Prédication du dimanche 23 juin 2019 - Actes 5.1-14- Ananias et Saphira : comment nos péchés impactent la croissance de l’Eglise (S. Guiton)

Que se passerait-il si ce matin, Dieu révélait d’une façon fracassante, aux yeux de tous, les péchés des uns et des autres ? Rien que d’y penser, ça fait frémir, n’est-ce pas ? 

Eh bien c’est arrivé, au début de l’histoire de l’Église. 
Luc raconte cela dans le livre des Actes, au chapitre 5. A la Pentecôte, Dieu s’est manifesté avec puissance en envoyant son Esprit, 3000 personnes se sont converties et se réunissent maintenant à Jérusalem. Dans cette communauté il se passe des choses extraordinaires, « des signes et des prodiges », dit Luc. Pendant plusieurs chapitres, il raconte ainsi l’expansion glorieuse de l’Église. Et même s’il y a des persécutions, Les gens autour sont admiratifs de la façon dont ces chrétiens s’aiment, se soutiennent, partagent tout. Plusieurs vendent des propriétés et en offrent le produit à l’Église pour le soutien des plus démunis au sein de la communauté. 
C’est très beau. L’Evangile en action, l’Evangile réellement vécu au quotidien. Des gens qui se mettent à vivre comme Jésus a vécu. 
Mais voilà… un jour, la première crise survient. 

Récit en Actes 5.1-14

1Or un nommé Ananias, avec Saphira, sa femme, vendit aussi une propriété ; 
2avec le consentement de sa femme, il détourna une partie du prix, puis il apporta le reste et le déposa aux pieds des apôtres. 
3Pierre lui dit : Ananias, pourquoi le Satan a-t-il rempli ton cœur, que tu mentes à l'Esprit saint en détournant une partie du prix du champ ? 
4Lorsque celui-ci était encore à toi, ne pouvais-tu pas le garder ? Et même quand il a été vendu, son prix ne restait-il pas sous ton autorité ? Comment as-tu pu envisager pareille action ? Ce n'est pas à des humains que tu as menti, mais à Dieu ! 
5Quand Ananias entendit cela, il tomba et expira. Une grande crainte saisit tous ceux qui l'apprirent. 
6Les jeunes gens se levèrent, l'enveloppèrent, l'emportèrent et l'ensevelirent. 
7Environ trois heures plus tard, sa femme entra, sans savoir ce qui était arrivé. 
8Pierre lui demanda : Dis-moi, est-ce bien à tel prix que vous avez vendu le champ ? Oui, répondit-elle, c'est bien à ce prix-là. 
9Alors Pierre lui dit : Comment avez-vous pu vous accorder pour provoquer l'Esprit du Seigneur ? Sache-le : ceux qui ont enseveli ton mari sont à la porte ; ils t'emporteront aussi ! 
10A l'instant même, elle tomba à ses pieds et expira. Les jeunes gens, à leur entrée, la trouvèrent morte ; ils l'emportèrent et l'ensevelirent auprès de son mari. 
11Une grande crainte saisit toute l'Eglise et tous ceux qui apprirent cela. 
12Beaucoup de signes et de prodiges se produisaient dans le peuple par les mains des apôtres. Ils se tenaient tous, d'un commun accord, au portique de Salomon. 
13Parmi les autres, personne n'osait se joindre à eux ; mais le peuple les magnifiait. 
14De plus en plus de gens croyaient au Seigneur, une multitude d'hommes et de femmes. 


Étonnant récit ! Voir le Dieu de Jésus-Christ agir ainsi… Il y a de quoi être dérangé, et je l’ai été, ce qui a stimulé ma méditation de ce passage ! 

Au premier abord, on croirait cet épisode sorti tout droit de l’AT – et ce n’est pas un hasard. 
En effet, certains indices du texte de Luc, certains mots en grec qu’il serait trop long de décrire lient ce récit à un autre, en Josué 7. Même si deux récits ça peut faire beaucoup, évoquons rapidement celui-ci qui éclaire grandement « le cas Ananias ».

Josué 7 raconte comment, lors de la conquête de la terre promise, Dieu envoie Josué se battre contre un peuple idolâtre, le Aï. Or Josué et ses hommes, pourtant plus forts, essuient une cruelle défaite… le moral est au plus bas : que s’est-il passé ? Dieu révèle alors que leur échec vient de leur infidélité : Dieu leur avait interdit de garder quoi que ce soit qui appartienne aux peuples idolâtres qu’ils combattaient, car cela les rendait impurs à ses yeux et risquait de les entraîner dans l’idolâtrie. 
Mais Dieu révèle qu’un Israélite, secrètement, a désobéi, et par son péché cet homme a rendu tout le peupleimpur devant Dieu. 
Dieu lui-même démasque le coupable : c’est Akan. Poussé par la convoitise, il a pris de l’argent et des objets précieux liés au culte des idoleset les a cachés sous sa tente. Son péché a contaminé le peuple tout entier. Akan est alors mis à mort, ses biens brûlés, et le peuple purifié remporte alors la victoire sur le Aï. 

Que retirer de ce parallèle entre les deux textes ? Plusieurs avertissements, plusieurs leçons pour nous aujourd’hui. 

D’abord, les deux récits montrent un péché individuel qui affecte l’ensemble de la communauté.Israël perd le combat à cause du péché d’Akan. Le mensonge d’Ananias menace toute l’Église. Est-ce donc que nos péchés ont un impact sur l’ensemble de l’Église ?! 
Il semble bien que oui…

Est-ce que ce n’est pas logique après tout ? Paul rappelle sans cesse qu’on ne peut pas être chrétien seul, et que l’Église est un corps où chacun est lié aux autres par le St Esprit. 
De fait, si je me mets joyeusement au service de Dieu, je fais du bien à son Eglise. Mais si je résiste au Seigneur, je fais obstacle à l’action du Saint Esprit dans l’Église ce corps dont je suis un membre, et les autres risquent d’en pâtir.

A plus forte raison, si je garde volontairementun péché dans ma vie, que je l’enterre sous ma tente comme Akan ou que j’essaie de faire passer en douce comme Ananias, cela risque d’affecter l’ensemble du corps – de la même façon qu’une bobo au doigt, s’il s’infecte, peut entraîner la mort !


Ce que les deux récits montrent aussi, c’est l’exemple d’une désobéissance individuelle  qui entache la saintetédu groupe – entraînant une intervention de Dieu pour rétablir cette sainteté. 
Cela nous rappelle que, comme Pierre le dit dans sa première lettre, le projet de Dieu pour Israël, « vous serez saints comme je suis saint », est toujours valable pour l’Église. 
En effet, l’impératif de rechercher la pureté et la sainteté devant Dieu n’est pas quelque chose que la venue de Jésus aurait annulé.
Et si c’est maintenant la foien Christ mort sur la croix qui nous rend saints, et pas des rites de sacrifices, Jésus lui-même nous appelle à rechercher la sainteté par amour pour Dieu. A offrir nos vies toutes entières comme des « sacrifices vivants, saints et agréables à Dieu » (Romains 12.1).

La prière du notre Père place d’ailleurs cela au centre : « que ton nom soit sanctifié, reconnu comme saint ». « Pardonne nous comme nous pardonnons ». « Délivre nous du mal ».. 

Ces deux récits sont donc des avertissementspour nous : ne conservons rien dans nos vies qui nous éloigne de Dieu, et recherchons la sainteté par amour pour lui… 
Voilà la juste attitude pour grandir, voilà le chemin de vie à suivre, dans une direction inverse à celle d’Akan, Ananias et Saphira. 

Car c’est bien notre santé, notre croissance avec Dieu qui est en jeu, et même plus : l’avancée du Royaume de Dieu : une fois le péché éffacé, Josué remporte le combat et le peuple avance. Quant à l’Église de Jérusalem, elle rentre dans  une phase de bénédiction : « Beaucoup de signes et de prodiges se produisaient dans le peuple par les mains des apôtres », dit Luc. 

Voulons-nous grandir avec Dieu, nous aussi ? Recevoir ses bénédictions, et croître, personnellement et en tant qu’Église ? 
Alors commençons par faire place nette dans nos cœurs, comme Dieu nous le demande.  
Pour cela, il nous faut prendre Dieu au sérieux, et lui ouvrir volontairement nos cœurs, la partie enfouie de nos vies, pour qu’il y travaille en profondeur. 
Cela implique que nous lui confessions nos fautes, que nous nous en repentions pour recevoir sa grâce bienfaisante. 

C’est ce que je vais faire, personnellement, pour moi-même : prendre un temps particulier devant Dieu, dans les deux semaines qui viennent, pour lui demander de me montrer s'il y a dans ma vie des choses qui freinent l'action de son Esprit. 
Et je vous invite à vous associer à moi. 
Pour que Dieu puisse bénir  notre communauté comme il le souhaite

Oui, prenons Dieu au sérieux ! 
Ce n’est pas pour rien que Luc insiste sur la crainte que tout le monde éprouve après le jugement d’Ananias et Saphira. Cette crainte ici n’est pas une peur superstitieuse ou paralysante mais un profond respectpour Dieu et la conscience de sa sainteté, de sa justice, et de la gravité du péché. 
C’est cette « crainte » qui provoque alors une vague de conversions, car la révélation de Dieu prédispose les cœurs à recevoir l'Evangile, elle entraîne un regain de consécration.  Les gens ouvrent leur cœur à Dieu, lui remettent leurs péchés… et Dieu, alors, répand son Esprit et bénit. 
Le résultat c’est de la joie, de la liberté, un mouvement de vie et d’amour positif !  Une croissance spirituelle et numérique de l’Église. 

Prendre Dieu au sérieux, c’est d’abord écouter sa Parole et lui obéir : et si, pendant les semaines qui viennent, nous prenions davantage de temps pour la méditer ? En demandant à Dieu : Seigneur, montre-moi comment t’appartenir davantage ? 


Ensuite, confesser nos fautes. 

Trop souvent, on a tendance à couvrir les fautes en espérant qu'on les oublie. C’est une spécialité dans les Eglises. 
Mais on ne peut pas faire pousser des fruits bio sur un sol gorgé de pesticides ! 

J’ai été membre d’une Église où tout le monde parlait de « ce qui s’était passé », sans rien nommer. On sentait qu’il y avait deux clans, avec des tensions larvées… et le spectre d’une histoire d’abus sexuel, au sein d’une famille… cette Église toujours en tension n’avançait pas, ça se passait mal avec tous les pasteurs… Des gens avaient été négligés, des responsables déshonorés, on avait abondamment calomnié et médit… et ça restait là, au milieu du camp, à infecter toutes les relations. 

En tant qu’Église, le jugement d’Ananias et Saphira nous met particulièrement en garde sur deux péchés dans lesquels ils se complaisent , et que nous devons combattre : l’hypocrisie et l’orgueil.
Les deux péchés qui ont conduit le peuple d’Israël à sa perte. 

Personne n’a décelé ces dérives... sauf Pierre, sans doute par une révélation de Dieu qui lui montre que le diable a tenté ce couple pour attaquer l’Église. 
v. 3 « Ananias, pourquoi le Satan a-t-il rempli ton cœur ? ». 

Sur le coup, on ne comprend pas tout de suite ce que le couple a fait de grave ; après tout, le champ est à eux, et même Pierre le dit, ils en font ce qu’ils veulent. Mais Dieu révèle qu’il ont prétendu tout donner à l’Église, pour avoir une bonne image, se faire passer pour des gens généreux et prêts au sacrifice… sans assumer le sacrifice lui-même ! 

La sévérité du jugement de Dieu sur ce couple dit bienla gravité de l’hypocrisie. Jésus lui-même le répète à l’envi : Dieu déteste l’hypocrisie. 
« Malheur à vous, dit-il en Mt 23, hypocrites » ! En Grec, l’hypocrite c’est l’acteur de théâtre, qui dans l’Antiquité porte des masques…
On sait que l’écart entre les paroles et les actes des chrétiens, entre les masques qu’ils portent le dimanche et leur vie intime constituent l’un des premiers reproches du monde à l’Église, des enfants de chrétiens à leurs parents. Les scandales sexuels dans l’Église (catholique, évangélique) ne font qu’apporter de l’eau à ce moulin. 

L’hypocrisie, le mensonge sont redoutables pour nous et pour le corps de l’Église tout entier notamment parce qu’ils nous coupent de ce que nous sommes vraiment au fond. De notre vérité profonde. Or si nous ne sommes pas en vérité devant les autres, comment pouvons-nous l’être devant Dieu ? Comment alors l’Esprit de vérité peut-il nous conduire et nous bénir ? 
En s’entêtant dans le mensonge, Ananias et Saphira se sont fermés à la grâce de Dieu, fermés à la repentance, à ce Dieu qui n’attendait que de les pardonner. 

Il y a aussi de l’orgueil chez ces gens : ils font semblant d’adorer Dieu, mais en réalité, ils sont en train de rendre un culte à l’idole de leur nombril, l’idole de leur image sociale. Leur motivation n’était pas de relever les faibles, mais d’augmenter leur propre ego. 

Globalement, si Ananias et Saphira cédent à ces tentations, c’est qu’ils n’ont pas vraiment confiance en Dieu. Ils ne l’adorent pas tel qu’il est – puissant, présent, attentif. 
Ils manquent de foi : voilà un péché bien banal mais qui peut profondément entraver l'action de l’Esprit dans une Église. Ce manque de foi qui conduit à ne plus croire que Dieu peut changer les choses, à craindre qu’il ne prenne pas soin de ses enfants, de son Église… Céder à une inquiétude paralysante est aussi un péché à rejeter.

Pour que nous grandissions avec Dieu, il nous faut au contraire d’Ananias et Saphira marcher dans la vérité et l’humilité,centrés sur le vrai Dieu,afin de pouvoir être libérés de ce qui nous ferme à ses bénédictions. 

Il nous faut nous repentir quand c’est nécessaire, et pour cela écouter ce que Dieu nous dit. 
La repentance, ce n’est pas s’enfermer dans le noir en se disant qu’on ne vaut rien. C’est sortir d’une prison pour entrer dans la lumière apaisante, bienfaisante de Dieu. Parce que Christ a pris sur lui tout le mal du monde. 

Oui, cette démarche est une des premières choses que nous avons à faire, régulierement,pour garder notre vitalité spirituelle, et pour que notre Église la garde aussi. 

Alors en ce début d’été, prenons du temps dans la prière, honnêtement devant le Dieu saint, juste et plein de bienveillance, pour sortir avec lui nos dossiers brûlants, et lui remettre afin qu’il les détruise, au nom de Jésus.

En particulier : ai je besoin de pardonner ? De demander pardon ? 

Est-il besoin de redire que cette démarche est personnelle, qu’il est exclu d’aller traquer le péché des autres ?  « Que chacun s’examine soi-même », dit Paul. Dans le secret de son cœur.
Il est important aussi de pouvoir se livrer à un ami de confiance, mais que ce soit vraiment sécurisé et confidentiel. 

Soyons-en assurés, Dieu notre Père se réjouit déjà de ces moments que nous allons passer avec lui, il veut nous faire du bien, alléger nos cœurs chargés, nous rendre libres et pleins de joie ! Il veut ouvrir pour nous les écluses des cieux et répandre sa grâce comme jamais auparavant, comme il l’a fait pour l’Église de Jérusalem. 

Au Seigneur seul soit la gloire, aux siècles des siècles. 
Amen. 


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