Prédication du 4 octobre 2020 : Philippiens 1.1-11 : « partenaires dans l’Evangile » - Vivre la communion fraternelle en temps de Co-vid

Depuis la rentrée, nous pouvons à nouveau nous retrouver à l’église. 

Pourtant, beaucoup d’entre nous déplorent un manque… un manque de « communion fraternelle », à cause des restrictions sanitaires – parce qu’on ne peut venir qu’à tour de rôle au culte ; parce que l’on ne peut plus prendre le même temps pour discuter à la fin des cultes ; parce que les repas « table d’hôte » sont remis à plus tard…

 

Difficile en somme d’être « ensemble », comme l’évoque le thème de cette semaine, dans notre chemin de rentrée : « enracinés et fondés ensemble dans l’Église ».

 

La situation actuelle, en bousculant nos façons d’être « ensemble », vient questionner je crois notre conception de la « communion fraternelle ». 

 

Cette expression exprime clairement l’attente de quelque chose de plus dans nos relations entre chrétiens… non seulement fréquenter la même Église, mais « s’enraciner dans l’amour de Dieu ensemble », ce qui implique de vivre un relationnel plus profond … mais lequel exactement ? 

 

Qu’est-ce donc que cette fameuse communion fraternelle, et comment la vivre en temps de Co-vid, avec toutes les contraintes qu’on connaît ? 

 

Arrêtons-nous sur la question, ce matin, en nous laissant éclairer et inspirer par un bel exemple de « communion fraternelle avec distanciation physique » qu’on trouve dans la Bible : celui de l’apôtre Paul avec les chrétiens de la ville de Philippes. 

 



 

Actes 16 raconte comment Paul avait fondé cette Église à Philippes, un avant-poste romain en Asie mineure. Paul y repassera plusieurs fois, et plus tard, alors qu’il est emprisonné, dans les années 60 (sans doute à Rome, à des milliers de kilomètres de là), les Philippiens lui envoie une aide matérielle. 

A cette occasion, Paul apprend que cette Église est en difficulté, menacée de l'intérieur par de faux enseignants, alors il écrit aux Philippiens, à la fois pour les encourager et pour les remercier. Cette lettre exprime ce qu’est une communion fraternelle profonde, vivante, vécue malgré une distanciation physique colossale 

On découvre aussi sur quoi cette communion est fondée, et de quoi elle est nourrie. 

 

Lisons simplement le début : 

 

1 Paul et Timothée, esclaves de Jésus-Christ, à tous ceux qui, à Philippes, sont saints en Jésus-Christ, aux responsables de l’Église et aux diacres : 

2 Grâce et paix à vous de la part de Dieu, notre Père, et du Seigneur Jésus-Christ ! 

3 Je rends grâce à mon Dieu toutes les fois que je me souviens de vous ; 

4 je ne cesse, dans toutes mes prières pour vous tous, de prier avec joie, 

5 à cause de la part que vous prenez à la bonne nouvelle, depuis le premier jour jusqu'à maintenant. //

6 Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous une œuvre bonne en poursuivra l'achèvement jusqu'au jour de Jésus-Christ.

7 Il est juste que j'aie pour vous tous de telles pensées, parce que je vous porte dans mon cœur et que, dans ma condition de prisonnier comme dans la défense et la confirmation de la bonne nouvelle, vous avez tous part à la même grâce que moi. 

8 Dieu m'est témoin, en effet, que j'ai une vive affection pour vous tous, la tendresse même de Jésus-Christ. //

9 Ce que je demande dans mes prières, c'est que votre amour abonde de plus en plus en connaissance et en vraie sensibilité ; 

10 qu'ainsi vous sachiez discerner ce qui est important, afin que vous soyez sincères et irréprochables pour le jour du Christ 

11 et que vous soyez remplis du fruit de justice qui vient par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu.

 

 

Voilà une lettre qui déborde d’affection ! C’est rare que Paul soit si expansif sur ses sentiments : « je vous porte dans mon cœur »… « j'ai une vive affection pour vous tous, la tendresse même de Jésus-Christ »…

Beaucoup d’amour ici. C’est beau de vivre ce type d’amitié entre chrétiens… mais la communion fraternelle est plus que cela. Sa nature particulière est exprimée par un mot grec qu’on trouve aux versets 5 et 7 : le mot kοινωνίᾳ, celui précisément qu’on traduit par « communion fraternelle », faute de mieux. 

 

«  Je ne cesse, dans toutes mes prières pour vous tous, de prier avec joie, à cause de la part (κοινωνί) que vous prenez à la bonne nouvelle » (1.3-5). 

 

7 Il est juste que j'aie pour vous tous de telles pensées, parce que je vous porte dans mon cœur et que, dans ma condition de prisonnier comme dans la défense et la confirmation de la bonne nouvelle, vous avez tous part à la même grâce que moi (συνκοινωνούς)     

 

Le terme κοινωνίᾳ n’a pas d’équivalent en français, et je crois que ça contribue au flou autour du concept de « communion fraternelle ». Pourtant il est très important chez Paul qui l’utilise souvent pour décrire ses relations avec les autres, une relation a deux niveaux complémentaires : 

 

-       être en κοινωνίᾳ c’est d’abord être « partenaires » dans un engagement, une entreprise. 

-       Mais c’est aussi être participant d’une même réalité spirituelle. La communion fraternelle associe ces deux sens qui ne peuvent être séparés. 

 

Reprenons cela ensemble. 

 

A.    « Partenaires dans l’Evangile » : un engagement commun au service du Christ


Aussi étonnant que ça puisse paraître, le Nouveau Testament parle très peu de moments de convivialité chrétienne. Parce que la véritable communion fraternelle ne se réduit pas à cela. Il serait plus juste d’affirmer qu’en aidant les chrétiens à se rapprocher les uns des autres, les activités sociales type repas, week-end, etc. favorisent la communion fraternelle. 

De même pour les relations d’amitié : dans l’Eglise comme ailleurs, il y a des gens avec qui on est amis et d’autre non. La κοινωνί dépasse ces affinités : c’est d’abord la proximité née d’un engagement commun pour Dieu.   

 

Ainsi Paul et les Philippiens n’ont pas construit leur relation juste en partageant des quiches et des pizzas, mais aussi en annonçant l’Evangile ensemble. Ils sont « partenaires dans l’Evangile », dit Paul. Lui n’est pas resté longtemps à Philippes, mais ce temps où il a fondé l’Église avec les premiers convertis, où ensemble ils ont affronté une violente opposition… Paul a fini en prison, où le geolier s’est converti… il le garde dans son cœur. De telles expériences, ça rapproche ! Avez-vous vécu ce genre de choses avec d’autres chrétiens ? Gardez-vous des liens avec eux ? 

 

Dans la vie d’une église locale, il y a des expériences comme cela qui créent des liens forts – la construction d’un bâtiment (le passage du 38 au 49), des « campagnes d’évangélisation » (Cf Billy Graham)… Être en communion fraternelle, c’est déjà cela : servir le Seigneur ensemble, et notamment dans l’annonce de l’Evangile : 

 

« vous m'avez aidé à répandre la Bonne Nouvelle depuis le premier jour jusqu'à maintenant » (traduction Parole de Vie) (v.5). 

  


Alors c’est vrai, la crise du Co-vid, et nos débats internes ont mis entre parenthèse la plupart des occasions de vivre cela que nous avions - repas, mais aussi conférences, peut-être café Noël… projets de bâtiments plus ouverts sur le quartier… à nous cependant d’être inventifs, en ces temps de distanciation et d’inquiétude, et de ne pas laisser tomber notre engagement, notre témoignage communs

 

Car notre appel à manifester Christ ensemble n’est pas dépendant des circonstances. Alors prions le Seigneur de nous guider : à Philippes, c’est bien l’Esprit qui a conduit Paul et les autres dans le partage de l’Evangile, au fil des rencontres. Lisez Actes 16, c’est une belle source d’inspiration pour notre propre témoignage ! 

 

Soyons inventifs, à l’écoute du Seigneur ! 

 

Sans doute que les petits groupes (max 10 personnes) sont actuellement un lieu privilégié pour vivre cette communion fraternelle, y compris dans le témoignage.

 

B. « Partenaires dans l’Evangile » : une communion spirituelle

 

On dira que si la communion fraternelle c’est seulement s’engager ensemble pour une cause, alors les membres des partis politiques, des association laïques ou des clubs sportifs sont aussi en « communion fraternelle » !

Mais il y a dans la κοινωνίᾳ une autre dimension qu’on ne trouve que dans l’Église : la communion spirituelle

Oui, être « partenaires dans l’Evangile », c’est aussi être en communion spirituelle avec tous ceux qui confessent Jésus-Christ fils de Dieu, mort et ressuscité pour notre salut. Le même Esprit Saint vit en chacun de nous, et nous lie, plus profondément que nous l’imaginons. 

Il nous met en koinonia avec tous les chrétiens, de toute la terre, de toutes les cultures. 


Au v. 7, Paul souligne cette communion spirituelle avec les Philippiens, où s’enracine son affection pour eux : 


« 7 Il est juste que j'aie pour vous tous de telles pensée,  parce que je vous porte dans mon cœur et que …vous avez tous part à la même grâce que moi ».


Le terme qu’il emploie ici est συνκοινωνούς : « participants de la même grâce ».

Avec le prefixe συν- + racine κοινωνίᾳ : forte insistance sur l'idée de partage de ce privilège de la grâce. 

 

L’amour de Paul pour les Philippiens est ainsi nourri de son amour pour Dieu. Il les aime à travers Dieuen Dieu, par le Saint-Esprit – ce qui lui permet de dire qu’il a pour eux « la tendresse même de Jésus-Christ ».

 

Notons bien que Paul n’est pas d’accord avec les Philippiens, à ce moment-là. La lettre le montre, il y a du recadrage dans l’air. Mais être en communion fraternelle, ce n’est pas être d’accord sur tout mais être enracinés ensemble dans le même amour de Dieu, la même grâce. Ce socle-là permet d’affronter les désaccords avec amour, au lieu d’éviter de les confronter comme on sait si bien le faire. 

Au chapitre 3, Paul écrit d’ailleurs : « si, sur un point, vous pensez autrement, Dieu vous éclairera aussi là-dessus. En tout cas, continuons la même route que nous avons suivie jusqu'à maintenant ! »

 

Cela dit l’importance de ce lien spirituel.

 

Avez-vous conscience d’être spirituellement lié à tous les autres chrétiens ? 

 



 

Finalement la koinonia peut prendre bien des formes. Elle est là quand nous travaillons ensemble pour Dieu, quand nous annonçons l’Evangile ensemble, quand nous nous réunissons en son nom, quand nous prions et louons le Seigneur ensemble, quand nous faisons des travaux ensemble…

 

 

C. Renforcer notre communion 

et notre partenariat dans l’Evangile

 

Prendre conscience de la profondeur de cette communion doit avoir des conséquences pratiques dans notre façon de la vivre. J’en ai retenu 

 

1.     D’abord, bien sûr, cela doit nous motiver pour prendre du temps ensemble : « mieux connaître pour mieux aimer », comme le disait fort joliment des amis de l'Eglise pour justifier leur invitation. Et pas seulement par affinités.

 

2.     Ensuite, ce texte nous rappelle qu’être bien ensemble dans l'Eglise n’est pas une fin en soi mais un socle pour annoncer le Christ ensemble, ce qui est une des conditions de notre croissance dans le Christ, de notre « enracinement »


Comment est-ce que nous nous engageons ensemble pour manifester l’amour de Jésus ? 

 

3.     Prier les uns pour les autres : Prier pour quelqu’un, c’est commencer à l’aimer. C’est s’enraciner dans l’amour. 

 

Prier pour remercier Dieu : « Je rends grâce à mon Dieu toutes les fois que je me souviens de vous », dit Paul. 

Appel à regarder les autres chrétiens à travers Dieu. Je n’ai peut-être pas d’affinités avec eux, peut-être qu’ils m’agacent, que je ne les comprend pas… mais ils sont les enfants de mon Père. Pas de compétition entre nous mais au contraire un appel à me réjouir de qui ils sont, de leur foi et de leur façon particulière de la vivre… eux qui « ont part à la même grâce que moi ». 

 

Est-ce que j’arrive à rendre grâce à Dieu pour les autres chrétiens – même ceux des autres Églises ? Même ceux avec qui je n’ai pas d’affinités ? 

 

Prier pour bénir : Aux v.9 à 11, Paul décrit toutes les bénédictions qu’il demande à Dieu d’accorder aux Philippiens : comme lui, prions que Dieu bénisse nos frères et sœurs dans l’Église. 

 

Dans tout cela, Dieu nous bénira, car c’est sa grâce seule qui nous permettra de vivre une véritable communion. 

Alors encourageons nous mutuellement à restés « enracinés » ensemble dans son amour. L’exemple de Paul ici nous montre qu’on peut vivre cela même avec la distanciation physique – il n’avait ni téléphone, ni Zoom, ni Whatsapp ! 

 

Soyons créatifs, restons mobilisés ! 

Pour que notre témoignage d’Eglise soit le fruit d’une κοινωνίᾳ vivante, profonde, agissante !

 

Ai-je conscience d’être lié aux autres chrétiens par un lien spirituel ? 

 

Est-ce que j’arrive à rendre grâce à Dieu pour les autres chrétiens– même ceux des autres Eglises ? Même ceux avec qui je n’ai pas d’affinités ? Je m’engage à prier pour eux. 

 

Comment vais-je leur manifester ma koinonia – une invitation, un coup de fil… ? 

 

Comment est-ce que je m’engage, avec eux, pour manifester l’amour de Jésus ?

 

 

 

 

 

  

 

 

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