Prédication du dimanche 13 novembre 2016 - Les 5 axes de la vie d’Eglise : le service - Jean 13. 1-17 (S.Guiton)




Pendant quelques dimanches, le pasteur Frederic Separi et moi même passons en revue les 5 grandes missions de l’Eglise, les 5 grands buts confiés par Dieu à l’Eglise de Jésus-Christ - objet d’un document de référence pour notre Eglise, voté en AG il y a de cela quelques années. 
Frederic l’a rappelé la semaine dernière, ce ne sont pas des missions que nous nous sommes choisies de manière spécifique, mais des missions universelles pour les Eglises de tous les temps et de toute sensibilité.
La semaine dernière, Frederic Separi a commencé par l’adoration.
Je voudrais aujourd’hui évoquer la question du service.

Généralement, quand on fait un exposé sur un tel thème, la première partie est : « définition » : qu’est ce que le service ? Asseyez-vous, sortez vos cahiers. 

Mais Dieu n’a pas choisi cette approche, et nous ne la suivrons pas non plus. En effet, pour nous apprendre ce que signifie « servir », Dieu a choisi de venir« prêcher par l’exemple » en Jésus-Christ : « je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez de même », dit Jésus à ses disciples. 
De fait, la vie de Jésus-Christ tout entière a été une vie de service, centrée sur le service de l’autre, pour l’appeler à la réconciliation avec Dieu, pour le guérir, pour le remettre debout…
Jésus l’a dit plusieurs fois : « je suis venu pour servir, non pour être servi ». 

Et c’est encore un exemple de service qu’il a choisi de laisser comme dernier geste, juste avant de mourir : laver les pieds de ses disciples.

Si vous le voulez bien, mettons nous humblement à l’écoute de ce texte puissant et magnifique.

C’est un texte que nous avons médité avec le conseil de l’Eglise lors de notre retraite fin août > heureux de le partager avec vous tous. 

Jean 13 : Lecture

Mesurons-nous encore la force de ce geste de Jésus ? 
Plongeons nous un instant dans la scène. 

On est donc à la fin de la vie de Jésus, juste avant qu’il soit arrêté et crucifié. 
C’est le soir, après une journée qui a dû être longue et bien remplie. La fête de Pâques arrive. 
Les disciples sont à table avec Jésus, et même si « le diable a jeté au cœur de Judas Iscariote, la pensée de livrer [Jésus] » (v.2), c’est certainement un moment d’intimité avec le Seigneur, paisible. 

Soudain, contre toute attente, à la fin du repas, Jésus se lève, s’habille comme le dernier des esclaves, et commence à laver les pieds aux disciples, les uns après les autres.
Pour ces hommes, le geste en lui-même est banal, quotidien en Orient, où il faisait partie de l’hospitalité ordinaire. Mais que Jésus accomplisse ainsi la tache des esclaves de dernier rang ! 
Et au moment où personne ne s’y attend, à la fin du repas !  

Ce geste devrait nous laisser stupéfaits ! Peut être encore plus aujourd’hui qu’à l’époque - aujourd’hui où les puissants dominent avec plus de pouvoir que jamais, édifiants devant la face du monde de gigantesques tours à leur nom qui disent leur orgueil et leur désir d’être « élevés ». 

Jésus, lui, se met à genoux devant ceux qui le servent, il prend la position de l’esclave de dernier rang dans la maison - il met les mains dans l’eau, dans la saleté, humblement, simplement. 
Il indique ainsi que la vraie grandeur réside dans l’amour qui pousse à se mettre au service les uns des autres. 

Jésus sait ainsi surprendre, interpeller, et aussi donner un sens fort et nouveau à des gestes banals, comme celui de manger du pain et du vin : dans les autres Evangiles, c’est d’ailleurs l’institution de la Cène qui remplace ce récit, comme une autre façon que Jésus a de laisser son testament aux « siens ».

Et le message proprement incroyable qu’il laisse ici, c’est que son service précède le nôtre. Avant d‘envoyer son Eglise le servir, il la sert. Cette idée doit guider notre action, notre réflexion sur le service : nous devons devenir les serviteurs du « maître et Seigneur », c’est vrai, mais nous ne pourrons le devenir vraiment qu’en nous laissant d’abord servir par lui, laver par lui, guider par lui dans notre service. 
« Vous m’appelez “le Maître et le Seigneur” et vous dites bien, car je le suis. Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ». 

Par ce geste et les paroles qui l’accompagnent, Jésus nous invite à entrer dans cette dynamique étonnante : le reconnaître comme maître et seigneur, puis être servi par lui, pour servir à notre tour. Dieu me donne, je reçois, je donne ce que j’ai reçu, et Dieu me donne à nouveau.

Ce soir là, Jésus désire faire entrer ses disciples dans ce mouvement, et c’est pour cela qu’il les bouscule un peu, comme il aime le faire ! 

Ce qui est premier donc, c’est le service de Jésus pour ses disciples : « je vous ai donné un exemple ». 
D’abord, être servi par lui, « être lavé », comme Jésus le dit à Pierre (v.8) : « Si je ne te lave pas, tu ne peux pas avoir part avec moi. ».
En réalité, ce geste de laver les pieds est une image de l’oeuvre de service beaucoup plus large que Jésus est venue accomplir. Le lendemain, il va donner sa vie pour ces hommes. Il va aller au bout du service et de l’abaissement en se laissant clouer sur une croix. Le Roi-Serviteur annoncé par le prophète Esaïe va être « brisé à cause de nos fautes : la punition qui nous donne la paix » va « tomber sur lui » pour que « par ses blessures » nous soyons « guéris » (cf Esaïe 53).

En se mettant à genoux devant ses disciples, Jésus annonce donc son abaissement ultime à la croix. « Il a été maltraité, il s’est humilié et n'a pas ouvert la bouche » dit Esaïe. Un abaissement qui sera suivi de la plus grande des élévations, la résurrection et l’ascension près de Dieu le Père, « parce qu'il s'est dépouillé lui-même jusqu’à la mort et qu'il *a été compté parmi les criminels, parce qu'il a porté le péché de beaucoup d'hommes et qu'il est intervenu en faveur des coupables » (Esaïe 53.12).

Les disciples n’ont pas encore compris que cela allait arriver, mais Jésus les met déjà en marche pour qu’à sa mort, ils continuent à marcher dans ses pas, sur ce chemin d’humilité, d’abaissement volontaire les uns devant les autres, et de service mutuel.
Jean souligne que c’est au moment même où il est le plus conscient de sa divinité que Jésus accomplit ce geste : v.3 : « Jésus, qui sait que le Père a tout remis entre ses mains, qu'il est sorti de Dieu et qu'il s'en va à Dieu, 4se lève de table, se défait de ses vêtements et prend un linge qu'il attache comme un tablier. ». 

Cela signifie que c’est bien Dieu lui-même qui les sert ce soir là, comme il nous sert tous en Jésus-Christ, pour nous envoyer ensuite servir les autres
Un Dieu serviteur, un Dieu humble. Etonnante et merveilleuse révélation. 

Voyez comme ici, Dieu vient prendre un temps particulier avec chacun - un moment de qualité, cf langages de l’amour - y compris avec Juda, dont il connait pourtant les mauvaises intentions ! 
De même, nous avons ainsi besoin d’être individuellement servis, lavés par lui, et recevoir sa grâce totalement indépendante de qui nous sommes et de ce que nous avons fait. 
C’est difficile d’accepter de recevoir sans donner ! Mais avec Dieu, tout commence par là : « Si je ne te lave pas, tu ne peux pas avoir de part avec moi ». 

Il nous faut donc commencer par accepter notre incapacité à servir, à aimer, à faire le bien par nous-mêmes: « sans moi, vous ne pouvez rien faire », dit Jésus un peu plus loin, en Jean 15.
Commencer par accepter la nécessité d’être personnellement lavé de nos péchés par Jésus en personne. Accepter qu’il se soit abaissé jusqu’à la mort (Phil 2) pour nous, pour que nous soyons relevés. Lui, le maître et Seigneur. Reconnaître notre impureté, notre péché, et accepter sa grâce imméritée. 
Accepter que Jésus nous lave les pieds, qu’il nous pardonne sans que nous puissions rien faire par nous mêmes pour mériter ce pardon. 
Un lien avec la Cène, qui remplace ce récit dans les autres Evangiles, s’établit ici : en prenant le pain et le vin, nous nous rappelons que si nous pouvons vivre de nouveau, c’est parce que le Fils de Dieu lui-même, est mort pour nous. 

Cela nous aide à combattre l’idée sournoise que notre service nous permettrait de mériter quelque chose de Dieu, ou que nous devrions l’accomplir par nos propres forces. 
Pour servir Dieu avec un esprit juste, il nous faut bien comprendre que le Roi a accompli une fois pour toute, et parfaitement, le service qui nous ouvre la vie éternelle : son sacrifice à la croix. 
Il n’y a rien à ajouter - mais beaucoup à recevoir, pour le partager ensuite dans un service motivé par la reconnaissance envers lui.  

La Cène nous rappelle cela : que nous ne vivons que de la vie de Dieu, de l’Esprit de Dieu. 
C’est pourquoi nous ne pouvons servir les autres que si nous nous laissons changer par la Parole de Dieu, sous la conduite du Saint Esprit. 
Il est donc nécessaire que nous reconnaissions honnêtement nos « saletés » devant lui pour qu’il les lave, les pardonne, les efface. 

Le lavement des pieds dit aussi cela : l’action de Dieu est toujours première. Nous ne faisons que suivre. 
C’est lui qui multiplie les pains, et puis il nous envoie pour que nous les donnions à la foule autour de nous. 

Cet envoi est le but du lavement des pieds : « C’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi ».

Voilà la deuxième partie du mouvement : être servis, puis servir à notre tour, et être servi par les autres. Le disciple, c’est celui qui obéit, pas celui qui regarde faire
«  Sachant cela, vous serez heureux si du moins vous le mettez en pratique ».

Je crois que la grande tentation à laquelle nous sommes confrontés en tant qu’Eglise, c’est de nous arrêter au « sachant cela ». On lit ce récit et on dit : « ah oui, c’est vraiment intéressant ». On examine le texte en grec, on discute sur un point de théologie, et puis on referme la Bible, on rentre chez soi et la bassine reste là, avec le linge plié, inutilisée. Sommes nous des disciples, dans ce cas ? Et comment allons nous connaître ce bonheur promis par Jésus si nous « mettons en pratique » ce qu’il nous demande ? 

Une autre tentation liée à celle-ci : en rester à l’admiration, comme des disciples assis à la table du culte, le dimanche, heureux dans la présence du Seigneur, et qui se disent : « ouah ! Ce Jésus, c’est quelqu’un quand même ! C’est vraiment quelqu’un d’incroyable ». 
Et puis après avoir loué et glorifié Jésus pour son amour admirable, on rentre chez soi, en oubliant la bassine et le linge à l’église. 
Dans notre société, l’admiration des « grandes figures de l’amour » est souvent une façon de se déculpabiliser soi-même et d’éviter d’agir : « Ah oui, mais moi je ne suis pas l’abbé Pierre », « je ne suis pas Mère Teresa » - « je ne suis pas Jésus » ! 
Reconnaitre cela, c’est un bon début ! Encore faut il que nous acceptions ensuite d’y aller quand même, en nous accrochant au fait que Jésus ne nous envoie pas avec nos forces, mais les siennes. 
Et qu’il ne nous dit pas seulement : « allez-y » - ça peut faire un peu peur ! - mais « suivez moi, imitez moi ». Ce que nous allons faire, il l’a déjà fait à la perfection, et il va le refaire avec nous, par la force du Saint Esprit, qui nous qualifie pour ce que nous avons à faire

Ainsi, nous découvrons avec les disciples que si Dieu nous appelle à servir, à le servir, il s’agenouille en personne pour nous servir au moment où nous servons… 
Quel encouragement ! Nous qui avons tellement peur de nous perdre, si nous commençons à nous donner aux autres, Dieu nous promet que lui ne nous fera jamais défaut, et qu’il nous repayera tout ce que nous sacrifions « avec une monnaie qui n’a pas cours dans ce monde, celle à laquelle nous aspirons : la joie en lui ».
« Vous êtes heureux, si du moins vous le mettez en pratique ». 

La réciprocité dans l’humble service est importante, également : se laver les uns les autres cela signifie aussi recevoir des autres, me laisser instruire spirituellement par les autres, soutenir par eux, encourager par eux… tout en rendant le même service… un autre encouragement pour nous : ce service ne se vit jamais seul !


Parvenu à ce point, certains se disent sans doute : « d’accord… mais concrètement ? Qu’est-ce que ça veut dire alors, dans notre Eglise, et pour moi dans cette Eglise, « laver les pieds » de mes frères et soeurs ? » 

Là encore, la réponse est dans le modèle de Jésus, comme la première lettre de Jean l’exprime (1 Jean 3.16) : « A ceci nous connaissons l’amour : c’est lui qui s’est défait de sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons nous défaire de notre vie pour les frères. (…) Mes enfants, n’aimons pas en parole, avec la langue, mais en oeuvre et en vérité ». 

Jean renvoie au modèle de Jésus, qui lie le don de soi, l’amour, l’ouverture de coeur, l’aide matérielle…

En contemplant Jésus serviteur, il nous apparaît ainsi que le service est la voie par excellence de l’amour.  D’ailleurs Jean souligne fortement le caractère d’aboutissement de ce geste : « Jésus qui avait aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout ». La TOB dit : « jusqu’à l’extrême ». Il n’y a rien après un tel geste. Après lui, il n’y a rien à ajouter
Servir l’autre avec humilité, c’est donc l’aimer parfaitement
Si souvent, nous nous agitons et nous inquiétons en cherchant ce que nous pouvons faire de plus pour Dieu ! Par ce geste, Jésus clôt le débat : sers l’autre, surtout celui qui vit avec toi (ta femme, tes enfants) et tu l’aimeras parfaitement. Et tu me serviras parfaitement. 
Concentre-toi là dessus, et tu resteras sur le bon chemin. 

C’est le chemin pour notre Eglise, et pour chacun de nous.

Pour le reste, avons nous vraiment besoin qu’on nous fasse un dessin pour trouver par nous même comment nous pouvons servir ceux qui nous entourent ? Si nous prenons le temps d’écouter ceux qui nous entourent, si nous faisons attention à ce que vivent les gens dans le quartier, dans la ville, dans notre entourage…. certainement que les idées ne nous manqueront pas. 

Certains de nos frères nous donnent aussi l’exemple : dans un instant, nous allons aussi être invités à participer à l’action J’ai faim - autre façon très concrète de servir et aimer à l’imitation de Jésus. 

Pour conclure, je vous invite vraiment à prendre votre place à table, avec les douze disciples. Jésus vous y invite. Aujourd’hui même, il veut être votre roi-serviteur, celui qui, pour vous accueillir, vous purifier, vous dire son amour, vous lave les pieds, humblement. 

Etes vous prêt à vous laisser faire ? 

Et nous tous, sommes nous prêts à servir selon son exemple ? 

Pour nous inspirer et nous aider à passer à l’action, écoutons cette prière écrite par un moine cistercien anglais du Moyen Age, avec laquelle je conclurai :

Seigneur, tu connais mon cœur,
fais que mon désir soit de donner aux autres tout ce que tu m’as donné.
Que mes sentiments et mes paroles, 
mes loisirs et mon travail, 
mes actions et mes pensées,
mes réussites et mes difficultés, 
ma vie et ma mort, 
ma santé et mes infirmités, 
tout ce que je suis et tout ce que je vis… 
que ce soit à eux, que ce soit pour eux, 
puisque tu n'as pas dédaigné toi-même de te dépenser pour nous.
Apprends-moi donc, Seigneur,
sous l'inspiration de ton Esprit,
à consoler ceux qui sont affligés, 
à redonner du courage à ceux qui n'en ont pas assez,
à relever ceux qui tombent, 
à me sentir faible avec les faibles et à me faire serviteur de tous.
Mets sur mes lèvres des paroles droites et justes, 
afin que nous croissions tous
dans la foi, l'espérance et l'amour,
dans la pureté et l'humilité,
dans la patience et la fidélité,
dans la ferveur de l'esprit et du cœur.
Donne-moi la lumière et la compétence dont j'ai besoin.
Aide-moi à soutenir les timides et les craintifs 
et à venir en aide à tous ceux qui sont faibles.
Fais que je sache m'adapter à chacun de mes frères & sœurs, 
à son caractère, 
à ses dispositions, 
à ses capacités comme à ses propres limites, 
selon les temps et selon les lieux, 
comme tu le jugeras bon, Seigneur.


Sylvain GUITON 




Questions de discussion pour les petits groupes : 


Question pour amorcer : 
1. Acceptez-vous facilement d’être servi ? Pourquoi, selon vous ? 

Pour aller plus loin : 
2. Par ce geste de service et d’humilité, Jésus exprime un principe général. Comment pourrions-nous aujourd’hui nous « laver les pieds » les uns aux autres ? 
Partagez des exemples précis, tirés de votre expérience - de moments où d’autres vous ont « lavé les pieds » d’une façon ou d’une autre, par amour. 

3. Qu’est-ce que ce geste nous apprend sur ce qu’est le véritable amour ? A quels « fruits » le reconnait-on ? 

4. Comment comprenez-vous l'idée d'être "servi" par Jésus encore aujourd'hui ? 
(Romains 8.31-35 ; Hébreux 7.24-25 ; Galates 5.22-25)

Temps de prière : 
Comment ce passage oriente-t’il votre prière : 
pour vous-même ? 
pour votre Eglise ? 
pour les personnes que vous connaissez hors de l’Eglise ? 



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