Prédication du 24 janvier 2021- Marc 1.14-20 -Devenir disciple - « Jésus leur dit : Venez à ma suite… Aussitôt ils laissèrent leurs filets et le suivirent »
Qu’est-ce que c’est, être chrétien ? En 2000 ans d’histoire, on a accumulé tellement de réflexions théologiques, de traditions, de structures… on a exploré la foi chrétienne sous tellement de formes différentes – catholiques, protestants, orthodoxes… et au sein de chaque tradition, encore tant de nuances différentes… Dans chaque communauté même… une telle diversité… qu’il y a de quoi s’y perdre !
Repartons du début de l’histoire, là où tout a commencé il y a 2000 ans, en Israël, au bord du fleuve Jourdain. Alors que le pays est pris d’une fièvre de fin du monde, entretenue par des attentats et des prophéties, Jésus commence à se faire entendre. Les premiers « chrétiens » vont alors apparaître : des personnes dont la vie est soudain bouleversée, réorientée par leur rencontre avec cet homme qui parle au nom de Dieu.
Laissons-nous inspirer par le passage du livre de Marc proposé à la méditation des Eglises protestantes et catholiques pour ce dimanche :
Marc 1.14-20
14 Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée ; il proclamait la bonne nouvelle de Dieu
15 et disait : Le temps est accompli et le règne de Dieu s'est approché. Changez radicalement et croyez à la bonne nouvelle.
16 En passant au bord de la mer de Galilée, il vit Simon et André, frère de Simon, qui jetaient leurs filets dans la mer — car ils étaient pêcheurs //
17 Jésus leur dit : Venez à ma suite, et je vous ferai devenir pêcheurs d'humains.
18 Aussitôt ils laissèrent leurs filets et le suivirent.
19 En allant un peu plus loin, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère, qui étaient aussi dans leur bateau, à réparer les filets.
20 Aussitôt il les appela ; ils laissèrent leur père Zébédée dans le bateau avec les employés, et ils s'en allèrent à sa suite.
« Croyez à la bonne nouvelle »
Jésus passe sur la rive, il appelle quelques pécheurs… « aussitôt », ils laissent leur filet le suivent. Est-ce donc si simple de devenir un disciple ?
Même si on considère, comme l’évangile de Jean le révèle, que ces hommes connaissaient déjà Jésus et son enseignement, leur geste est un sacré pas de foi, une belle marque de confiance.
Qu’est-ce qui les attire ainsi ?
D’abord, le message que Jésus porte : « il proclamait la bonne nouvelle de Dieu et disait : Le temps est accompli et le règne de Dieu s'est approché. Changez radicalement et croyez à la bonne nouvelle ».
J’ai vu récemment sur Netflix l’excellente série « Messiah ».
De nos jours, en Syrie, au milieu du chaos de la guerre, un homme se met à enseigner dans la rue… peu à peu, des gens se mettent à le suivre, de plus en plus de gens dans le monde entier… cet homme à lui seul va bouleverser l’équilibre géopolitique mondial. Qui est-il ? Dieu ? Ou un charlatan, un manipulateur ?
La série questionne beaucoup de choses autour de la foi, de la religion, de la politique… Elle restitue bien, en tout cas, la force que peut avoir la « proclamation » d’un message qui vient rejoindre les aspirations les plus profondes, et donner une espérance nouvelle à ceux qui cherchent un avenir. Et l’impact que peut avoir un messager habité par son message.
Encore aujourd’hui, nous sommes témoins de cet impact – quand sur les seuls mots du président Trump, une foule s’attaque soudain aux institutions les plus respectées de la démocratie américaine.
Force du messager, que Marc met ici en avant. Parce que la foi est davantage une rencontre avec la personne du Christ que l’adhésion à une doctrine.
Même s’il y a un vrai message à croire, une « bonne nouvelle », que Marc résume ici sobrement : « Le temps est accompli et le règne de Dieu s'est approché ».
Le reste de la Bible nous permet de mieux comprendre le contenu de ces paroles qui bouleversent la vie des pêcheurs galiléens ; dans la personne de Jésus, c’est Dieu lui-même qui vient à notre rencontre. « C’est parce que Jésus s’approche que le Royaume s’approche ». Jésus vient annoncer « la volonté de Dieu que toute créature expérimente l’amour qui rachète ». Il le fait avec douceur et puissance en même temps.
Etre chrétien, c’est avoir entendu cette nouvelle, et y croire, pour soi. D’une foi qui transforme la vie, qui nous fait changer radicalement.
« Changez radicalement et croyez à la bonne nouvelle ».
La repentance, une bonne nouvelle !
Les traductions plus anciennes disent : « repentez-vous et croyez à la bonne nouvelle ».
J’ai vu le graffiti suivant sur les berges du Rhône :
« Repentez-vous ». Comment comprend-on cette expression aujourd’hui ? Qu’est-ce que les passants comprennent de ce message ?
Je ne crois pas que la repentance soit très populaire. On l’associe à la dévalorisation de soi, la culpabilisation – quelque chose de négatif, associé à la religion, un carcan d’interdits et de règles à suivre pour « mériter son paradis ».
Mais les premiers disciples ici, nous donnent une image différente de la repentance : ils laissent leurs filets – leurs ancienne direction – pour suivre joyeusement Jésus !
La repentance, en effet, est une bonne nouvelle !
Bien sûr, il est normal de se sentir mal quand on reconnait qu’on a fait fausse route, qu’on a fait du mal, le mal. L’apôtre Paul parle de cette tristesse « selon Dieu » qui pousse à se remettre en question, à demander pardon. Qui pousse vers la vie ! Comme le grec metanoïa traduit par « repentance », « changement radical » le souligne – un mot qui insiste surtout sur ce mouvement, plein de vie, qui est un changement de direction.
Metanoïa : réfléchir après telle parole ou tel fait qui entraîne un changement intérieur. Sous l’éclairage de Dieu ici.
Jésus vient révéler les ténèbres par sa lumière, révéler nos impasses par ses actes et ses paroles incisives.
En l’écoutant, nous pouvons prendre conscience que nous faisons fausse route, et décider de changer, en suivant le chemin de vie que Jésus nous trace.
Devenir disciple de Christ, cela implique toujours une telle conversion qui est à la fois une décision à prendre à un moment précis, et un processus permanent, car on est toujours en train de changer.
« Frères et sœurs, vous avez appris de nous comment vous devez vous conduire pour plaire à Dieu. Certes, vous vous conduisez déjà ainsi. Mais maintenant, nous vous le demandons avec insistance au nom du Seigneur Jésus : faites mieux encore ! » (1 Thess 4.1)
Sommes-nous encore en route, en mouvement avec Christ ?
Qu’est-ce qui nous a arrêté ?
« Aussitôt ils laissèrent leurs filets et le suivirent ».
Changer, se repentir, implique d’abandonner des choses, comme l’exprime avec force ce verset qui m’a particulièrement interpellé.
Geste fort, symboliquement. Marque d’un changement vraiment radical !
Ils laissent leurs filets…
Pourquoi Marc insiste-t’il tant sur la pêche et les filets ? Il décrit ces hommes « qui jetaient leurs filets dans la mer — car ils étaient pêcheurs ». Puis Jésus les appelle à devenir « pêcheurs d'humains ».
« ils laissèrent leurs filets ». Ensuite, Jésus voit Jacques et Jean « qui étaient aussi dans leur bateau, à réparer les filets ».
Sans doute que les filets disent la condition de ces hommes : pas des religieux ou des mystiques en quête spirituelle ; des gens ordinaires bien dans la « vraie vie », comme nous tous. Ainsi l’appel à devenir disciple de Jésus est pour tout le monde.
Les filets c’est aussi toute leur vie : c’est leur milieu, leur culture, leur compétence. Leur gagne-pain. Leur histoire familiale aussi, puisqu’ils pêchent en famille.
Cela donne alors toute la portée de leur geste : le message apporté par Jésus et la confiance qu’il inspire sont si forts qu’ils laissent leur vie pour le suivre vers on ne sait où. Ils laissent leur vie pourtant tout à fait respectable, pour aller chercher autre chose – cette vie plus grande que Jésus leur promet.
« Le temps est accompli », c’est le moment pour faire le choix radical de revenir à Dieu, en suivant le Christ – et ils le font.
Pour nous aussi, c’est le moment : qu’allons-nous faire ?
Sommes-nous prêts à suivre le Christ, à vivre comme lui et faire ce qu’il nous enseigne, aujourd’hui, là où nous sommes ?
Cela implique de revoir la priorité de nos attachements, comme ces premiers disciples.
Ils laissent leurs filets – leur sécurité financière, leur domaine de maîtrise… pour mettre leur confiance d’abord en Jésus.
Nos filets, c’est peut-être aussi une source d’orgueil… et quelque chose dans lequel nous sommes retenus, emprisonnés… et qu’il faut laisser pour en sortir.
Ces hommes laissent aussi leur famille – « Aussitôt il les appela ; ils laissèrent leur père Zébédée dans le bateau avec les employés, et ils s'en allèrent à sa suite ».
Pas facile pour eux de laisser ainsi leur père – ils le mettent en difficulté ! Cf « le Voyage des Pères ».
Mais ils quittent tout pour suivre Jésus.
Y a-t-il des sécurités, des attachements que je devrais remettre en question pour suivre Jésus aujourd’hui ?
Entendre l’appel
« Aussitôt ils laissèrent leurs filets et le suivirent ».
Finalement, le mystère central reste entier : pourquoi ces hommes laissent-ils tout en plan pour suivre Jésus ?
Cela procède je crois du mystère de la force de la parole de Dieu, sous l’action du Saint Esprit qui vient la rendre percutante, qui l’amène jusqu’à notre intelligence et au cœur et permet de répondre à l’appel. Jésus ici vient de recevoir le baptême et de résister à la tentation dans le désert, il rayonne de force intérieure et sa parole pleine de vie conduit ces hommes à vouloir le suivre.
Parole d’autorité de Jésus : « suivez-moi ».
Parole créatrice du Fils de Dieu, auteur de tout ce qui existe, capable de faire de nous des êtres nouveaux, libérés, régénérés, par un simple appel : « suivez-moi ».
Parole divine qui n’impose pas, mais demande notre confiance, et nous invite personnellement – André, Jacques, Jean… et chacun de nous.
Mais parole d’un Dieu qui veut tout de nous – pas seulement les miettes.
« Venez à ma suite, et je vous ferai devenir pêcheurs d'humains ». Dieu a un plan pour notre vie, notre vie toute entière.
Ainsi l’Evangile n’est pas un « plus » à ajouter à notre vie pour aller mieux et trouver du sens. Il est un appel à recentrer notre vie toute entière sur Dieu, à lui confier notre existence pour qu’il nous sauve du chemin de mort sur lequel nous sommes, et fasse de nous des bénédictions pour les autres – qu’à notre tour nous participions à sa grande œuvre de repêchage !
Etre chrétien, c’est répondre à cet appel au changement et à la confiance radicale en Dieu, pour une vie radicalement différente, radicalement centrée sur l’amour.
Rien de moins.
Répondre par des actes
A cet appel, les premiers disciples répondent par un acte : tout laisser et se mettre en route. Ils ne se contentent pas d’intentions, de projets : ils agissent.
C’est un encouragement pour nous aussi à répondre à l’appel de Jésus par des actes de changement radical, des prises de position concrètes – et ce, que nous marchions avec lui depuis longtemps ou pas.
Appel à manifester notre repentance par un changement d’attitude concret : cesser de faire le mal, faire le bien.
« que le voleur ne vole plus, dit ainsi Paul aux Ephésiens. Qu’il se donne plutôt de la peine à travailler honnêtement de ses propres mains, pour avoir de quoi donner à celui qui est dans le besoin » (Eph.4.28).
Changement de direction radical, vers la vie.
L’important, ce ne sont pas nos efforts ou les résultats que nous obtiendrons, c’est le Christ qui nous aime et nous amènera à destination, malgré nos faiblesses.
Comme ces pêcheurs du premier siècle, ce texte nous invite à nous mettre en route avec lui, à commencer avec lui.
Car comme le disait Grégoire de Nysse, un père de l’Eglise, la vie chrétienne c’est aller « de commencements en commencements par des commencements sans fin ».
Alors commençons ou recommençons à écouter la Bonne Nouvelle apportée par Jésus et à changer de direction, à sa suite. Commençons ou recommençons à prier. Commençons ou recommençons à lire la Bible, à fréquenter les autres chrétiens à croire que l’Eglise est ce lieu bienfaisant que Dieu a prévu pour nous aider à le découvrir et à l’aimer. Commençons ou recommençons à faire du bien aux autres, à pardonner, à servir…
Pour conclure, je vous invite à réentendre ce passage, cette parole qui s’adresse à nous ce matin, et nous invite, nous appelle. Mettons-nous à la place de ces pêcheurs de Galilée. Comment allons-nous répondre à l’appel de Jésus ?
14 Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée ; il proclamait la bonne nouvelle de Dieu
15 et disait : Le temps est accompli et le règne de Dieu s'est approché. Changez radicalement et croyez à la bonne nouvelle.
16 En passant au bord de la mer de Galilée, il vit Simon et André, frère de Simon, qui jetaient leurs filets dans la mer — car ils étaient pêcheurs.
17 Jésus leur dit : Venez à ma suite, et je vous ferai devenir pêcheurs d'humains.
18 Aussitôt ils laissèrent leurs filets et le suivirent.
19 En allant un peu plus loin, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère, qui étaient aussi dans leur bateau, à réparer les filets.
20 Aussitôt il les appela ; ils laissèrent leur père Zébédée dans le bateau avec les employés, et ils s'en allèrent à sa suite.
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