Prédication du dimanche 28 avril 2019 - Jean 20.19-23 : « Que la paix soit avec vous »- Bénissez et ne maudissez pas ! (S. Guiton)

Le texte proposé aux Eglises pour le culte d’aujourd’hui nous amène juste après la résurrection du Seigneur. 

Nous lisons en Jean 20.19-23 : 

19 Le soir de ce jour-là, qui était le premier de la semaine, alors que les portes de l'endroit où se trouvaient les disciples étaient fermées, par crainte des Juifs, Jésus vint ; debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 
20 Quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent de voir le Seigneur. 
21 Jésus leur dit à nouveau : Que la paix soit avec vous ! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. 
22 Après avoir dit cela, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit saint. 
23 A qui vous pardonnerez les péchés, ceux-ci sont pardonnés ; à qui vous les retiendrez, ils sont retenus. 


Les quatre Évangiles rapportent cette apparition de Jésus à ses disciples réunis quelque part à Jérusalem. Des disciples que la peur des religieux juifs tient cachés, enfermés – sans doute redoutent-ils d’être traités comme leur maître ! 
Le ressuscité, que rien n’arrête, même pas les murs d’une pièce fermée, leur apparaît alors pour les rassurer et les envoyer en mission. A eux maintenant d’aller dans le monde et d’annoncer la bonne nouvelle de l’Evangile, le pardon des péchés – c’est le sens du verset 23 : par la prédication, l’annonce de la foi, le pardon et le salut d’un grand nombre sera rendu possible. 

Qu’est-ce qui va rendre ces disciples terrorisés capables d’ouvrir la porte et d’aller au-devant du danger pour porter cette bonne nouvelle ? Il leur faut la bénédiction du Seigneur, et l’inspiration de son Esprit.Seules la présence et l’action puissante du Ressuscité, par son Esprit répandu sur eux, pourra les rendre capables de mener à bien la mission.
Alors Jésus leur envoie son Esprit. Ils le recevront à nouveau à la Pentecôte, bien sûr, mais l’Esprit de Dieu est toujours à l’œuvre, avant, pendant et après la Pentecôte ! 

L’envoi des disciples est donc lié à cette parole de bénédiction deux fois répétée : « que la paix soit avec vous », associée à l’action du Saint Esprit.

« Que la paix soit avec vous », c’était la formule ordinaire pour dire « bonjour », mais elle prend ici une profondeur particulière – soulignée par sa répétition : par cette parole, Jésus donne à ses disciples une paix et une joie spécifiques, qui va les rendre capables de dépasser la sidération dans laquelle ils sont, à cause de la croix – qu’ils n’ont pas comprise. Alors Jésus leur montre « ses mains et son côté », pour qu’ils voient bien qu’il n’est pas un fantôme, que c’est bien lui et qu’il a traversé la mort ! 

« Que la paix soit sur vous ». Cette parole de bénédiction va les porter, les relever, les remettre en route. 
« Que la paix soit sur vous ». Cette parole du Seigneur est aussi pour nous, et elle nous interpelle : nous aussi nous sommes envoyés, et comme le Seigneur bénit, nous sommes appelés à bénir les autres nous aussi. 
Bénir. Apporter des paroles de bénédiction.

Jésus n’aurait-il pas pu dire autre chose aux disciples :  « Jésus vint ; debout au milieu d'eux, il leur dit : Où étiez-vous passés ? Pourquoi m’avez-vous laissé tomber ?  Franchement, après tout ce que j’ai fait pour vous ! Je me demande si j’ai bien fait de vous choisir. Vous êtes vraiment des lâches ! Me faire ça, à moi ! … ». 

Avouons-le, cela ressemble davantage à ce que nous aurions envie de dire, si nous avions comme lui à faire avec des amis qui nous ont laissé tomber, abandonné… ! 

Au contraire, pas un reproche dans la bouche de Jésus, mais une parole de bénédiction, une parole qui apaise, qui relève, qui élèvemême ces hommes terrorisés pour en faire des porteurs du salut ! « A qui vous pardonnerez les péchés, ceux-ci sont pardonnés ».

Quelle grâce ! Jésus qui est la Parole de Vie sait mieux que quiconque qu’une parole a toujours un effet sur les autres, plus ou moins fort, plus ou moins positif ou négatif. 
Alors il utilise ce pouvoir pour relever ses disciples, pour les élever

Et nous ? Mesurons-nous bien l’impact que nos paroles ont sur les autres ? Et qu’en faisons-nous ? 
Sommes-nous de ceux qui bénissent les autres, pour les élever – ou de ceux qui maudissent, pour rabaisser ?  

Bénir, maudire. Littéralement : « dire du bien » ou « dire du mal ». La bénédiction et la malédiction occupent une place très importante dans l’AT. Le livre des Nombres prescrit même une prière de bénédiction : « Que le Seigneur te bénisse et te garde… ». 

Avec le sacrifice de Christ, seule reste la bénédiction. Car comme Paul l’explique aux Galates, le Christ a épuisé dans sa propre mort toute malédiction possible, lui qui est devenu « malédiction pour nous » (Gal 3.13).


Ainsi, dans le NT, bénir devient alors le mot-clé du programme éthique et spirituel du chrétien.

« Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous détestent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous injurient » - Luc 6.27-28
« Soyez les premiers à honorer les autres » - Romains 12.10
« Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas » - Romains 12.14
« Insultés, nous bénissons ; persécutés, nous supportons ; diffamés, nous encourageons ». (1 Co 4.12-13)

Que signifie « bénir » ? Bénir quelqu’un c’est exprimer le souhait, la prière, que Dieu le bénisse, lui fasse du bien. C’est invoquer l’amour, la grâce de Dieu sur l’autre. Et lier la reconnaissance et la foi envers Dieu, qui seul mérite d’être « béni », loué, à la reconnaissance et à des prières de bénédiction pour l’autre. 

Mais plus largement, on peut bénir quelqu’un sans que cela passe par une parole liturgique, cérémonielle, comme celles qu’on prononce lors d’une bénédiction de mariage. 

Toute parole qui dit à l’autre notre joie de le voir réussir, de voir son bonheur, toute parole qui dit ses qualités et invoque sur lui la faveur de Dieu est une bénédiction. Bénir, c’est encourager. C’est souligner le positif chez mon frère ou ma sœur, dans ce qu’il ou elle fait ou est. Souligner la réussite et s’en réjouir. 

« Grâce et paix à vous de la part de Dieu, notre Père, et du Seigneur Jésus-Christ », écrit Paul aux Ephésiens : souhaiter la paix à quelqu’un, c’est fort ! Et dans le même temps que nous disons cela, nous nous engageons aussi à agir pour la paix de cette personne. Paroles et actes ensemble, toujours, comme des expressions de l’amour que Christ a répandu dans nos cœurs et qu’il nous demande de partager à notre tour. 
Est-il nécessaire de dire l’importance des parolespour construire et entretenir une relation d’amour, y compris d’amour fraternel ? 

Avouons-le, les paroles de bénédiction sont rares dans ce monde. 
Dans sa conférence de presse de jeudi dernier, Emmanuel Macron a aussi évoqué « la haine dans le débat public ». Il a parlé de tous ces gens qui se lèvent « la boule au ventre »… Signes des temps. Notre société a besoin de paroles de bénédiction, de paroles d’amour véritable, de paroles qui encouragent et apportent la paix, au nom de Dieu. 

Mais pourquoi, nous qui sommes appelés à être « la lumière du monde » avons-nous tellement de mal à porter de telles paroles de bénédiction ?Qu’est-ce qui nous retient de dire le bien plutôt que le négatif ? 

Dans sa lettre, Jacques consacre un long développement à cette question de la « langue » et de sa puissance. La langue, « une petite partie du corps », écrit Jacques., mais qui, comme un petit feu, « peut embraser une grande forêt ».
Et Jacques pointe lui aussi cette « difficulté à bénir » que nous rencontrons tous.
« Par la langue nous bénissons celui qui est Seigneur et Père, et par elle nous maudissons les humains qui sont à la ressemblance de Dieu. De la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction. Il ne faut pas, mes frères, qu'il en soit ainsi ». 
D’où cela vient-il ? Tout de suite après, Jacques évoque la jalousie, l’orgueil, l’esprit de jugement… qui nous poussent à dire du mal des autres. A cela, iI conclue : « Qui es-tu pour juger ton prochain ? » (4.12). 

C’est que nos paroles révèlent le véritable contenu de notre cœur, et celui-ci a lui-même besoin d’être béni, purifié : « c’est de l’abondance du cœur que la bouche parle », dit Jésus (Luc 6.45). 
Écoutons-nous parler… que disent nos commentaires, nos réflexions, sur l’état de notre cœur ? 
Est-ce que nous sommes plutôt enclins à critiquer, à dire ce qui ne va pas, ou à dire du bien de l’autre, à encourager, saluer les réussites, les points positifs ? 

Reconnaissons que notre culture française ne nous aide pas dans ce domaine. Elle semble craindre l’encouragement, notamment dans l’éducation – à la maison, à l’école. Surtout ne pas trop encourager, de peur que l’autre ne se laisse aller ! « Ne te repose pas sur tes lauriers ». Peur de ce qui se passerait si l’enfant qui a bien réussi se croyait trop bon… 
Certes l’orgueil est un danger, mais que dire de la dévalorisation et la crainte permanente de n’être pas assez bien ? 

 « Que la paix soit avec vous ». Jésus sait combien la crainte enferme et s’oppose à l’amour. Dans la crainte  je me replie sur moi-même et mes paroles se changent alors en bouclier ou en épée pour défendre le terrain que je crois menacé.

Cela se manifeste parfois dans l’Église : pourtant, qu’est-ce qui nous retient valoriser les autres, de les encourager même s’ils ne font pas comme nous le voudrions ? 

Lorsque j’étais ado, débutant à la guitare, j’ai été encouragé – béni ! – par une responsable de groupe de jeunes qui m’a poussé à participer à la louange. Je suis alors venu devant, au culte, avec ma guitare électrique, pour faire les trois accords que je connaissais alors… et ma guitare n’a pas marché. Pas un son n’en est sorti. 
Cela n’a pas empêché plusieurs personnes, à la fin, de venir me voir pour m’expliquer avec véhémence à quel point j’avais joué trop fort, combien la guitare électrique n’avait pas sa place au culte… 
Qu’est-ce qui retenait ces personnes (depuis longtemps pardonnées !!) de bénir un jeune maladroit mais plein de bonne volonté ? De quoi avaient-ils peur ?
Quel était le risque ? 

Nos familles ne sont pas épargnées bien sûr, et chacun de nous, parents, peut frémir en pensant au nombre de paroles de malédiction qu’il a pu prononcer sur ses enfants, sous le coup de la fatigue notamment… On peut s’enfermer dans une relation où la critique, l’ironie, le reproche deviennent la norme… 
Encore une fois, soyons attentifs à ce que nous disons sur nous-mêmes, sur les autres… 
Afin de bénir, et non de maudire. 

Car l’amour véritable est humble :« soyez les premiers à honorer les autres » (Romains 12.10). 
L’amour véritable cherche à élever l’autre, à l’épanouir. 
Est-ce que je cherche à me valoriser en dévalorisant les autres ? Est-ce que j’ai tendance à être dur, exigeant, critique avec les autres ? 
Dans ce cas, j’ai une conversionà vivre dans ce domaine, avec le Seigneur. 

Car au contraire, c’est avec des paroles d’amour, de bénédiction, d’encouragement, de paix que le Ressuscité vient à notre rencontre. Lui qui connaît nos cœurs et n’est pas dupe de nos vies, il nous envoie vers les autres « comme le Père l’a envoyé ». 
« Que la paix soit avec vous ». Ce n’est qu’en cherchant la paix auprès de lui, en recevant sa grâce, en nous laissant bénir par lui que nous pourrons bénir les autres. 

Ce n’est qu’en nous abaissant devant lui, afin que lui nous élèvecomme il le voudra, que nous pourrons élever les autres.

En somme, pour bénir, comme les disciples après Pâques, il nous faut la bénédiction du Seigneur, et la puissance discrète de son Esprit de vie en nous.
Seules la présence et l’action puissante du Ressuscité, par son Esprit répandu sur nous, pourra nous rendre capables de mener à bien cette mission d’amour.

Nous ne pouvons pas bénir les autres si nous ne nous laissons pas bénir par Christ, si nous ne recevons pas sa paix pour nous-mêmes afin d’être en sécurité, disponibles pour aimer…

Alors, « que la paix soit avec vous ! » Recevons cette parole de pardon et de bénédiction du Seigneur, et qu’elle nous aide à bénir les autres, à notre tour. 

Amen ! 

S. Guiton

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