d’un Samson, un libérateur qui allait chasser l’envahisseur Romain de leur terre (C’est ce que certains vont tenter de faire en 70 de notre ère ce qui aboutira à la destruction du temple). Les juifs de Qumran annonçaient également une libération militaire qui allait éliminer ceux qu’ils nommaient les fils des ténèbres, mais ils ne les identifiaient pas seulement aux Romains, mais à tous les païens présent en terre d’Israël, y compris aux juifs transgresseurs de l’alliance. (Leur radicalité fait un peu penser à Daesh avec son objectif d’installer un Califat). Les saducéens croyaient aussi aux promesses des Ecritures concernant la venue d’un libérateur, mais ils se méfiaient du messianisme populaire avec ses enthousiasmes incontrôlables, qui leur paraissait être un danger pour la nation. Toutefois, le groupe le plus influent, le plus populaire était celui des pharisiens, qui s’attendaient à ce qu’un descendant du roi David instaure le royaume de Dieu sur terre. Et les pharisiens estimaient qu’une stricte observance de la loi de Moïse était de nature à hâter la venue du royaume de Dieu. Et donc en dépit des opinions variées, il y avait en définitive une forte attente de l’instauration d’une nouvelle ère, d’un nouveau royaume à l’époque de Jésus.

Et donc, vous imaginez bien que lorsque Jésus commence à accomplir des miracles dans les villages de Galilée qu’il traverse, et annonce : Repentez-vous car le royaume des cieux est proche (Matt 3.2 ; Matt 4.17), (Diapo Matt 3 et 4) il a suscité une émotion, une attente, peut-être même une inquiétude dans le cœur des juifs pieux de son époque ! Que va-t-il donc se passer ? Une guerre est-elle imminente ? Et quand un peu plus tard, le Seigneur enverra ses disciples répéter le même message (Diapo Matt 10) : Allez, prêchez, et dites : Le royaume des cieux est proche. (Matt 10.7), cela va réactiver le questionnement de ceux qui l’écoutent et qui voyant des miracles se produire vont se demander s’ils ne sont pas le signe du début d’une nouvelle ère. Est-ce qu’un libérateur vient d’être proclamé ? Est-ce qu’une guerre est sur le point de débuter ?
  
Avec le recul, un chrétien peut, répondre « oui » à toutes ces questions : Oui un libérateur est venu ! Oui une guerre a débuté, mais pas de la façon dont les juifs l’imaginaient. Il est très intéressant de voir au passage à quel point Jésus entre pleinement dans les préoccupations et les questions qui agitent son époque, tout en apportant une réponse différente et inhabituelle. Mais je vous invite maintenant à lire avec moi le chap. 13 de l‘évangile de Matthieu à partir du v24 jusqu’au verset 44.

Lecture Matthieu 13.24-44   (Diapo texte) (Diapo texte) (Diapo texte) (Diapo noire)
 
La première chose enseignée par Jésus est que la progression de ce nouveau royaume va se faire de façon dissimulée, cachée, masquée et non pas de manière guerrière et fracassante. Il sera semblable à un trésor caché découvert par quelques-uns, mais inconnu du plus grand nombre. Jésus compare également ce royaume des cieux à quelques grammes de levain déposé dans une pâte à pain composée de trois satons de farine soit environ 25 kg, de quoi donner à manger pour 100 personnes (Diapo pain) et qui va la transformer doucement la pâte de l’intérieur, lors de la fermentation, pour en modifier la saveur et la consistance. Le royaume des cieux va s’installer progressivement dans notre monde, sans effet spectaculaire immédiat, mais par un développement lent et sûr. (Diapo noire) Avec la parabole du grain de sénevé, Jésus ajoute à cette vérité l’idée que les débuts sembleront insignifiants, mais que la gloire finale du royaume sera grandiose. D’une minuscule graine vivante, dit Jésus, peut naitre une plante de la taille un petit arbre. Un instant de repentance sincère peut métamorphoser un pécheur en un juste resplendissant. Et nous savons qu’un petit groupe de douze personnes, pleinement consacrées à Christ, les douze disciples laissés par Jésus, va finalement réformer les valeurs de tout un empire. Je vais ici allusion à l’empire romain et aux effets du christianisme à l’époque de Constantin. Voilà dit Jésus, ce à quoi va ressembler le royaume des cieux ! C’est à la fois un trésor caché et un processus de vie ! La grandeur du libérateur qui va venir vous délivrer sera lui-même caché aux yeux des hommes et en même temps la source d’une vie nouvelle !

Et pour expliquer l’apparente passivité de Dieu face au mal, face aux oppresseurs et face aux méchants de toute nature, pour répondre l’impatience du peuple, Jésus raconte aussi la parabole du bon grain et de l’ivraie (Diapo Ivraie/blé). On a retrouvé une ancienne loi romaine qui condamnait la pratique consistant à jeter de l’ivraie dans le champ de son voisin, ce qui prouve que ce type de vengeance a malheureusement existée dans le passé. Or, les deux plantes sont difficiles à distinguer quand elles ne sont encore que de jeunes pousses, et une fois développées les racines de l’ivraie plus robustes tendent à s’entremêler avec les racines du blé ce qui rend difficile l’arrachage à la main. Et pour couronner le tout, le grain d’ivraie est toxique à cause d’un champignon microscopique qui infeste la plante. Ivraie vient d’ailleurs du latin « ebrieta » qui veut dire ivresse et qui fait allusion aux maux de tête provoqués par la plante quand on l’a consomme. Jeter de l’ivraie dans un champ était donc vraiment un sale coup porté à son voisin agriculteur. Un seul moyen alors, être patient et attendre la moisson finale, là où le risque d’arracher le blé n’a plus aucune importance. (Diapo noire)

Une fois de plus, avec cette parabole, Jésus explique que le royaume des cieux ne s’instaure pas au moyen d’une guerre radicale et prématurée faite aux méchants, avec le risque de tuer aussi quelques justes. Ce n’est pas ainsi que s’accomplit la volonté de Dieu ! Mais le royaume des cieux se développe de manière cachée en parallèle avec la croissance du mal qui demeure dans nos sociétés. Il arrive par moment que le mal l’emporte sur le bien, ou inversement, mais le plus souvent les deux croissent en même temps ! L’Apocalypse nous présente d’ailleurs des méchants qui deviennent sans cesse plus mauvais, et des justes qui deviennent sans cesse plus justes par la grâce de Dieu. Avec heureusement la possibilité de changer de camps subsiste pour les hommes, ce que l’ivraie de la parabole, lui, ne peut pas faire ! Et tout cela est caché aux yeux des grands de ce monde, et tout cela est voulu de Dieu. Mais il y aura une fin, une fin des temps, un jugement divin sur ce monde !

(Diapo question)
Qu’est-ce que nous enseignent toutes ces paraboles sur le royaume de cieux ? Qu’est-ce que nous apprend Jésus quand il affirme que le royaume des cieux est proche de ceux qui l’écoutent ?

1) Elles nous montrent tout d’abord que ce nouveau monde ne va pas apparaître au moyen (Diapo) d’une victoire militaire classique conduite par un guerrier qui va retranchée des vies humaines. Mais qu’il va éclore de manière cachée. Il aura au début un impact dérisoire et semblera méprisable, il cohabitera avec le mal, donnant l’impression que le monde n’a pas changé ! Mais de façon voilée, le royaume des cieux sera déjà présent transformant les choses de l’intérieur !

2) Jésus pouvait annoncer à ceux qui le rencontraient que le royaume s’était approché d’eux, simplement parce que Lui, le Fils de l’homme, était la première graine de vie de ce nouveau monde, celle qui donne la vie aux autres par son Esprit. Au moment de la Pentecôte (on en reparlera plus tard en mai), le Saint Esprit et la vie de Dieu ont été répandue par Christ du haut des cieux. La parole a pris vie dans les cœurs, et le champ de (Diapo) notre monde a été littéralement ensemencé d’une vie nouvelle, ce jour-là, le royaume des cieux a débuté son existence sur terre et sa croissance !
Le royaume des cieux est simplement là où Dieu est présent par son Esprit. Actuellement, les enfants du royaume et les enfants du malin sont difficiles à distinguer, parce qu’il y a encore beaucoup de mal qui habite le cœur de ceux qui aiment Dieu, et il y a encore beaucoup de bien qui habite le cœur de ceux qui le rejette. Les motivations pures et impures s’entremêlent et il est bien difficile de les distinguer. Mais les orientations profondes des cœurs vont peu à peu se révéler, des effets des décisions humaines vont peu à peu se manifester, les caractères malléables au début vont progressivement se figer.

3) Pour nous chrétiens, ces paraboles du royaume nous enseignent que le Royaume des cieux a d’ores déjà commencé ! Et donc que Dieu est (Diapo) déjà intensément actif dans notre monde depuis que Jésus est venu, depuis que le Saint Esprit a été répandu dans le cœur des hommes ! C’est invisible, c’est caché dans le secret des cœurs, c’est insignifiant en apparence, mais c’est bien le royaume de cieux qui a débuté, celui-là même qui remplira la terre au bout du compte !

Dans la parabole de l’ivraie et du bon grain, le champ est identifié au monde, ce qui s’y développe de manière discrète, ce sont les Eglises qui rassemblent et regroupent les Fils du royaume. Dans la parabole du semeur que nous n’avons pas lu ensemble, mais qui précède la parabole de l’ivraie et du bon grain, de quelques versets, la terre c’est le cœur de l’homme.

Dieu est en train de faire croitre dans le cœur de chaque croyant une vie nouvelle. Votre cœur, à vous qui croyez en Christ, est devenu (Diapo) pour le Seigneur une sorte de terre sainte. Il est le lieu sur lequel tous les regards de Dieu se concentrent. Il chérit les dispositions nouvelles qu’il voit progressivement naitre en vous et en moi : humilité, pardon, reconnaissance, émerveillement, adoration … Il s’attriste des blocages qui subsistent encore dans notre existence. Notre âme est le champ sur lequel le Seigneur travaille, un champ grouillant d’énergie, d’éléments nutritifs, mêlant la mort et la vie. (Diapo germe dans terre)

Et Dieu veille et s’assure que tout ce qui pousse de beau et de bon en vous ne soit en aucune manière arraché. Et en même temps, c’est à partir de notre vie quotidienne, de l’humus de nos préoccupations ordinaires que nous trouvons matière à notre croissance spirituelle. C’est par exemple en acceptant de reconnaitre nos torts auprès d’un ami que l’on grandit en humilité, c’est en acceptant de pardonner une parole blessante que l’on goûte la paix, c’est en prenant un peu de temps chaque matin dans la prière que l’on conserve la joie, c’est en faisant face à des épreuves injustes avec confiance que nous apprenons la patience, c’est en aimant un collègue ou un chef peu aimable que apprenons ce qu’est l’amour… etc. Et c’est ainsi que des âmes divinement travaillées naissent et se développent. Ce qui est « éternel et général » jaillit de ce qui est « temporaire et particulier ». Nous devons être conscients que ce que Dieu fait grandir en nous de manière invisible en ce moment est ce qui va subsister dans l’éternité, et va nous permettre de gouter le bonheur, de jouir de la présence du Créateur, et aussi de resplendir comme un soleil dans le royaume du Père.

Notre cœur est une terre sainte sur laquelle Dieu est train de jardiner, et dans laquelle il faire croître une plante nouvelle, « un homme nouveau ». Et contrairement à ce que nous pourrions imaginer au beau milieu de nos soucis, de nos détresses, Dieu est constamment en train d’agir dans notre vie, pas seulement dans les circonstances extérieures, mais surtout dans notre être intérieur. Et cette croissance respecte notre liberté, elle n’est pas comparable à un cancer qui se développe de manière anarchique. C’est une croissance qui fait intervenir la durée, l’attente, les proportions, la maturité… Et si jamais Dieu tombe sur un caillou enfoui dans notre âme, que ce soit une blessure émotionnelle de notre enfance, que ce soit une insécurité, que ce soit une fausse croyance sur nous-même, ou même un péché caché, alors il travaille notre cœur avec délicatesse ! Il utilise la binette et la bêche plutôt que le bulldozer ou l’excavatrice. Mais il nous faut l’aider, en lui donnant notre accord, en le laissant faire, en lui faisant confiance ! (Diapo noire)

Pause

A la lecture de ces paraboles, on comprend que le royaume des cieux a déjà commencé, il est présent dans l’Eglise et dans le cœur de chaque croyant par l’Esprit Saint, même si c’est imparfait et fragile. La recréation du monde est en marche, et Dieu est intensément actif dans cette œuvre !

Mais dans la parabole de l’ivraie et du bon grain, il y a un moment final où tout se dénoue, où ce qui avait été caché devient soudainement visible, (Diapo Moisson) un moment où l’ivraie est jeté au feu, et le bon grain amassé dans le grenier, ou les fils du malin partent en enfer, et les fils de lumière héritent du royaume du Père. C’est ce qu’on appelle les temps de la fin. Le caractère progressif de notre croissance aujourd’hui, n’ôte pas l’existence d’une rupture radicale à la fin des temps.

En français, le mot « fin » a deux sens, (Diapo 2 sens) celui de « terme », de « terminus », et puis celui de but, d’objectif à atteindre.  Dieu a décidé qu’il y aura une fin justement parce qu’il a un but : établir le royaume des cieux, son royaume de façon définitive et visible. Et la connaissance de ce but est de nature à nous mettre en mouvement, à nous faire bouger !

Si vous avez trois mois pour faire un rapport, il n’est pas sûr que vous ayez envie de le faire tout de suite, mais si vous avez seulement trois jours, c’est différent ! La limite sur la durée est de nature à nous faire agir tout de suite !  Le fait de savoir que notre vie est limitée dans le temps, et que Dieu a un objectif pour nous est aussi de nature à nous motiver pour grandir tout de suite.

Lorsque le prophète Jonas est venu parcourir Ninive pour annoncer la fin de la cité païenne, en disant (Diapo Jonas, parole) « Encore 40 jours et Ninive est détruite », Dieu et le prophète n’avaient pas tout à fait les mêmes objectifs. Jonas accomplissait une mission imposée et il se réjouissait enfin de voir tous ces hommes méchants être punis. En revanche, Dieu souhaitait que ce délai de 40 jours soit l’occasion d’un changement d’attitude chez les ninivites. Le message transmis se contentait de remettre en question leur avenir. Il introduisait une fin dans leur religion orientée vers le présent, orientée vers le « maintenant », orientée vers une sécurité immédiate. Il introduisait un espoir aussi ! Les habitants de Ninive n’étaient pas obligés de vivre comme il l’avait toujours fait, ils pouvaient changer. Et du coup, chacun des 39 jours qui ont précédé le 40ème et dernier, a subi la pression du jour final.  En annonçant la fin, Dieu a remis les habitants de la Ninive en route vers une justice qu’ils avaient oubliée. En nous annonçant la fin du monde, en annonçant le jugement, Dieu veut juste nous remettre en route vers Lui, il le fait pour notre bien ! L’objectif de Dieu n’est pas de bénir nos conforts actuels, mais de nous tirer vers les hauteurs, vers la sainteté, vers Jésus-Christ. (Diapo Noire)

En définitive, les paraboles du royaume sont un trésor de pédagogie. A la fois, elles ont pris au sérieux les questions qui agitaient l’époque, et en même temps elles ont réorientés avec délicatesse les auditeurs de Jésus vers une compréhension plus juste. Et pour nous qui venons après 2000 ans d’histoire chrétienne, elles sont aussi l’occasion de voir à quel point Jésus savait tout de ce qui allait se produire. Enfin et surtout, ces paraboles sont encourageantes. Le royaume de Dieu est déjà établi sur terre même si c’est de façon cachée, et Dieu est intensément actif aujourd’hui pour faire grandir ses enfants. Son apparente inaction face au mal n’est pas de l’indifférence, mais une attitude de patience qui désire que tous acceptent le pardon offert en Jésus-Christ !

Ces paraboles sont pour moi une source d’émerveillement, d’encouragement et d’adoration ! Je prie que cela soit aussi le cas pour chacun d’entre nous ! Amen !

Questions pour les petits groupes :

  1. En relisant le texte de Matt 13.24-44, qu’est-ce qui vous parle, qu’est-ce qui vous touche le plus ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui vous étonne ou vous dérange ?  Pourquoi ? Prenez le temps d’échanger librement sur ce texte.
  2. Sauriez-vous dire ce que Dieu est en train de faire dans votre vie ? Ce qu’il est en train de vous apprendre ? Ce qu’il est en train de changer en vous ? (C’est un exercice de réflexion difficile, n’hésitez pas à prendre quelques instants de silence avant de faire tourner la parole au sein de votre petit groupe)
  3. Comment réagissez-vous à l’annonce de la fin des temps et du jugement ? Quelles émotions découvrez-vous en vous-mêmes en faisant face à ces vérités proclamées par Jésus ? Pourquoi ? Eprouvez-vous de la paix ou de la crainte ?  Qu’est-ce qui est légitime ou illégitime dans votre ressenti personnel ? Avez-vous des traits de personnalité qui vous poussent naturellement à exagérer un type d’émotion par rapport à un autre ?

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