Prédication du dimanche 11 décembre 2016 - Matthieu 11.2-11. Le doute de Jean-Baptiste (S. Guiton)



La semaine dernière, le texte proposé par le calendrier liturgique donnait la parole à Jean-Baptiste, Jean le Baptiseur… Jean-Baptiste appelant le peuple juif à « préparer le chemin du Seigneur » et à se faire baptiser dans le Jourdain en signe de repentance. 

Dans cette période de l’Avent, où nous préparons le « chemin intérieur » de nos coeurs pour célébrer la naissance de Jésus, le calendrier liturgique nous invite à retrouver Jean-Baptiste - mais dans des circonstances tout à fait différentes. 

Parmi les personnes que Jean a baptisées, il y a eu Jésus. Au Baptiseur, Dieu a fait la grâce, alors, d’une révélation de sa Trinité - sous la forme d’un ciel déchiré, d’où l’Esprit descendait sur Jésus, alors que la voix du Père proclamait : « celui-ci est mon Fils bien aimé. Ecoutez-le ! ». 
Moment de gloire, de puissance. Avec ce ciel ouvert, c’est tout l’horizon qui s’ouvrait pour le Baptiste. Enfin il était venu, lui, Jésus, Dieu parmi nous, et tout était possible désormais. 
Sous ses yeux s’accomplissait, ce qu’Esaïe avait annoncé (35) :
« 3 Rendez fortes les mains faibles, affermissez les genoux qui font trébucher ;
4 dites à ceux dont le cœur palpite : Soyez forts, n'ayez pas peur : il est là, votre Dieu ! La vengeance viendra, la rétribution de Dieu ; il viendra lui-même vous sauver.
5 Alors les yeux des aveugles seront ouverts, les oreilles des sourds s'ouvriront ;
6 alors le boiteux sautera comme un cerf, et la langue du muet poussera des cris de joie. Car de l'eau jaillira dans le désert, des torrents dans la plaine aride.
7 Le lieu torride se changera en étang et la terre de la soif en fontaines ; dans le domaine où se couchaient les chacals, il y aura place pour les roseaux et les joncs.
8 Il y aura là un chemin frayé, une voie ; on l'appellera « Voie sacrée » ».

Oui, Dieu était là, présent ! Et lui, il avait ouvert cette Voie sacrée pour que le Seigneur vienne au secours de son peuple. 

Hélas… la vie a continué, et les attaques frontales de Jean-Baptiste contre le pouvoir en place ont fini par le conduire… en prison. 

C’est là que nous le retrouvons, bien différent.

Lisons en Matthieu 11.2-11

2 Jean-Baptiste, dans sa prison, entendit parler des œuvres du Christ. Alors il envoya quelques-uns de ses disciples 3 demander à Jésus : « Es-tu le Messie qui doit venir ou devons-nous attendre quelqu'un d'autre ? » 4 Jésus leur répondit : « Allez raconter à Jean ce que vous entendez et voyez : 5 les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. 6 Heureux celui qui n'abandonnera pas la foi en moi ! »

7 Quand les disciples de Jean partirent, Jésus se mit à parler de Jean à la foule en disant : « Qu'êtes-vous allés voir au désert ? un roseau agité par le vent ? Non ? 8 Alors qu'êtes-vous allés voir ? un homme vêtu d'habits magnifiques ? Mais ceux qui portent des habits magnifiques se trouvent dans les palais des rois. 9 Qu'êtes-vous donc allés voir ? un prophète ? Oui, vous dis-je, et même bien plus qu'un prophète. 10 Car Jean est celui dont l'Écriture déclare : “Je vais envoyer mon messager devant toi, dit Dieu, pour t'ouvrir le chemin.” 11 Je vous le déclare, c'est la vérité : parmi les humains, il n'a jamais existé personne de plus grand que Jean-Baptiste ; pourtant, celui qui est le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui. 


Isolé dans sa prison, Jean-Baptiste n’est plus aussi sûr de lui. « Es-tu le Messie qui doit venir ou devons-nous attendre quelqu'un d'autre ? »
Dans cette question qu’il transmet à Jésus, une inquiétude profonde se fait entendre : et s’il s’était trompé ? Trompé de Messie ? 
Demander à Jésus s’il est vraiment le Messie, c’est dire aussi : est-ce que Dieu est vraiment là, avec nous? Et peut-être Jean-Baptiste se demande-t’il plus précisément : est-ce qu’il est là avec moi
Ce doute, nous le connaissons tous un jour. Surtout quand nous nous retrouvons isolés, comme Jean-Baptiste. Pourtant, la solitude, c’est son élément naturel ! Les Evangiles disent même qu’il a « grandi dans le désert »… Il y a vécu en ermite. 
Mais dans le désert, sa solitude était habitée de la présence de Dieu, et pleine d’espérance. 
Alors que sa prison ressemble à une voie sans issue, avec les murs autour de lui qui bouchent l’avenir… et le séparent de Jésus. 
Mesure-t’on quel déchirement ce doit être ? Dans la Bible, il y a peu d’êtres dont les destins soient si étroitement liés : nés tous deux de façon miraculeuse, annoncés par des anges, Jésus et Jean sont deux cousins venus au monde à la même période. L’ange a été clair : Jean est né pour préparer le chemin de Jésus. C’est même lui qui, tressaillant  sous l’action du Saint Esprit, a confirmé à Marie la divinité de l’enfant qu’elle portait, alors que tous deux étaient encore dans le ventre de leur mère ! Puis Jésus a été le disciple de Jean-Baptiste avant que celui-ci, en le baptisant, lui laisse la première place.

Avec tout ça, comment Jean peut-il douter de Jésus ? Et pourtant la question est là : « es-tu le Messie qui doit venir ? » 

Et puis il y a les miracles quand même : est-ce qu’ils ne constituent pas une preuve suffisante que Dieu est présent en Jésus ? 
La prison n’empêche pas Jean-Baptiste d’entendre parler des « oeuvres » de son cousin - et quelles oeuvres ! Matthieu, dans les chapitres précédents, a ainsi rapporté tour à tour la guérison d’un paralytique, de deux démoniaques, d’un muet, d’un aveugle, et, point culminant, le rappel à la vie d’une jeune fille !

Mais loin de renforcer la foi de Jean-Baptiste, c’est justement le récit de ces miracles qui l’amène à s’interroger : « es-tu le Messie qui doit venir ? » 
Comment expliquer cela ?
Il semble que le trouble de Jean vienne du décalage entre l’idée qu’il s’était faite du Messie - un juge puissant, qui soit aussi un juif parfait dans son respect de la Loi — et ce que Jésus amène - Jésus ne jeûne pas comme le faisait Jean, il dîne avec des infidèles, et puis ses miracles ne sont pas des actes de châtiment - mais de grâce et de libération ! 
En somme, ce qui se passe ne colle pas avec ce qu’il attendait - et cela le déstabilise. 
Dieu n’agit pas comme prévu - ou alors ce n’est pas Dieu. Voilà peut-être ce qu’il se dit. 
Et si Dieu n’est pas là… quelle issue alors pour lui, dans sa prison ? 
Entre ses quatre murs qui l’empêchent d’aller voir de ses propres yeux ce qui se passe, il ne lui reste qu’à attendre - et une telle attente est capable de fissurer la foi la plus solide, surtout quand une question vous harcèle, comme un coup incessant frappé dans le mur de notre confiance : Où est Dieu ? Dieu est-il vraiment là ?  

Ainsi, Jean-Baptiste, l’homme le plus grand qui ait vécu d’après Jésus lui-même… doute. Ca veut dire que personne n’est à l’abri. 
Quand l’avenir devient incertain, que l’horizon se ferme et qu’on ne sait plus comment on va s’en sortir… Est-ce que Dieu est vraiment là ? Quand les choses ne se passent pas comme on l’avait imaginé - les problèmes s’accumulent, alors qu’on pensait que Dieu ouvrait grand la route… Est-ce que Dieu est vraiment là ? 

Que faire alors ? Continuer à prier à travers les murs, car seul Dieu peut y créer des brèches. 
D’une certaine manière, par sa question, c’est une prière que Jean adresse à Jésus. 

Et que répond Jésus ? 
« Allez raconter à Jean ce que vous entendez et voyez : 5les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. 6Heureux celui qui n'abandonnera pas la foi en moi ! »

Il répond en renvoyant aux fameux miracles. Oui mais… justement, ce sont eux qui déroutent Jean-Baptiste !! C’est vrai, mais Jésus ajoute quelque chose de plus : il répond en citant la Parole de Dieu. Il éclaire les événements par la Parole de Dieu, qui les explique, qui révèle leur sens caché. 
« Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres » : vous le voyez, la réponse de Jésus est une citation d’Esaïe.

De même, en faisant ensuite l’éloge de Jean-Baptiste, Jésus va citer un autre prophète, Malachie :  (3.1) : « J'envoie mon messager : il fraiera un chemin devant moi ». 

Quel est le message contenu dans cette réponse ? 
Jésus ne dit pas explicitement qu’il est bien le Messie : d’abord, ce serait s’exposer à une mise à mort pour blasphème. Et puis Jésus n’impose jamais la réalité de sa divinité : il la propose à notre foi, pour que nous prenions notre propre décision. 

Ainsi, en citant Esaïe, Jésus laisse Jean décider, sur la foi des Ecritures, s’il est bien le Messie attendu : est-ce que les miracles qu’il accomplit ne sont pas ceux que le prophète annonçait ? Est-ce qu’ils ne sont pas le signe que Dieu est venu, qu’il est là, au milieu de son peuple ? Que lui, Jésus, est bien Emmanuel, « Dieu avec nous » ? 

Dans le même temps, Jésus veut révéler Jean-Baptiste à lui-même : si Jésus est celui qui doit venir, lui est le serviteur, « la voix qui crie dans le désert ». Quel encouragement ! 
Non, Jean n’a pas rêvé : tous deux, ils sont envoyés par Dieu. Tous deux, ils proclament la venue du Royaume. Jésus sait aussi que cette proclamation va les mener tous les deux à la mort. Jean va être bientôt exécuté par Hérode, et lui mourra sur une croix. 

Mais que son cousin se rassure : en dépit des oppositions qu’ils subissent, Dieu est bien avec eux. Tout cela fait partie d’un plan divin « établi depuis avant la fondation du monde » (Ephésiens 1.4). 
Et la conclusion sera heureuse  : « Heureux celui qui n'abandonnera pas la foi en moi ! ». Jean-Baptiste est le premier visé ici, mais cela nous rejoint aussi. 

Oui, aujourd’hui comme hier, la foi nous permet d’affirmer qu’en dépit des apparences immédiates, le bonheur et la justice vaincront. Que Dieu est bien parmi nous, et qu’il est possible de retrouver l’espérance ! 

Lorsque nous doutons, nous aussi, ce passage nous encourage à nous accrocher aux promesses de Dieu, à sa Parole. C’est elle qui éclaire les événements, c’est elle qui leur donne un sens. 
C’est elle que Dieu nous invite à écouter, contre les évidences. Que c’est difficile ! 
La dureté des murs froids qui se dressent devant nous, le poids de nos corps boiteux et fatigués, tout cela parle directement à nos sens, dans un langage que nous comprenons. 
Alors que la présence de Dieu… n’a pas la même évidence.

De même, l’obscurité de sa prison, l’angoisse qui le travaille peut-être, les questions qui le harcèlent, tout cela suggère à Jean-Baptiste que Dieu n’est pas là, que le Messie est encore à attendre. 
C’est pourquoi Jésus lui fait entendre au delà des murs la parole de Dieu pour lui confirmer qu’en lui Dieu est bien présent, qu’il a parcouru le chemin préparé par son serviteur Jean et qu’il est maintenant en train d’établir le Royaume de Dieu. Quel encouragement ! 

Encouragement pour Jean-Baptiste : voyez ce que dit Jésus à son propos : « parmi les humains, il n'a jamais existé personne de plus grand » que lui ! Même pas Abraham ? Même pas Moïse ou David ? Personne ! 

Mais encouragement encore plus pour nous : « pourtant, celui qui est le plus petit dans le 
Royaume des cieux est plus grand que lui » ! 

Voilà qui nous sommes, nous les « pauvres », les « boiteux » et les « aveugles » : loin de nous rejeter pour nos fautes, Dieu a voulu faire de nous des « grands » dans son Royaume !

Ainsi, Sa Parole nous dit : comme Jean-Baptiste, tu as une place dans l’oeuvre de Dieu, dans le royaume de Dieu. Ce royaume n’est pas ailleurs, il est là où tu es aujourd’hui. Cherche-le de tout ton coeur, malgré les murs. « Ton Père est là, dans le secret », dit Jésus ailleurs. 
En ce temps de Noël, la même Parole qui nous permet de voir la naissance du Fils de Dieu, dans une étable obscure de la Galilée, en 6 av. JC - nous permet de le proclamer : oui, Dieu est vraiment là en ce mois de décembre 2017, malgré les murs qui s’effondrent à Alep et ceux que d’autres cherchent à dresser sur les frontières et dans les coeurs. 

Alors, comme des Jean-Baptistes d’aujourd’hui, ne perdons pas la confiance en Jésus, et annonçons avec persévérance sa venue. 
Annonçons là à tous les gens dans ce pays qui attendent confusément quelque chose de nouveau, quelque chose qui leur donne de l’espoir quand le goût des chocolats et la surprise des cadeaux seront passés, et que les murs imposeront à nouveau leur réalité autour d’eux. 
Que notre joie alors leur parle du Royaume qui est déjà présent, et que nos vies annoncent fidèlement la présence du Sauveur : oui, Dieu est là ! 
« Rendez fortes les mains faibles, affermissez les genoux qui font trébucher ; dites à ceux dont le cœur palpite : Soyez forts, n'ayez pas peur : il est là, votre Dieu ! » (Esaïe 40.3)

« Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, et, sur la terre, paix parmi les humains en qui il prend plaisir » (Luc 2.14).  

Amen 



Questions pour les petits groupes 

1. Avez-vous déjà vécu une expérience comparable à celle de Jean-Baptiste ici ? 
A travers elle, avez-vous appris quelque chose sur vous-même ? Sur Dieu ? 

2. Quelle est la bonne réaction à avoir face aux difficultés que nous rencontrons dans notre foi ? 
Que pensez vous de celle de Jean-Baptiste ? 

3. Comment comprenez-vous l’affirmation de Jésus au verset 11 : « Je vous le déclare, c'est la vérité : parmi les humains, il n'a jamais existé personne de plus grand que Jean-Baptiste ; pourtant, celui qui est le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui » ? 

De quelle « grandeur » ou « petitesse » est-il question ? 
En quoi la situation d’un chrétien, « membre du Royaume des cieux » par Jésus-Christ, est-elle « supérieure » à celle que pouvait avoir Jean-Baptiste ? 

Lisez par exemple Romains 8.1-39 et listez toutes les promesses qui sont faites à ceux qui placent leur confiance en Jésus. 







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