Prédication du 31 10 16 - La tentation des raccourcis - Matthieu 4.1-11 (S.Guiton)
Les deux épisodes que nous venons d’évoquer (note : allusion à la présidence du culte), le baptême et la tentation de Jésus, sont des moments très importants, des moments clé - et notamment, c’est dans le désert où il est tenté que la mission de Jésus aurait pu échouer, avant même d’avoir commencé.
Ces deux moment très contrastés sont pourtant étroitement liés.
Le baptême révèle à tous que Jésus est le fils de Dieu. Au moment il est baptisé, « le ciel se déchire », le Saint Esprit descend sur lui pour lui donner la puissance nécessaire pour commencer son ministère et le Père le déclare « Fils bien aimé ». Les trois personnes divines sont là, en communion étroite.
Et en même temps, Jésus dans ce baptême est aussi fils de l’homme, vraiment humain, et c’est pour ça qu’il se fait baptiser par Jean, « comme tout le peuple », dit Luc - parce qu’il est totalement solidaire du peuple d’Israël.
C’est ce Jésus 100% homme. 100% Fils de Dieu que l’Esprit amène ensuite dans le désert pour qu’il soit « mis à l’épreuve par le diable ».
Lecture : Matthieu 4.1-11
1 Alors Jésus fut emmené par l'Esprit au désert, pour être mis à l'épreuve par le diable. 2 Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. 3 Le tentateur vint lui dire : Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. 4 Il répondit : Il est écrit : L'être humain ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. 5 Le diable l'emmena dans la ville sainte, le plaça sur le haut du temple 6 et lui dit : Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit : Il donnera à ses anges des ordres à ton sujet, et ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. 7 Jésus lui dit : Il est aussi écrit : Tu ne provoqueras pas le Seigneur, ton Dieu. 8 Le diable l'emmena encore sur une montagne très haute, lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire, 9 et lui dit : Je te donnerai tout cela si tu tombes à mes pieds pour te prosterner devant moi. 10 Jésus lui dit : Va-t'en, Satan ! Car il est écrit : C'est devant le Seigneur, ton Dieu, que tu te prosterneras, et c'est à lui seul que tu rendras un culte.11 Alors le diable le laissa, et des anges vinrent le servir.
Jésus qui apparaissait glorieux et plein de puissance lors du baptême se trouve maintenant très affaibli, et c’est là que Satan l’attaque pour le détourner de sa mission, en commençant par remettre en cause la relation de Jésus avec son Père, et la parole reçue lors de son baptême : « tu es mon Fils bien aimé ».
« Si tu es le Fils de Dieu… » siffle maintenant Satan.
Par ces mots, Jésus est attaqué précisément dans sa double identité de fils de l’homme et de Fils de Dieu. C’est comme si Satan cherchait à créer une tension entre ces deux natures : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains ».
La faim concerne Jésus l’homme, le pouvoir de changer les pierres en pain concerne Jésus le Fils de Dieu.
Jésus va-t’il résister ?
Imaginez à quel point c’est tentant pour lui : cela fait 40 jours qu’il jeûne - il est affamé ! Quoi de plus simple pour lui, le Créateur du monde que de changer une pierre en pain pour calmer sa faim légitime - lui qui va multiplier les pains pour les autres quelques temps après ?
C’est tentant, en effet, le Diable sait viser juste. Et la tentation est subtile parce qu’il n’y a pas de mal à avoir faim. Il n’y a pas de mal, quand on est fils de Dieu, à utiliser son pouvoir, non ?
Pourquoi alors Jésus refuse-t’il de le faire ?
C’est que Jésus doit vaincre la tentation en tant qu’homme, sans recours à sa force divine. Ce n’est que comme cela qu’il va pouvoir représenter l’humanité devant Dieu.
Voilà le chemin que Dieu le Père l’a envoyé parcourir. Et il n’y a pas de raccourci possible pour lui.
Avant d’être glorifié comme Seigneur des seigneurs, Jésus doit parcourir les vastes plaines arides de la vie humaine, ces mêmes plaines que le peuple d’’Israël a parcourues vers la Terre Promise, dans le passé, avant d’être trahi et rejeté, de souffrir…
Pas de raccourci possible. Il lui faut passer par la croix et la mort, et vivre une vie d’homme véritable.
Satan va essayer de le détourner de ce chemin, en lui proposant des raccourcis.
Avec la même stratégie, il a déjà égaré le peuple d’Israël, autrefois. Celui-ci s’est mis à adorer des idoles, plus directement accessibles que le Dieu invisible, le peuple a suivi ses propres raccourcis au lieu de suivre Dieu jusqu’au bout.
De fait, les 40 jours de Jésus dans le désert évoquent la marche de 40 ans que le peuple a vécue, sur le chemin de de la Terre promise. Jésus doit poursuivre cette histoire et revivre l’épreuve d’Israël pour la réussir cette fois.
Dans le Deutéronome au chapitre 8, Moïse s’adresse au peuple qui arrive à l’issue de son voyage, aux frontières de la Terre promise, et il lui dit : Dieu t’ai fait marcher 40 ans dans le désert pour « te mettre à l'épreuve, pour savoir ce qu'il y avait dans ton cœur, pour voir si tu observerais ou non ses commandements. 3 Il t'a donc affligé, il t'a fait souffrir de la faim et il t'a nourri de la manne que tu ne connaissais pas et que tes pères n'avaient pas connue, afin de t'apprendre que l'homme ne vit pas de pain seulement, mais que l'homme vit de tout ce qui sort de la bouche du SEIGNEUR. 4 Ton manteau ne s'est pas usé sur toi et tes pieds n'ont pas enflé pendant ces quarante années. 5 Sache donc bien que le SEIGNEUR, ton Dieu, t'instruit comme un homme instruit son fils. 6 Tu observeras les commandements du SEIGNEUR, ton Dieu, en suivant ses voies et en le craignant. »
Tester les appuis, affermir les coeurs, voilà pourquoi Dieu permet l’épreuve à son peuple.
Jésus entame à son tour un tel chemin. « Le Christ est le Fils de Dieu, c'est vrai, mais par toutes ses souffrances, il a appris à obéir », dit la lettre aux Hébreux (5.8).
Sa mission est donc d’obéir jusqu’au bout afin de faire entrer son peuple dans la nouvelle Terre Promise - le Royaume de Dieu - par son sacrifice sur la croix.
Mais Satan se tient donc sur son chemin pour le faire dévier en lui proposant des raccourcis que nous connaissons bien, nous aussi.
Comme Jésus, comme le peuple hébreu, nous affrontons la tentation de suivre nos propres voies pour aller plus vite.
« Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains » (Mt 4.3)
Autrement dit : « Tu peux t’épargner la faim en changeant une pierre en pain.
Pour nous, prendre un raccourci, c'est dire par exemple : « Seigneur, je pense que je peux atteindre ce but beaucoup plus vite en agissant à ma manière ».
Pourquoi ce type de raccourci nous tente ?
Parce que nous manquons de confiance en Dieu.
Nous doutons qu’il s’occupe vraiment de nous et que le chemin qu’il nous indique soit le meilleur.
Nous doutons que chaque jour, il puisse nous donner la manne dont nous avons besoin.
Jésus lui peut résister parce qu’il a confiance en Dieu et en sa Parole :
« Jésus répondit : Il est écrit : L'être humain ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». (Mt 4.4)
[allusion directe au Deutéronome].
Vouloir suivre nos propres voies, cela nous tente aussi parce que nous sommes impatients et facilement orgueilleux.
Dur pour nous d’accepter nos limites comme des dons de Dieu, d’accepter la lenteur et l’attente comme des sources de bénédiction.
« Ordonne que ces pierres deviennent des pains » : c’est rapide, efficace.
Pourquoi Dieu ne nous accorde pas de tels raccourcis ?
Il faut tellement de temps pour que le blé pousse, qu’on le récolte, qu’on en fasse de la farine puis du pain !
Il faut tellement de travail… et de foi ! Parce qu’au final on ne maitrise pas la pousse du blé.
Mais tout ce temps, à chaque étape du processus qui mène du grain au pain, nous apprenons la confiance en Dieu, et nous voyons sa grâce agir. Nous grandissons dans l’amour, qui demande du temps pour s’approfondir.
Nous apprenons la dépendance envers Dieu - chemin nécessaire vers la liberté intérieure.
C’est comme cela que Dieu a voulu les choses pour nous, parce que c’est le meilleur.
Rien de meilleur que des fruits longuement mûris, sur une plante bien enracinée.
De fait, Satan tente aussi Jésus en utilisant l’impatience et la peur de souffrir :
« Le diable l'emmena dans la ville sainte, le plaça sur le haut du temple et lui dit : Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit : Il donnera à ses anges des ordres à ton sujet, et ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre ».
« Le diable l'emmena encore sur une montagne très haute, lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire, et lui dit : Je te donnerai tout cela si tu tombes à mes pieds pour te prosterner devant moi »(Mt 4.8).
Encore un essai pour mettre en tension l’humanité et la divinité de Jésus.
Ce n’est pas simple pour Jésus d’accepter de devoir affronter la mort : Satan lui propose d’éviter de le faire ; des anges « le porteront sur leurs mains », il n’aura pas à mourir comme tous les humains..
Simple, rapide, efficace.
Ce n’est pas simple pour Jésus d’accepter de devoir vivre tant d’épreuves pour obtenir le règne à la croix : alors Satan lui fait miroiter une victoire sans souffrances, via le sulfureux raccourci de la désobéissance à Dieu !
Simple, rapide, efficace.
Dans les deux cas, le diable pousse Jésus à sortir des limites de son humanité : « si tu es le Fils de Dieu, tu peux enjamber la condition humaine, vaincre sans souffrir, sans attendre ».
L’argent aussi nous promet ce type de raccourcis vers la réussite, le bonheur, la reconnaissance. Notre société repose en grande partie sur cette promesse.
Est-ce que les chemins proposés conduisent vraiment vers le but promis ? La question est posée…
Quelle que soit sa forme, cette tentation du raccourci est présente tout au long de l’Ecriture.
Dieu avait promis à Sarah qu'elle aurait un enfant, mais arrivée à l'âge de 80 ans, elle décida de prendre un raccourci. Elle conseilla à Abraham d'avoir un enfant avec sa servante. "Ce sera le nôtre." Mais Dieu ne l'entendait absolument pas ainsi. Il lui permit d'avoir un enfant à elle, et le raccourci de Sarah a été la source de problèmes qui durent depuis des générations.
Alors c’est vrai, en voulant rester honnête ou juste, par fidélité à Dieu, on aura parfois l'impression de faire des détours - des détours qui nous donneront envie de prendre un chemin plus court pour atteindre notre but. Mais ces raccourcis ne réussiront qu'à nous mettre sur une fausse route.
En les empruntant, nous risquons de jouer le jeu de l’adversaire.
« Large est la porte, spacieux est le chemin qui mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par là. Mais étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie » (Mt 7.13-14)
Dans le désert, Jésus, lui, est resté sur le chemin de la vie, et en cela il a réussi l’épreuve que le peuple d’Israël n’avait pas réussie.
Il a tenu bon en s’accrochant à la Parole de Dieu.
Il a mis le diable en déroute, et nous sommes au bénéfice de sa victoire.
Il a nous a représenté devant la justice de Dieu, et par lui nous avons un accès direct avec le Père.
Alors réjouissons nous, et tenons ferme face à la tentation des raccourcis !
On aimerait tellement, c’est vrai, avancer avec Dieu sous un ciel ouvert, dans une relation plus directe avec lui.
Et dans son amour, Dieu peut nous accorder parfois des moments comme celui du baptême de Jésus, pour nous encourager - des moments où Dieu se fait sentir à notre coeur, tellement proche…
On aimerait que la marche avec lui ne soit faite que de tels moments. Pourquoi attendre des réponses à nos prières ? Pourquoi marcher ? Pourquoi le doute ?
Pourquoi Dieu ne veut-il pas m’accorder une expérience plus concrète de sa présence ? Une croissance dans la foi sans épreuve ? La révélation de sa volonté pour mon couple ou mon travail sans que je doive réfléchir, demander des conseils et assumer mes responsabilités… » ?
Véritables questions.
L’exemple d’Israël, et celui de Jésus nous disent que si Dieu nous a promis de nous conduire à la Terre Promise, la marche patiente dans le désert, par la foi et non par la vue, fait partie intégrante du programme.
Oui le ciel s’ouvrira pour nous, Dieu s’y est engagé. Il s’entrouvrira parfois comme au baptême, dans un moment de prière ou de louange très fort ; il s’ouvrira pour nous accueillir à notre mort. Et il se déchirera définitivement quand Jésus reviendra.
Mais si le baptême a été un beau temps de communion avec son Père, c’est pourtant dans le désert que Jésus a vraiment consolidé sa relation avec Lui.
C’est pareil pour nous : Dieu nous bénit dans l’ordinaire de nos vies, qu’elle soit un jardin ou un désert - un désert peuplé cependant d’amis qui déçoivent, d’enfants désobéissants, de problèmes financiers ou que sais-je …tant de choses qui nous font dire que le chemin est vraiment trop long, et qui nous font souhaiter des raccourcis…
C’est dans cet ordinaire de nos jours que Jésus fait route avec nous, et qu’il combat pour nous. Il prie pour nous. Il est notre défenseur et notre appui.
C’est dans cet ordinaire de nos jours qu’il nous bénit, produisant des miracles que parfois, nous savons observer.
C’est nous, gens ordinaires, qu’il forme au creuset du quotidien pour construire son Eglise.
Et s’il n’y a pas raccourcis, si le ciel ne s’ouvre pas devant nous, sa Parole nous accompagne : « tu es mon fils, ma fille bien aimé ». « Je ne te délaisserai pas, je ne t’abandonnerai pas ».
Alors tenons ferme, pour « affronter le quotidien avec Jésus, par de solides prières et une obéissance tenace ».
« Heureux l'homme qui tient bon face à la tentation, écrit Jacques 1.12, « car, après avoir fait ses preuves, il recevra la couronne de la vie que le Seigneur a promise à ceux qui l’aiment ».
Chant : je veux demeurer dans ta grâce
« je choisis ton chemin, j’abandonne le mien »
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