Prédication du dimanche 2 septembre 2018 Série "vie équilibrée, vie disciplinée ». Luc 10. 38-42. Bien gérer notre temps en « choisissant la bonne part » (S. Guiton)

Il y a quinze jours, nous avons commencé une série de prédications intitulée : « vie équilibrée, vie disciplinée ». Comment vivre une bonne vie, une belle vie, une vie équilibrée avec Dieu ? Faire de bons choix ? 

L’une des grandes questions qui se posent en la matière est : comment faire bon usage du temps que Dieu nous donne à vivre ? Comment bien « gérer » notre temps, cette ressource rare et précieuse ?

Rentrée oblige, je voudrais évoquer aujourd’hui cette question. Nous allons être nombreux je crois, dans les semaines qui viennent, à débattre autour du planning familial - celui qui est sur le frigo - pour organiser au mieux nos semaines. 

Nous désirons mener une vie « centrée sur Dieu ». Mais comment faire, alors que nos agendas sont si remplis, que tant de choses toutes plus importantes les unes que les autres nous sollicitent, désirent notre attention ? 

Pour aborder la question, je vous propose de nous mettre à l’écoute d’un texte de l’évangile de Luc. 
Luc 10. 38-42. 

38 Pendant qu’ils étaient en route, [Jésus] entra dans un village, et une femme nommée Marthe le reçut. 
39 Sa soeur, appelée Marie, s’était assise aux pieds du Seigneur et écoutait sa parole. 
40 Marthe, qui s’affairait à beaucoup de choses, survint  et dit : « Seigneur, tu ne te soucies pas de ce que ma soeur me laisse faire le travail toute seule ? Dis-lui donc de m’aider.
41 Le Seigneur lui répondit : Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses. 
42 Une seule est nécessaire. Marie a choisi la bonne part : elle ne lui sera pas retirée. 



L’exemple de Marthe et Marie peut nous donner quelques repères pour une vie saine et équilibrée avec Dieu. Il nous montre que bien vivre le temps dont on dispose n’est pas qu’un problème de cases à  réserver dans un agenda - Marie et Marthe ont bloqué la même, « repas avec Jésus » - mais une question de disposition intérieure

Jésus leur rend visite. Comment chacune met-elle à profit ce moment privilégié ? 

Toute à son désir de bien le recevoir, Marthe s’active, concentrée sur tout ce qu’il y a à faire. C’est tout à fait honorable. Certainement, préparer un bon repas, c’est son langage d’amour. Mais que se passe-t’il ? La voilà qui manifeste de la colère envers Marie et même envers Jésus : « Seigneur, tu ne te soucies pas de ce que ma soeur me laisse faire le travail toute seule ? Dis-lui donc de m’aider ».

Difficile de croire que Marie ne sait pas qu’il y a des choses à faire ! Pourtant, elle a estimé plus important de s’arrêter pour se rendre disponible à Jésus et profiter qu’il est là pour écouter ce qu’il a à dire. 

Cela agace Marthe, qui prend donc Jésus à témoin… et reçoit une réponse déroutante :  
« Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la bonne part : elle ne lui sera pas retirée ». 
Que lui répond Jésus ? « Tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses ». Il ne dit pas simplement : tu t’actives. Mais « tu t’inquiètes et tu t’agites », pointant ainsi l’anxiété qui habite Marthe et la détourne de l’essentiel : accueillir Dieu qui est là, et l’écouter. 
Car c’est accueillir Dieu et écouter sa parole qui est la « bonne part ».

Par contraste avec l’agitation de Marthe, la paix manifestée par Marie confirme que la Parole de Dieu dont elle est en train de se nourrir est bienfaisante.

Et Marthe est en train de rater tout ça, habitée qu’elle est par une inquiétude qui la met à fleur de peau et lui fait perdre le sens des priorités.

On voit ainsi que bien vivre le temps que Dieu nous donne n’est pas qu’un problème de cases à réserver dans un agenda mais une question de disposition intérieure. De disponibilité à la présence de Dieu dans le moment présent. Dans ce que je vis, comment j’accueille la présence de Jésus ? Il est là, et m’offre son amour, son soutien, sa paix, son conseil - par le Saint Esprit, à travers les paroles de la Bible, à travers mes frères et soeurs… Comment est-ce que je l’accueille ? Comment je reste disponible à sa présence, là où je suis, dans le moment que je vis ? 

L’exemple de Marthe est vraiment un avertissement pour nous car, si on se base sur nos critères actuels, c’est elle qui gère le mieux son temps : elle arrive à faire beaucoup de choses dans un temps défini ! Elle organise l’accueil et déroule son programme, « s’affaire à beaucoup de choses », dit Luc. C’est quelqu’un qui prend les choses en main , qui est active, et c’est cela qu’on valorise aujourd’hui. 
Jésus lui montre que sa vie sous pression et remplie de préoccupations la coupe de l’essentiel, qu’elle fonctionne par ses propres forces, s’épuise et se disperse.
Ne sommes-nous pas, souvent, comme elle ? 
Avons-nous envie de vivre comme cela ? 

A l’inverse, la « bonne part » que Marie a choisie est celle de la relation avec Jésus : au coeur de sa journée, elle tourne ses pensées vers lui, puise en lui les « meilleures choses » que Dieu donne. La parole de Jésus notamment la ressource, la nourrit. Alors qu’elle ouvre son coeur à Dieu, le Saint Esprit peut travailler en profondeur, afin de produire un fruit qui ne pourra pas lui être enlevé, comme le dit Jésus au verset 42. 

Je retrouve un écho à ce passage dans l’appel du Seigneur en Esaïe 55.2-3 : « Pourquoi vous fatiguer pour quelque chose qui ne rassasie pas ? Écoutez-moi bien, alors vous aurez de bonnes choses à manger, vous goûterez des choses délicieuses. Tendez l'oreille et venez vers moi. Écoutez, et vous vivrez ».

On peut entendre dans ces textes un enseignement simple mais exigeant à vivre : tout moment que nous vivrons avec Dieu, en étant disponible à sa présence  et à sa parole, sera un moment bien employé. C’est la « bonne part » qu’il nous faut choisir, autant que cela dépend de nous. 
Nous tenir dans la présence de Dieu, voilà d’ailleurs ce qui nous est promis dans l’éternité. Pour une plénitude de joie et de paix en sa présence. 

Le problème de Marthe, qui peut être le nôtre, n’est pas d’être active mais de se laisser entièrement accaparer par les soucis liés à ses activités, au point de ne pas voir que Dieu est en train de la visiter.  

Avez-vous déjà vécu ces invitations où la personne qui vous accueille est tellement soucieuse de bien vous recevoir qu’elle ne cesse de s’activer, d’aller et venir entre la cuisine et la table, etc. au point qu’une conversation avec elle est impossible ?! Elle se met une telle pression pour bien recevoir… qu’elle rate la rencontre ! Voilà Marthe avec Jésus. 
Marthe est si préoccupée par ce qu’elle veut faire, ce qu’elle va faire qu’elle ne voit pas que c’est maintenant que ça se passe et qu’elle passe à côté de la rencontre. Que c’est maintenant que Jésus a quelque chose à lui dire. 

Comme elle, nous nous pouvons avoir du mal à être juste là, du mal à prier parce que tout ce qu’on a en tête nous distrait. Du coup, nous avons du mal à recevoir ce que Dieu veut nous donner. Mais ce n’est pas une fatalité : nous pouvons apprendre à faire taire en nous les bruits du monde, pour écouter parler le Père, et lui permettre de réajuster nos priorités en fonction des siennes. 

Comme Marthe, nous sommes invités à un choix : choisir d’être disponibles pour Dieu avant tout le reste. 

Cette disponibilité n’implique pas l’inaction totale du moine contemplatif, c’est vraiment une question de disposition intérieure. Dans ce que je fais, là où je suis, toute la place n’est pas donnée au souci d’accomplir quelque chose mais je vis ces choses là avec Dieu, dans la présence de Dieu, pour Dieu, en gardant une part de moi disponible à ce que Dieu voudrait me dire. 

Comment faire ? direz-vous fort justement. Est-il vraiment possible dans le monde où nous vivons d’imiter Marie ? Comment je fais, moi, pour vivre dans sa présence, avec tout ce que j’ai à faire ?

Nous évoquerons deux pistes qui peuvent nous aider.

La première, c’est de prendre au sérieux l’importance de ces moments où on s’assoit pour écouter Dieu et lui parler, et d’en faire des rendez-vous quotidiens. Dieu, lui, sera au rendez-vous. Faisons de notre agenda un allié, et bloquons des créneaux, de préférence en début de journée, afin d’attaquer la journée le coeur apaisé et les pensées dirigées vers le Seigneur plutôt que vers notre to-do-list. 
Je sais, il y a là un vrai défi ! Mais voulons-nous choisir résolument la bonne part ? « Une seule chose est nécessaire », dit Jésus. Allons-nous réussir à lui trouver une place dans notre emploi du temps ? 
Jésus lui-même se levait tôt pour passer ces moments dans la prière, avec son Père. C’est dans ces moments-là qu’il puisait force, inspiration, recul, joie, paix… Pareil pour nous. 
Au lever, prendre quelques minutes pour prier le Seigneur, lire le texte du jour et partir avec lui à l’assaut de notre journée… Voilà déjà un beau chemin pour développer en nous la sérénité de Marie et apaiser l’anxiété des Marthe que nous sommes habitués à être ! "Nous verrons alors que dans la présence du Seigneur, à l’écoute de sa Parole, dans la prière, « les « meilleures choses », sources de joie et de paix, prendront de plus en plus d’importance dans nos pensées, et que les « nombreuses choses », sources d’anxieté, diminueront" (N. Lozano, Le coeur du Père, p. 148). 
Ces moments rayonneront sur toute notre journée.

La deuxième piste, c’est de s’entraîner à vivre chaque instant avec Dieu
Je dis bien : « s’entraîner ». Car il s’agit là encore d’une discipline, d’une rééducation de nos esprits bouillonnants. 
En effet, puisque « Jésus est toujours présent, nous sommes en mesure de nous tourner vers lui à tout moment » de la journée et de vivre tout ce que nous avons à vivre avec lui. 
C’est l’enseignement qu’à laissé un certain Laurent de la Résurrection. C’était un modeste moine du XVIIe siècle qui passait sa vie à faire la cuisine pour ses frères du monastère, à réparer leurs chaussures, à faire le jardin… Sa vie a été transformée lorsqu’il a découvert qu’il pouvait vivre tout ça dans la présence de Dieu, juste en lui parlant, comme avec un ami, en étant conscient que Dieu était là avec lui. Il s’arrêtait juste de temps en temps pour penser à lui, le remercier… 
« Il n’est pas nécessaire, disait-il, d’avoir de grandes choses à faire... je retourne ma petite omelette dans la poêle pour l’amour de Dieu... Quand je ne puis autre chose, c’est assez pour moi d’avoir levé une paille de terre pour l’amour de Dieu » (Frère Laurent de la Résurrection,  (Mœurs 10 p. 223). 

Ainsi, quoi que nous fassions, nous pouvons le faire avec Dieu et pour Dieu. C’est une grande source de joie et de paix de savoir que le Seigneur est là partout où je suis, et de pouvoir lui parler en toute simplicité. Mais encore faut-il que mes pensées ne soient pas constamment ailleurs, et comme l’écrit Jacques Philippe, que, je sois convaincu « qu’on ne communie avec Dieu ni dans le passé, ni dans le futur, mais en accueillant chaque instant comme le lieu de sa présence, le lieu où il se donne à nous. … Au lieu d’être constamment projeté dans le passé ou dans l’avenir », il nous faut « apprendre à vivre chaque moment comme se suffisant à lui-même, comme plénitude d’existence, car Dieu est là, et si Dieu est là je ne manque de rien. »

Si Dieu est là, je ne manque de rien. Je peux m’apaiser dans sa présence. Je peux desserrer mes mains et relâcher mes épaules, car il est mon berger, il prend soin de moi.


Ainsi donc, l’exemple de Marthe et Marie nous invite à ne pas penser notre gestion du temps seulement en terme de créneaux horaires, de quantité de temps consacré à… mais en disponibilité intérieure à la présence de Dieu, instant après instant.  

Marthe nous montre qu’on peut passer à côté de la présence de Dieu - dans la semaine ou même au culte ! - si on laisse le souci du passé ou du futur prendre le contrôle de nos pensées. 
Notre Dieu sait cela, lui qui nous invite à « ne pas nous soucier du lendemain ». Il ne nous reproche pas notre agitation intérieure, ne nous juge pas, mais au contraire, comme Jésus l’a fait avec Marthe, il nous interpelle avec amour, comme un ami, en nous invitant à venir chercher en lui la paix dont nous avons tant besoin, à choisir la bonne part de sa présence bienveillante à nos côtés. 

« Pourquoi vous fatiguer pour quelque chose qui ne rassasie pas ? dit le Seigneur.
Écoutez-moi bien, alors vous aurez de bonnes choses à manger, vous goûterez des choses délicieuses. Tendez l'oreille et venez vers moi. Écoutez, et vous vivrez. »

Amen 

Quelles sont les choses qui nous préoccupent ou nous contrarient au point de nous empêcher d’écouter Dieu et de recevoir les choses meilleures qu’il veut nous donner ? 

Disons-lui ce qui nous agite, afin de recevoir sa paix. 


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Questions pour la discussion en petits groupes 

De qui vous sentez-vous le plus proche aujourd’hui : Marthe ou Marie ? Pourquoi ?

Quelles difficultés rencontrez-vous dans votre gestion du temps ? 

Qu’est-ce qui est le plus facile pour vous : l’adoration publique ou privée ? Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ? 

Comment vivez-vous la prière et la lecture de la Bible au quotidien ? Partagez sur vos expériences. 

Prenez-vous parfois du temps avec Dieu dans le silence, juste pour être dans sa présence ? Vous arrive-t’il dans la journée d’être conscients que Dieu est là, avec vous, comme Laurent de la Résurrection le vivait ? Qu’est-ce que ça changerait si vous viviez toute votre journée avec Dieu ? 

Jésus dit à Marthe : « Marie a choisi la bonne part : elle ne lui sera pas retirée ». Comment comprenez-vous cette parole ? Qu’est-ce que le temps passé dans la présence du Seigneur et l’écoute de sa Parole peuvent produire qui ne "peut nous être retiré » ? 






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