Prédication du dimanche 22 janvier 2017 - Jean 3.1-18 - « Il faut que vous naissiez d’en haut » (S.Guiton)
D’une façon étonnante, j’ai constaté le retour sur le devant de la scène médiatique de la question de la « conversion ». L’actualité pousse nos concitoyens à s’intéresser aux phénomènes de conversion - à l’Islam, au christianisme… Un grand hebdomadaire consacrait ainsi son dossier à la question : quelles sont en France les religions qui attirent le plus de nouveaux convertis ?
Mais même dans les démarches reconnues comme réellement « spirituelles », il semble que la société laïque n’envisage la conversion que comme le passage d’un système de croyances à un autre, selon les affinités, les sensibilités… l’adoption d’un ensemble d’idées, de valeurs et de rites religieux.
La conversion à l’Evangile, ce ne serait donc que cela - l’adoption d’un ensemble de valeurs et de croyances ? Suit-on Jésus Christ comme on suivrait un maitre spirituel - dans l’espoir qu’en suivant ses enseignements et les rites qu’il propose, on puisse peu à peu se sentir mieux avec soi-même et avec les autres, voire s’ouvrir spirituellement ?
Pour répondre à ces questions, je vous invite à méditer un passage de l’Evangile de Jean.
Lecture : Jean 3.1-18
De ce passage, on connait souvent le verset 16 qu’on utilise pour résumer le message de l’Evangile.
Mais il est important de méditer le passage dans son ensemble, car il est fait pour nous aider à mieux comprendre ce message, et notamment nous aider à comprendre quelle est la démarche de foi et de conversion authentique, celle qui conduit au salut.
Ici, Jean rapporte donc un dialogue entre Jésus et Nicodème.
Nicodème, membre du grand conseil, enseignant de la Loi de Moïse, incarne le judaïsme du premier siècle. Sa démarche est sincère, et le fait qu’il appelle Jésus « maitre », alors même que celui-ci n’a pas été formé dans les écoles officielles, est un grand signe de respect.
Qu’est-ce qui attire Nicodème ? Rien ne laisse penser qu’il voie en Jésus autre chose qu’un homme pieux aux qualités exceptionnelles. « Nous savons que tu es un maitre venu de la part de Dieu ». Nicodème a vu Dieu agir par Jésus, et pour cela, sans doute, il vient le consulter, comme on consulte un collègue éminent, dans l’espoir d’obtenir de lui des connaissances supplémentaires, pour progresser comme lui.
Or cette approche n’est pas encore la foi qui conduit au salut - au Royaume de Dieu. Car Nicodème, malgré son savoir et sa piété, a besoin de passer par une démarche de conversion profonde.
Et c’est pourquoi Jésus interrompt tout de suite son élan par cette déclaration étonnante : « je te le dis, à moins de naître de nouveau, personne ne peut voir le royaume de Dieu ».
Voilà le Pharisien stoppé net ! Et dérouté - c’est-à-dire sorti de sa route - mais pour être ensuite remis sur le droit chemin, celui qui conduit vraiment au Royaume de Dieu.
« A moins de naître de nouveau, personne ne peut voir le royaume de Dieu ».
Dans ces paroles, il y a de bonnes et de mauvaises nouvelles pour Nicodème.
Bonne nouvelle, Jésus reconnait en lui quelqu’un qui cherche sincèrement le Royaume de Dieu.
Mauvaise nouvelle : malgré toute sa piété, toutes ses connaissances… le Royaume de Dieu lui est encore inaccessible - à moins qu’il ne réponde à cette mystérieuse condition posée par Jésus : naître de nouveau.
On comprend aisément le désarroi de chef des Juifs : d’abord, les Juifs pensaient qu’ils étaient eux-mêmes le Royaume de Dieu, en se fondant sur leur appartenance ethnique et sur l’alliance que Dieu avait conclue avec leurs ancêtres. Et voilà que Jésus soutient que pour entrer dans ce royaume il faut plus qu’un pedigree, il faut naître de l’Esprit.
Naître une deuxième fois ? Autre cause de désarroi : comment est-ce possible ? Les questions tellement terre-à-terre de Nicodème, mais pourtant frappées au coin du bon sens (v.4), révèlent combien il est désarçonné.
Voilà Nicodème démuni. Le chemin indiqué par Jésus semble commencer… par une impasse, bouchée par un mur : renaître ? Comment cela ? Qui peut se donner la vie à lui-même ?
Mais justement : une des conditions pour entrer dans le Royaume de Dieu, c’est d’être démuni. Le Royaume de Dieu, c’est là où Dieu règne, c’est aussi sa présence intime.
Etre conscient que nous sommes exclus de cette présence, et désirer y accéder, est un élément important de toute conversion véritable.
En même temps, Nicodème doit aussi prendre conscience qu’il a besoin d’être transformé intérieurement pour approcher Dieu, que quelque chose doit changer en lui - et qu’il n’est pas en mesure de le faire lui-même, que seul Dieu peut accomplir cela.
Cet homme juste et pieux, sans doute plus proche de Dieu que la plupart des hommes de son temps, qui respecte Jésus et avait vu l’action de Dieu en lui, est quand même mort spirituellement parlant. Etranger à la vie de Dieu. Jésus lui montre ici que même lui doit repartir de zéro et se convertir.
Passer par une démarche sincère de repentance et de foi afin de connaître cette vie nouvelle dans l’Esprit, dont l’évocation le laisse tellement démuni.
Et croire à cette bonne nouvelle : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle ».
De la même façon, appartenir à une Eglise ou une famille chrétienne, même depuis dix générations, ne suffit pas pour entrer dans la vie éternelle.
Adhérer à des « valeurs chrétiennes » ne suffit pas.
Se donner corps et âmes pour de bonnes causes ne suffit pas.
Seule compte la foi en Jésus-Christ, Fils unique de Dieu.
"18 Celui qui croit en lui n’est pas jugé, mais celui qui ne croit pas est déjà jugé parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu ».
« Celui qui a le Fils a la vie. Celui qui n’a pas le Fils n’a pas la vie », écrit aussi Jean dans sa première lettre (1 Jean 5).
Chacun d’entre nous, quel que soit son histoire et son parcours, doit donc passer par une démarche de conversion profonde, et recevoir cette vie nouvelle, par le Saint Esprit.
« A moins de naître de nouveau, personne ne peut voir le royaume de Dieu ».
Cette affirmation déroute Nicodème. « Comment est-ce possible ? »
C’est peut-être aussi le cas de certains d’entre nous.
Et pourtant, ce n’est pas pour rien que Jésus, un peu ironique peut-être, interpelle ce spécialiste des écritures saintes : « Tu es l’enseignant d’Israël et tu ne sais pas cela ? » (3.10). Aurait-il donc dû le savoir ?
Oui, car Dieu avait depuis longtemps révélé au peuple juif qu’un changement profonde de l’orientation de leur vie, de leur coeur était nécessaire pour qu’ils puissent s’approcher de lui et être sauvés.
« Déchirez votre coeur », disait le prophète Joël (2.15).
Ce désir de Dieu de ramener les hommes à lui en les purifiant intérieurement était depuis des siècles annoncé par les prophètes dont Nicodème enseignait les écrits.
Ainsi le prophète Jérémie, en 31.31 : « 31*Voici que les jours viennent, déclare l’Eternel, où je conclurai avec la communauté d'Israël et la communauté de Juda une alliance nouvelle. …32Elle ne sera pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs ancêtres le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir d'Egypte. Eux, ils ont violé mon alliance, alors que moi, j’étais leur maître, déclare l'Eternel. 33Mais voici l'alliance que je ferai avec la communauté d'Israël après ces jours-là, déclare l'Eternel: je mettrai ma loi à l’intérieur d'eux, je l'écrirai dans leur cœur, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple… je pardonnerai leur faute et je ne me souviendrai plus de leur péché ».
Et lorsque Jésus lui dit : « à moins de naître d’eau et d’Esprit, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu », Nicodème reconnait-il aussi les paroles du prophète Ezéchiel ?
« 22. C’est pourquoi, annonce à la communauté d’Israël: (…) 25»Je vous aspergerai d’eau pure et vous serez purifiés. Je vous purifierai de toutes vos impuretés et de toutes vos idoles. 26Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau. Je retirerai de votre corps le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. 27C’est mon Esprit que je mettrai en vous. Ainsi, je vous ferai suivre mes prescriptions, garder et respecter mes règles. 28Vous habiterez le pays que j'ai donné à vos ancêtres, vous serez mon peuple et je serai votre Dieu » (35).
Ici Dieu appelle son peuple à la conversion.
Conversion d’abord du retour vers lui dans la repentance, de la réponse à l’appel d’amour qu’il adresse aux hommes.
Conversion ensuite du coeur des hommes lui-même.
Promesse d’un coeur nouveau, ramené à la vie et battant désormais au rythme de l’Esprit de Dieu lui-même, coeur purifié du péché qui le coupe de Dieu, coeur sur lequel la loi de Dieu est directement écrite.
Telle est la nouvelle naissance dont parle Jésus.
La Bible utilise d’autres expressions et images pour évoquer cette oeuvre que l’Esprit accomplit chez ceux qui placent leur foi en Jésus-Christ : « la régénération et la rénovation par l’Esprit »(Tite 3.5). La « vie nouvelle » (1 Pierre 1.3). D’autres textes évoquent une résurrection, un éveil, une nouvelle création : « si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature » (2 Co 5.17).
Paul développe aussi l’image de la filiation : en recevant le Saint Esprit, nous sommes adoptés par Dieu et devenons ses enfants. « Parce que vous êtes ses fils, dit-il en Galates 4.6, Dieu a envoyé dans votre cœur l'Esprit de son Fils qui crie: « Abba! Père ! »
La richesse des expressions et des images dit bien le caractère mystérieux de cette réalité spirituelle, dont même Jésus dit l’aspect insaisissable : « 8 Le vent souffle où il veut et tu en entends le bruit, mais tu ne sais pas d’où il vient, ni où il va. C’est aussi le cas de toute personne qui est née de l’Esprit. »
Il est donc vain de chercher à saisir les chemins qu’emprunte cette « naissance d’en haut ». A quel moment le Saint Esprit vient-il habiter dans le coeur de celui qui se tourne vers Jésus-Christ, et place sa foi en lui ?
Il ne nous appartient pas de le déterminer. La Bible laisse entendre que c’est déjà l’Esprit qui crée en nous la soif de Dieu, c’est aussi lui nous amène à nous repentir et ouvre notre intelligence pour que nous puissions croire.
Alors, quelle est notre part ?
Il nous revient de nous tourner vers Dieu le Père sincèrement, par Dieu le Fils, Jésus. De changer de route et de choisir de croire en Jésus.
Alors Dieu nous accueille et accomplit le reste.
Quelqu’un a dit : « la conversion est le oui de l’homme à Dieu, la nouvelle naissance est le oui de Dieu à l’homme ».
Soyons sans crainte, Dieu qui a donné son Fils unique pour nous, saura nous guider vers lui, nous pouvons lui faire confiance !
Parvenu à ce point, je crois important de préciser que « la nouvelle naissance » n’est pas forcément d’une expérience sensible ponctuelle. Dans la tradition évangélique notamment, on a fait de certains témoignages particuliers une norme, ce qui peut être vite enfermant, voire déstabilisant pour ceux qui cherchent Dieu en Jésus-Christ.
Si je puis me permettre un témoignage personnel, j’ai moi-même fait les frais d’une conception un peu stéréotypée de la conversion. En effet, dans l’Eglise où j’ai grandi, on mettait en valeur le modèle d’une expérience de conversion ponctuelle, intervenant à un jour et une heure précis et associée à de fortes émotions, une présence sensible de Dieu. Là, on naissait alors de nouveau, et l’on en sortait transformé.
De telles expériences existent, et peut-être certains parmi vous en ont-ils vécues. Gloire à Dieu.
En ce qui me concerne, j’aime raconter que je me suis converti…. des dizaines fois pendant mon adolescence ! Toujours je me tournais vers Jésus pour lui donner ma vie, je croyais qu’il était vraiment le Fils de Dieu, qu’il était mort pour moi et qu’en lui seul, je trouverai la paix.
Mais il ne se passait jamais ce qu’on m’avait raconté, et cela m’a tourmenté longtemps… jusqu’à ce que je renonce à chercher une telle expérience. Dieu a alors ouvert mon coeur plus progressivement, et j’en ai vu les fruits dans la durée.
Comme le dit Louis Schweitzer, « il est important ici de discerner le fond de la forme, l’expérience spirituelle profonde qui est le retour vers Dieu et l’engagement à le suivre, de la manière particulière dont cette expérience se manifeste en fonction de la personne qui la reçoit ».
Une expérience de conversion émotionnellement forte n’est pas en elle-même le signe d’une régénération par le Saint Esprit.
Au final, ce qui compte, c’est le point d’arrivée. C’est comme dans la vie : la naissance n’est pas une fin en soi ! Ce qui compte, c’est la vie nouvelle qui suit. C’est que nous vivions la vie pour laquelle Dieu nous a appelés : vie d’amour, de service et de paix.
Il peut donc arriver qu’on n’ait pas forcément conscience de la présence du Saint Esprit, et on s’en rend compte plus tard, en mesurant les changements qui se sont opérés en nous. On se découvre un coeur de chair, une conviction plus profonde de la divinité de Christ et de sa présence, des changements de position envers le péché, qui nous glisse moins dessus.
La persévérance dans la foi, aussi, est un signe que l’Esprit travaille. (cf 1 Jean).
Et même si le cours de notre vie chrétienne peut être agité, par la suite, et nous amène à d’autres éloignements, et d’autres retours à Dieu, il faut ce retournement initial, qui est l’entrée sur le chemin pour tout disciple de Jésus-Christ.
Pour conclure, je voudrais réentendre avec vous le verset 16 : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle ».
Voilà notre ancre, notre repère, notre encouragement : Tout est accompli.
En Jésus, Dieu est venu nous chercher et nous sauver.
Notre salut et notre entrée dans la vie éternelle est son désir.
Alors appuyons nous sur lui avec confiance, et laissons nous conduire dans la vie nouvelle - celle qui dure jusque dans l’éternité.
Son amour nous appelle.
Qu’attendons-nous pour lui faire confiance et pour lui dire « oui » ?
« 20A celui qui peut faire, par la puissance qui agit en nous, infiniment plus que tout ce que nous demandons ou pensons, 21à lui soit la gloire dans l'Eglise [et] en Jésus-Christ, pour toutes les générations, aux siècles des siècles! Amen ! » (Ephésiens 3.20-21)
Prière
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