Prédication du dimanche 29 juillet 2018 - Matthieu 10. 5-15 : Nus et culottés ! (S. Guiton)
Connaissez-vous « nus et culottés » ? J’aime beaucoup cette émission. Le concept est simple : deux hommes, Nans et Mouts, tentent des expériences itinérantes culottées en partant nus après s'être fixé un objectif un peu fou : chercher de l’or dans les Alpes… manger un chocolat avec le roi des Belges… Ils vont ainsi partir nus de l'endroit initial et tenter de rejoindre leur objectif à plusieurs centaines de kilomètres, grâce à la générosité des personnes rencontrées, ils vont être rapidement habillés (ouf !) et hébergés pour une nuit, nourris gratuitement, ils n’ont rien avec eux, pas d’argent, ils sont à pied et vont à la rencontre des autres, une aventure pleine d’humanité.
Sauf le respect que j’ai pour Nans et Mouts, ils ne sont pas les inventeurs de la formule : d’une certaine manière, Jésus l’a lancée avant eux !
J’ai trouvé amusantes - interpellantes aussi - les similitudes entre le concept de cette émission et les consignes que Jésus donne à ses disciples, au moment de les envoyer en mission.
C’était après qu’il ait choisi douze d’entre eux pour qu’ils soient ses apôtres, lit; ses « envoyés ». A ce moment-là, Matthieu raconte qu’il les envoie en mission dans le pays d’Israël, en leur donnant les instructions suivantes :
Lecture : Matthieu 10. 7-15
7 En chemin, proclamez que le règne des cieux s'est approché. 8 Guérissez les malades, réveillez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement.
9 N'acquérez ni or, ni argent, ni monnaie de bronze pour l'emporter à la ceinture, 10 ni sac pour la route, ni deux tuniques, ni sandales, ni bâton, car l'ouvrier mérite sa nourriture.
11 Dans toute ville ou tout village où vous entrerez, informez-vous pour savoir s'il s'y trouve quelqu'un qui est digne, et demeurez chez lui jusqu'à ce que vous partiez.
12 En entrant dans la maison, saluez-la ; 13 si la maison est digne, que votre paix vienne sur elle ; mais si elle n'est pas digne, que votre paix retourne vers vous.
14 Lorsqu'on ne vous accueillera pas et qu'on n'écoutera pas vos paroles, sortez de la maison ou de la ville et secouez la poussière de vos pieds. 15 Amen, je vous le dis : au jour du jugement, ce sera moins dur pour le pays de Sodome et de Gomorrhe que pour cette ville-là.
Prière
A quelle type de vie les disciples pensaient-ils être appelés par Jésus ? Eux qui avaient tout quitté pour le suivre et se mettre à son école ?
Ils étaient des gens ordinaires, comme nous, et le savaient : des artisans pêcheurs, un comptable à la solde des Romains, un religieux juif… Certainement qu’ils ne s’attendaient ni aux choses extraordinaires que Jésus allait accomplir devant eux, ni à celles qu’il allait leur demander de faire !
Depuis le début, par son exemple et ses enseignements, Jésus les préparait pour cette mission qu’il leur confie à ce moment là.
Et quelle mission ! Si l’on peut admirer l’audace des héros de « nus et culottés", elle n’est rien comparée à celle que Jésus demande ici à ses disciples !
Celle qu’il nous demande même : car c’est bien tous les chrétiens, à la suite des apôtres, que Jésus appelle à se mettre ainsi en route.
Pour une mission dont l’énoncé est bref mais le contenu, très riche : proclamer « que le règne des cieux s'est approché », mais aussi combattre le mal et chasser les démons qui nous empêchent de vivre librement. « Guérissez les malades, réveillez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons ». Dans cet envoi mystérieux hors de ma portée, je comprends déjà : agissez pour ceux et celles qui souffrent, qui sont démunis, afin qu’ils puissent revenir à la vie, être relevés. La parole et les actes, ensemble, pour dire la justice de Dieu et la faire avancer dans le monde.
En quelques mots, Jésus résume en fait sa propre mission, qu’il demande aux apôtres de poursuivre : changer le monde par l'amour du Père et le partage de sa Parole. Que le monde soit éclairé par des vies transformées par Christ.
Une telle mission est vraiment au dessus des possibilités humaines !
Alors pourquoi Jésus demande-t’il de telles choses ? En ajoutant en plus des consignes étonnantes : ne prendre ni argent, ni sac, ni sandale, ni bâton….
Est-ce que Jésus envisage pour ceux qui le suivent un concept « démunis et totalement inconscients » ?!
En réalité, ce jour là, Jésus ne demande pas à ces douze hommes de sauver le monde à eux seuls, et il ne nous le demande pas non plus. Contrairement à ce qu’on peut penser, si audacieuse qu’elle soit, leur mission reste humble.
D’abord, il les envoie d’abord « vers les brebis perdues du peuple d’Israël », dit Matthieu, c’est-à-dire vers les gens les plus proches d’eux, à la fois relationnellement, culturellement et géographiquement. Ils vont partir dans les villes alentour. C’est un « voyage en terre connue » vers ceux qui les entourent, et c’est aussi là que Jésus nous envoie en premier. Partager sa foi avec ses proches n’est pas le plus facile ; il y a tant d’enjeux relationnels. Et en même temps, eux qui connaissent le mieux se laisseront plus difficilement avoir par de beaux discours spirituels et sauront plus facilement voir ce que Dieu fait vraiment en nous.
Ensuite, Jésus ne demande pas aux disciples de réussir, mais d’obéir en faisant de leur mieux : « lorsqu'on ne vous accueillera pas et qu'on n'écoutera pas vos paroles, sortez de la maison ou de la ville et secouez la poussière de vos pieds ». Leur responsabilité est de « proclamer que le règne des cieux s'est approché » par la personne de Jésus, mais s’ils ne sont pas accueillis, la responsabilité devant Dieu revient aux gens qui les rejettent. L’évocation de Sodome et Gomorrhe l’exprime avec force !
De même, nous sommes envoyés sans obligation de résultat, sans aucun pouvoir pour guérir ou sauver par nous-mêmes, mais avec la responsabilité de faire ce qui est notre pouvoir.
Et Dieu s’occupe du reste.
C’est bien pour les garder dans cet état d’esprit que Jésus demande alors à ses disciples de partir léger, sans argent pour se loger ou acheter à manger, sans même un bâton pour se défendre, sans vêtements de rechange… : c’est d’abord pour qu’ils restent dans une humble dépendance envers Dieu et les uns envers les autres.
En effet, c’est leur dépendance envers Dieu, leur confiance en lui qui permettra la réussite des apôtres, pas leur équipement, leurs compétences, ou leur formation. Ils pourraient se préparer autant qu’ils veulent, prendre tout l’attirail qu’ils souhaitent, dévaliser le rayon rando du Décathlon local… cela ne les rendrait pas plus compétents pour la mission qui, de toute façon, les dépasse : seule la puissance de Christ à l’oeuvre en eux pourra leur permettre de faire ce qu’il demande.
Même ce qu’ils vont partager vient de lui. « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ». Ils ne pourront donner aux gens qu’ils rencontrent que ce qu’ils ont reçu du Seigneur.
Et qu’ont-ils reçu ? Des expériences à raconter - tout ce qu’ils ont vécu avec Jésus - et des enseignements à transmettre.
Et avec cela, l’autorité nécessaire, dit Matthieu au v.1, pour parler et pour combattre les forces du mal…
C’est suffisant. Ils n’ont pas à rentrer dans un rôle mais surtout à rester eux-mêmes, car ils ont été choisis par Dieu comme ils sont - et Dieu ne se trompe jamais !
Leur principal atout, c’est eux-mêmes : leur coeur sincères, leurs propres vies transformées par Jésus, authentiquement et profondément transformées par la rencontre avec Jésus.
Notre bagage est le même : l’autorité et l’aide de l’Esprit de Jésus-Christ pour résister aux forces du mal et partager en toute simplicité, humblement, ce que nous avons compris de lui, sans chercher à être ce que nous ne sommes pas - sans jouer aux spécialistes de la foi ou de la Bible, sans vouloir être les détenteurs de toutes les réponses… Ne pas savoir quoi répondre à ceux qui nous interpellent sur notre foi, ce n’est pas grave. Il y a tant de choses qui nous échappent ! Ce qui l’est davantage, c’est d’avoir reçu quelque chose de Dieu et de le garder pour nous, pour une raison qui nous appartient.
Le reste relève de Dieu. Paradoxalement, l’évangélisation c’est son affaire du début à la fin : c’est lui qui appelle, c’est lui qui sauve. Sans parler de guérir ou de ressusciter les morts ! Et pourtant il choisit de nous associer à sa mission, parce qu’il nous aime et a confiance en nous, et peut-être aussi pour nous permettre d’apprendre à aimer les autres, nous aussi, comme lui les aime.
"N'acquérez ni or, ni argent, ni monnaie de bronze pour l'emporter à la ceinture, ni sac pour la route, ni deux tuniques, ni sandales, ni bâton… », dit Jésus.
Savez-vous ce qui m’interpelle dans l’émission « nus et culottés » ? La confiance que les deux héros manifestent. Ils ont confiance dans les gens, dans la vie, en eux-mêmes… j’aime le sentiment de liberté que leurs aventures expriment et la joie qu’elles procurent. De voir qu’avec peu de moyens, de l’audace, un coeur ouvert et généreux, on peut se mettre en route, et vivre des choses magnifiques : faire de belles rencontres, voir de belles personnes, et surtout enrichir la vie des gens qu’on rencontre….voir des coeurs qui s’ouvrent à l’inconnu, voir de la générosité…
Dans un monde de solitude et de peur où tout est verrouillé par l’argent, ça fait du bien !
Cette liberté de partir léger, confiant, joyeux… vers l’inconnu d’une rencontre, l’inconnu d’une nouvelle expérience, l’inconnu d’un nouvel engagement, l’inconnu d’un changement dans une relation…. est-ce que vous n’avez pas envie de la vivre vous aussi ?
Je crois que c’est à cela que Jésus nous invite.
Dans ce passage de l’Evangile, il nous dit qu’avec lui nous pouvons être culottés, c’est-à-dire audacieux, et nous mettre en route comme nous sommes, pour aller à la rencontre des autres, partager ce qu’il nous a confié et voir des vies transformées, des gens remis debout par l’amour de Dieu.
Deux versets insistent sur cette importance de cette rencontre avec les autres qui est au coeur de la mission.
« Dans toute ville ou tout village où vous entrerez, informez-vous pour savoir s'il s'y trouve quelqu'un qui est digne, et demeurez chez lui jusqu'à ce que vous partiez.
En entrant dans la maison, saluez-la ».
Il s’agit d’être accueilli dans l’intimité des personnes, de partager quelque chose de leur vie. Parce que, comme Jésus lui-même n’a cessé de le faire, nous sommes envoyés pour rencontrer les autres personnellement et en vérité - tous les « autres » que Dieu place sur notre route, où que nous soyons.
C’est Dieu qui a conduit les apôtres vers des personnes qui étaient prêtes à les héberger et à partager leur table avec eux. C’est lui qui a permis qu’à travers ces rencontres des relations profondes naissent, et qu’à travers elles son amour puisse toucher des coeurs.
De la même façon, si nous acceptons d’être envoyés, il conduira nos rencontres et les bénira.
A nous aussi, il donnera la joie profonde de voir des portes s’ouvrir devant nous, pour de nouvelles rencontres, de nouvelles perspectives. Nous le verrons agir, transformer des vies, transformer notre vie.
Alors mettons nous en route pour servir le Seigneur sans attendre demain, parce que demain c’est jamais.
Parce que que nous sommes suffisants, tels que nous sommes.
Et parce que nous sommes revêtus de lui, qu’il est avec nous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde.
Amen
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