Prédication du dimanche 19 novembre 2017 - Exode 19.1-9 et 20 - Des interdits qui nous libèrent (S. Guiton)
Culte avec présentation d'enfants.
Nous venons de prier pour que Dieu accorde la sagesse à .... et .... dans leur éducation. Eduquer c’est si complexe ! Surtout quand il s’agit de définir le cadre le plus adapté : pas facile de laisser de la liberté à l’enfant, de respecter ses choix, tout en posant des règles et des interdits… Je crois que cette question, qui a toujours été une question clé de l’éducation, est un défi particulier pour nos générations, censées faire la synthèse entre les bons côtés de l’éducation traditionnelle et les apports de mai 68….
La Bible, en la matière, peut nous donner des repères. Car Dieu s’y révèle comme le Père parfait, le parfait éducateur, qui sait poser des interdits faits pour nous rendre libres…
Pour aborder ce sujet, je vous invite à méditer les « dix commandements ».
Nous lisons en Exode 19.1-9 et 20.
1Le troisième mois à compter de leur sortie d'Egypte, jour pour jour, les Israélites arrivèrent au désert du Sinaï. 2... Israël campa là, en face de la montagne.
3 Moïse monta vers Dieu ; le SEIGNEUR l'appela de la montagne et lui dit : Voici ce que tu diras à la maison de Jacob, ce que tu annonceras aux Israélites : 4Vous avez vu vous-mêmes ce que j'ai fait à l'Egypte : je vous ai portés sur des ailes d'aigle et je vous ai fait venir à moi. 5Maintenant, si vous m'écoutez et si vous gardez mon alliance, vous serez mon bien propre parmi tous les peuples — car toute la terre m'appartient. 6Quant à vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte. Voilà ce que tu diras aux Israélites".
Moïse rapporte ces paroles et annonce au peuple que Dieu va s’adresser à lui, directement. C’est exceptionnel ! Comme personne ne peut voir Dieu et rester en vie, tant il est saint, des mesures de précautions doivent être prises pour éviter que les gens ne meurent
Quand tout est prêt, Dieu apparaît.
« 1 Alors Dieu prononça toutes ces paroles :
2 Je suis le SEIGNEUR (YHWH), ton Dieu ; c'est moi qui t'ai fait sortir de l'Egypte, de la maison des esclaves.
3 Tu n'auras pas d'autres dieux devant moi.
4 Tu ne te feras pas de statue, ni aucune forme de ce qui est dans le ciel, en haut, de ce qui est sur la terre, en bas, ou de ce qui est au-dessous de la terre, dans les eaux. 5Tu ne te prosterneras pas devant ces choses-là et tu ne les serviras pas ; car moi, le SEIGNEUR ton Dieu, je suis un Dieu à la passion jalouse, qui fais rendre des comptes aux fils pour la faute des pères, jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me détestent, 6mais qui agis avec fidélité jusqu'à la millième génération envers ceux qui m'aiment et qui observent mes commandements.
7 Tu n'invoqueras pas le nom du SEIGNEUR, ton Dieu, pour tromper : le SEIGNEUR ne tiendra pas pour innocent celui qui invoquera son nom pour tromper.
8 Souviens-toi du sabbat, pour en faire un jour sacré. 9 Pendant six jours tu travailleras, et tu feras tout ton ouvrage. 10 Mais le septième jour, c'est un sabbat pour le SEIGNEUR, ton Dieu : tu ne feras aucun travail, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni les immigrés qui sont dans tes villes. 11 Car en six jours le SEIGNEUR a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s'y trouve, et il s'est reposé le septième jour. C'est pourquoi le SEIGNEUR a béni le sabbat et en a fait un jour sacré.
12 Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent sur la terre que le SEIGNEUR, ton Dieu, te donne.
13 Tu ne commettras pas de meurtre.
14 Tu ne commettras pas d'adultère.
15 Tu ne commettras pas de vol.
16 Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain.
17 Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui appartient à ton prochain.
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Ce texte est des plus connus de la Bible ! Mais si on le prend hors de son contexte, il peut laisser penser, à tort, que celle-ci est juste une liste de « tu dois » et « tu ne dois pas ».
Or ces dix « paroles » (c’est le sens du nom « décalogue » donné à ce passage) ne prennent tout leur sens que dans le cadre de l’alliance que Dieu a établie avec le peuple hébreu, alliance qu’il rappelle ici, en préambule : « si vous m'écoutez et si vous gardez mon alliance, vous serez mon bien propre parmi tous les peuples ».
Voilà le sol dans lequel ces commandements sont enracinés : Dieu a conclu une alliance avec son peuple, via Abraham. Il s’est engagé envers lui. Ainsi le livre de l’Exode raconte ainsi comment Dieu a libéré les hébreux de l’esclavage en Egypte pour les conduire vers la terre qu’il leur a réservée, une terre où ils vivront libres et manifesteront la présence de Dieu au monde.
Le chemin vers cette Terre Promise passe par le désert, et c’est là que sont donnés les dix commandements.
Dieu aurait-il libéré son peuple du Pharaon pour le rendre à nouveau esclave, esclave de règles étouffantes ?
Bien au contraire : en posant ces interdits, Dieu veut rendre son peuple plus libre encore. Non seulement libre de ses mouvements, mais aussi libre intérieurement, et capable d’aimer vraiment.
Et la façon dont Dieu met en oeuvre ce « projet éducatif» peut nous donner des repères pour mieux vivre l’éducation et l’autorité - nous qui sommes parents, enseignants, oncles, tantes, grands parents… et tous enfants de quelqu'un, tous façonnés par une éducation!
Et puis, est-ce que nous n’avons pas tous besoin d’une telle liberté ?
Les dix commandements posent donc un cadre propre à libérer davantage les hébreux, en leur permettant de se détacher du mal pour aller vers la vie.
On dit qu’un bon cadre éducatif doit aider les enfants à canaliser leurs pulsions, tout en les amenant vers l’autonomie. Eduquer c’est « conduire hors de » : conduire hors du règne des désirs tout puissants, de la force brute : je veux ça, je le prends. Tu m’en empêches, je te frappe, etc. Si vous avez déjà observé une cour de recréation ou un jardin d’enfant, vous voyez de quoi je parle !
« Ce n’est pas parce que tu fais deux têtes de plus que lui que tu dois prendre le biscuit de la main de ton frère ! ».
Pas de vie sociale équilibrée, pas de saines relations sans des interdits clairement posés. Pas d’amour non plus ! Comment aimer l’autre si nos propres désirs passent en premier ?
Ici, Dieu pose un tel cadre. En quoi consiste-t’il ?
Difficile de traiter le détail des commandements en quelques minutes, mais on peut déjà remarquer que ceux-ci se divisent en trois groupes : le premier traite de notre relation avec Dieu. Dieu nous appelle à vivre une vie centrée sur lui, une vie qui le glorifie. Rendre un culte à autre chose qu’à lui nous assèche. Lui seul peut nous combler et mérite d’occuper la première place.
Le deuxième groupe évoque nos relations avec les autres. Dieu nous demande d’être vrais avec notre prochain, et de le respecter - en commençant par nos proches.
Car « notre façon d’agir à l’égard de nos proches gouvernera toutes nos autres relations ». De fait, vivre en harmonie avec Dieu implique le respect de ses parents, qui est le fondement du respect de toute autorité. C’est d’abord à la maison, là où c’est le plus dur, que Dieu nous demande d’appliquer ce cadre. De vivre des relations de respect et d’amour véritable.
Enfin, le troisième groupe traite de notre relation avec les biens matériels. Le désir de posséder notamment peut nous éloigner facilement de Dieu.
Ces paroles ancestrales ne sont pas périmées ; on les retrouve d’ailleurs au coeur de l’enseignement de Jésus : aimer Dieu, aimer son prochain comme soi-même… celui qui fait cela accomplit toute la loi, dira Jésus, le nouveau Moïse. Tel est le chemin à suivre pour devenir la « nation sainte » que Dieu veut faire de nous, pour que nous vivions en communion avec lui.
Ces commandements balisent ce chemin. Et nous pouvons également nous inspirer de la façon dont le Dieu éducateur pose ces balises.
D’abord, il rappelle l’alliance avant de donner les commandements : une façon de dire qu’il n'aime pas Israël à condition que… il soit obéissant. Au contraire ! C’est parce qu’il aime son peuple qu’il lui donne un cadre protecteur.
Voilà qui peut nous aider à dire « non » à nos enfants, malgré nos scrupules : « est-ce que je ne vais pas l’empêcher de s’épanouir ? ».
Quand j’enseignais en banlieue, j’avais une collègue très stricte, avec un caractère très fort, qui menait ses classes difficiles d’une main de fer. Un jour, un de ses élèves lui a dit : « vous, madame, on voit que vous nous aimez ». « Pourquoi ? » a-t’elle répondu. « Parce que vous êtes sévère avec nous, on voit que vous avez envie qu’on réussisse, et même si on vous fait des problèmes, vous nous laissez pas tomber »… Cette femme posait l’amour comme préalable, sans qu’il soit jamais remis en question. Et ça changeait tout.
D’une certaine, cette enseignante établissait une sorte d’alliance avec ses élèves : je m’engage à vous pousser vers le progrès, avec amour et fermeté, sans me laisser décourager par vos rebellions. Et vous, accordez moi votre confiance en retour !
Dieu n’agit-il pas ainsi avec nous ?
A l’inverse, on comprend combien il est malsain d’utiliser le chantage affectif comme levier pour se faire obéir : « si tu désobéis, tu vas faire mal au coeur à maman »… Et pourtant, qui n’est jamais tombé dans ce travers, hélas ? Combien nous avons besoin de grâce et de pardon, dans nos relations familiales !
Dieu, lui, nous aime de façon inconditionnelle, et par amour, il n’impose pas sa volonté. Voilà une autre source d’inspiration pour nous.
Dieu aurait pu facilement établir un rapport de force, mais en établissant une alliance, il aliène sa liberté, car sa parole le lie, l’engage par amour.
L’amour encore inspire ce choix : fonder son autorité non sur la puissance mais sur une parole fiable et sans tromperie. Sur des règles claires, qui engagent en premier celui qui les pose.
Dieu qui nous demande d’aimer et de servir nous en donne l’exemple parfait, en Christ. Lui-même a obéit parfaitement aux commandements de son Père.
La véritable autorité repose sur cette cohérence entre ce que je demande et ce que je fais moi-même : nos politiques feraient bien d’en tirer des leçons…
Oui, par amour, Dieu se refuse à imposer sa volonté par la force, même si son apparition ce jour-là terrifie les Hébreux. Jusque-là, ceux-ci n’avaient connu que des idoles terrifiantes, dont le pouvoir reposait sur la peur, et qu’il fallait se concilier parfois même par des sacrifices d’enfants… c’est horrible !
Il peut rester dans notre relation à Dieu de telles peurs primitives - par exemple, quand nous craignons qu’il nous envoie un fléau si nous ne faisons pas ce qu’il nous dit.
Mais Dieu ne veut pas d’une telle relation : « N'ayez pas peur, dit au contraire Moïse au peuple terrifié; c'est pour vous mettre à l'épreuve que Dieu est venu ; c'est pour que vous ayez la crainte de lui, afin que vous ne péchiez pas ».
La crainte n’est pas la peur, mais le respect. « Il n’y a pas de peur dans l'amour; au contraire, l'amour parfait chasse la peur », écrit Jean (1 Jn 4.18).
Dieu veut être pris au sérieux, car il est saint. Parce qu’une « passion jalouse », un amour sans limite pour son peuple, l’anime.
Mais ses annonces de malédictions (cf v5) ne sont pas des menaces pour se faire obéir, mais l’annonce des conséquences d’une désobéissance éventuelle. « Voilà ce qui va se passer si vous sortez du chemin de la vie ». Nous dirons : « si tu montes sur le bord de la fenêtre, tu risques de tomber »…
Parole protectrice, qui prévient pour que le mal n’arrive pas.
Parole qui reconnait notre liberté et notre responsabilité, qui nous invite, nous incite à obéir - mais n’utilise pas la force pour imposer cette obéissance. Car des règles ne seront vraiment constructives que si elles sont suivies sans contrainte violente, et par amour - non pour mériter l’amour.
Y t’il un commandement qui pourrait être source de vie et de liberté pour moi cette semaine ?
Evoquer l’obéissance », les commandements… cela suscite rarement de l’enthousiasme, même chez les chrétiens. Et dès que quelqu’un - même Dieu ! - risque de prendre autorité sur nous, nous sommes méfiants.
Une telle méfiance est bien compréhensible, vu la façon dont, entre nous, l’autorité est souvent vécue. Souvent abusive, maladroite, mal ajustée, ou insuffisante. On a vite fait d’être injustes ou incohérents - notamment envers nos proches, nos enfants. Qui ne s’est pas surpris à menacer ou dévaloriser ceux qu’il aime le plus et voudrait au contraire élever et honorer ? Ainsi sont-ils nos coeurs sincères mais abîmés.
Ne nous décourageons pas. Seul Dieu est un père parfait, seul Dieu est saint et fiable.
Laissons nous rassurer par lui, ne faisons rien sans lui. Qu’il soit le centre de nos vies, le maître de nos relations. En Christ, il s’est engagé à nous rendre véritablement libres - et il le fera, si nous restons attachés à lui par la foi.
Christ est avec nous dans nos incompréhensions familiales, dans nos difficultés de communication, dans notre éducation, dans nos luttes contre le péché… Si nous tombons, si nous faisons mauvais usage de notre liberté, il saura nous rattraper.
Il saura nous « porter sur des ailes d’aigle" et nous faire venir à lui ».
Amen
Prière : Seigneur, je veux vraiment te connaitre et faire ta volonté. Aide-moi à exercer l’autorité comme toi tu le fais. Donne moi un amour véritable pour toi et pour mes proches - un amour qui les laisse libres et les aide à grandir.
Merci pour ton amour et ton pardon même quand j’échoue.
Au nom de Jésus
Amen.
Sylvain Guiton
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