Prédication du dimanche 26 mars 2017 - Marc 3.13-19 -Choisis. Etablis. Envoyés. (S. Guiton)
Il y a quelques temps, au Niger, de nombreuses églises ont été brûlées lors d’émeutes violentes.
Quelques jours après, on demandait à un pasteur des nouvelles de son Eglise.
« L’Eglise va bien, a-t’il répondu. Les bâtiments, eux, sont entièrement détruits ».
Ce pasteur dit avec simplicité une vérité essentielle, mais qu’il est tellement facile de perdre de vue : l’Eglise, ce n’est ni un bâtiment ni une vision ni un projet ni une organisation, mais l’ensemble de toutes les personnes que Dieu appelle, par Jésus-Christ.
Des personnes précises : vous, moi. Ceux qui sont là et qui sont liés à Jésus-Christ, par la foi.
Et c’est ainsi depuis le tout début de l’Eglise.
Depuis ce jour où Jésus a choisi ceux qui allaient constituer le socle de son Eglise.
A cette période-là, Jésus commençait à être très populaire. Il avait guéri beaucoup de gens (Mc 3.10), et sa renommée était telle qu’il ne pouvait plus faire un pas sans être assailli par la foule!
C’est alors qu’il appela ses Apôtres.
Lecture : Marc 3.13-19
13 Il monte ensuite sur la montagne ; il appelle ceux qu'il voulait, et ils vinrent à lui.
14 Il en choisit douze, à qui il donna aussi le nom d'apôtres, pour qu'ils soient avec lui et pour
les envoyer proclamer, 15avec l'autorité pour chasser les démons.
16 Il choisit les Douze : Simon, à qui il attribua le nom de Pierre, 17 Jacques, fils de Zébédée, et Jean, frère de Jacques, auxquels il attribua le nom de Boanergès, qui signifie « Fils du tonnerre » ; 18 André, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques, fils d'Alphée, Thaddée, Simon le Cananite 19 et Judas Iscarioth, celui qui le livra.
Quand on considère l’histoire du christianisme dans le monde, incroyable de penser que tout a commencé avec l’appel de ces douze hommes simples, ordinaires.
Douze hommes, comme les douze tribus d’Israël : on devine qu’avec cet appel, Jésus commence une sorte d’entreprise de restauration du peuple de Dieu. Une nouvelle histoire, qui est à la fois la continuité de celle d’Israël et quelque chose de tout à fait nouveau : l’Eglise, justement, qui émerge avec la réunion de ces quelques personnes. Et si ces apôtres ont eu un statut et un rôle particulier dans l’histoire de l’Eglise, premiers témoins autorisés des actes de Jésus, de son enseignement - et surtout de sa résurrection - leur appel nous rejoint cependant nous aussi.
Il nous dit quelque chose sur l’appel que Dieu nous adresse, aujourd’hui encore, et sur ce qu’il accomplit dans son Eglise.
Et d’abord, qu’aujourd’hui comme hier, c’est Dieu qui a l’initiative de toutes choses et qui rassemble son peuple.
Mars écrit : Jésus « appelle ceux qu'il voulait ». Luc nous apprend qu’il a passé la nuit en prière avant de faire sa « sélection ».
Rien ne nous est dit sur les raisons de ce choix. Seul Dieu les connaît. Eux-mêmes ne doivent pas trop comprendre ce qui les a distingués parmi tous les disciples qui suivaient déjà le Seigneur. On les imagine étonnés, mais heureux. Dépassés, dès les premiers instants, par ce qui leur arrive. Et encore, ils n’ont aucune idée de tout ce qui les attend !
Pourquoi eux ? Pas de réponse à cette question. Dans tous les Evangiles, ils sont simplement nommés, sans autre justification du choix - certainement parce que d’une certaine manière, le choix est gratuit, sans légitimité à vues humaines. Ils ne sont pas appelés à cause de leurs dons, de leurs compétences, de leurs mérites, mais pour eux-mêmes. Par pure grâce.
Et les voilà qui se découvrent choisis, et même « établis » par Jésus. Le terme « établi » est fort : la Bible l’emploie lorsque Dieu établit Moïse à la tête de son peuple. De même, Jésus les établit dans le rôle d’apôtres, c’est-à-dire d’envoyés. Ce n’est pas rien !
Aux apôtres il revient juste de dire oui à cet appel, et de se laisser conduire dans les chemins tracés par Dieu. Chemins mystérieux s’il en est.
Depuis les origines, Dieu appelle ainsi des personnes ordinaires pour accomplir son oeuvre extraordinaire. Et son choix échappe à toute logique, si ce n’est celle de l’amour inconditionnel. « Pourquoi moi ? » C’est la question du trop jeune Jérémie, de Moïse le bègue, de Paul le persécuteur des chrétiens.
C’est peut-être la nôtre , aujourd’hui : « qui suis-je pour oser me dire « appelé » par Dieu » ?
Pourtant, l’appel est là, pour chacun d’entre nous : « venez à moi ». « Suis moi ».
Le coeur de ce Dieu qui toujours, fait le premier pas vers nous, s’exprime dans cet appel, qui se fait entendre de bien des façons : la lecture de la Bible, des rencontres, une soif intérieure que rien n’étanche, des épreuves… mais toujours, c’est le Saint Esprit, l’Esprit de Christ, qui oeuvre au travers de ces choses pour nous conduire à Dieu.
J’aime citer les mots de Blaise Pascal, la nuit de sa conversion : « tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé ». Dieu est à l’origine de notre marche vers lui.
Et dans cette recherche de Dieu, nous nous découvrons nous aussi choisis gratuitement, comme les Douze, hors de tout mérite, et « établis » comme eux en tant qu’enfants de Dieu, frères et soeurs de Jésus-Christ.
Peut-être que nous gagnerions à rester comme ce groupe de Galiléens ordinaires, un peu ébahis d’avoir été choisis par Dieu, mais tellement heureux d’être là !
Choisis, et appelés par notre nom.
« Il choisit les Douze : Simon, à qui il attribua le nom de Pierre, 17 Jacques, fils de Zébédée, et Jean, frère de Jacques….André, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques, fils d’Alphée… ». Derrière chaque nom, une personne, un caractère, une histoire singulière et originale.
Il y a d’abord Pierre, cet homme simple et spontané, tout en passion. Un grand coeur, une forte personnalité. En même temps, quelqu’un qui peut être confus et changeant. Jésus modifie son nom : Cephas l’instable devient « Pierre », peut-être pour lui indiquer son destin : s’affermir en marchant avec Jésus pour devenir la pierre sur laquelle il va bâtir son Eglise. Lui qui va pourtant le renier, devenir le premier des apôtres ! A lui seul, Pierre incarne bien la grâce de Dieu qui transforme des vies.
A côté de lui, Jacques et Jean, les deux frères, ont aussi pas mal de caractère. Ils inciteront Jésus a faire tomber le feu du ciel sur ceux qui refuseront de les héberger, ils enverront leur mère demander pour eux les places d’honneur dans le Royaume de Dieu ! Est-ce que Jésus les rejettera pour autant ? Non. J’aime voir dans le surnom qu’il leur donne, « fils du tonnerre », une taquinerie affectueuse, de l’humour, de la complicité.
Il y a aussi Philippe, quelqu’un de plus posé, de bien inséré dans la culture grecque de son temps. Et pourtant c’est lui qui, dans un élan mystique, demandera à voir Dieu le Père en personne !
Et puis Thomas, épris de vérité, qui veut mourir avec Jésus, puis doute. Thomas qui, malgré sa foi hésitante, confessera le premier que Jésus est Dieu !
Sans parler de Judas, appelé lui aussi à la vie nouvelle et à l’amour. Judas, homme responsable de ses choix, à qui Jésus tendra plusieurs fois la main mais qui, troublé, partagé, choisira de le trahir.
Autant de portraits, autant d’histoires - aussi diverses que le sont les nôtres. Au moins, Jésus fait le choix de la diversité et de la mixité sociale !
Marc nomme tout le monde, car chacun compte. Il précise même : « Jacques, fils d’Alphée » parce qu’il ne faudrait pas le confondre avec un autre Jacques. C’est ce Jacques-là que Jésus choisit, tel qu’il est.
Je crois important de garder en tête cette autre idée simple : dans l’Eglise de Jésus-Christ, chacun est important comme cela. Dieu nous établis, chacun, comme nous sommes. Peu importe ses compétences ou sa place dans la société, ici les règles sont différentes. Les gens ne sont pas interchangeables !
Et Dieu travaille avec le matériau particulier dont chacun d’entre nous est fait.
En quoi consiste ce travail de Dieu ? Il nous appelle, oui, mais dans quel but ?
La formule employée par Marc pour dire cela est belle et simple à la fois : « Il en choisit douze… pour qu'ils soient avec lui ».
Tout est dit, d’une certaine manière.
Les douze ne constituent donc pas« l’équipe de campagne » du candidat Jésus, appelés à mettre ses compétences au service d’un programme, ou d’une nouvelle idéologie ou religion. L’embauche est originale : les voilà appelés non pour « faire » des choses - mais pour « être » - être avec Jésus.
Etre avec Jésus, c’est avoir une« relation personnelle » avec lui. C’est s’attacher à lui, apprendre à le connaître et à l’aimer.
Ca me touche de penser que Jésus m’appelle à la même intimité qu’il a eu avec ces hommes, sur lesquels il a tout investi. Incroyable choix ! Décider de consacrer tout son ministère terrestre juste à former cette drôle d’équipe, en partageant tout avec eux : des expériences incroyables mais aussi la vie quotidienne la plus ordinaire. Manger, dormir, marcher. Ensemble ils ont eu faim, ensemble ils ont affronté la pression de la foule et les menaces des Pharisiens, la joie et l’angoisse…. Et jamais Jésus ne s’est laissé arrêter par leurs défauts ! Ils l’ont abandonné - mais lui est revenu les trouver.
De la même façon, la principale chose à laquelle Jésus nous appelle, chacun aujourd’hui, c’est à nous attacher à lui pour qu’il nous forme ainsi, au fil des jours. Que Sa Parole nous accompagne au quotidien et renouvelle notre façon de voir, que nous restions sans cesse les yeux fixés sur lui dans la prière pour vivre sous la conduite et par la force de son Esprit - l’Esprit de Jésus.
Comme les Douze, Jésus nous appelle à vivre cela ensemble, en Eglise, en nous attachant les uns aux autres, parce que chacun de nous compte.
Encore une idée simple ! Mais que nous pouvons si facilement perdre de vue dans nos vies dispersées, nous qui devons utiliser le mail pour nous parler en semaine, nous qui prions ensemble - mais sur des tableaux virtuels, sur Internet. Il nous est facile de perdre de vue que l’Eglise est faite de « pierres vivantes » , et que Dieu ne cherche pas à les accumuler mais à les assembler, à les réunir dans un amour véritable.
Autant dire que pour les apôtres, ce n’était pas gagné d’avance ! Comment Simon le Zélote, qui avait choisi la lutte armée contre l’occupant romain, pouvait-il devenir l’ami et le compagnon de route de Matthieu, agent du Trésor Public qui s’était enrichi en collaborant avec les Romains ?
Ils ne s’étaient pas plus choisis que nous.
Mais ils ont tenu ensemble parce qu’ils étaient attachés à Jésus. C’est aussi là que sera notre force.
Et que nous pourrons aller au bout de l’appel de Jésus : « Il en choisit douze… pour qu'ils soient avec lui et pour les envoyer proclamer ».
Choisis. Etablis. Envoyés.
Nous avons évoqué la semaine dernière ces freins, ces craintes, qui nous assaillent en attendant de tels appels à « aller proclamer ». A être des témoins.
Comme les disciples, nous avons entendu Jésus dire : « je vous envoie comme des brebis au milieu des loups », et il faut bien dire que ça ne fait pas très envie !
Alors, être appelé pour être avec le Seigneur, bien sûr ! Mais être envoyé… que de questions ou d’inquiétudes cela suscite !
S’il fallait partir seuls, s’il fallait essayer d’être témoins par nous-mêmes, nous aurions des raisons de trembler. Nous serions comme les apôtres avant qu’ils ne reçoivent le Saint-Esprit : démunis, inaudibles, inefficaces. Mais Jésus nous appelle en même temps à être avec lui et à être envoyés - ce qui veut dire qu’il part avec nous ! Et qu’il ne peut nous envoyer que si nous sommes avec lui.
C’est parce que nous sommes avec lui que nous pouvons résister à la voix de l’adversaire qui nous préfère immobiles et muets, et pour cela nous glisse des pensées de peur, de découragement, d’indignité. « Qui suis-je ? je ne suis pas capable. Ce n’est pas mon don. Je ne suis pas encore assez mûr…. » ou au contraire d’orgueil : « je mourrai pour toi ! » - comme il l’a fait pour les apôtres.
Alors c’est vrai que le mouvement de cet envoi semble un peu contradictoire : il faut à la fois « aller » témoigner, et en même temps « rester en Jésus », demeurer dans son amour. Pas question de lâcher la main du maître ! C’est lui qui agit, toujours. C’est lui qui donne aux apôtres « l'autorité pour chasser les démons ». Que pourrions-nous faire sans lui ? Son Esprit en nous est Esprit de force, de sagesse, d’amour. Il nous transforme et nous qualifie, comme il l’a fait pour Pierre, Jacques, Jean…
Choisis. Etablis. Envoyés.
Chacun de nous compte. Notre personnalité et notre histoire sont le matériau que Dieu utilisera pour se manifester à d’autres personnes, comme cela a été le cas pour les apôtres : lors de la Pentecôte, Pierre a t’il eu conscience de l’autorité nouvelle dont l’Esprit le revêtait lorsqu’il parlait ? Cela pourtant n’a pas échappé à ceux qui le connaissaient, et ils ont pu voir dans les transformations de sa personne la présence invisible de Dieu.
De même, le message de la résurrection a eu d’autant plus de retentissement et de crédibilité pour les hommes du premier siècle qu’il a été porté par ces hommes qui la veille se cachaient, peureux et hésitants, et qu’on a découverts soudain prêts à affronter la mort au nom du Ressuscité.
Au delà de leurs paroles, les changements dans leur façon d’être ont proclamé que quelque chose s’était vraiment passé.
Comme eux, est-ce que nous sommes prêts nous laisser appeler par Jésus, tels que nous sommes, pour être transformés et envoyés ?
Redisons à Dieu notre désir de le suivre.
Je voudrais finir avec une demande qui peut aussi servir d’illustration.
(Image site internet eel-lyon.org)
Voilà les personnes que l’on découvre sur le site internet de notre Eglise. Ne cherchez pas, aucune d’elles ne fréquente l’Eglise ! Ce sont des photos de banque d’image.
Pourtant, on sait qu’à notre époque les gens viennent là où il y a d’autres gens - parce qu’ils veulent rencontrer de vraies personnes, qui soient prêtes à les accueillir et à partager avec eux ce qui les anime.
Alors… si nous mettions plutôt nos visages à nous sur ce site, nous qui constituons la véritable Eglise de la rue Louis ?
Comme un message adressé à ceux qui cherchent : venez, ici il y a des gens simples - mais des vrais gens- qui sont prêts à vous accueillir et à chercher Dieu avec vous. Et vous aussi, vous pouvez vous joindre à eux. Parce que pour Dieu, chacun compte.
Si vous êtes prêts à cela, venez me voir !
Prions :
Seigneur, tu n’as pas choisi des gens à cause de ce qu'ils étaient.
Tu les as choisis pour ce qu'ils pourraient devenir sous ta direction et par ta puissance.
Nous qui sommes ici, nous ne sommes ni remarquables, ni particulièrement qualifiés et pourtant tu nous appelles à être avec toi, ensemble.
Tu nous choisis, tu nous établis, tu nous envoies.
Ta grâce dépasse notre compréhension, mais nous voulons te dire : « me voici, envoie-moi ».
Donne-nous le courage de te servir humblement avec tout ce que nous sommes.
Et remplis nous de ton esprit d’amour et de sagesse pour le faire ensemble, dans l’unité.
Amen.
Questions pour la discussion :
Relisez le texte.
1. Qu’est-ce qui est inhabituel dans le choix que Jésus fait ici ?
2. Il les choisit « pour qu’ils soient avec lui » : comment comprenez vous cette expression ? A quoi Jésus désirait-il que ses disciples consacrent leur temps ? Quel était son but ?
Comment pouvons-nous, comme eux, « être avec Jésus » ? Echangez sur cette question en étant le plus concret possible.
3. Le verset 14 résume toute la stratégie de Jésus : il appelle des disciples, passe du temps avec eux et les envoie.
En quoi est-ce un modèle pour nous ? Qu’est-ce que cela nous indique sur la façon dont nous pouvons nous aussi aider les autres à grandir dans leur foi ?
4. Questions personnelles : comment puis-je m’engager davantage auprès de tel ou tel frère ou soeur en Christ, pour l’aider à avancer ?
De quelle manière Jésus pourrait-il « m’envoyer proclamer" ? Quelle serait la manière de partager l’Evangile avec laquelle je me sentirai le plus en phase ?
Quelle mise au défi le Seigneur m’adresse-t’il aujourd’hui ?
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