Prédication du 15 novembre 2020 - Psaume 63 - Trouver sa joie en Dieu


 

 

« Un exil à domicile » : j’aime cette formule par laquelle Timothée a résumé le confinement dans la première partie de ce culte. 

Un exil. Même si beaucoup continuent à travailler, à étudier, nous sommes en effet exilés, coupés d’une partie de notre vie – amis, famille, loisirs… Église. Je ne sais pas comment vous vivez cela. Je trouve qu’il y a quelque chose de desséchant dans cette situation –  des manques profonds. 

Et même si nous croyons que Dieu est là, et que nous cherchons son aide, ce n’est pas forcément si simple de vivre ce confinement avec lui, sans la stimulation des rencontres, de la vie d’Eglise, et avec la tête en asphyxie, pleine de mille choses à penser …

On peut sentir peser la morosité, jusqu’à perdre le goût pour la Bible et la prière …

 

Pourtant, est-ce que nous n’avons pas particulièrement besoin de vivre ce que décrit David dans le Psaume 63 : mon Dieu, « À l'abri de tes ailes je crie ma joie » ! 

Faut-il pour cela attendre que les choses aillent mieux ?  

 

Non ! Quand il écrit cela, David est dans une situation très difficile, exilé lui-aussi, dans le désert de Juda, où il a dû se réfugier parce que son fils Absalon cherche à le tuer… Absalon, qui l’a plusieurs fois trahi pour lui voler le trône, son fils qui a organisé un coup d’état contre lui… Dans ce désert, David a le cœur brisé. Il a tout perdu.. et pourtant, il dit à Dieu : « À l'abri de tes ailes je crie ma joie ».

Comment est-ce possible ? 

Mettons-nous à l’écoute de ce Psaume inspiré, et que par lui le Saint Esprit nous conduise sous les ailes de Dieu, vers cette joie particulière qu’il veut nous offrir. 

 

Psaume 63 

1 Psaume de David, quand il était dans le désert de Juda.

2 Dieu, c’est toi mon Dieu ! Dès l’aube je te désire ;
Tout mon être soupire après toi,

dans une terre desséchée, épuisée, sans eau.

Dans le sanctuaire, je t'ai contemplé,

j'ai vu ta puissance et ta présence glorieuse ;

4 Oui, ta fidélité vaut mieux que la vie,
mes lèvres te célébreront.

5 Ainsi, je te bénirai ma vie durant,
et à ton nom, je lèverai les mains.

6 Comme de graisse et d’huile, je me rassasierai,
et la joie aux lèvres, ma bouche chantera tes louanges.

7 Quand sur mon lit je pense à toi,
je passe des heures à te prier.

8 Oui tu es venu à mon secours.

À l'abri de tes ailes je crie ma joie.

9 Je suis attaché à toi de tout mon être,

ta main droite est mon soutien.

10 Il y a des gens qui veulent ma mort.

Qu'ils aillent à un désastre soudain,

qu'ils descendent au fond du monde des morts !

11 Qu'ils soient livrés à la mort violente,

qu'ils deviennent la proie des chacals !

12 Que le roi trouve en Dieu la source de sa joie !

Et tous ceux qui font un serment en prenant Dieu à témoin,

qu'ils en soient fiers,

car les menteurs seront réduits au silence ! 

 

 

 

V.1-5 - Dieu, je te cherche sur une terre desséchée 

 


Quand ça va mal, est-ce se plaindre, angoisser, que se mettre en colère, c’est forcément un manque de foi ? Beaucoup de chrétiens sont très mal à l’aise avec ces émotions suscitées par l’épreuve et dont ils ne savent pas quoi faire. 

David, lui, vient devant Dieu en toute transparence, en toute vérité. Il ne cherche pas à fuir la réalité par de beaux discours d’auto-persuasion – je vais bien, tout va bien, Dieu est là… 

Dieu livre tout à Dieu, même sa profonde colère, dans ces versets 10 et 11 où il souhaite carrément la mort de ses ennemis ! C’est choquant, mais est-ce qu’il n’a pas de bonnes raisons d’être en colère ? Une colère pleine de tristesse – son propre fils cherche à le tuer… Ce qu’il décrit, c’est ni plus ni moins la réalité – ceux qui le poursuivent de leur haine se condamnent eux-mêmes. 

 

Loin de troubler sa foi, l’épreuve est pour David un tremplin vers Dieu : « Tout mon être soupire après toi, dans une terre desséchée, épuisée, sans eau ». Le voilà en terre hostile, aride, image de sa situation personnelle. C’est dur, vraiment dur, et il le dit à Dieu. 

 

Ainsi avec Dieu la paix et la joie ne sont pas des maquillages qu’on met sur ses plaies pour ne pas les voir. Pas de méthode Coué, rien d’automatique : la colère et la tristesse font partie de notre humanité face à la réalité du mal, qu’il prenne la forme d’un fils qui vous trahit ou d’un virus qui vous menace. Dieu ne nous demande pas de fuir cette réalité du mal, mais de lui faire face avec lui. Dans cette confrontation, il accorde sa joie et paix comme des consolations à ceux qui comptent sur lui. 

 

Dieu, tu es ce dont j’ai besoin

Versets 1-4

 

Dans ce désert, un cri jaillit du roi déchu : « Dieu, c’est toi mon Dieu ! Dès l’aube je te désire. Tout mon être soupire après toi… ». 

Aveu de faiblesse, de dépendance. Expression humble et confiante de l’enfant avec son père. Au secours, Père ! J’ai besoin de toi.

Si souvent nos inquiétudes et nos manques nous poussent à nous agiter, à fuir dans la distraction, le chocolat ou Netflix – rien de mal, tant que c’est à petites doses… et que cela n’étouffe pas notre besoin de Dieu. 

Mais qu’est-ce qui nous retient d’aller directement vers Dieu pour être rassasié, apaisé ? Où est-il écrit que nous devrions affronter nos déserts seuls ? 

Ce psaume est une invitation à nous tourner au contraire vers Dieu sans attendre – pas besoin d’avoir plus de temps, plus de foi… En tout temps,  Dieu est là, et il a quelque chose pour nous.

 



David lui n’a pas de problème pour lâcher prise, comme l’a dit Timothée, et reconnaître qu’il a besoin de Dieu. Parce qu’il prie un Dieu invisible mais pas un Dieu abstrait : il parle à quelqu’un qu’il a déjà approché, dans le Tabernacle où se trouvait l’arche de l’alliance, symbole de la présence de Dieu à l’époque. « J’ai vu ta puissance et ta présence glorieuse » : c’est vrai, David a assisté à plus d’interventions de Dieu que nous n’en verrons jamais.

Cependant, nous bénéficions de privilèges qu’il n’avait pas : 

Pas besoin de sanctuaire, nous pouvons contempler directement le visage de Dieu dans la personne de Jésus, dans les Evangiles. 

Le Temple de Dieu est même en nous, par la présence du Saint Esprit en tous ceux qui mettent leur foi en Jésus. Ainsi Dieu se rend présent pour nous partout, pas seulement le dimanche matin, dans les bâtiments de l’église… 

 

De plus, la foi de David était fondée sur les premières alliances que Dieu avait établies avec les hommes, encore partielles… Mais nous sommes au bénéfice de l’alliance établie en Jésus-Christ, par laquelle nous pouvons dire non seulement « tu es mon Dieu », mais « tu es mon Père » : alors ne nous privons pas de ces privilèges. 

Et profitons de ces moments de privation pour nous approcher de Dieu, comme David l’a fait : « Quand sur mon lit je pense à toi, je passe des heures à te prier » : en situation d’arrêt lui aussi, contraint de passer de longues heures sur son lit à attendre, il n’a pas cherché à se distraire mais à trouver Dieu – et Dieu lui a accordé sa présence et sa joie. 

 

Dieu, tu es la source de ma joie

Versets 5-9

 

Une joie inattendue ! Être traqué par son propre fils qui veut vous tuer, avoir tout perdu ou presque… et dire à Dieu : « je te bénirai ma vie durant…la joie aux lèvres, ma bouche chantera tes louanges… À l'abri de tes ailes je crie ma joie ! ». N’est-ce pas un peu… fou ? 

Quelles raisons de se réjouir peut-il y avoir dans une telle situation ? 

Quand les choses dérapent, il est plus fréquent de demander des comptes à Dieu : « pourquoi permets-tu cela ? ». Dans d’autres psaumes, David ne se prive pas de le faire. Mais ici, il vit un moment d’intimité avec Dieu, où les pourquoi laissent la place à un « pour toi », dans un cœur à cœur qui n’éteint pas les questions, mais les ramène devant celui qui tient toutes les réponses, pour les lui confier. 

David dépose ses fardeaux entre les mains de Dieu… et se laisse consoler. 

La joie qu’il ressent alors éclate dans une louange fondée sur son expérience intérieure, au-delà des circonstances.

 

Sa joie est tellement profonde qu’il est rassasié comme dans un excellent repas, dit-il – « de graisse et d’huile », pas très healthy mais efficace !

Une image qui peut nous parler, à nous qui sommes souvent tentés d’apaiser nos manques intérieurs en mangeant – tendance lourde en période de confinement, n’est-ce pas ? La cuisine comme lieu de réconfort. Là encore rien de condamnable mais vigilance à ne pas se tromper de besoins : David est conscient qu’au-delà de tout, seul Dieu va combler ses besoins profonds. Et nous ? 

 

En tout cas, l’expérience spirituelle de David est bien incarnée : c’est tout son être qui a faim et soif de Dieu et qui prie – l’esprit, l’âme, les sensations… : «Tout mon être soupire après toi ». 

Beaucoup sont mal à l’aise aussi avec les émotions et les sensations dans la prière. C’est vrai qu’elles ne sont pas des guides très fiables : on peut être proche de Dieu sans rien ressentir, et vibrer profondément sans que Dieu soit là – quand on allait dans des concerts, par exemple, avant… ! Certainement, le fondement de la prière doit toujours rester la foi, la confiance que Dieu fait ce qu’il promet, et il a promis d’être là pour ceux qui le cherchent avec foi : « Invoque-moi, et je te répondrai » (Jérémie 33:3).

« Frères et sœurs, nous avons la liberté d'entrer dans le lieu très saint grâce au sang du sacrifice de Jésus… Approchons-nous donc de Dieu, avec un cœur sincère et une entière confiance ». (Hébreux 10.19 ; 22)

Dieu, tu es ma consolation

Cependant, ne méprisons pas les sentiments profonds que Dieu peut nous accorder dans la prière, ils sont l’expression de son amour et de sa grâce. La tradition chrétienne donne le beau nom de « consolations » à ces mouvements intérieurs provoqués par le Saint Esprit, et qui nous poussent vers Dieu, comme David ici : « Dès l’aube je te désire… Tout mon être soupire après toi… 

Quand sur mon lit je pense à toi, je passe des heures à te prier.

.. À l'abri de tes ailes je crie ma joie... Je suis attaché à toi de tout mon être… »

 


Joie, louange, désir de prier… sont provoqués par le Saint Esprit en nous.

Quelques critères de discernement apparaissent ici : ce qui vient du Saint Esprit nous tourne vers Dieu et vers les autres. C’est indépendant de notre mérite, et on ne peut le réduire à de simples phénomènes psychologiques ou affectifs obtenus par des techniques : David ici n’est pas en transe, « conditionné » par un état particulier, il est paisible, au contraire.

Au-delà d’un simple bien être psychologique, les consolations du Saint Esprit accroissent notre foi, notre espérance et notre amour. Elles sont plus fortes que les circonstances, sans les nier encore une fois – le mal reste mal, comme David l’exprime avec force ici.

Dieu peut les accorder par pure grâce, par générosité, par amour, à ceux qui le cherchent d’un cœur sincère. 

 

Quelle est notre part, alors ? Si Dieu est libre de nous accorder de telles consolations… ou pas, il nous revient de chercher sa présence de toutes nos forces : 

« Je suis attaché à toi de tout mon être », dit David.
 

Le terme utilisé renvoie à la relation conjugale, avec ce qu’elle implique d’engagement, de fidélité… « un couple, ça se construit », rappellent les Parcours Alpha ! De même pour notre relation avec Dieu. 

« Je suis attaché à toi » - littéralement : « je m’accroche à toi ». Il y a l’idée d’un effort persévérant dans lequel David met toute sa volonté… 

Et en même temps, c’est Dieu lui-même qui rend la réalisation possible, qui, le premier, tient David et le porte jusqu’à lui : « ta main droite est mon soutien ». La main droite de Dieu, c’est sa puissance : rien ne peut l’arrêter dans son amour et sa justice. 

 

Une image contenant intérieur, assis, table, alimentation

Description générée automatiquement

 

On m’a offert cette sculpture réalisée par une sœur de l’Église pour me rappeler que je suis dans la main de ce Dieu-là. Que même si nous devons faire tous nos efforts, être courageux, ultimement ce n’est pas à nous de nos vies et celles des autres à bouts de bras… tout est entre les mains puissantes de Dieu, et nous pouvons nous appuyer sur lui. David trouvait force et joie dans cette pensée. Qu’elle soit pour nous aussi un encouragement.

 

 

Dieu, tu me relèves !

v.12

 

Le moment de communion que vit David n’est pas éternel – pas encore ! Il lui faut revenir à ses dures réalités. Mais le voilà consolé, encouragé, remis debout : « Que le roi trouve en Dieu la source de sa joie ! ».

David a été chassé du trône… mais être roi, c’est une vocation qu’il a reçue de Dieu – et par la foi en lui, David ose se positionner à nouveau comme roi, devant ceux qui cherchent à lui voler ce titre ! 

Parce que c’est Dieu qui nous donne notre identité, notre ancrage, il en est le garant. Par Jésus, il nous a appelés à devenir ses enfants, avec le privilège d’entrer librement dans son intimité. Et aucun désert ne peut nous nous arracher à son amour. 

Alors relevons la tête, malgré les poids que la vie met sur nos épaules, et ne nous privons pas de sa présence. Prions-le, cherchons-le. 

Et si nous sommes découragés, si le désert nous assèche tellement que nous ne pouvons plus prier, attendons son secours

Il n’a pas besoin que nous soyons fort, il a juste besoin que nos cœurs lui soient ouverts, que nous ayons besoin de lui, en vérité. 

 

Amen 

 

 S. Guiton

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