Prédication du dimanche 23 juillet 2017 - Matthieu 13.24-30 : La parabole des mauvaises herbes (S. Guiton)
Quoi de plus réjouissant pour les yeux qu’un beau champ de blé, dans le soleil de l’été ? Champs de blé mûrissant de nos vacances, de nos étés, longés en vélo, en voiture, à pied, survolés par les hélicoptères du tour de France…
Dans la parabole de Jésus proposée pour la méditation d’aujourd’hui, c’est aussi un champ de blé qui est au centre…
Lecture : Matthieu 13.24-40
24 Il leur proposa cette autre parabole : Il en va du règne des cieux comme d'un homme qui avait semé de la bonne semence dans son champ. 25 Pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de la mauvaise herbe au milieu du blé et s'en alla. 26 Lorsque l'herbe eut poussé et produit du fruit, la mauvaise herbe parut aussi. 27 Les esclaves du maître de maison vinrent lui dire : Seigneur, n'as-tu pas semé de la bonne semence dans ton champ ? D'où vient donc qu'il y ait de la mauvaise herbe ? 28 Il leur répondit : C'est un ennemi qui a fait cela. Les esclaves lui dirent : Veux-tu que nous allions l'arracher ? 29 Non, dit-il, de peur qu'en arrachant la mauvaise herbe, vous ne déraciniez le blé en même temps. 30 Laissez croître ensemble l'un et l'autre jusqu'à la moisson ; au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Arrachez d'abord la mauvaise herbe et liez-la en gerbes pour la brûler, puis recueillez le blé dans ma grange.
(Prière : c’est la Parole de Dieu)
Ce chapitre 13 de l’évangile de Matthieu rapporte plusieurs paraboles : parabole du semeur, de la graine de moutarde, de la perle, du trésor caché, du filet… De courts récits que Jésus introduit tous par la même formule : « Voici à quoi le règne des cieux est semblable »…
Le « règne des cieux », le « royaume des cieux »… étonnant et mystérieux royaume, impossible à situer sur une carte. A ses auditeurs, les juifs du premier siècle, Jésus annonce que ce Royaume est déjà là et en même temps encore à venir. Qu’il est invisible et en même temps présent, dans la vie ordinaire. En train de s’établir.
En quoi consiste exactement ce « règne » ? Quelle est sa nature ? Comment y entrer ? Par ces histoires tirées de leur vie quotidienne, Jésus donne des éléments de réponse à ses auditeurs.
Tous les détails ne sont pas faits pour être interprétés ; ce qui compte surtout, c’est la réflexion que l’histoire suscite, et l’application que les auditeurs de Jésus peuvent en faire, dans leur contexte particulier.
Ici, donc, Jésus raconte une histoire simple, dont le rapport avec le mystérieux règne des cieux ne saute pas aux yeux. Comment comprendre ? Heureusement, dès que la foule est partie, Jésus donne une explication à ses disciples, à partir du verset 37.
37 Il leur répondit : Celui qui sème la bonne semence, c'est le Fils de l'homme ; 38 le champ, c'est le monde, la bonne semence, ce sont les fils du Royaume ; la mauvaise herbe, ce sont les fils du Mauvais ; 39 l'ennemi qui l'a semée, c'est le diable ; la moisson, c'est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges. 40 Ainsi, tout comme on arrache la mauvaise herbe pour la jeter au feu, de même en sera-t-il à la fin du monde. 41 Le Fils de l'homme enverra ses anges, qui arracheront de son royaume toutes les causes de chute et ceux qui font le mal, 42 et ils les jetteront dans la fournaise ardente ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. 43 Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Que celui qui a des oreilles entende !
Ainsi donc, derrière cette histoire de mauvaises herbes à arracher, il y une révélation sur le monde spirituel et la fin des temps ! Elle peut paraître un peu simpliste selon notre culture matérialiste (le bien d’un côté, le mal de l’autre, Dieu, le diable…). Cependant, même si on ne sait pas trop à quoi cela ressemblera vraiment, la réalité d’un jugement final, et de la séparation de l’humanité en deux catégories, pour la condamnation ou pour le salut, ne fait pas de doute pour Jésus : oui, lui, le Fils de l’homme, jugera « ceux qui font le mal », et ceux-ci n’entreront pas dans le royaume de Dieu. Mais les justes, ceux qui auront cru, y auront leur place auprès de Dieu.
Cependant, ces révélations ne sont pas le coeur de la parabole. Le but ici n’est pas non plus d’attirer l’attention sur l’Ennemi, mais de répondre à une question de bon sens que se posent les gens de l’époque, et qui peut nous concerner aussi : « il y a beaucoup de pécheurs, d’escrocs, de voleurs, de violents… en Israël », se disent les juifs qui écoutent Jésus. « Comment peux-tu dire alors que le Royaume de Dieu est déjà arrivé ? ».
Bonne question, toujours d’actualité. Comment croire que Jésus est ressuscité et règne au dessus de toutes choses, quand on voit le mal à l’oeuvre dans le monde ? C’est l’un des premiers arguments que l’on oppose à la foi chrétienne : où est votre Dieu ?
L’argument est compréhensible, d’une certaine façon. Deux mille ans plus tard, le bon grain et l’ivraie poussent toujours ensemble, on découvre régulièrement le côté sombre que nos plus grands héros tentaient de cacher, et loin de s’éclaircir avec le temps et les progrès de l’humanité… le monde est toujours aussi confus, complexe et dur.
« Il y a beaucoup de pécheurs, d’escrocs, de voleurs, de violents… dans le monde, et même dans les Eglises ! » C’est un fait. Comment croire alors que Jésus règne et que son Royaume est déjà en train de s’établir ?
La question est dure, mais on est en droit de se la poser !
Par cette parabole, Jésus amène une réponse en forme de défi : il nous invite à croire à la présence réelle du Royaume, ici et maintenant, malgré la présence du mal. Croire à sa présence dans la réalité telle qu’elle est. Sans se voiler la face pour autant.
Jésus nous lance le défi de croire que dans la réalité mêlée de notre monde, le Royaume des cieux est bien en germination - comme une plante en train de pousser. Comme la graine de moutarde de la parabole suivante, la plus petite des graines qui va donner le plus beau des arbres. Et qu’un jour, la vraie nature de chacun sera révélée.
Est-ce que ça veut dire qu’il faut tout accepter, et se résigner en attendant la fin du monde? Non ! Car Jésus ici appelle le bon grain par son nom, et l’ivraie aussi. Pas de confusion : le mal est mal. Et quand on le reconnaît, il faut le combattre.
Mais Jésus nous invite à adopter la même attitude que le maitre de la parabole, celui qui dit à ses serviteurs : « Laissez croître ensemble l'un et l'autre jusqu'à la moisson », alors le tri sera fait.
Ce maitre n’est pas fataliste : il ne se laissera pas faire par son ennemi, et récupérera son blé.
Il n’est pas non plus inactif, les bras ballants devant le mal qu’on lui a fait : « ah zut alors, la moisson est perdue. Dommage ».
Mais il est patient, parce qu’il est confiant. Il est confiant, parce qu’il a une espérance : quand le blé sera mûr, et que les fruits apparaitront, alors justice sera faite.
Comme lui, nous pouvons être patients et confiants parce que Dieu est en maitrise de la situation. Ni absent de notre vie, de ce monde, ni impuissant, il fait aujourd’hui même pousser dans les coeurs de ses enfants les fruits du royaume.
C’est cette espérance qu’il nous offre pour nous aider à tenir bon, en attendant qu’il revienne.
Bien sûr, cette invitation à la patience fait ricaner les sceptiques depuis deux mille ans ! Les lettres de Pierre en parlent déjà. C’est un argument facile contre l’Evangile.
Et puis, reconnaissons-le, attendre et espérer, c’est difficile pour nous, hommes et femmes de 2017. Nous qui n’aimons pas patienter, alors que tout le système nous promet de l’immédiateté, des réponses instantanées à nos sms H24, des résultats rapides dès les premières heures de traitement, une baisse du chômage dès les premières semaines de mandat.
Pas étonnant que les guérisseurs, et tous ceux qui promettent des délivrances immédiates et des solutions rapides se multiplient, et qu’ils aient tant de succès. Il me semble que même parmi les chrétiens, l’impatience grandit ; sur Internet, on trouve beaucoup de prédicateurs qui basent tout sur les signes surnaturels de la présence du Royaume aujourd'hui - guérisons, miracles… Et cela existe ! Mais attention avec ce type d’enseignement. Malgré les siècles qui sont passés depuis que Jésus a prononcé cette parabole, son message nous concerne tout autant : croyez que le Royaume des cieux est déjà là, et marchez dans l’espérance de sa venue pleine et entière, qui n’aura lieu que lorsque Jésus reviendra. Ce n’est qu’alors que toute larme sera ôtée de nos yeux, que toute maladie disparaîtra, que l’Ennemi sera totalement éliminé. En attendant, le bon grain et l’ivraie continuent de se mêler dans le champ du monde, dans le champ de nos vies, de nos coeurs. Et même si Dieu agit, et nous fait la grâce d’arracher des mauvaises herbes de nos coeurs, il nous faudra vivre, jusqu’à la fin, une réalité mêlée dans ce monde.
Peut-être que cette difficulté à accepter cet état de fait nous ramène simplement à nos limites de créatures, et c’est bon ! Quelqu’un a dit : « Nous ne sommes pas Dieu, et c’est plutôt une bonne nouvelle ». Est-ce que nous acceptons de ne pas être parfaits ? De ne pas contrôler la situation du début à la fin ? De ne pas y voir parfaitement clair ?
Je dois confesser que c’est une cause de combat intérieur pour moi. Et j’entends souvent dans les entretiens avec les uns et les autres cette même impatience, ce même désir bien intentionné d’y voir clair, de comprendre et d’expliquer ce qui se passe, en nous et autour de nous. Où est le mal, où le bien. Pourquoi le mal nous atteint.
Parce que nous avons besoin d’avoir une prise sur les choses. Comme les serviteurs, nous voulons arracher les mauvaises herbes, tout de suite !
L’homme qui a planté les grains, lui, accepte que les choses ne se passent pas exactement comme il le voulait. Mais il reste en paix, confiant que le moment de se débarrasser des mauvaises herbes viendra, qu’il est prévu dans la nature et qu’il ne sert à rien de s’affoler avant le temps prévu par Dieu. Quand les plantes auront poussé, alors on pourra facilement distinguer le bon grain de l’ivraie.
Si comme cet homme, nous quittons nos illusions de toute puissance, si nous renonçons à nos exigences envers Dieu pour accepter d’entrer dans son temps à lui, si nous acceptons, avec confiance ce qu’il nous donne à vivre, alors nous pourrons trouver la paix, nous aussi, même au milieu de la confusion.
Peut-être que pour tenir bon, nous devons déjà nous rappeler qui est Dieu : un Dieu qui sait. Qui est juste. Qui dirige la situation. Un Père, qui prend soin de nous dans la situation où nous sommes. Un Père à qui nous pouvons tout dire de nos questions, de nos impatiences ! (cf Psaume…) plutôt que de serrer les dents !
Il comprend ce que nous vivons, et il le vit avec nous.
Et dès cette vie, Jésus-Christ est notre soutien, par son Esprit, qui est la source de beaux fruits en nous, et la garantie que notre espérance n’est pas fondée sur une fausse promesse.
Croire sans voir, espérer quand tout nous pousse au désespoir, c’est au dessus de nos forces, c’est vrai. Mais nous pouvons prendre pour nous ces paroles de Paul : « cette espérance ne nous déçoit pas, car Dieu a répandu son amour dans nos cœurs par le Saint-Esprit qu'il nous a donné ». Son Esprit nous guide, nous transforme déjà. Par son action, le Royaume est en marche, par nos coeurs renouvelés. Et si nous prions le Seigneur, à l’écoute de Sa Parole, il saura déjà nous montrer les mauvaises herbes qui poussent dans notre coeur, et qu’il nous demande d’arracher sans attendre, pour nous rendre libres d’aimer. Au milieu du grand champ du monde, c’est de ces mauvaises herbes là, d’abord, dont je suis responsable.
Alors disons-lui notre faiblesse, nos besoins, laissons-le produire ses fruits en nous, et tenons ferme.
Que « que le Seigneur dirige (notre) coeur - vers l’amour de Dieu et la persévérance du Christ » ! (2 Thess 3.5)
Amen
Prière :
Mon Dieu, mon Père, qui m'a créé
et qui ne m'a jamais abandonné
tu nous as donné ton Fils Jésus
pour vaincre la mort,
le mal et tout péché;
remplis moi de ton Esprit.
Libère mon coeur des angoisses qui l'oppressent
et rends la paix à mon esprit accablé.
Avec ton aide, donne-moi la force de réagir
De regarder la situation en face
et de la vivre dans la confiance.
Même si elle m’échappe totalement, tu en es parfaitement maître.
Je crois que bientôt, Jésus reviendra, et qu’alors il essuiera toute larmes de nos yeux. Il n’y aura plus ni mal ni souffrance.
Garde-moi paisible dans cette espérance,
Et remplis-moi de ta vie, de ta joie, et de ton amour débordant.
Au nom de Jésus
Amen.
S. Guiton
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