Prédication du dimanche 25 février 2018 - Jean 15.12-17 : Developper une relation d’amitié avec Dieu (1) (S. Guiton)




J’ai lu il y a quelques temps les mots suivants, qui m’ont interpellé : 
« Tu as peut-être le désir de te mettre ou de te remettre à prier sans trop savoir comment faire. 
Tu as peut-être depuis de longues années un pratique de la prière qui aujourd’hui semble manquer de souffle et nécessiter un renouveau. 
Il n’est pas inutile de commencer par te demander quelle est la place que tu te donnes lorsque tu te tiens en présence de Dieu : un marchand ? un serviteur ? un ami ? un fils ? ». 
JM Gueulette, Laisse Dieu être Dieu en toi, p.12

La question est pertinente : quand nous nous approchons de Dieu, quelle place nous donnons-nous devant lui ? 
Serviteur… fils… Dans les Evangiles, Jésus évoque toutes ces positions tour à tour, notamment dans ses paraboles. Mais à la fin de son ministère, il adresse à ses disciples une invitation à entrer également avec lui dans une relation d’amitié

Ecoutons ensemble ces paroles dans l’Evangile de Jean, chap. 15. v.12 à 17 : 

12 Voici mon commandement : que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. 13 Personne n'a de plus grand amour que celui qui se défait de sa vie pour ses amis. 14 Vous, vous êtes mes amis si vous faites ce que, moi, je vous commande. 
15 Je ne vous appelle plus esclaves, parce que l'esclave ne sait pas ce que fait son maître. Je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai entendu de mon Père. 16 Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et institués pour que, vous, vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure ; afin que le Père vous donne tout ce que vous lui demanderez en mon nom.
17 Ce que je vous commande, c'est que vous vous aimiez les uns les autres.


Aujourd’hui, je voudrais m’arrêter plus particulièrement sur ces paroles de Jésus : « Je ne vous appelle plus esclaves… Je vous ai appelés amis ». 

L’amitié est une des plus belles choses de la vie. Tant de personnes cherchent des amis. De vrais amis, pas de ceux qu’on valide en cliquant sur Facebook ou qu’on peut louer sur Internet - j’ai vu que ça existait ! 
Qui ne désire pas avoir de vrais amis ? Et voilà que Dieu lui-même nous propose son amitié ! 

Avons-nous déjà considéré notre relation avec lui sous cet angle ?
Comment comprendre ce que cela veut dire ?
Nous confessons que Dieu est notre père, et qu’il nous aime. Mais en utilisant le terme « amis », Jésus dit quelque chose de plus sur cet amour que Dieu nous porte, et sur la relation qu’il désire avoir avec nous.


« Je vous ai appelés amis ». Dans la Bible, un homme a déjà reçu ce titre devant Dieu : Moïse. Dans le livre de l’Exode (33.11), on découvre en effet que « l'Eternel parlait avec Moïse face à face, comme un homme parle à son ami ».
Face à face : quel plus beau signe d’amitié de la part du Dieu trois fois saint, créateur de l’Univers, que de s’abaisser ainsi à la hauteur d’un homme, pour échanger avec lui comme d’égal à égal. Quelle humilité de la part de Dieu ! Bien sûr, Moïse reste un homme, et Dieu seul est Dieu. Mais dans la relation, Dieu s’abaisse jusqu’à accepter l’échange, qu’on devine libre et simple, dans la confiance et l’écoute mutuelle. 
« Comme un homme parle à son ami ». 
L’amitié est ainsi expression de la grâce de ce Dieu qui en Jésus choisit de ne pas s’adresser à nous de haut, du haut de sa puissance et sa majesté, mais depuis l’étable où il nait, depuis la table où il s’assoit pour manger avec nous, depuis les routes poussiéreuses où il vient nous rencontrer, depuis le sol même, où il s’est mis à genoux pour nous laver les pieds. Depuis la croix, enfin, où il vit le plus grand des abaissements. 
C’est de là qu’il nous propose son amitié. 
Avons-nous déjà pensé que nous pouvions être ainsi amis avec Dieu ? 

Nous croyons que Dieu nous aime. Mais on peut aimer sans être aimé, et nous pouvons apprécier de recevoir l’amour, le pardon, les bénédictions de Dieu… sans lui donner notre amour en retour. 
L’amitié, elle, est par définition réciproque. Réciproque, car si on peut aimer en cachette, on ne peut pas être l’ami de quelqu’un sans que celui-ci le sache ! « Un ami qui vous veut du bien… ».  
Chacun doit éprouver de l’amitié pour l’autre et se réjouir de sa présence. Sans cela, où est l’amitié ? 
Ainsi, l’invitation à l’amitié lancée par Jésus appelle une réponse libre et volontaire de notre part, sans laquelle il nous appelle « amis » en vain.
Jésus, ami des pécheurs. Jésus, ami proche et compréhensif. Jésus, respectueux de qui nous sommes. 
La balle est dans notre camp. Jésus, quand à lui, a déjà fait son choix : « ce n’est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis », dit-il. Qu’allons-nous répondre ? 
On peut être intimidé devant un telle déclaration. Qui suis-je pour être l’ami de Dieu ? Je ne le mérite pas. 
C’est vrai - et pourtant c’est bien nous, les pécheurs, que Jésus invite à dépasser la position de serviteur pour entrer dans celle de l’ami.

Pourquoi cela ?
Peut-être d’abord, parce que la relation maître/serviteur est distante ; pas question ici de face à face : « l'esclave ne sait pas ce que fait son maître ». 
Peut-être aussi parce que ce qui est premier, dans l’amitié, c’est la relation : l’ami compte pour lui-même, pour qui il est, alors que le serviteur n’existe aux yeux de son maitre que pour son travail, pour ce qu’il fait. Or Dieu qui est un Dieu de relation nous veut proches de lui, au plus près de son coeur. 

Ensuite, parce que Jésus souhaite que nous le servions comme des amis, non pas en focalisant seulement sur ce que Dieu nous demande de faire - comme de simples serviteurs -mais en nous impliquant dans son oeuvre. 
« L'esclave ne sait pas ce que fait son maître » dit Jésus, avant d’ajouter « Je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai entendu de mon Père ».
Effectivement, avec ses amis, on partage librement, on échange, on se fait confiance et on compte sur l’initiative et la créativité des autres, aussi, parce qu’on développe avec eux une certaine complicité. Et on est capable d’avoir des initiatives l’un envers l’autre. 
De la même façon, « en tant qu’amis de Dieu, nous ne voulons pas toujours être à lui demander (sans cesse) comment il veut que nous travaillions pour lui ».
Des amis sont des personnes qui se comprennent mutuellement, sans qu’il soit besoin que tout soit expliqué.
Imaginez par exemple que la mère d’un de vos amis tombe malade. Elle habite très loin, et vous apprenez justement que la voiture de votre ami est en panne. Qu’allez-vous faire ? Attendre qu’il vous appelle pour vous demander de lui prêter votre voiture ? Ou bien proposer spontanément d’aller le chercher, et même de le conduire jusque là-bas ? 
Qu’est-ce qui sera un plus grand signe d’amitié : attendre les consignes, ou bien proposer spontanément votre aide ?

Un ami pense à ce qui va être bon pour l’autre. Il cherche à faire plaisir ; il sait se rendre disponible quand il faut, et avoir les bonnes initiatives. 
Voilà comment ça se passe, entre amis.

Jésus nous appelle à servir comme cela. Avec le coeur. Avec notre créativité. Que nous nous approprions son projet, que nous nous lancions nous-mêmes dans l’aventure pour trouver comment, avec ce que nous sommes, là où nous sommes, nous pouvons aimer notre prochain ! Pas de réponse standard à cela, mais un modèle : celui de Jésus, un ami à suivre, à écouter, à fréquenter au quotidien pour peu à peu, lui ressembler davantage. 

Ce point est très important pour notre vie de foi, et c’est sur lui que je voudrais insister : je crois qu’il y a un danger, dans la vie chrétienne, à focaliser seulement sur ce que nous pensons que Dieu nous demande de faire. Le risque est que notre foi se transforme en simple pratique religieuse, avec une série de règles morales à respecter et de choses à faire - lire la Bible, aller au culte, donner à l’offrande… Tout cela est bien, mais notre relation avec Dieu risque fort de manquer d’amitié, de dialogue, et il est possible que notre vie de prière s’essouffle, en vienne à manquer de profondeur. 
Nous restons des serviteurs, mais est-ce que notre engagement dans l’oeuvre de Dieu n’est pas encore bien limité ? C’est comme si les affaires de Dieu n’étaient pas vraiment les nôtres, qu’on était juste là de passage, pas vraiment concernés….
Alors nous pouvons prier pour recevoir des signes, des réponses, une direction… mais sommes nous mus par la peur de nous tromper, par la recherche de notre propre bien… ou par un réel désir d’oeuvrer avec Dieu ? 

En nous voyant d’abord comme des serviteurs qui ne font qu’obéir aux ordres, nous courrons aussi le risque de servir Dieu… pour le fuir, comme le dit P. Scazzero. Je fuis Dieu quand je travaille pour lui mais dans le but de me satisfaire moi, non pour lui plaire. Je suis alors un serviteur ou un employé, mais pas un ami. 
Je fuis Dieu aussi quand je mets en avant un « bon comportement chrétien » pour que les gens aient une bonne opinion de moi… et pas pour plaire à Dieu. Je risque alors de n’être qu’une simple connaissance de Dieu. Mais pas un ami véritable. 
Je fuis Dieu quand je consacre tellement d’énergie à « servir » dans l’Eglise que je ne prends plus le temps de m’arrêter pour prendre du temps gratuit avec Dieu - comme on fait avec un ami - et courir ainsi le risque qu’il me remette en question, pour mon bien… ! 

Oui, en nous appelant amis, Jésus nous invite à dépasser une telle obéissance formelle pour nous approprier son oeuvre, et travailler avec lui dans une communion semblable à celle de deux amis qui partagent une même vision ; pour qui l’essentiel ce n’est pas de faire ceci ou cela, mais de le faire ensemble, et l’un pour l’autre.  
Servons nous Dieu avec un tel état d’esprit ? 

Paul avait une expression pour dire cela : « nous sommes les collaborateurs de Dieu ».
Le collaborateur voit ce qui doit être fait et le fait simplement. Quand nous grandissons dans la connaissance de Dieu, nous devenons si proches de lui que nous n’avons pas besoin d’entendre une parole de sa part. Nous nous engageons spontanément. 
Ainsi Paul n’avait pas besoin que Dieu lui dise à chaque pas ce qu’il devait faire : il agissait avec initiative selon ce qu’il connaissait du plan de Dieu, et il faisait tout ce qui était de sa responsabilité pour agir selon ces plans, pour la seule gloire de son Dieu. Toujours dans l’humilité, à l’écoute des autres et dans un dialogue permanent avec le Seigneur, « comme un ami parle à son ami ». Et quand Dieu lui disait effectivement quoi faire, et où aller, ce n’était pas dans une relation de maitre à esclave.
Avec Dieu, nous ne sommes pas réduits en esclavage mais nous répondons volontairement à un appel. Comme Paul, nous entrons en tant que personnes libres dans le service complet de ce Dieu qui respecte nos désirs et nos volontés et veut nous associer à son oeuvre, pour que nous épanouissions en vivant avec lui. En nous levant le matin avec lui. En travaillant avec lui au bureau, à l’école, à la maison. En faisant tout ce que nous pouvons pour aimer Dieu et aimer les autres, là où nous sommes, dans la présence bienveillante de Dieu, qui nous écoute et nous inspire tout à la fois.


Revenons à la question de départ : quelle est la place que je me donne lorsque je me tiens en présence de Dieu : un marchand ? un serviteur ? un ami ? un fils ? 
Ai-je le désir de rencontrer Dieu face à face, moi aussi ? 
De mettre mon nom à la place de celui de Moïse pour partager avec Dieu mes joies, mes peines, mes idées ? 

Je prends le temps de me demander quels choix pratiques je vais faire, aujourd’hui et demain, pour prendre ce temps de dialogue amical avec Dieu, au coeur de ma journée.

Je remets ce désir à Dieu, dans une prière silencieuse. 


Questions pour le partage en groupe : 


pourquoi ne pas  reprendre les questions qui émaillent la prédication ?

  1. Quand vous vous approchez de Dieu, dans la prière, la louange, au culte…quelle place vous donnez-vous devant lui : un marchand ? un serviteur ? un ami ? un fils ?  
  2. « Je vous ai appelés amis » : quel sentiment ces paroles de Jésus suscitent-elles en vous ? 
  3. Avons-vous déjà considéré votre relation avec Dieu sous l’angle de « l’amitié ? »
  4. Comment cette « amitié » avec Dieu peut-être cultivée, au quotidien ? 





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