Prédication du 23 février 2020 - 1 Pierre 1.3-9 - La joie qui nait de la foi (S. Guiton)


 Il y a deux ans, la radio chrétienne RCF a fait réaliser une enquête sur « les français et la joie ». 
Celle-ci a révélé un paradoxe bien français, avec 77 % des personnes interrogées qui s’estimaient joyeuses, mais qui jugeaient, à 84 %, leurs concitoyens peu enclins à la joie. 
Etonnant ! 
Le lieu où les Français ressentent le plus de joie serait la famille (72 %), puis la vie sociale et la vie amoureuse. 
Et les deux personnalités qui incarnent le plus la joie : Omar Sy et le Pape François ! 

Et nous, chrétiens protestants évangéliques ? Nous estimons-nous « joyeux » ? Nous ne sommes pas forcément connus pour l’être, hélas ! 

Pourtant, comme le dit précisément le Pape François, est-ce que la joie n’est pas « la carte d’identité du chrétien » ? 
« Lorsque, dit François, dans nos paroisses, dans nos communautés, dans nos institutions, nous trouvons des gens qui se disent chrétiens et veulent être chrétiens, mais sont tristes, il se passe quelque chose qui ne va pas ».

De quelle joie parle-t’on ? répondront certains, et qu’est-ce qui ne va pas ? S’il faut exprimer une joie artificielle, hors de question ! Plutôt rester grave et être authentique que sacrifier à une joie qui ne serait qu’un enthousiasme superficiel ! 
Etre authentique, bien sûr, et c’est vrai que les motifs de gravité sont nombreux dans ce monde… 
Et pourtant… n’est-il pas vrai que la joie est « la carte d’identité du chrétien ? ». Mais quelle joie, donc ? 

Au début de sa première lettre, l’apôtre Pierre parle de cette joie, un joie qu’il qualifie « d’inexprimable », « glorieuse », appelée à « déborder » ! 
Il écrit cela à des chrétiens qui pourtant font face à des épreuves difficiles. Des chrétiens dispersés dans toute la Turquie, isolés comme nous dans une société étrangère à l’Evangile. Ils sont persécutés pour leur foi, mais restent attachés au Christ fidèlement – et joyeusement ! D’où leur vient cette joie ? De l’Evangile qui nourrit leur espérance, et de leur engagement pour Jésus-Christ. 

1 Pierre 1.3-9

Bénissons Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Dans sa grande bonté, il nous a fait naître à une vie nouvelle, en ressuscitant Jésus Christ d'entre les morts. C'est pour que nous ayons une espérance vivante, 4 en attendant l'héritage que Dieu réserve aux siens. Cet héritage ne peut être ni détruit ni sali et il ne peut pas perdre son éclat. Dieu vous le réserve dans les cieux, 5 à vous que sa puissance garde par la foi, en vue du salut prêt à être révélé au moment de la fin.
6 Débordez de joie, même s'il faut que, maintenant, vous soyez attristés pour un peu de temps par des épreuves de toute sorte. 
7 L'or lui-même, qui pourrait être détruit, est pourtant éprouvé par le feu ; de même votre foi, beaucoup plus précieuse que l'or, est mise à l'épreuve afin de prouver sa valeur. C'est ainsi que vous recevrez louange, gloire et honneur quand Jésus Christ se révèlera. 
8 Vous l'aimez, même sans l'avoir vu ; vous mettez votre foi en lui, même sans le voir encore ; c'est pourquoi vous débordez d'une joie inexprimable, déjà glorieuse, 9 car vous atteignez le but de votre foi : le salut de votre être !

a.     Une joie fondée sur l’Evangile 

Voilà un passage plein d’enthousiasme ! Pierre reprend une formule de bénédiction issue du judaïsme pour encourager ses frères et sœurs : « Bénissons Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! ». 
La bénédiction se déploie en deux temps : v.3-5 : Pierre expose la première source de joie : l’Evangile. « Dans sa grande bonté, (Dieu) nous a fait naître à une vie nouvelle, en ressuscitant Jésus Christ d'entre les morts ».

La joie est une émotion profonde, capable néanmoins de jaillir dans les situations les plus simples, et même les plus difficiles, de l’existence. 

Découvir et accueillir l’amour de Dieu pour nous, et la vie éternelle qu’il nous offre, n’est-ce pas suffisant pour susciter en nous cette émotion profonde ? 
D’autant que cet « héritage » de la vie éternelle n’est pas simplement une utopie subjective : il existe en dehors de nous, Dieu le « réserve dans les cieux » pour ceux qui croient, et qu’il garde par « sa puissance », litt. « comme une armée en protection » autour d’eux. 

Ainsi cette espérance est « vivante » : elle change notre vie, elle lui donne un sens. Par la présence du St Esprit en nous, puissance de résurrection, la joie de Dieu peut faire irruption dans notre vie présente, pas encore pleinement mais comme un avant-goût de l’éternité…

Enorme ! Il y a de quoi contempler, et se réjouir, en effet ! Qui ne serait pas rempli de joie à l’idée de vivre éternellement ! 
Le sommes-nous ?! 

Ensuite, après avoir rappelé cette espérance magnifique de l’Evangile, Pierre expose aux v.6-9 le privilège des chrétiens : pouvoir vivre une joie authentique malgré les épreuves de la vie et l’absence visible de Jésus.

b.    Une joie au-delà des circonstances

Est-ce que la joie chrétienne, c’est par exemple celle qu’on ressent quand on loue Dieu ensemble, au culte ? On est portés par la musique, par l’assemblée… et c’est beau ! Et il y a de véritables bénédictions spirituelles liées à cette louange communautaire. Le Saint Esprit peut nous donner une joie de louer ensemble qui dépasse la seule « ambiance ». 
Car si notre joie devant Dieu dépend entièrement de la qualité de la sono, du jeu des musiciens ou de chants que nous aimons, est-ce qu’elle n’est pas un peu fragile ? 

Or Pierre parle ici de quelque chose de profond, « un héritage que rien ne peut salir ni abimer ». 

Il y a aussi la joie de la fraternité, des bonnes relations et des amitiés dans l’Église. « Oui, il est bon, il est agréablepour des frères d'être ensemble ! », dit le Psaume 133, qui lie aussi une promesse de bénédiction divine à ces liens fraternels. 
Mais nous savons que notre fraternité est aussi soumise au risque des incompréhensions, des tensions, des désaccords… ça fait partie de la vie ensemble. Si notre joie repose entièrement sur notre bonne entente, n’est-elle pas un peu fragile, là encore ? 

Pierre s’adresse ici à des chrétiens qui n’ont pas la joie de vivre en communauté, de louer en communauté . S’il peut leur dire pourtant  « débordez de joie », c’est que cette joie, au- delà des circonstances, vient d’abord de leur relation personnelle avec Jésus ressuscité. 
Là est la source d’une joie que même la mort n’a pas pu étouffer. 
C’est la joie de se découvrir aimé, régénéré, adopté par Dieu comme son enfant. 
C’est la joie de vivre cette vie renouvelée que l’Esprit apporte en nous, dans un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur. 


Voilà pourquoi vivre le joie de Dieu est une question de foi : v.8 : « Vous l'aimez, même sans l'avoir vu ; vous mettez votre foi en lui, même sans le voir encore ; c'est pourquoi vous débordez d'une joie inexprimable, déjà glorieuse », car elle est un avant-goût de la joie supérieure que nous connaitrons au ciel, lorsque nous serons face à face avec Dieu, et que nous contemplerons sa gloire directement, pour l’éternité – que nous baignerons dans son amour. 

c.     La joie dans l’épreuve ? 

Il y a quand même quelque chose d’étonnant dans le discours de Pierre : « Débordez de joie, même s'il faut que, maintenant, vous soyez attristés pour un peu de temps par des épreuves de toute sorte ». Comment « déborder de joie » et être « attristé » en même temps ?! Et comment se réjouir quand on subit des épreuves ?! 

Ca peut paraître insensé, voire malsain, d’être joyeux de souffrir… pourtant Jésus lui-même a dit ceci : 
Luc 6.22-23 : « Heureux êtes-vous si certains vous haïssent, s'ils vous rejettent, vous insultent et disent du mal de vous, à cause du Fils de l'homme. Réjouissez-vous quand cela arrivera et sautez de joie, car une grande récompense vous attend dans le ciel ».

Pierre dira dans le chapitre suivant qu’être triste et éprouvé parce qu’on a désobéi a Dieu, c’est normal. Aucune joie n’est promise dans ces cas-là ! 

En revanche, dans le NT, la plupart des promesses de joie sont adressées à des chrétiens qui traversent des épreuves à cause de leur engagement, de leur obéissance au Seigneur.

Dans ces cas-là, la souffrance est réelle, attristante. Mais une joie particulière est promise, une joie supérieure, qui vient directement de Dieu, et qui est ancrée dans l’espérance du ciel. 



d.    Une foi épurée pour accueillir la joie 

Pierre va même plus loin : il nous invite aussi à regarder nos épreuves avec le regard de la foi, et sans nier le scandale de la souffrance, d’accueillir aussi la possibilité que Dieu puisse en faire des occasions de croissance, d’ouverture de nos cœurs, voire de purification de notre foi. 



C’est le sens de l’image très biblique du creuset : on fond l’or brut dans un creuset pour le purifier des grumeaux qu’il contient. 


Ainsi, certaines épreuves sont des moments de vérité qui nous révèlent à nous-mêmes, elles nous mettent à nu et mettent au jour nos grumeaux… on se découvre alors bien différent de l’image idéale qu’on s’était forgé, nos défenses ne tiennent plus, nos postures d’autosuffisance non plus… et ça fait mal : le creuset, ça brûle ! 

Dieu pourtant veut nous rejoindre là, dans ces moments de vérité, pour nous aider à nous accueillir comme nous sommes, dans nos pauvretés mais aussi nos richesses. 
Il y a une joie profonde à se découvrir ainsi aimés comme on est.

De plus, la présence de Dieu fait jaillir la joie en nous. A travers l’épreuve, Dieu peut aussi travailler à nous libérer de ce qui nous sépare encore de lui : des fausses croyances (« je dois y arriver seul), des péchés qu’on garde, des peurs, des blessures… 

Une de ces choses fait-elle obstacle à la joie dans ma vie ? 

Je peux en parler au Dieu du pardon et de la grâce. 


e.     Don de la joie et don de nous-mêmes 

Au final, une idée clé émerge de ce passage : le don de la joie est lié au don de nous-mêmes et à la profondeur de notre engagement de foi.

Il n’y a pas de joie véritable là où dominent la peur, le repli, la tiédeur, le manque de reconnaissance et d’abandon. 

La joie va avec l’audace, la générosité, le don de soi. 

Si je me donne peu… je recevrai peu de joie. 
Si j’oublie d’où Dieu m’a tiré, que je ne vois plus tout ce qu’il me donne et uniquement ce qui me manque ou ce qui ne va pas comme je veux… comment pourrai-je me réjouir ?

« Celui qui cherche à sauver sa vie la perdra », dit Jésus. Mais si je m’accroche à lui pour le suivre pas à pas, même si je ne le vois pas, comme dit Pierre, il me montrera à quel point il m’aime, je verrai qu’il me « garde par sa puissance » et que même à travers les difficultés il travaille pour mon bien, en élargissant mon cœur … et vivre cette amitié de Dieu au quotidien, c’est une profonde source de joie.


Alors ne  laissons pas le doute, l’inquiétude, le poids des habitudes, le découragement… nous voler notre joie mais restons focalisés sur Jésus-Christ, sur son amour et sa Parole, pour lui obéir.

Il saura ouvrir nos cœurs à sa joie, profonde, « inexprimable ». 

Que cette joie puisse vraiment être notre « carte d’identité » de chrétien, visible de tous ! 


Je finis avec une parole de Paul, cette fois – une autre bénédiction, pour nous tous : 
« Que Dieu, qui donne lespérance, vous remplisse de paix et de joie à cause de votre foi ! Alors vous serez pleins despérance par la puissance de lEsprit Saint ». (Lettre aux Romains 15.13)



Questions : 

Qu’est-ce qui fait obstacle à la joie de Dieu dans ma vie ? Quelle porte puis-je ouvrir au Seigneur, quel pas d’obéissance me demande-t’il ? 
Il me promet sa joie dans cette obéissance, je demande l’aide du Ressuscité. Il est vivant et veut me sauver ! 

Je prends le temps de penser à quelque chose qui me donne de la joie… et je remercie le Seigneur pour ce don qu’il me fait. 




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