Série : « A ceux qui nous ont offensés » - Prédication du 28 octobre 2018 (2/4). Pardonner comme Dieu pardonne (S.Guiton).

« Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous offensés ». 
« Remets-nous nos dettes, comme nous aussi nous remettons à nos débiteurs ». 

Il y a quinze jours, nous avons abordé à la lumière de ces paroles de Jésus la question du pardon  le commandement du pardon, même— en écho à l’exposition qui se déroule jusqu’en janvier à la Causerie, et dont les oeuvres illustreront mon propos ce matin encore. 

Dans le premier « épisode », nous abordé le sujet en parlant de l’offense. De l’insulte, du rejet, de l’agression, de la violence qui soudain nous percutent et nous laissent à la fois blessés et pleins de colère. 
C’est là que la question du pardon se pose, avec force : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous offensés ». 

Nous avons vu que toute offense contre quelqu’un est aussi offense, donc péché, contre Dieu. Que tous les troubles dans nos relations avec les autres affectent notre relation avec Dieu. 

Nous avons vu comment un plein pardon n’est possible que si la blessure infligée est regardée en face, autant que possible, reconnue, pesée à son juste poids, et si les conséquences de l’insulte, de l’agression sont prises au sérieux. 


Nous avons vu que face à une violence injuste, il est naturel et légitime que nous soyons en colère, ce n’est pas un péché et cette colère doit s’exprimer… mais que la Bible avertit sur le danger que cette colère nous pousse à pécher en retour et se change en vengeance destructrice, en amertume.

Or, pour que la colère ne nous détruise pas, pour que le péché de l’offense cesse de nous séparer de Dieu, le seul chemin que le Seigneur nous indique… est celui du pardon. 

Comment pardonner, cependant ? Comment passer de la colère au pardon ? Avançons encore un peu sur ce chemin, ce matin. 

Pour savoir comment pardonner… il faut imiter Dieu. Le Notre Père suggère cela : « pardonne nous… comme nous pardonnons ».


Paul le dit aussi aux Colossiens 3.12-15) : 
« 12 Dieu vous a choisis, il veut que vous soyez à lui et il vous aime. Donc, faites-vous un cœur plein de tendresse et de pitié, un cœur simple, doux, patient. 13 Supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous si quelqu'un a un reproche à faire à un autre. Le Seigneur vous a pardonné, agissez comme lui ! 14 Et surtout, aimez-vous : l'amour est le lien qui unit parfaitement ».

Le pardon divin, voilà le modèle à suivre pour pardonner, à notre tour. 
Parce que pardonner, c’est un véritable acte d’amour et que seul Dieu seul est parfait amour, capable de nous inspirer de vraies paroles,  de vrais actes d’amour. 
Parce que le pardon interroge notre sens de la justice, et que Dieu seul est parfaite justice.
Parce que c’est le choix de Dieu de nous pardonner en Jésus-Christ qui nous rend capables de pardonner à notre tour. 
Parce qu’entrer dans une démarche de pardon c’est obéir au Seigneur, ça implique de renoncer à soi-même, de prendre sa croix et de suivre le Christ comme un vrai disciple. Et ce n’est possible qu’avec la force de l’Esprit Saint. 

Que révèlent les Ecritures sur la façon dont Dieu pardonne ?  
Elles nous aident déjà à comprendre ce que le pardon n’est pas


Premièrement, quand il nous pardonne, Dieu ne dit pas pour autant que nous sommes innocents. Au contraire, il nous déclare coupables ! 
Ainsi, pardonner ce n’est pas excuser ceux qui nous font du mal, dire qu’ils ne sont pas coupables, minimiser les faits. 
Non, pardonner, ce n’est pas déclarer innocent l’offenseur. On entend souvent dire : « si Dieu est vraiment amour, il ne peut pas juger, il pardonnera tout le monde et « on ira tous au paradis ». Réduire Dieu à une espère de papa gâteau laxiste, c’est aussi minimiser le poids de l’offense - le péché - nier à la fois la justice et notre liberté, et mal comprendre ce qu’est l’amour : quand on aime quelqu’un, on ne peut pas se satisfaire de le laisser se faire du mal et faire du mal aux autres sans rien dire. Or Dieu nous aime ! 

Voilà pourquoi dire « ce n’est pas sa faute, je le comprends », alors qu’on est blessé et que la personne a vraiment fauté, ce n’est ni du pardon ni de l’amour. Car en excusant l’autre, je ne le reconnait pas comme responsable de ses actes. Or, sauf cas rares, il l’est ! Si je l’excuse à la va vite, comment apprendra-t’il à faire bon usage de cette liberté, comment sortira-t’il de ses mauvais comportements ? Et comment justice pourra-t’elle être rendue ? 

Au risque d’être un peu dur, je dirai qu’en tant que chrétiens nous avons souvent une fausse façon de pardonner qui empêche la guérison, la réconciliation, et qui est surtout une fuite. Je pense à cette mère de famille qui a été insultée et méprisée plusieurs fois par sa belle soeur, et qui pourtant fait bonne figure chaque fois qu’elle la rencontre. Chaque fois que quelqu'un dans la famille évoque ces offenses, et s’étonne que les deux femmes n’en aient pas reparlé, la mère de famille s’emporte : « c’est bon, j’ai pardonné, on n’en parle plus ». 
Réaction de défense, qu’il faut respecter je crois mais sans pour autant penser que le problème est résolu. Au contraire. 


Non, pardonner ne doit pas être une fuite, mais un acte de courage qui pousse à faire face à son agresseur. 
Cela n’a donc rien à voir avec une attitude de résignation passive, avec le fait de subir sans rien dire. Dieu ne se laisse pas mépriser, rejeter… sans rien dire ! 

On voit cela chez les prophètes de l’AT, par exemple en Jérémie 9.1 :
« 1 Ah ! je voudrais être au désert, là où les voyageurs s’arrêtent. Je laisserais mon peuple et je m'en irais loin de lui. C'est une bande de traîtres, ils sont tous adultères.
2 Le SEIGNEUR déclare : « Leur langue est aussi dangereuse qu'un arc…. ils vont de crime en crime, mais ils ne me connaissent pas.
3 Chacun doit se méfier de son ami. Personne ne doit faire confiance à son frère….Même un ami ne fait que dire des choses fausses sur vous…. Ils agissent si mal qu'ils ne peuvent pas revenir vers moi »…

Ces tristes accusations, qui ne sont qu’un constat, s’étendent sur plusieurs chapitres… Et pourtant, juste après, le Seigneur va offrir son pardon au peuple, lui promettre le rétablissement de l’alliance et l’appeler à revenir vers lui. 

Comme le Seigneur, il nous faut dire la vérité dans l’amour et mettre des limites à tout comportement abusif. Même Jésus l’a fait, en quittant certains lieux où il était en danger. Jésus n’était pas un « faible », il ne voulait pas subir passivement la violence, mais se donner volontairement, au moment voulu. C’est très différent. 


Qu’est donc le pardon ? 

D’abord, si Dieu nous a pardonnés une fois pour toutes en Jésus-Christ, en prenant sur lui le prix de nos offenses, pour nous pardonner n’est pas un acte unique. C’est un processus, un chemin. Parce que refaire confiance quand on a été trahi, ça demande du temps. Parce que les blessures doivent cicatriser. Le vrai pardon est toujours un processus, qui peut-être très long, et qui exige parfois d’être renouvelé - Jésus parle ainsi de pardonner 77 fois 7 fois... et ça peut être pour la même offense.  


Ensuite, pardonner est un renoncement, une décision volontaire. Dans le Nouveau testament, le mot qu’on traduit par « pardonner » signifie littéralement « relâcher, laisser aller ». Remettre une dette. Libérer.
Le premier pas dans le processus de pardon est donc un lâcher prise : lâcher le droit de faire du mal en retour. Aller contre l’instinct naturel de la vengeance : « ne vous vengez pas vous-mêmes, mais laissez la colère de Dieu agir », dit Paul en Romains 12. Quand Dieu pardonne, il renonce à tirer vengeance, alors qu’il serait en droit de le faire. Quand à nous, nous devons décider d’abandonner la dette, de « lâcher » l’offense et nous ne pouvons le faire qu’en la remettant à la justice de Dieu. Sinon, qui fera justice pour ce que nous avons subi ?  

En prenant la décision de lâcher notre droit à la vengeance, nous ne pouvons pas décider d’oublier l’offense. Quand Dieu dit, en Esaïe 43.25 » : « C'est moi, moi seul, qui de moi-même efface tes transgressions ; je ne me souviendrai plus de tes péchés », il ne dit pas qu’il va les effacer de sa mémoire (sinon, pas de jugement dernier, où « chacun rendra compte… » : il dit qu’il choisit de ne pas tenir rigueur de ces péchés à son peuple qui se repend.
On parle d’une mémoire « non rancunière du mal. Une mémoire qui ne nous enferme pas dans le passé ». Comme le dit quelqu’un, « ces pages de ma vie sont tournées même si elles restent dans le livre ». Combien de fois au contraire dit-on qu’on a pardonné, alors qu’on continue à lire, et relire, et relire encore la page où sont écrites les offenses ? 


Enfin, l’exemple de Dieu nous montre qu’après la décision de lâcher l’offense, il y a la nécessité d’un mouvement vers l’autre : ainsi Jésus dit en Matthieu 18.15 : « Si ton frère te fait du mal, va le voir et fais-lui des reproches quand tu es seul avec lui. S'il t'écoute, tu as gagné ton frère ».

Jésus dit ici que l’offensé doit aller vers l’offenseur pour lui dire sa blessure, si celui-ci ne vient pas spontanément. C’est un peu contraire à nos habitudes. 
Parce que pardonner ne signifie pas ne plus avoir mal. Parfois les blessures sont très profondes et le fait de souffrir encore ne signifie pas ne pas pardonner.
Et parce qu’il faudra pouvoir dire, à un moment ou l’autre, qu’on a été blessé, sinon aucune vraie réconciliation ne sera possible. 
C’est cela, la démarche de l’amour : retourner vers l’autre : « va vers ton frère »… refuser de le laisser comme ça. Lui dire : « tu m’as blessé » et en disant cela lui tendre la main… mais pas pour le frapper ! Pour reconstruire une relation. 



C’est peut-être le plus dur, mais c’est ce que Dieu a fait en Jésus pour nous : « Il nous a réconciliés avec lui par le Christ et il nous a demandé d'annoncer cette réconciliation. Oui, c'est Dieu qui a réconcilié le monde avec lui, par le Christ. Il ne tient plus compte des fautes des êtres humains et il nous charge d'annoncer cette parole de réconciliation » (2 Co 5.18-19).

L’exemple de Dieu révèle que pardonner implique aussi d’aller vers l’autre pour rechercher une réconciliation. C’est elle, au final, qui est l’objectif du pardon. On pardonne pour éviter d’être nous-mêmes détruits par la haine, on l’a bien répété, mais pas seulement : en vérité Dieu nous pousse encore plus loin, jusqu’à chercher le rétablissement des relations.

Pardon et réconciliation… est-ce vraiment possible ? Toujours possible ? Et à quelles conditions ? C’est le sujet d’une prochaine fois ! 

Je voudrais finir en soulignant ceci : le texte de 2 Corinthiens que nous venons de lire dit bien combien Dieu est concerné par nos problèmes relationnels. En vérité il est proche de nous, il s’engage avec nous quand nous décidons de pardonner.
Il ne se contente pas de nous donner un modèle théorique de pardon en nous laissant seuls face à un tel défi. Il est celui qui nous rend capables de pardonner, et même, qui veut pardonner à travers nous. Et qui l’a fait, le premier, en payant le prix fort. 
Car c’est alors qu’il était blessé, au milieu d’atroces souffrances, injustement rejeté, que Jésus a prié ceci : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23.34). C’est Dieu, par son Fils, le Verbe fait chair, qui prononce ces paroles. Elles sont vivantes pour nous aussi. Si nous voulons pardonner, c’est seulement en Jésus-Christ crucifié, dans sa Parole, dans sa puissance, que nous trouverons la force de le faire.

Alors pour pardonner, il nous faudra de la volonté, et il nous faudra de la foi. Il nous faut abandonner notre vie, notre défense, notre fierté entre les mains de notre Père céleste… et lui obéir en allant vers l’autre pour lui offrir le pardon, et ainsi le libérer. 
Jésus dit que la foi grosse comme une graine de moutarde peut faire s’écrouler les montagnes. 

Le fait de pardonner peut nous sembler une montagne, mais croyons que si nous nous lançons à l’assaut de cette montagne, le Seigneur saura aménager le chemin sous nos pas, et nous donner la force de la dépasser. 

Sylvain Guiton

Questions pour la discussion en groupe 


(inspirées par le travail de J. Buchold dans le pardon et l’oubli)

Offense et colère

Pour quelles raisons un chrétien devrait-il chercher à abandonner sa colère contre son offenseur et refuser de s’enfermer dans l’amertume ? 

Comment, concrètement, la personne offensée peut-elle lutter contre sa colère ? 

Comment comprendre, dans ce contexte, la demande du Notre père qui dit : « pardonne-baronne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » ? 


Le pardon 

Que pensez-vous de cette définition du pardon proposée par Calvin : 
« Le pardon et la rémission qu’il nous faut faire,  est d’ôter volontairement de notre coeur toute colère, haine, désir de vengeance, et de mettre en oubli toute injure et offense qui nous ont été faites, sans garder aucune malveillance entre personne »

(L’institution chrétienne, III, 20, 45)

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