Dimanche 14 octobre 2018- Série : « A ceux qui nous ont offensés ». Prédication 1. L’offense et la colère. (S. Guiton)



Tu m’as insulté.
Trahi.
Rabaissé.
Humilié. 
Frappé.
Nié.
Agressé.
Détruit. 

Et ces paroles, ces actes, ces gestes m’ont si profondément blessé… je me bats maintenant avec l’envie de me venger, avec la rancoeur… et en même temps j’ai envie de fuir, de te fuir. Mais rien de tout ça ne m’apporte la paix. 

Que faire ?



Face aux offenses que nous subissons, la Bible nous invite à suivre le chemin du pardon. C’est le thème de l’exposition que nous avons la joie d’accueillir à la Causerie jusqu’en janvier, exposition du d’un collectif d’artistes chrétiens Majestart. 

Le pardon est une réalité complexe, que la Parole de Dieu présente sous plusieurs dimensions : pardon demandé à Dieu. Pardon demandé à l’autre. Pardon accordé à soi-même. Pardon accordé à « ceux qui nous ont offensés ». 

Je commencerai aujourd'hui une série de 4 prédications sur le sujet.

Dans notre réflexion, nous nous laisserons guider par plusieurs textes bibliques. J’illustrerai avec quelques oeuvres de l’exposition. 


D’abord, ce verset clé du Notre Père : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6.12). 

Ensuite, Romains 12.17-21 : "17Ne rendez à personne le mal pour le mal, cherchez à faire le bien devant tous. 18Autant que possible, si cela dépend de vous, vivez en paix avec tous. 19Amis très chers, ne vous vengez pas vous-mêmes, mais laissez la colère de Dieu agir. En effet, dans les Livres Saints, le Seigneur Dieu dit : « À moi la vengeance ! C'est moi qui donnerai à chacun ce qu'il mérite ! » 20Mais il dit aussi : « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger, s'il a soif, donne-lui à boire. Alors, si tu fais cela, c'est comme si tu mettais des charbons brûlants sur sa tête. » 21Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien ».

Enfin, ces mots de la lettre aux Ephésiens : « Si vous vous mettez en colère, prenez garde de ne pas tomber dans le péché, que votre colère ne dure pas jusqu'au soir. Ne donnez pas l'occasion au diable de vous dominer. » (Éphèsiens 4.26-27) 


« Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ».

Offensés… le terme est peu utilisé dans la vie quotidienne, pourtant les offenses sont bien là, nous en subissons sans cesse. De la parole dévalorisante, l’insulte, le geste de rejet, à la violence la plus immonde, l’abus le plus ignoble. 

On nous a offensés et nous l’avons fait à d’autres. De cela, il résulte des « blessures relationnelles … profondes » qui ont « besoin de guérison ». Nous sommes offensés, nous avons offensé, et dans tous les cas « la vengeance, la rancœur ou la fuite ne semblent pas offrir une paix durable ». 

Pour comprendre le pardon, ses chemins et sa portée, il est nécessaire de commencer par regarder l’offense en face - je vous propose donc de commencer par là. 
Regarder l’offense en face, en peser tout le poids, regarder aussi en face la colère qu’elle provoque, et bien mesurer quelles conséquences profondes elle peut avoir, selon ce que l’on va en faire. 

L’offense et la colère. La Bible ne les dissocie jamais, comme dans les passages des lettres aux Romains et aux Ephésiens. Nous allons essayer de voir pourquoi c’est important. 

 L’offense, un péché contre l’autre et contre Dieu

Il nous faut comprendre en premier lieu que l’offense ne se limite jamais à une parole ou un acte. Elle porte aussi atteinte à la relation entre les deux personnes concernées, et en même temps à la relation de chacun d’eux avec Dieu. Et ce, que nous soyons offensés ou offenseurs. Sur ce point, la Bible affirme en effet que toute offense contre l’autre est aussi une offense contre Dieu. Pourquoi ? 
Parce que, quelle est la volonté de Dieu pour nous ? « Aime Dieu de tout ton coeur et ton prochain comme toi-même ». 
Or l’offense est « une sorte de négatif de l’amour du prochain ». Elle oppose deux êtres que Dieu a créés pour s’aimer et elle « rompt le lien que Dieu avait instauré entre eux ». Dans son livre Le pardon et l’oubli, J. Bucchold écrit que l’offense « plonge chacun dans cette solitude que le Créateur avait cherché à combler en présentant Eve à Adam. C’est pourquoi la plupart du temps l’offensé est obnubilé par l’offenseur autant sinon plus parfois que par l’offense qui lui a été infligée ». Parce que la relation est touchée, de façon profonde : cf exemple des personnages de la vidéo. 

Toute offense est onc un péché contre Dieu car elle va contre sa volonté qui est que nous nous aimions mutuellement. Un péché, c’est-à-dire une révolte contre Dieu. C’est à ce titre que le prophète Amos peut expliquer au peuple d’Israël qu’en exploitant les plus pauvres, en laissant l’adultère gangréner les relations de couple en son sein, le peuple a d’abord « profané le Saint Nom" du Seigneur » (Am 2.6-7). 

L’offense n’est donc pas à prendre à la légère. Elle ne concerne pas uniquement l’offenseur et l’offensé. A cause de la présence de Dieu, elle les dépasse. 

L’offense, une dette

Il est d’ailleurs intéressant de voir que le Nouveau Testament utilise la même image pour désigner l’offense envers le prochain et le péché contre Dieu : celle de la dette. Comme on dit qu’un criminel a une « dette » envers la société, celui qui offense a une dette envers celui qu’il agresse, blesse, insulte. 
Je t’insulte, je contracte une dette envers toi. je te dois quelque chose : des excuses, une réparation, une guérison. 

C’est d’autant plus important que la seule parole du Notre père qui concerne les relations humaines , « pardonne nous nos offenses… » peut aussi se traduire : « remets-nous nos dettes, comme nous aussi nous remettons à nos débiteurs ». 

On voit donc que  l’impact de toute offense est très profond. Un péché est commis, une offense envers Dieu lui-même : elle devra être jugée. Une relation est blessée : pourra-t’on la renouer ? Des blessures sont infligées : qu’est-ce qui pourra les guérir ? Une dette est contractée : comment la payer ? 

En prenant ainsi la véritable mesure de l’offense, nous comprenons alors combien notre conception du pardon est bien limitée souvent. N’avons-nous pas tendance à dire un peu vite « je te pardonne » ou « je te demande pardon », pour retrouver au plus vite la paix, sans considérer qu’au delà de ces paroles, il faut aussi reconnaitre les blessures et leur laisser le temps de guérir ? 
Combien de fois, entre conjoints, entre parents et enfants, frères et soeurs, amis… pratique-t’on ainsi un « pardon » qui reste à la surface ? 
« Nous nous pardonnons systématiquement, ma femme et moi », disait un chrétien qui, lors de violentes disputes, insultait régulièrement son épouse. « Ah ? Comment faites-vous ? ». « Je lui demande tout de suite pardon et elle ne me parle plus pendant quelques jours. Et puis ça passe ». 
Est-ce là du pardon ? L’offense et les blessures qu’elle inflige sont-elles prises en compte ? 

Masquer une fissure dans un mur avec un rapide coup de plâtre n’empêchera pas le mur de s’effondrer, au bout du compte. Rien ne sert de minimiser cette fissure, ou de faire comme si elle n’existait pas. Il faut le courage de s’attaquer au chantier, avec l’aide du Seigneur. Et c’est là que le vrai pardon entre en jeu. 

Mesurer la gravité de l’offense est donc fondamental pour parvenir à un tel pardon, mais c’est important également pour savoir quoi faire de la colère que l’offense suscite, et éviter que celle-ci ne dégénère en amertume et en péché. 


L’offense et la colère 



Car c’est bien de cela que Paul parle quand il écrit aux Ephésiens : « Si vous vous mettez en colère, prenez garde de ne pas tomber dans le péché, que votre colère ne dure pas jusqu'au soir. Ne donnez pas l'occasion au diable de vous dominer. » (Ép 4.26-27) 

Quel lien entre le pardon, la colère et une occasion donnée au Diable de nous dominer ?

Quand nous sommes offensés - trahis, insultés, agressés -, nous ressentons de la colère. Cette colère est légitime et naturelle. Elle n’est pas un péché ! Attention donc de ne pas l’étouffer par peur de mal faire, au nom de la « maitrise de soi chrétienne », de la paix… au risque d’enterrer plus profond encore les mauvaises graines et d’empêcher la guérison. Bien sur il ne s’agit pas de laisser libre court à une colère dévastatrice en réponse à l’offense ! Ce serait de la vengeance. Mais ne pas reconnaitre que l’offense nous met en colère c’est comme faire semblant de ne pas voir la fissure dans le mur. « Oh, c’est pas grave, j’ai l’habitude qu’il se moque de moi ». 

La colère contre le mal et l’injustice est légitime. C’est le mouvement même du coeur de Dieu ! 
De la même façon, notre péché qui est une offense contre Dieu le met en colère, de cette sainte et juste colère que seul lui peut avoir. C’est d’elle que Paul parle d’elle quand il écrit : « ne vous vengez pas vous-mêmes mais laissez agir la colère » - ici, c’est la colère de Dieu, la seule habilitée à juger et punir l’offense. 
Mais là où nous devons veiller, c’est que cette colère légitime et naturelle que nous ressentons face à l’offense et qui n’est donc pas un péché en soi peut se transformer en péché si l’on n’y prend garde, et même, comme dit quelqu’un  en « véritable entreprise de destruction en nous ». 



Car une colère qui est entretenue peut se changer en amertume, en désir de se venger… Or l’amertume est un véritable poison, qui ne fait que grandir. La Bible nous met en garde contre ces « racines d’amertume » (Cf illustration). Si nous ne les arrachons pas mais qu’au contraire nous les arrosons, comme dans l’image ici, la plante envahit tout et nous étouffe. 
Notre position de victime peut nous rendre sourds aux remises en question, on cherche à entraîner les autres avec nous dans la plainte, à partager notre aigreur, à la déverser dans les oreilles et les coeurs des autres, on cherche des appuis… L’offense devient le centre de gravité de nos préoccupations, sans pourtant que la recherche de vengeance puisse nous apporter la paix. 

A partir du premier « rond bleu », ça dégénère ! Ce qui au départ était légitime devient une prison, et cela ouvre grand la porte à Satan, qui peut alors influencer nos pensées, notre vie intérieure…. et nous pousser dans ce processus d’autodestruction.

La paix n'est plus possible. 

Seul le pardon peut nous permettre d’éviter ou de mettre fin à une telle situation, à ce cercle infernal.





Pardonner, ce sera alors reconnaitre l’offense mais pour la remettre à Dieu afin qu’il prenne le relais et s'en occupe. Qu’il nous guérisse. Prenne notre défense. 
Quant à nous, nous ne pouvons riposter que par l’amour, qui est la seule voie pour ne pas être totalement détruits par la haine et la rancoeur. 



Voilà pourquoi Paul écrit : « 17Ne rendez à personne le mal pour le mal, cherchez à faire le bien devant tous. 18Autant que possible, si cela dépend de vous, vivez en paix avec tous. 19Amis très chers, ne vous vengez pas vous-mêmes, mais laissez la colère de Dieu agir. En effet, dans les Livres Saints, le Seigneur Dieu dit : « À moi la vengeance ! C'est moi qui donnerai à chacun ce qu'il mérite ! » 20Mais il dit aussi : « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger, s'il a soif, donne-lui à boire. Alors, si tu fais cela, c'est comme si tu mettais des charbons brûlants sur sa tête. » 21Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien ».


Ainsi donc, l’offense peut avoir de profondes conséquences non seulement sur notre santé physique et psychique, sur notre vie relationnelle (comme les personnages de la vidéo) mais aussi sur notre vie spirituelle et notre relation à Dieu. J’ai l’impression qu’on néglige ce dernier aspect. 
Selon qu'on est offensé ou offenseur bien sûr, nous n’aborderons pas le pardon de la même façon. Nous verrons cela dans les prochaines prédications .



Aujourd’hui, ces textes nous invitent déjà à nous interroger, devant Dieu : Qu’ai-je fait des offenses que j’ai moi-même infligé ? Qu’est-ce que j’ai fait aussi des offenses qu’on m’a infligées ? Y a t’il une amertume que j’arrose, une blessure que je n’arrive pas à regarder, un pardon qu’il me faut demander ou accorder ? 

Soyons en assurés, Jésus veut nous libérer, nous apporter sa paix. 
Demandons lui de nous conduire. 

S. Guiton





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