Prédication du dimanche 19 mars 2017. Matthieu 16.24-28 : Renoncer à soi-même pour vivre et aimer vraiment. (S. Guiton)
Cette semaine, un temps de jeûne et de prière a été proposé dans cette Eglise. Avec chaque jour, la méditation d’un texte biblique, et tous les soirs une rencontre de prière où nous étions entre 20 et 30. Mais vous avez été nombreux à partager des pensées, des versets… sur les tableaux collaboratifs sur Internet.
La semaine est maintenant terminée. Difficile de résumer ce qui a été vécu ! Chacun pourrait dire son expérience propre, plus ou moins intense, plus ou moins concluante. Tous, en tout cas, nous avons essayé à notre niveau de renoncer volontairement à certaines choses pour plus de disponibilité à Dieu, et pour favoriser une attitude intérieure d’humilité et d’écoute confiante devant Dieu.
Bien que j’ai choisi le texte pour ce matin il y a plusieurs semaines, il se trouve qu’il traite justement de cela : le renoncement et l’abaissement volontaire.
Attention, les paroles de Jésus que nous allons entendre sont tranchantes et sans compromis !
Lecture : Matthieu 16.24-28
24 Alors Jésus dit à ses disciples: « Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive ! [pause]
25 En effet, celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la retrouvera. 26 Que servira-t-il à un homme de gagner le monde entier, s'il perd son âme? Ou que pourra donner un homme en échange de son âme? 27 En effet, le Fils de l'homme va venir dans la gloire de son Père, avec ses anges, et alors il traitera chacun conformément à sa manière d’agir 28 Je vous le dis en vérité, quelques-uns de ceux qui sont ici ne mourront pas avant d'avoir vu le Fils de l'homme venir dans son règne.»
Suivre et conduire, perdre, gagner. Gagner le monde entier… avec une écoute un peu distraite, on pourrait se croire dans la campagne présidentielle ! « Je ne renoncerai pas »…
Sauf que le programme évoqué ici est totalement inverse : le chemin proposé, c’est le renoncement ! Renoncer…à soi-même. Se charger d’une croix… et suivre. Non pas diriger, mais être conduit.
Dans ces paroles incisives, Jésus nous montre à la fois un but, et le chemin pour y parvenir.
Le but, c’est une vie nouvelle: « celui qui perdra [sa vie] à cause de moi la retrouvera ».
Cette promesse n’est pas seulement pour après la mort : dès maintenant, la vie nouvelle que Jésus évoque dans le texte qu’on appelle le sermon sur la montagne peut émerger pour nous, une vie libérée de la peur, une vie d’amour et de paix. Elle est comme un joyeux banquet, comme la joie profonde de retrouver un fils perdu…
La joie de découvrir en Dieu un père, et d’être accueilli dans ses bras.
De retrouver alors, avec lui, notre « âme ». Et de voir alors en l’autre un frère ou une soeur.
Voilà le but. Quant au chemin, Jésus l’indique aussi : « Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive ! ».
Il est intéressant de constater que ces versets se trouvent juste avant le récit de la transfiguration, que Vincent Miéville a médité dimanche dernier. A ce moment-là Jésus révèle aux disciples que pour révéler sa gloire, il doit mourir et ressusciter, « porter sa croix » et s’abaisser. Comme l’a dit Vincent, il n’y a pas de gloire dans le Royaume de Dieu sans humiliation. Pas d’élévation sans abaissement.
De la même façon, on ne peut « sauver sa vie » sans « la perdre » d’abord.
On ne peut accéder à la vie de Dieu sans renoncer à soi-même.
Sans « renier sa vie ». Certaines Bibles traduisent ainsi. Effectivement, Matthieu emploie le même mot grec traduit par « renoncer » lors le reniement de Pierre (Mt 26.34) : « cette nuit même … tu m’auras renié trois fois ».
Renoncer à nous-même !
Difficile à entendre pour nous qui vivons dans la culture du selfie. Dans un pays où les meilleures ventes de librairie sont « Votre cerveau », « Votre intestin »; « Votre Santé Sans Risque ; Vous êtes Une Force De La Nature Sans Le Savoir », « Le meilleur médicament, c’est vous ». Et où les pubs nous disent : « Pariez sur vous », « Sois fou, sois sage, sois toi »…
Ainsi nous apprenons, dès le berceau, à chercher notre propre intérêt contre celui des autres, dans la compétition, dans l’accumulation (d’achats, de « like », d’expériences inoubliables…). Dans la recherche de ce qui nous renforce et nous augmente.
En même temps, nous savons ce que signifie renoncer, car notre vie est déjà pleine de renoncements. D’autant plus dans une société en crise. Renoncer à son salaire pour garder son emploi. Renoncer à une part de sa couverture maladie, à ses avantages sociaux… la campagne présidentielle est pleine de ces questions.
Il y a aussi les renoncements que la vie amène - avec l’âge, les deuils, les diverses pertes qui accroissent chez certaines le sentiment de fragilité et l’inquiétude devant l’avenir. Et la crainte d’être rejeté, déclassé, de se perdre.
Mais ce sont-là des renoncements subis.
Celui que demande Jésus est d’un autre ordre : il est volontaire : « celui qui veut être… ».
Il demande la volonté de faire confiance. Une démarche de foi.
Dans l’histoire chrétienne, ce « renoncement à soi » a été compris de bien des manières, avec deux excès opposés, comme souvent : quasi auto-destruction d’un côté, avec une complaisance dans la souffrance ou la dévalorisation de soi - et d’un autre côté, simple conseil philosophique : le renoncement comme « lâcher prise », attitude favorisant le bien-être.
Entre ces deux extrêmes, Jésus esquisse un chemin plus apaisé, mais non moins exigeant, qui est celui du disciple : « si quelqu’un veut être mon disciple ».
Le disciple est d’abord quelqu’un qui renonce à suivre sa propre voie pour suivre son maître et se laisser conduire. D’une certaine manière, il renonce à la souveraineté sur sa vie, pour la confier entre les mains de son maître, en qui il a confiance.
Jésus nous demande exactement cela, avec lui. Il n’y a pas d’autre moyen d’accéder au Royaume de Dieu que de renoncer à notre ancienne vie sans Dieu. Un dépouillement est nécessaire. On entre par le bas, dans l’humilité.
. Paul exprimera cette idée avec d’autres morts, parlant d’ancien et de « nouvel homme », de « marcher selon la chair » ou « selon l’Esprit », de « mourir » et de « ressusciter avec Christ ».
Ce renoncement est sans demi-mesure. Sans compromis, car ceux-ci nous tirent en arrière, nous éloignent de Dieu. (cf texte de Jacques mardi)
Pourquoi Jésus exige-t’il cela de nous ? Pas pour nous détruire : pour nous libérer. Voilà pourquoi, étonnamment, ce dépouillement de soi est source de joie, de paix !
Dans un petit ouvrage que vous pourrez acheter à la fin du culte dimanche, Linda Oyer décrit ce renoncement comme « une attitude fondamentale, une disposition du coeur ». Elle écrit : « la spiritualité chrétienne voit le renoncement dans le sens d’une libération de tout ce qui nous encombre et nous empêche d’avancer sur le chemin de transformation à l’image du Christ. Et cela, dans le but de réellement aimer Dieu et de réellement aimer l’autre. Ce n’est pas seulement une libération de quelque chose, mais une libération pour quelque chose… pour aimer réellement. Il ne s’agit pas de renoncer pour renoncer, comme si cette attitude fondamentale avait une valeur en elle-même. C’est plutôt un « non » pour un « oui » plus grand, plus précieux… être libre d’aimer Dieu et d’aimer notre prochain ».
Un « non » pour un « oui » plus grand - le « oui » à Dieu, le « oui » à l’amour du Père.
Dire « non » et « oui », c’est notre responsabilité.
Nous voilà donc placés devant un choix sans compromis possible : dire « non » à Dieu, continuer à tout faire pour préserver notre vie - et nous perdre - ou dire « oui », renoncer à maitriser notre existence, la remettre à Dieu - et être ainsi conduits vers la vie éternelle. Vers la paix.
Dire « non » pour un « oui » plus grand.
Avant nous, Jésus a fait cela. Il a dit « non » à la tentation d’obtenir la domination sur le monde sans passer par la croix. Et « oui » à la mission que le Père lui a confiée : « se charger de sa croix »; subir le rejet et l’incompréhension des siens, et mourir pour les sauver.
Avant nous, Jésus a suivi ce chemin d’humilité et d’abaissement, d’amour et de service, qu’il nous demande de vivre.
Lors de la soirée de prière de mercredi soir, quelqu’un a partagé Philippiens 2.5 : « Que votre attitude soit identique à celle de Jésus-Christ: lui qui est de condition divine, il n'a pas regardé son égalité avec Dieu comme un butin à préserver, mais il s'est dépouillé lui-même en prenant une condition de serviteur, en devenant semblable aux êtres humains ».
Le texte de vendredi, Romains 15, évoque un autre point : « Que chacun de nous fasse ce qui plaît à son prochain, en vue de ce qui est bon et constructif. Le Christ, en effet, n'a pas fait ce qui lui plaisait ».
Se renier soi-même, c’est donc peut-être cela, d’abord : renoncer à prendre la place de Dieu pour préserver notre vie. Renoncer à tout maîtriser, prévoir, planifier. Car lorsque j’anticipe sur tout ce qui pourrait se passer de négatif, et les conséquences que cela pourrait avoir, est-ce que je ne suis pas davantage du côté de l’incrédulité que de la foi ?
Dieu s’occupe de nous. Cela nous libère pour exposer nos vies, et aller vers les autres !
Mais que c’est difficile, n’est-ce pas ? Car nous avons peur ! Comme Esdras, dans le texte de mardi. Esdras, un homme pourtant plein de foi, a été assailli par la peur au moment de se lancer dans un long voyage. La peur sous toutes ses formes - de l’inquiétude à l’angoisse - est un des principaux obstacles à notre marche avec Dieu, et Satan le sait bien. Il sait souffler sur notre inquiétude pour que nous renoncions à obéir à Dieu !
Cela peut prendre des formes détournées, parfois subtiles. Ainsi, que cachent nos approches tellement « rationnelles » de la vie chrétienne, de la vie d’Eglise… Cette façon que nous avons d’atténuer le sens des paroles de Jésus, de nous dire : « c’est juste une façon de parler, Jésus ne nous demanderait pas vraiment d’aller jusque là ». « Tout cela n’est pas très raisonnable, pas très sage. C’est une lecture un peu extrême du texte. Il faut savoir raison garder, rester modéré ».
Mais peut-on « modérément » renoncer à soi-même ? Y a-t’il quelque chose de « raisonnable » dans la vie de Jésus ? De Paul ? D’Abraham ? De Martin Luther King ? De ces chrétiens de Corée du Nord qui risquent leur vie pour prier ensemble ?
Reconnaissons-le humblement : sous notre recherche d’une façon « sage » et « raisonnable » de vivre notre foi, c’est le désir de rester dans notre zone de maîtrise et de sécurité qui peut se cacher, souvent. Parce que nous avons bien compris qu’en suivant Jésus jusqu’au bout, nous devrons nous aussi « porter la croix » de l’inconfort, voire de l’incompréhension et d’une certaine marginalisation - sans parler de la persécution qu’endurent nos frères et soeurs un peu partout dans le monde.
Nous savons qu’une certaine souffrance fait aussi partie du chemin et nous n’en voulons pas. Quoi de plus humain !
Oui, nous sommes trop raisonnables et nous manquons de foi. Nous sommes plus à l’aise appuyés sur un compte en banque bien approvisionné que sur le Seigneur…
Mais la bonne nouvelle, c’est que le Seigneur le sait, et qu’il ne nous abandonne pas pour autant. Il nous a appelés comme nous sommes, faibles et tremblants, pour manifester sa gloire dans ce monde ! C’est aussi lui qui accorde à certains des comptes en banque garnis, afin qu’ils soient allégés joyeusement pour son service !
Oui, nous avons peur de renoncer à nous-mêmes, mais faisons simplement un pas… puis un autre. Le renoncement est un chemin quotidien, sur lequel Jésus nous précède et nous guide patiemment. En abandonnant la maitrise de notre propre vie pour le suivre, nous ne sautons pas dans le vide : Il est notre soutien.
Je crois que le renoncement à soi-même est l’apprentissage de toute notre vie. Jésus lui-même a appris l’obéissance au rythme de la vie humaine, du berceau à la croix, dans la longueur des jours. De la même façon, il ne nous demande pas de passer de la rive à la pleine mer d’un coup ! Mais de mettre les voiles, oui, et pour cela de larguer les amarres, en le laissant barrer le navire !
Et si nous cessions de lui résister, comme le peuple « rétif » évoqué lundi en Néhémie 9 ?
« Soumettez-vous donc à Dieu, mais résistez au diable et il fuira loin de vous, écrit jacques (4.4-10) »
Et si nous cessions d’être raisonnables pour vivre la folie de la croix, par la puissance du Saint Esprit ?
A quoi nous faut-il dire « non » aujourd’hui, pour pouvoir dire ce « oui » plus grand à Dieu ?
Je terminerai en partageant avec vous quelques paroles qui ont été postées par certains d’entre nous sur le tableau collaboratif cette semaine (j’espère que les auteurs n’en seront pas gênés, c’est anonyme) :
« OSER aller vers l'autre dans la simplicité avec l'Amour de Dieu »
« Dieu fait sa part, il nous appartient juste de lui faire confiance, de nous confier en lui"
« Vouloir te servir c'est donc accepter d'être bousculé ! C'est inconfortable !! »
« Pardon Seigneur car nous ne comptons pas assez sur toi mais nous nous appuyons sur nos propres forces. Pardon de ne pas avoir envie d'apprendre à plus et mieux t'aimer. Aide-nous à être en marche. »
« Ce n'est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné mais c'est un esprit de force et d’amour ».
« Il me semble que j'ai reçu que le Seigneur disait ceci : (mais peut-être c'était plutôt pour moi...?) "Vous m'aimez trop souvent dans les limites de votre confort personnel; vous ratez des bénédictions que je voudrais déverser si seulement vous étiez prêts à vous déranger pour moi et pour que les autres entendent parler de moi. «
Seigneur notre Dieu, renouvelle en nous un coeur bien disposé !
Amen
Questions pour la discussion
Dans la société actuelle, est-il vraiment possible d’annoncer un Evangile qui demande à ceux qui se convertissent de renoncer à tout pour suivre leur Seigneur ?
Existe-t’il une façon « raisonnable » d’obéir à cet appel de Jésus ?
« Portez sa croix » signifie « endurer les conséquences d’un choix de vie radicalement centré sur l’imitation de Jésus et l’obéissance à la volonté de Dieu ». Comme Jésus a été rejeté par le monde, subir aussi ce type de rejet - de quelque manière que ce soit.
Avez-vous déjà « porté la croix » d’une marginalisation, d’une incompréhension de votre entourage - ou pire ! - sà cause de votre obéissance au Seigneur ?
Relisez ce passage, et prenez quelques instants pour réfléchir à ce que la foi signifie pour vous.
Est-ce que ces paroles de Jésus vous interpellent personnellement ? Sentez-vous qu’il y a quelque chose à quoi vous devriez renoncer pour mieux suivre Christ ?
Commentaires
Enregistrer un commentaire