Prédication du 10 janvier 2021 - Jean 12.20-28 - Semer nos vies pour le Royaume
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Qu’y
a t’il dans cette bouteille ?
25550
grains de blé. Un pour chaque jour de vie, de la naissance à 70 ans.
Une façon de matérialiser le temps
inspirée par Ann Voskamp dans son livre La voie brisée.
25550
jours. Comment les vivre ? La question peut être plus ou moins angoissante,
selon qu’on pense avoir un bocal plein, que la moitié est déjà vide, voire
plus… Il peut arriver qu’on apprenne soudain que ce bocal qu’on croyait encore
bien rempli ne contient plus que quelques grains pour nous…
Ainsi,
plus le temps passe, plus chaque grain devient précieux. On voudrait
pouvoir les retenir, les garder à l’abri du bocal…
Et
chaque jour qui passe, la question nous est posée : que vas-tu faire de
ce temps qui t’est donné ?
Un
texte de la Bible alors vient murmurer à nos oreilles… Cette image du grain…
Jésus lui-même l’a utilisée… pour dire quoi déjà ? Qu’a-t’il fait, lui,
des jours qui lui étaient donnés ? N’y a t-il pas là une piste, une
réponse, un chemin pour nous ?
Jésus
se trouve à Jérusalem, juste avant la fête de la Pâque.
Lecture : Jean 12.20-28
20
Il y avait quelques Grecs parmi
les gens qui étaient montés pour adorer pendant la fête.
21
S'étant approchés de Philippe,
qui était de Bethsaïda, en Galilée, ils lui demandaient : Seigneur, nous
voudrions voir Jésus.
22
Philippe vient le dire à
André ; André et Philippe viennent le dire à Jésus.
23
Jésus leur répond :
L'heure est venue où le Fils de l'homme doit être glorifié.
24
Amen, amen, je vous le
dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il demeure seul ;
mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit.
25
Celui qui tient à sa vie la
perd, et celui qui ne tient pas à sa vie dans ce monde la gardera pour la vie
éternelle.
26
Si quelqu'un veut me servir, qu'il
me suive, et là où moi, je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un veut
me servir, c'est le Père qui l'honorera.
27 Maintenant je suis troublé. Et que dirai-je ? Père, sauve-moi de cette heure ? Mais c'est pour cela que je suis venu en cette heure. 28 Père, glorifie ton nom !
Pendant 30 ans, Jésus a vu défiler les grains
de blé de sa vie, jusqu’à ce jour où l’arrivée de non-juifs qui désirent lui parler :
c’est un signe que l’heure de sa mort est venue, l’accomplissement des
prophéties : la gloire du Messie commence à attirer à Jérusalem des
gens de tous les peuples, bien au-delà d’Israël.
« L'heure est venue où le Fils de l'homme doit être glorifié »
- Oui, la gloire de Dieu va se manifester, mais d’une façon totalement
inattendue : à travers les souffrance et la mort de Jésus, comme il
le révèle au verset 24 : en effet, il est ce grain de blé
qui doit tomber en terre.
Voilà ce que Jésus a choisi de faire des jours
qui lui étaient donnés : les offrir, les sacrifier pour produire plus de
vie, amener à la vie d’autres grains.
De la même façon, il nous appelle nous aussi à
nous donner, à nous « semer », à faire de chacun de nos jours des
dons pour les autres, pour que par la grâce de Dieu, nos vies comme des
grains plantés en terre soient multipliées…
Méditons cela.
Jésus, grain semé pour nous
23 Jésus leur répond : L'heure est venue où le Fils de l'homme
doit être glorifié.
24 Amen, amen, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en
terre et ne meurt, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de
fruit.
Une vie orientée vers le don de soi
Ce
jour-là, à Jérusalem, Jésus voit arriver le moment vers lequel toute son
existence a été tendue, depuis sa naissance : « Maintenant je suis
troublé. Et que dirai-je ? Père, sauve-moi de cette heure ?
Mais c'est pour cela que je suis venu en cette heure ».
Comme
chacun de nous, Jésus aime vivre, et la pensée de mourir, de souffrir,
le bouleverse – il est « troublé.
Mais
une pensée ici semble l’aider à tenir le cap de l’obéissance à Dieu : s’il
renonce, s’il choisit de garder les grains de sa vie dans un bocal rassurant, il
restera seul – stérile. L’amour pour nous au contraire le pousse à accepter
de mourir pour « porter beaucoup de fruits ». C’est le sens de sa vie,
toute entière tendue vers ce don de soi : « c'est pour cela que je suis
venu ».
De même, quand nous pensons à notre vie qui défile, il est naturel d’être troublé – nous voulons vivre ! Mais l’Evangile nous invite à ce changement de regard : au lieu de regarder la vie que nous perdons, considérer la vie que nous pouvons produire, ce que nous pouvons semer de bon pour aider les autres à s’épanouir.
Oui,
en regardant le grain de ce jour qui nous est donné, nous pouvons voir un
simple grain, que nous allons perdre - mais nous pouvons aussi voir l’épi et
même le champ de blé et même le pain présents en germe dans ce grain – tout ce
que nous pouvons offrir aux autres, pour que nos vies produisent plus de vie
autour de nous.
Que
choisissons-nous de voir ?
Nous vivons de sa vie
brisée et semée
La
question, déjà, nous est posée devant la mort de Jésus sur la croix : que
voyons-nous ? L’échec d’un leader populaire ? La mort d’un
idéaliste ? Un point final atroce ?
Ou
l’amour de Dieu venu ouvrir nos vies à la sienne ?
Avant
même sa mort, Jésus prépare ses disciples à voir, derrière ce supplice qu’il va
subir, une autre réalité : quelque chose de nouveau va naître de cette mort.
Au
delà, le grain semé va germer, comme Jésus le dit quelques versets plus loin :
Quand
j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi.
Il
disait cela pour signifier de quelle mort il allait mourir.
Jésus
va être physiquement « élevé » en étant mis sur une croix, mais cela
préfigurera l’élévation qu’il va vivre ensuite : image de la
résurrection, de sa montée en gloire à la droite de Dieu, où il recevra
l’autorité sur toute la Création.
Image
du salut aussi : le grain semé va germer, pour la vie d’un grand nombre
de personnes.
Ainsi,
à quelques jours de son supplice, Jésus a les yeux fixés par delà de la
souffrance qui l’attend sur l’immense moisson d’hommes et de femmes que
Dieu a prévu de produire à travers son sacrifice.
Comme
le grain doit être ouvert, brisé, mis en terre pour que germe un épi chargé
d’encore plus de grains, qui seront écrasés pour produire du pain… de la même
façon, Jésus devait mourir pour que nous vivions.
On
rejoint ici le symbole de la Sainte Cène : « le corps de Christ, brisé
pour nous » - ou « donné pour nous », selon les passages.
Son corps brisé, donné, est la condition de notre vie. La mort
étant la conséquence du péché, Christ devait mourir volontairement à notre
place pour nous délivrer de la puissance de ce péché, de la punition liée au
péché, afin de nous ramener à Dieu, nous racheter de l’enfer et nous ouvrir la
vie éternelle.
« Si
le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il demeure seul ; mais s'il
meurt, il porte beaucoup de fruit ».
Oui,
nous pouvons vivre une vie nouvelle parce qu’il y a deux mille ans, Jésus a
accepté de se donner pour nous, d’être « semé ». C’est le fondement de
notre espérance et de notre foi, un évènement historique unique qui donne
sens à nos vies encore aujourd’hui – nos vies, ces tas de grains qui
partent si vite : si nous acceptons pour nous ce que Jésus a fait là, sur
la croix, nos grains sont multipliés en vie éternelle… Lorsque nos jours seront
écoulés, Dieu nous en offrira d’autres, au-delà de la mort, dans sa présence…
Avec
la promesse que dès aujourd’hui, cette vie abondante, capable de se
multiplier par l’action du St Esprit créateur, est implantée au cœur de nos
existences…
Pour
que cela se produise cependant, il nous faut le croire, et accepter le
cadeau que Jésus fait – le don de sa vie pour notre vie… Accepter
que la graine de la vie nouvelle soit plantée dans la nôtre… l’avez-vous
fait ?
Semer notre vie
Voilà
donc le sens de la croix, un mystère à contempler et croire… mais pas
seulement : car aux versets 25 et 26, Jésus nous appelle aussi à l’imiter
en donnant nos vies nous aussi, comme il l’a fait.
26 Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive, et là où moi, je
suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un veut me servir, c'est le Père
qui l'honorera.
La destinée de Jésus
dessine celle de tous les chrétiens
Jésus
exprime ici cette loi du renoncement à soi-même qui est au cœur de son
enseignement, mais souvent mal comprise : à cause de certaines
traductions qui disent : « celui qui déteste sa vie », on
a cru que Jésus demandait de ne pas aimer la vie, voire de s’infliger des
privations pour mériter le salut, ce qui est une dérive dangereuse.
En
réalité, ce qu’on traduit par « détester » ici est une expression
juive qui signifie « aimer moins ou plus » : Jésus dit en fait que
celui qui aime trop sa vie dans ce monde va la perdre, au final.
« 34 Si quelqu'un veut me suivre, qu'il
se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive. 35 Car
quiconque voudra sauver sa vie la perdra, mais quiconque perdra sa vie à cause
de moi et de la bonne nouvelle la sauvera.
36 Et à quoi sert-il à un être humain de gagner
le monde entier, s'il perd sa vie ? »
Marc 8.34-36
Le
disciple de Jésus ne doit pas « détester » sa vie mais l’estimer à
sa juste valeur, « bien compter (ses) jours », comme dit le
Psaume 90. Ne pas perdre de vue que la vie dans ce monde est passagère et
transitoire et la vivre dans la perspective de la vie éternelle :
voilà qui aide à faire des choix qui ont du sens, voilà ce qui donne leur juste
valeur à nos jours et peut nous aider à en faire quelque chose de fécond
pour les autres.
Celui
qui essaie de se sauver lui-même, qui cherche tellement à préserver sa vie qu’il
en garde jalousement les grains dans un bocal fermé restera seul, stérile.
L’art de vivre, c’est
l’art de donner
En
revanche, celui qui investit sur les valeurs du Royaume de Dieu verra sa vie
se multiplier en plus de vie, car il travaille dans le sens du Dieu de la
vie.
Et
le premier investissement, dont Jésus donne l’exemple ici, c’est d’aimer, ce
qui signifie se donner aux autres.
Voici comment nous savons ce qu'est l'amour :
Jésus Christ a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie
pour nos frères et nos sœurs.
1 Jean 3.16
Donner
est ainsi placé au centre de notre vie, ce qui permet d’affirmer que l’art
de vivre, selon Jésus, c’est l’art de donner. De se donner, de donner son
temps.
A
la question : que vais-je faire de tous ces grains de temps que Dieu
m’accorde ? – Jésus répond : donne-les. Sème-les. Parce que…
« Donner, c’est posséder
vraiment », disait Spurgeon.
Ann
Voskamp quant à elle écrit : « l’amour de Dieu donne constamment, se
brise toujours et se donne – pour offrir de la joie ». Dieu se glorifie en
donnant – « en donnant ce dont nous avons le plus besoin ». Et il
nous invite à entrer dans ce mouvement de don. Bien vivre, bien mettre à
profit les grains de vie qui nous dont donnés, c’est donc les planter, les
offrir plutôt que d’essayer de les retenir.
Le
meilleur profit que nous puissions tirer de nos jours est de les placer sous le
signe du don.
Voilà
la vie qui plaît à Dieu, une vie qui porte du fruit :
« C'est partager ton pain avec celui qui a faim, c'est ouvrir
ta maison aux pauvres et aux déracinés, c'est fournir un vêtement à celui qui
n'en a pas, c'est ne pas te détourner de celui qui est ton frère.… si tu partages
ton pain avec celui qui a faim, si tu réponds aux besoins du malheureux, alors
la lumière chassera l'obscurité où tu vis. Au lieu de vivre dans la nuit, tu
seras comme en plein midi.
Le Seigneur restera ton guide ; même en plein désert, il te rassasiera
et te rendra des forces. Tu seras comme un jardin bien arrosé, comme une
fontaine abondante dont l'eau ne tarit pas » (Esaïe 58.6-11)
Semer nos vies : il y a quelques semaines, Fréderic
Hubault a évoqué ces grandes figures de la foi dont la vie est encore source
de vie pour le monde longtemps après leur mort : Mère Térésa, MLK…
Mais
chacun de nous, très modestement, peut donner sa vie pour la moisson de Dieu.
On ne parle pas ici simplement
de l’engagement dans les services de l’Église, ou pour de grandes
causes mais de notre vie entière, dans ce qu’elle a de quotidien, de banal.
C’est là où nous sommes déjà –
notre famille, notre réseau, notre travail – que nous sommes appelés à vivre le
don de nous-mêmes, selon la jolie formule d’Ann Voskamp :
Deviens le cadeau dont le monde a besoin.
De
quoi ceux
qui m’entourent ont-ils besoin ? Et qu’est-ce que Dieu m’a confié, pour que je
le partage avec eux – du temps, de l’argent, une présence, des choses que
je sais faire… ?
Finalement,
que signifie concrètement : donner nos vies, semer nos jours ? Le
réponse est dans l’exemple de Jésus. A nous de le méditer, de le laisser nous
inspirer…
Cet
exemple de Jésus nous montre en tout cas que le don de soi, qui est l’amour,
est toujours risqué, et qu’il nous faut assumer ce risque: si Jésus,
dont l’amour était parfait, a été rejeté, cela nous arrivera aussi. Nous
ouvrirons notre cœur à des gens qui en profiteront pour nous blesser profondément ou
mépriserons ce que nous aurons offert ; nous courrons le risque de ne plus
avoir assez pour nous-mêmes, de ne pas avoir de retour…
Mais
dans ces efforts pour « semer nos vies », une double promesse nous
est faite :
26 Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive, et là où moi, je
suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un veut me servir, c'est le Père
qui l'honorera.
Double
promesse : Jésus garantit qu’il sera avec nous dans tout cela, et
le Père garantit qu’avec lui, nous ne donnerons pas notre vie pour rien.
Il a ressuscité Jésus et l’a élevé auprès de lui, et il fera la même chose pour
nous !
Si
les autres ne comprennent pas, Dieu lui nous « honorera », avec
justice et amour.
Alors
combien des 25550 jours nous reste-t’il à vivre ? Nous ne le savons
pas.
Mais,
comme Jésus nous y appelle, que nous puissions faire de chacun d’eux un don
d’amour pour ceux qui nous entourent.
Il
n’y a pas de recette unique pour cela, et chaque jour amène des opportunités particulières
de faire le bien, de faire du bien. De bénir.
A chacun de nous de voir ce
qu’il peut donner, et comment.
Que par son Esprit, le Christ
nous guide et nous donne la force nécessaire pour cela, tout au long des
jours qu’il nous accordera de vivre.
Amen
Questions
Ai-je mis ma confiance en Jésus, mort et ressuscité pour
moi ? Je peux lui remettre ma vie, maintenant, pour qu’il m’aide à en
faire quelque chose de fécond, pour qu’il la multiplie…
Comment vais-je « semer ma vie », aujourd’hui ? Que
vais-je donner ? A qui ?
Et demain ?
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