Prédication du dimanche 8 janvier 2017 - Matthieu 6.19-21: « Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur » (S. Guiton)




Voilà, Noël est passé. Les achats de notre liste de cadeaux sont maintenant tous déballés, mais comme il se doit, tout le monde est encouragé à préparer maintenant sa liste d’achats à faire pendant les soldes, qui rassurez-vous, arriveront très bientôt, suivies certainement de « la quinzaine du blanc » et de « la fête de l’électroménager »… 

En cette période de réjouissances ininterrompues pour les consommateurs enthousiastes que nous sommes, le texte du jour va résonner d’une façon un peu… grinçante, disons-le. 

Nous lisons dans l’Evangile de Matthieu, 6.19-21. 

19 « Ne vous amassez pas de trésors sur la terre, où les mites et les vers font tout disparaître, où les voleurs percent les murs et dérobent. 20 Mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où ni les mites ni les vers ne font de ravages, où les voleurs ne percent ni ne dérobent. 21 Car où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ».


Ces paroles percutantes font partie du « Sermon sur la montagne », une collection des enseignements clé de Jésus rapportés dans les chapitres 5 à 7 de l’Evangile de Matthieu. 

Dans ces versets du chapitre 6, Jésus place ses auditeurs devant un choix radical : ne pas amasser des trésors sur la terre, mais dans le ciel. Plus loin, (6.24) la même alternative est posée : « personne ne peut être esclave de deux maîtres ; en effet, ou bien on détestera l’un et on aimera l’autre, ou bien on s’attachera à l’un et on méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent. ». 

Difficile de trouver des paroles plus à contre-courant de ce qui fait vibrer notre monde ! 
Et qui nous fait vibrer nous aussi, reconnaissons-le : qui parmi nous n’est absolument pas intéressé par les « trésors terrestres » ? 

Pourtant, Jésus nous commande d’amasser au contraire « des trésors dans le ciel… ». Etonnante image. Que peut-elle bien signifier ? 

Est-ce que Jésus nous demande de nous désintéresser de tous les aspects matériels de notre vie, pour nous concentrer seulement sur le spirituel ? Aller jusque là serait déséquilibré par rapport à ce que la Bible dit par ailleurs. Elle reconnait la valeur du monde matériel que Dieu a créé, et la mission de l’homme est d’ailleurs d’en prendre soin, avec sagesse, dans une relation d’amour et de respect avec Dieu. 

La clé pour comprendre ce passage se trouve au verset 21 : « là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur ». 

Au delà de l’opposition entre « matériel » et « céleste  », c’est notre coeur et ce qui l’anime qui est l’objet de l’attention de Jésus ici, et cela est conforme à la sagesse biblique : « Garde ton coeur plus que toute autre chose, dit Proverbes 4.23, car de lui viennent les sources de la vie. »

C’est ce qui oriente les désirs de notre coeur que Jésus questionne : sommes-nous d’abord préoccupés de Dieu - de le connaître, de lui plaire, de lui obéir - ou bien préoccupés des choses de la vie ? 
Voilà la question que Jésus pose ici. Elle nous concerne plus que jamais, dans la culture hyper matérialiste qui est la nôtre. 

D’une certaine manière, Jésus interroge précisément nos désirs : qu’est-ce qui les oriente, en ce début 2017 ? Qu’y a-t’il sur notre « liste d’envies » ? 

Nous chrétiens évangéliques sommes parfois mal à l’aise avec nos désirs - comme si c’était mal de vouloir quelque chose, ou que notre propre volonté n’avait aucun importance. Bien sûr en toutes choses nous devons chercher à faire la volonté de Dieu révélée dans la Bible. 
Pour cela, justement, il nous faut sonder ce qui nous anime, pour marcher en vérité devant Dieu. 

Jésus, lui, prend nos désirs profonds très au sérieux : oui il y a en nous un désir, des désirs profonds qui dirigent, parfois secrètement, nos actes, nos choix. Il ne s’agit pas de les nier, mais de les regarder en face, de regarder honnêtement, à la lumière de la Parole de Dieu, ce qui occupe nos coeurs. Ce que nous y amassons.  

Ainsi, dans tout son enseignement, en particulier dans le Sermon sur la montagne, Jésus s’adresse à nos désirs fondamentaux, pour leur proposer une orientation nouvelle, l’orientation vers Dieu et son Royaume. 
Cette orientation mène à la joie, une joie unique, celle du Royaume des cieux, vers laquelle convergent les désirs et les espoirs de tous ceux dont Jésus parle dans les chapitres 5 à 7 de Matthieu : ceux qui ont un cœur de pauvre, un cœur pur, les artisans de paix, ceux qui pleurent, les assoiffés de justice, qui sont persécutés pour la justice. Sans oublier ceux qui souffrent spécifiquement comme disciples de Jésus. 
Et dans tout l’Evangile, il va s’employer à nous faire désirer le trésor du Royaume. Comme une perle précieuse à chercher, comme un trésor caché dans un champ. Mais aussi comme une source d’eau qui étanche la soif, comme une lumière qui illumine la vie. 
Ce royaume de joie, il ressemble aussi à la joie de retrouver un fils qui était perdu, la joie d’être accueilli à la table d’un banquet.

Mais Jésus le Fils de Dieu révèle aussi en nous ce qui nous retient de le suivre sur le chemin du royaume : ici, il point ce que j’ose nommer « un attachement déréglé de notre désir aux choses matérielles ». 
A la façon d’un médecin, Jésus nous dit : « Il y a dans vos coeurs une sorte de « dérèglement du désir » : vous vous attachez à des choses qui déçoivent et disparaissent, au lieu de vous attacher à Dieu, source de la joie et de la vie éternelle ».

Pourquoi parler de désir « déréglé » ? En référence au désir « centré sur Dieu » qui était celui d’Adam, dont l’état avant la chute constitue pour toute l’humanité l’état normal, de bonne santé dans tous les domaines. Adam donc vivait le coeur orienté vers Dieu, sans obstacle. Son faculté d’aimer étant centrée sur Dieu, les choses étaient à leur juste place, et il pouvait profiter pleinement des trésors matériels de ce monde  en les recevant comme des cadeaux d’amour de son Dieu, sans que ces trésors prennent la place de Dieu dans ses préoccupations - parce qu’il avait confiance en son Père, et ne doutait pas qu’il lui donnerait ce dont il avait besoin.  

Ainsi il était pleinement satisfait - jusqu’à ce qu’il écoute la voix du Serpent et détourne son coeur de Dieu. 

Cet équilibre originel, où Dieu est au centre de nos préoccupations et comble nos besoins profonds, est celui auquel l’enseignement de Jésus nous ramène, comme le montrent les verset 31 et suivants du même chapitre : « Ne vous inquiétez pas, en disant : « qu’allons-nous manger ? » ou « qu’allons nous boire », ou bien : « de quoi allons-nous nous vêtir ? » [bientôt les soldes !] « car votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroit, en plus ». 

Au verset 9 Jésus dit aussi : « Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit reconnu comme sacré… donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». En d’autres termes, apprends nous à ne plus « sacraliser » ce que nous possédons dans ce monde (« notre pain »), mais à le recevoir de toi comme un don, apprends nous à vivre le coeur désencombré de toutes ces préoccupations matérielles qui nous détournent de toi. 


Mais quand même, est-ce que Jésus n’est pas un peu… excessif ici ? Dieu a créé ce monde et ses beautés, c’est lui qui nous y a placés « pour que nous croissions et multiplions », comme il le commande lui même dans la Genèse : est-ce donc si mauvais d’amasser des biens matériels ? 

Est-ce qu’il n’y a pas des « trésors sur la terre » qu’il est légitime de rechercher - une maison, un minimum de sécurité matérielle, ce confort qui permet la santé, et même le partage… ?

Bien sûr, redisons-le, les choses matérielles créées par Dieu, sont bonnes en elles-mêmes. 

Mais Jésus questionne la place qu’elles occupent dans nos pensées. 

Il se trouve que la pensée biblique affirme qu’il n’existe pas en nous deux désirs différents : un qui serait désir de Dieu, soif « spirituelle » - et l’autre qui serait pour les choses plus matérielles. 
Il n’y a qu’une seule place dans la fusée de notre désir ! Une seule première place sur le podium ! 

De la même façon, dit un auteur ancien, que « l’oeil n’a pas la capacité de voir simultanément deux choses, que la langue ne pourra prononcer simultanément du grec et de l’hébreu, que l’oreille n’écoutera pas simultanément un récit d’évènements et un cours »… on ne peut aimer en même temps, de tout son coeur, Dieu… et l’argent. Dieu… et autre chose…

Ce qui ajoute à nos difficultés, c’est que nous voudrions bien gagner sur les deux tableaux : trésors dans le ciel… et sur la terre ! 

Et puis, Jésus nous fait réfléchir ici sur la valeur réelle de ces choses que nous mettons tant d’énergie à amasser : outre le fait qu’elles ont tendance à détourner notre esprit de Dieu, elles sont rapidement une source d’inquiétude et d’instabilité, parce qu’elles ne durent pas, à cause des vers, des voleurs… ou de l’obsolescence programmée ! 

Le caractère changeant de nos désirs ajoute à notre inquiétude : sitôt assouvi, un désir laisse place à d’autres, sans fin.
Plus on grignote, moins on est rassasié, mais ça coupe l’appétit pour de vraies nourritures… 
Et le vide demeure, avec l’insatisfaction et l’agitation intérieure.  
C’est le moteur de la consommation ! 

« Pourquoi travaillez vous pour ce qui ne rassasie pas ? », disait déjà Esaïe en 800 av JC (55.1)

Ainsi, à courir après des trésors qui disparaissent, on entretient l’agitation, l’inquiétude et l’insatisfaction. Les désirs matériels nous exposent à la dispersion, à la division intérieure.

Au contraire, « les trésors dans le ciel » nous poussent du côté de la vie éternelle. 
Il est temps de se demander ce que sont précisément ces trésors liés à Dieu. 

De façon générale, les trésors célestes sont ce qui vient de Dieu, et qui produit la paix, la joie - un sentiment d’unification intérieure. 
Par cette image, Jésus évoque donc à la fois la vie après la mort qui attend les disciples de Jésus - avec des « récompenses » d’ordre spirituel - et les beaux fruits que produit le Saint Esprit dans le coeur des chrétiens, dès cette vie : Galates 5.25 évoque la paix, la joie, l’amour, la bonté, la bienveillance, la douceur… 
Autant de trésors d’une valeur inestimable, qui remplissent le coeur d’une satisfaction durable.   

« Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ». 

En bon médecin, Jésus pointe donc le mal dont nous sommes atteints, mais aussi le chemin de la guérison : un attachement renouvelé à Dieu. 
« Cherchez d’abord le règne de Dieu et sa justice » (Mt 6.33).

Comme dans le monde des désirs, un désir chasse l’autre, en nous attachant davantage à Dieu, nous nous détachons peu à peu de ce qui nous détourne de lui. 

Un texte des Diaconesses de Reuilly dit : « orienter le coeur là où est son trésor, telle est la discipline ordinaire, l’art familier de l’amour ». 

Il s’agit bien d’une discipline, qui pourrait être esquissée en trois mots: 
Prier.
Trier 
Donner.

D’abord, prier.
Comment s’attacher davantage à quelqu’un ? En passant du temps avec lui. Avec Dieu, c’est dans la prière et la méditation de la Bible que cela se passe. 
Jésus en parle aussi dans ce même chapitre : « quand tu pries, entre dans la pièce la plus retirée … ton Père est là, dans le secret » (6.6) > En 2017, passant du temps avec Dieu, dans la prière et la méditation de sa parole. La place que nous ne lui ferons pas dans nos préoccupations sera vite occupée par des choses secondaires, soyons en sûrs ! 

Prier, et trier. Pour faire de la place à Dieu, faire le ménage ! Désencombrer, faire le tri dans nos désirs sous le regard bienveillant de Dieu. 

Une proposition : s’interroger devant Dieu : Qu’est-ce que je désire, en ce début d’année 2017 ? 
Qu’est-ce que je cherches à amasser ? Après quoi est-ce que je cours ?

Lui demander dans la prière de nous éclairer :  certains de nos désirs ne sont-ils pas inutiles ou dangereux ? Y renoncer, devant Dieu. 

Nous en repentir et recevoir le pardon de Dieu qui nous accueille en Jésus-Christ. 

Prier, trier… et donner ! 
Donner enfin, car comme le dit Jacques Ellul, « le don profane l’argent ». Avec Dieu, c’est en posant des actes concrets qu’on avance. Donner donc, mais pas seulement à la collecte. Donner aux autres ce qui compte pour nous et dont nous avons peur de manquer - du temps, de l’énergie, de la nourriture… 

Soyons-en assurés, de ce vide qui lui sera offert, Dieu fera du plein - le plein de trésors qui ne meurent pas, mais qui durent jusque dans l’éternité ! 

Pour finir, ce début 2017 est une bonne occasion pour renouveler notre consécration à Dieu - à lui offrir, à nouveau, toute notre vie : ce que nous sommes, ce que nous pensons, ce que nous possédons, pour qu’il reprenne la place centrale qui lui revient dans nos vies, je vous invite à lui dire cela dans la prière. 



Prière : 


Seigneur notre Dieu, 
toi qui es Père, Fils et Saint Esprit, 

Toi seul est Dieu. Que ton règne vienne. Que ta volonté soit faite sur la terre, dans nos vies, comme au ciel. 
Nous nous plaçons devant toi pour te demander de nous éclairer sur nous-mêmes, avec ces paroles du Psaume 139 : « Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon coeur! Eprouve-moi, et connais mes pensées!  Regarde si je suis sur une mauvaise voie, Et conduis-moi sur la voie de l’éternité ! »
Nous voulons t’offrir nos corps, nos pensées, nos capacités, les bien matériels reçus de toi. 
Nous avons été rachetés par la mort de ton Fils sur la croix, nous t’appartenons. Nous ne voulons plus vivre pour nous mêmes, mais pour toi, Dieu tout puissant, 

« A celui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, 6 et qui a fait de nous un royaume, des sacrificateurs pour Dieu son Père, à lui soient la gloire et la puissance, aux siècles des siècles ! Amen ! »


Questions pour l’étude en groupe 

1. Que signifie, concrètement, "amasser des trésors sur la terre" ? 

2. A partir de quel moment diriez-vous que des possessions matérielles peuvent devenir un frein dans la marche avec Dieu ?

3. Pourquoi Jésus dit-il qu’il est difficile, pour ceux qui sont riches, d’entrer dans le Royaume des cieux ? (Matthieu 19.16-26) 

4. Du coup, que faire de nos richesses ? (1 Timothée 6.17-19)

5. Dans les citations suivantes, quels sont les « trésors célestes » qui sont évoqués ?
1 Pierre 1.3-5
Philippiens 3:8
Colossiens 2:2-3
Proverbes 3:13-15
Psaumes 19:9-10
Job 22:23-25

Comment attacher davantage votre coeur à ces « trésors » là ? 



  

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