Prédication du 29 novembre 2020 - Jacques 5. 13-18 - Prier pour les malades, un défi à relever

 


Face à la maladie, y a-t’il vraiment du sens à prier ?

 

A une époque où plus que jamais, l’équilibre de nos vies semble dépendre des compétences et du dévouement du corps médical… En ce temps de l’Avent où l’espérance du monde c’est d’abord un vaccin… faut-il encore prier pour les malades – prier pour que Dieu les guérisse ? 

 

Prier pour la guérison : un sujet délicat tant il touche au vécu de chacun. Sujet de foi et d’enthousiasme pour les uns – Dieu guérit encore aujourd’hui, pourquoi ne prions nous pas avec plus de foi?! – sujet de troublepour d’autres…

 

Je vous propose de nous approcher humblement du sujet ce matin, en méditant un de rares textes du NT qui définit quoi faire, en tant qu’Église, face à la maladie. Un texte qui nous invite précisément à relever ce défi de la prière pour les malades.

 

C’est un extrait de la lettre de Jacques, un écrit très concret, qui met ses lecteurs au défi de mettre leur foi en action

 

Que par Sa Parole Dieu ouvre nos cœurs et nos intelligences à sa volonté pour nous aujourd’hui. 

 

Lecture : Jacques 5.13-18

13 Quelqu'un parmi vous est-il dans la souffrance ? Qu'il prie. Quelqu'un est-il dans la joie ? Qu'il chante. 

14 Quelqu'un parmi vous est-il malade ? Qu'il appelle les responsables de l'Église, et que ceux-ci prient pour lui en faisant sur lui une application d'huile au nom du Seigneur. 

15 Le souhait de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le relèvera ; s'il a commis des péchés, il lui sera pardonné. 

16 Reconnaissez donc vos péchés les uns devant les autres et souhaitez-vous du bien les uns aux autres, pour que vous soyez guéris. La prière du juste, mise en œuvre, a beaucoup de force.

17 Elie était un être humain, de la même nature que nous : il pria avec instance pour qu'il ne pleuve pas, et il ne tomba pas de pluie sur la terre pendant trois ans et six mois. 

18 Puis il pria de nouveau ; alors le ciel donna de la pluie et la terre produisit son fruit.

 

[Pause]

 

Ce texte décrit « l’onction d’huile », appelée autrefois « extrême onction » dans l’Église Catholique, aujourd’hui « sacrement des malades ». Une pratique longtemps réservée aux mourants, mais ce n’est pas dit : « Quelqu'un parmi vous est-il dans la souffrance ? Qu'il prie ». Il y a bien des formes de souffrance, l’appel à la prière ici ne fait pas de distinction.

Face à la maladie, l’Église est bel et bien appelée à prier. Mais dans quel esprit, et dans quel but ? 

 

 

La maladie, une réalité à affronter avec Dieu

 

Jacques n’aborde pas les questions, nombreuses, qui nous travaillent quand il s’agit de guérison. Aujourd’hui, des prédicateurs affirment que la maladie n’a rien à faire dans la vie d’un vrai chrétien, que par le Saint Esprit nous devons forcément être guéris, que ce n’est qu’une question de foi… 

Une question de foi, oui, dit Jacques, nous allons y revenir. Mais rien ici ne laisse entendre que la présence de la maladie, chez des chrétiens, soit anormale : pour Jacques c’est simplement un fait, une réalité à accueillir comme telle, mais pour l’affronter avec le Seigneur, par la foi. 

Cette position est partagée par tous les auteurs du NT : si guérisons et miracles sont des signes de l’irruption du Royaume de Dieu dans le monde, ce qui explique leur fréquence dans le ministère de Jésus et même des apôtres, ce Royaume n’est pas encore totalement établi, et la maladie reste présente, parce que la création elle-même est malade du péché qui a fait entrer la mort et la maladie dans nos existences. 

 

La mort sera même le « dernier ennemi » vaincu lors du retour du Christ, dit Paul en 1 Co 15. 

 

En attendant, la maladie est une composante ordinaire de l’existence humaine.

Paul qui a lui-même guéri des malades, souffrait semble-t-il d’affections chroniques et parle de la maladie de façon tout à fait ordinaire. Pas de promesse de guérison systématique, pas de jugement sur ceux qui manqueraient de foi devant la maladie… Mais de l’amour, de l’espérance et de la compassion. 

 

Prier pour les malades : mettre la foi en action

 

C’est pour soutenir la foi, l’espérance et l’amour au sein de l’Église que l’onction d’huile est prescrite. Pour que nous puissions affronter la maladie en communion les uns avec les autres, sans cesser d’espérer en Dieu, de croire qu’il peut guérir, et de prier qu’il le fasse.  

 

Un mot rapide sur le « rite » de l’onction d’huile décrite ici. 

 

Le malade fait appel aux responsables de l’Église qui viennent à son chevet prier pour et avec lui et mettre de l’huile sur sa blessure, sa tête… selon la maladie. Comme la Sainte Cène, cette pratique est le signe matériel de promesses faites par Dieu. Dans la Bible, l’huile représente la joie, le fait d’être choisi par Dieu, le don du St Esprit. Et à l’époque, elle sert aussi de traitement. Cette « onction « est donc une aide pour la foi, choisie comme signe de guérison, parce que nous avons besoin de signes concrets comme le pain, le vin, l’huile, pour nous approprier des promesses spirituelles.  

 

Mais c’est bien la prière communautaire qui reste l’élément central ici. 

 

Des promesses associées à la prière

 

Quelles sont les promesses associées à cette prière ? Que peut-on attendre, espérer ? 

C’est l’un des points, sans doute, où notre foi est le plus mise à l’épreuve : ose t’on attendre la guérison… ou simplement pour la paix, le soulagement ? 

 

Première promesse :  « Le souhait de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le relèvera, dit le v.15 ; s'il a commis des péchés, il lui sera pardonné ». 

Deuxième promesse, faite à la communauté : « Reconnaissez donc vos péchés les uns devant les autres et souhaitez-vous du bien les uns aux autres, pour que vous soyez guéris » (v.16)

 

 

Vers une guérison complète

 

Ce texte promet-il vraiment la guérison, ou seulement le pardon des péchés ?!

 

De quelle guérison parlons-nous, d’abord ?

Aujourd’hui, nous mettons le focus sur la guérison du corpsJacques lui aborde le sujet de façon globale, conformément à la vision biblique de l’homme : nous sommes corps, mais aussi âme et esprit, de façon indissociable. Ce sont donc ces trois dimensions qui doivent être guéries pour un rétablissement, un relèvement complet

 

Voilà pourquoi péché et maladie sont ici associés ; non pas pour sous-entendre que si la personne est malade, c’est forcément qu’elle a péché. Jésus a clairement démenti qu’un lien systématique puisse être établi entre péché commis et apparition d’une maladie. 

Certes, parfois, ce lien péché/maladie existe : si j’attrape une maladie en menant une vie sexuelle désordonnée, par exemple. On sait aussi que garder de la colère, de la rancune… peut rendre physiquement malade. Les exemples sont nombreux de l’impact du péché commis ou subi sur la santé physique. Mais rien ne dit que Jacques pense à cela. 

 

Il se fait plutôt le messager d’une promesse de guérison pour la personne entière : nous espérons légitimement un rétablissement de nos corps, mais l’assainissement de nos cœurs, de nos pensées fait aussi partie de la santé. 

Il est donc bénéfique qu’une guérison intérieure accompagne la guérison physique : guérison du cœur, de la mémoire, de l’image de soi, du rapport aux autres...

Les temps de maladie sont propices au bilan, à la prise de recul : mettons les à profit pour  alléger nos consciences, accorder le pardon… c’est souvent le premier pas vers un mieux-être physique

 

« Le Seigneur le relèvera »

 

Ce « mieux être » est-il la seule « guérison » qu’il faille espérer ? La formule « le souhait de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le relèvera » laisse ouverte de plus grandes possibilités ! 

L’expression : « le Seigneur le relèvera » renvoie d’abord à l’espérance de la résurrection, à l’entrée dans le Royaume où notre guérison sera complète. C’est d’abord une promesse pour la vie d’après

 

Mais elle n’exclut en rien la possibilité d’un relèvement, d’une guérison immédiate, dans cette vie : Dieu peut décider d’accorder la guérison comme un « gage », un avant-goût du Royaume, comme le dit Paul. 

 

C’est pourquoi il nous faut prier pour cette guérison, et prier avec la médecine – que Dieu dirige et inspire les soignants, eux qui portent aujourd’hui en Occident l’essentiel du « ministère de guérison » – mais pas seulement. 

Dieu est souverain, c’est lui qui permettra une guérison immédiate et miraculeuse ou progressive, avec ou sans médicaments… ou pas : il se peut aussi que la maladie s’aggrave. Dieu peut alors accorder le soulagement des souffrances ou la force de son Esprit pour supporter l’épreuve dans la paix et la confiance… 

 

Prier pour les malades, un défi de foi à relever

 

Quelles que soient les évolutions, une maladie met la foi à l’épreuve, clairement. C’est donc sur cette foi que portent les enjeux dans la prière : « Le souhait de la foi sauvera le malade » ; « La prière du juste, mise en œuvre, a beaucoup de force ». 

 

En matière de prière et de foi, chacun ici est placé devant ses responsabilités.

Le malade d’abord : à lui de demander la prière et de rechercher le soutien des autres dans la communion de l’Église. C’est déjà un acte de foi

 

Beaucoup de choses peuvent nous retenir d’oser demander qu’on prie pour notre santé : la honte, la pudeur…  On n’aime pas être vu en position de faiblesse, couché sur un lit. 

Certains pensent aussi que si on doit réclamer la prière c’est que les autres ne font pas assez attention à nous… 

 

Pourtant c’est bien au malade que Jacques donne l’initiative ici ; à lui de demander dans une démarche de foi humble. 

 

« Le souhait de la foi sauvera le malade » 

 

Pour autant, la guérison dépend elle entièrement de la foi du malade ? On a trop souvent culpabilisé les gens en leur racontant que s’ils n’étaient pas guéris, c’est qu’ils manquaient de foi… 

Cela me choque, et je sais que c’est un point sensible pour beaucoup d’entre nous. 

Il s’agit plutôt d’encourager ceux qui souffrent en priant avec eux, et que notre foi les soutienne ! 

Rappelons-nous qu’une prière n’a jamais de puissance en elle-même : c’est Dieu qui est puissant. Et tout dépend de lui. Mais il nous revient de lui faire confiance. 

 

« Le vrai miracle, écrit un commentateur, consiste à prier dans une soumission totale au Père, mais également dans une confiance sans limite dans sa puissance ». 

 

Voilà un beau défi ! 

De fait, même si notre foi est mise à mal par la maladie, qui peut nous faire douter de l’amour de Dieu, nous sommes appelés à prendre le risque de la confiance en Dieu. Voilà ce qui fait la force de la prière du « juste », de celui qui 

 

Appuyer notre faiblesse sur sa puissance, entasser nos pourquoi dans sa main. Cela demande cette persévérance dont Jacques parle juste avant, donnant Job comme exemple : 

 

« Prenez patience, vous aussi ; soyez pleins de courage, car la venue du Seigneur est proche (…) Nous déclarons heureux les gens qui persévèrent. Vous avez entendu parler de la persévérance de Job, et vous savez ce que le Seigneur lui a accordé à la fin. En effet, le Seigneur est plein de tendresse et de bienveillance » (Jc 5.11).

 

Voilà un ancrage pour notre foi : la tendresse, la bienveillance de ce Dieu qui est proche, qui va bientôt revenir. Tout alors sera révélé et guéri. 

 

Que nous soyons malade ou accompagnant… croire quand même que mystérieusement, à travers l’épreuve, Dieu peut nous bénir. 

 

Comme l’a fait Elie, qui a pris au sérieux la promesse que Dieu avait faite de faire venir la pluie, et qui ne l’a pas lâchée jusqu’à ce que Dieu réponde. 

 

 

 

A côté du malade, la communauté est aussi mise au défi, dans sa foi. A elle de s’engager à ses côtés, pour manifester à ceux qui souffrent la présence de Dieu à leurs côtés. 

La délégation des responsables (pasteur, membres du conseil…) qui va prier pour la personne et faire l’onction d’huile représente cette communauté qui, pendant ce temps, s’est mise en prière, qui s’engager avec le malade pour l’entourer, le soutenir, l’aimer…

 

Pour la communauté qui s’engage ainsi, une bénédiction est également promise : « Reconnaissez donc vos péchés les uns devant les autres et souhaitez-vous du bien les uns aux autres, pour que vous soyez guéris ».

Au chapitre précédent, Jacques a dénoncé les péchés relationnels qui rendent les communautés malades : médisance, jalousie… L’occasion de l’onction d’huile est aussi celle de la repentance collective et de la réconciliation, pour que la communion soit restaurée, et que     tout le monde aille mieux : « souhaitez-vous du bien les uns aux autres », écrit Jacques.

 

L’Église, alors, n’est plus divisée entre bien portants et malades, mais tout entière rassemblée devant Dieu, dans la dépendance envers sa grâce et son intervention, en attente de guérison. 

A genoux, dans l’humilité et l’attente de Dieu, elle devient alors le lieu d’une guérison possible : guérison des corps, des cœurs, des relations… libération de l’orgueil, de l’individualisme, de tout ce qui fait obstacle à la foi, l’espérance et l’amour… 

 

Ainsi, que nous soyons malade ou en bonne santé, Jacques nous met donc tous au défi : mettez votre foi en action, et quelle que soit notre situation, osons demander la prière pour nous-mêmes  ou soutenons ceux qui passent par la souffrance. 

 

Nous voici invités à prier pour la guérison avec simplicité, humilité, dans une attitude de non maitrise, sans tout comprendre mais en exposant notre vulnérabilité. Prions les uns pour les autres parce que Dieu nous le demande, en cherchant la communion entre nous

 

Quand nous nous rassemblons pour prier, Christ est là, au plus près de nos souffrances et de nos combats. 

 

Alors relevons ce défi de la prière pour ceux qui sont malades. 

Que le Seigneur nous conduise dans ce domaine, et nous permette de comprendre ce que nous devons comprendre sur le sujet pour saisir les bénédictions qu’il a en réserve pour nous. 

Qu’il vienne en aide à notre manque de foi, d’espérance et d’amour, et nous ouvre dès aujourd’hui à la joie du Royaume à venir. 

 

Amen 

 

Sylvain Guiton 



Méditation 


Tombe dans les mains de Dieu

Avec ta faiblesse et ta douleur.

En cette épreuve de pauvreté,

Tu prends part

A toutes les détresses de la terre,

Et la douceur du Christ t’accompagne.

 

Communie à son corps et à son sang.

 

Remets-toi à la prière de la communauté

Et de ceux qui t’aiment.

La prière de la foi demande toujours que l’homme soit guéri corps et âme,

Et Dieu peut te guérir, te fortifier,

Te consoler par l’intercession

De tes frères.

La maladie est révélateur d’amour,

Et de compassion

Elle devient une grande expérience de vie.

 

Si la mort doit te surprendre,

Si son mystère doit nous étreindre,

Qu’il ne nous écrase pas mais nous appelle

A l’aujourd’hui de la miséricorde

Nous sommes gens de passage,

Mais au cœur du cœur

Une mémoire vivace

Chante ce qui est éternel.

 

 Règle de Reuilly

 *****

Pour la discussion en groupe 

 

v.15-16 : Comment comprenez-vous le lien entre péché et guérison dans ce passage ? 

 

v.16 : Comment la communauté peut-elle être guérie elle aussi, en se mettant en prière autour d’un malade ?

 

Comment comprenez-vous la place de la foi dans la prière pour les malades ? 

 

Avez-vous déjà vécu, pratiqué, assisté à une onction d’huile ? Partagez vos expériences. 

 

Qu’est-ce qui pourrait vous retenir de solliciter la prière des autres chrétiens ? 

 

« Je le soignais, Dieu le guérit » : comment cette parole d’Ambroise Paré résonne-t’elle avec ce passage ? Personnellement, comment voyez-vous votre responsabilité dans le domaine du soin ? Comment la vivez-vous avec Dieu ? 

Prier pour la guérison vous semble-t-il contradictoire avec le fait de s’appuyer sur la médecine ? 

 

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