Prédication du dimanche 10 novembre 2019 -nMatthieu 3.13-4.11 - le baptême de Jésus - S. Guiton



Il y a 15 jours, nous avons abordé la question de la paternité de Dieu envers nous. Par Jésus, son Fils, Dieu veut se manifester dans nos vies et nous révéler qu’il est notre Père. 
Même si l’image est simple, il n’est pas si aisé de comprendre ce que cela signifie. 
Il y a beaucoup de mystère là-dedans, tant Dieu nous dépasse. Qui peut prétendre comprendre le cœur de Dieu ?

La Bible, parfois, lève un peu le voile, brièvement, pour nous laisser en entrevoir la profondeur. 
Particulièrement dans le récit que je voudrais méditer avec vous, celui du baptême de Jésus
Les quatre évangiles racontent cet épisode, méditons le récit qu’en fait Matthieu. 

Projetons-nous il y a 2000 ans, au bord du Jourdain, cette grosse rivière qui traverse le pays d’Israël. Là, sur le bord, se tient Jean-Baptiste. C’est un prophète haut en couleur, vitupérant, qui ne mâche pas ses mots pour rappeler au peuple juif son alliance avec Dieu et appeler chacun à se remettre en question, à changer d’attitude, et à revenir vers Dieu. Dieu va venir se révéler, dit-il, lui-même est envoyé pour lui préparer le chemin, que les cœurs des gens soient prêts, bien disposés pour l’accueillir. 
De nombreuses personnes sont profondément touchées par ses discours, et elles font la queue pour avouer leurs fautes et être baptisées dans le Jourdain, en signe de repentance, de changement de direction intérieure. 
Il y a là des gens de toutes les classes sociales, de tous les âges. 
Et voilà qu’un beau jour, Jean-Baptiste aperçoit son cousin Jésus, parmi les gens qui attendent au bord de la rivière pour être baptisés … 

Lecture : Matthieu 3.13-4.11

3.13 Alors Jésus arrive de Galilée au Jourdain, vers Jean, pour recevoir de lui le baptême. 
14 Mais Jean s'y opposait en disant : C'est moi qui ai besoin de recevoir de toi le baptême, et c'est toi qui viens à moi ! 
15 Jésus lui répondit : Laisse faire maintenant, car il convient qu'ainsi nous accomplissions tout ce que Dieu demande. Alors il le laissa faire. 
16 Aussitôt baptisé, Jésus remonta de l'eau. Alors les cieux s'ouvrirent pour lui, il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. 
17 Et une voix retentit des cieux : Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; c'est en lui que j'ai pris plaisir.



Ce baptême est le premier acte de la vie publique de Jésus, la confirmation de son identité en même temps que de sa mission : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; c'est en lui que j'ai pris plaisir ».
Qu’est-ce que cela signifie pour Jésus, et qu’est-ce que cela peut impliquer pour nous ? 



Jésus, le véritable Israël

Une première question se pose : pourquoi Jésus doit-il se faire baptiser ? Est-ce qu’il a des péchés à confesser, lui aussi ? 
La résistance de Jean-Baptiste montre le contraire : « C'est moi qui ai besoin de recevoir de toi le baptême, et c'est toi qui viens à moi ! ».
La réponse de Jésus laisse entendre que ce baptême participe en fait d’un plan mystérieux « Laisse faire maintenant, car il convient qu'ainsi nous accomplissions tout ce que Dieu demande » (litt. « toute justice »).
Jean-Baptiste comprend… qu’il doit renoncer à comprendre, et obéir simplement. Alors il « laisse faire », et baptise le Fils de Dieu. 

Pourquoi ce baptême ? 
D’abord, Jésus montre son adhésion au message de Jean, au mouvement de réveil spirituel qu’il a inspiré, et dans la continuité duquel il va s’inscrire. 
Mais en parcourant l’AT, on découvre que ce geste a un sens plus profond encore. 

Dans l’AT, celui que Dieu appelle son « fils », son « enfant », c’est d’abord le peuple d’Israël.

Souvent nous appliquons pour nous des versets comme celui-ci, dans Esaïe 43.4-5 :« Oui, tu es précieux à mes yeux,tu as de la valeur pour moiet je t'aime » ; « N'aie pas peur, car je suis avec toi ». 

Et nous le pouvons, car à travers Jésus ces paroles peuvent nous être appliquées ! 
Mais elles ont été adressées d’abord à ce peuple d’Israël que Dieu a choisi pour le révéler dans le monde… ce peuple qui a failli à sa mission, préférant adorer des idoles. 

En somme, le premier « fils » s’est perdu. Jésus vient sur terre pour le sauver, réussir là où il a échoué et manifester à son tour la gloire de Dieu… Mais d’une manière plus éclatante encore, éclatante comme cetteparole divine qui retentit quand il sort de l’eau : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; c'est en lui que j'ai pris plaisir ».

Il y a là dont une allusion à plusieurs textes de l’AT, notamment ces paroles d’Esaïe 42 prononcées 8 siècles plus tôt : «  1Voici mon serviteur, dit le Seigneur,je le tiens par la main,j'ai plaisir à l'avoir choisi.J'ai mis mon Esprit sur luipour qu'il libère les peuplesselon le droit que j'instaure ». 

Par cette parole, Dieu désigne Jésus comme étant le Serviteur annoncé par le prophète Esaïe, celui qui vient qui vient libérer les hommes. Pour cela, ce Serviteur va « se charger de leurs péchés », dit Esaïe. 


En entrant dans l’eau du Jourdain, ce jour-là, Jésus vient s’identifierà ce peuple de Dieu abîmé et perdu, pour devenir son représentant et pouvoir « porter ses péchés » à sa place. Représentant les hommes un peu comme une équipe représente son pays. « On a gagné ! ». 
De fait, après son baptême, Jésus va reprendre le chemin parcouru par Israël, le premier « fils », pour réussir là où celui-ci a échoué – la résistance à la tentation, la persévérance dans la confiance en Dieu, l’amour des autres… - et remporter la victoire pour lui – et pour nous, les non-juifs, qui sommes maintenant invités à nous joindre au peuple de Dieu. 
Ainsi, comme Israël a été éprouvé pendant 40 ans dans le désert, Jésus va y passer 40 jours avant d’affronter le Tentateur, et le vaincre- Cf versets qui suivent (Résumer les tentations de Jésus). 

Je trouve que c’est très encourageant de contempler Jésus, qui humblement se fait baptiser par solidarité avec nous les humains- alors que lui, il n’a rien à se reprocher
Peut-être devant lui, y a-t’il une femme travaillée par une jalousie tenace envers sa sœur, puis un jeune homme dévoré de désir pour la voisine, qui est déjà mariée, et puis un vieil homme qui vit depuis trop longtemps avec le fantômes des hommes qu’il a tués à la guerre… Tous espèrent un pardon, un allégement, quelque chose qui vienne de Dieu. 
Mais Jésus, lui, a déjà tout reçu. 
Pourtant il se tient au milieu d’eux. 

Cela nous révèle le cœur de Dieu, la vraie nature de son amour : dans sa justice et sa perfection, il est en droit de nous condamner « de là-haut », de nous écraser. Mais non : le Dieu saint et parfait choisit plutôt de descendre au milieu de nous, de vivre les mêmes épreuves que nous – et même pire : la croix ! – pour « accomplir toute justice », vaincre à notre place et nous ramener à la maison.

Quand on traverse quelque chose de difficile, ça aide d’être accompagné par des gens qui sont déjà passés par là . 
Cf Documentaire Et je choisis de vivre

Alors quand nous sommes mal, troublés, que nous nous sentons indignes de Dieu, que nous avons soif de lui sans savoir où le trouver… pensons qu’il est là, avec nous, comme il était dans cette file au bord du fleuve, et qu’il nous soutient.
Mieux : Jésus a tout accompli, il a tout traversé – et réussi - avant nous. Il n’attend pas que nous fassions des miracles, c’est lui qui veut les faire pour nous ! 
Demandons-lui de nous aider. 

Jésus, Fils de Dieu

Jésus en est d’autant plus capable qu’il est Dieu lui-même, comme le révèle ce passage. 

Le voile se lève ici sur ce mystère de la Trinité – un seul Dieu en trois personnes distinctes, chacun étant pleinement Dieu. 
Au bord du Jourdain, voilà le Père qui apparaît face à face avec le Fils, dans la communion du Saint Esprit, qui descend comme une colombe. 

C’est quelque chose qui ne se « comprend » pas, qui se contemple, simplement. 

Au milieu de cette révélation indicible, une parole claire résonne. 
Matthieu la met à la 3epersonne (« Celui-ci »…) sans doute par cohérence avec la Transfiguration où la même parole est répétée, mais dans les autres Evangiles, Dieu dit : « tu es »… 
En réalité cette révélation n’est pas vraiment publique : il semble que Jésus et Jean-Baptiste seuls l’aient vue. Dieu avait promis à Jean-Baptiste de lui révéler par un signe qui était le Messie à qui il devrait laisser la place. 

Et pour Jésus ? 
Certains ont voulu voir dans cette révélation le moment où il « devient » fils de Dieu, où il reçoit ce titre qui serait plus symbolique qu’autre chose. Mais les Écritures révèlent ailleurs qu’il est véritablement Dieu de toute éternité, et qu’il savait depuis son enfance qu’il l’était. 
Pourquoi alors Dieu lui redit-il cela ? 

D’abord, le Père lui confirme son amour : il est le Bien-Aimé du Père, celui sur qui repose tout son amour. « Mon Fils bien Aimé » signifie aussi « mon Fils unique ». 

Entre le Père et le Fils circule l’Esprit, comme une colombe volant de l’un à l’autre… Mystère de cet amour qui circule de toute éternité au sein de la Trinité, car « Dieu est amour », dit la Bible. 

C’est là, dans cette relation intime profonde, dans cet amour du Père, que Jésus va puiser toute la force nécessaire pour accomplir sa missionqui lui est rappelée en même temps : être le Serviteur souffrant qui va souffrir à la place des hommes pour les sauver
Jésus sait qu’une destinée violente l’attend, qu’il devra souffrir, être rejeté. C’est pour cela que le Père l’a envoyé, et il a dit oui– par amour pour nous.

Par son sacrifice et sa résurrection, par son obéissance, il va nous permettre d’accéder à notre tour au cœur du Père. Quand nous mettons notre foi en Jésus, la colombe de l’Esprit descend sur nous, et nous sommes inclus à notre tour dans ce courant d’amour qui passe entre le Père, le Fils et l’Esprit. Quel privilège ! 

Et tout passe par Jésus. Calvin a écrit : « si nous souhaitons bénéficier de la bonté paternelle de Dieu et de sa bienveillance, il nous faut tourner les yeux vers Christ en qui il a mis toute son affection »[1]

C’est tout le sens de prier le Père « au nom de Jésus », càd avec son autorisation acquise à la croix. 

Ainsi tout Dieu qu’il est, Jésus trouve sa force dans l’amour du Père. C’est aussi là que nous puiserons la nôtre. 

Ce n’est pas un hasard si Satan, juste après le baptême, attaque Jésus précisément sur sa filiation : « tu es mon fils… » dit le Père. « Si tu es le fils de Dieu », attaque Satan. 
Il essaie non seulement de faire douter Jésus sur ce lien avec le Père mais de le pousser à en faire mauvais usage : «pourquoi tu devrais souffrir de la faim, affronter la croix, puisque tu es Fils de Dieu ? Désolidarise toi du Père, suis ton propre chemin. Tue le Père ! ». 
Satan attaque là où il sait que Jésus, justement, tire sa force. 

De même pour nous : qui n’est pas traversé par des pensées comme : « Si Dieu t’aime, alors pourquoi… ? » ; « Si tu es enfant de Dieu, pourquoi alors …? ». Quelque chose essaie de nous faire douter de notre statut d’enfants de Dieu et de l’amour du Père pour nous, douter des paroles de bénédiction que Dieu a prononcé sur nous : « il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont en JC ». …

Il nous faut alors résister par la force du SE, en nous accrochant comme Jésus à la Parole de Dieu, même si ce que nous vivons semble la démentir – nous ancrer dans l’amour inconditionnel du Père manifesté à la croix. 

Parce qu’il ne s’agit pas de rester indéfiniment à genoux dans le fleuve, centrés sur la conscience de notre indignité devant Dieu, à nous flageller : la grâce de Dieu nous relève pour que nous nous mettions joyeusement en route, imitant Jésus dans tous les aspects de notre vie !


Nous mettre en route en imitant son obéissance. Sa confiance. Assurés qu’en tant que fils et filles, nous ne serons jamais abandonnés nous non plus. Que comme lui, cela nous libère de la peur, et nous permet d’engager toute notre existence dans notre mission de disciples : aimer et partager son amour à ceux qui nous entourent.

C’est vrai, en suivant Jésus, nous allons apprendrequ’être enfant de Dieu n’exclut pas l’expérience de l’épreuveet de la souffrance – contrairement à ce que certains chrétiens professent aujourd’hui. Au contraire,  l’épreuve fait partie du chemin et de la vie d’enfant, comme un apprentissage.La lettre aux Hébreux dit même que Jésus lui-même « a appris l’obéissance par ce qu’il a souffert » (Hébreux …). 
Je reviendrai sur ce sujet un de ces dimanches.

Difficile d’accepter cela. D’accepter aussi d’obéir à Dieu, de « laisser faire », comme Jean-Baptiste, pour suivre les commandements de Dieu même si nous ne comprenons pas tout. 
Parfois j’ai peur qu’en suivant Jésus il me conduise trop loin de ce que je connais, de ce qui me rassure, j’ai peur de perdre le contrôle de ma vie – comme si je la contrôlais ! 
Et puis obéir, ça signifie pour nous « nous écraser », renoncer à qui nous sommes, être rabaissés, dévalorisés… 
Mais ce n’est pas comme des esclaves que Dieu nous traite, mais comme ses enfants. Et la parole qui retentit sur Jésus au bord du Jourdain est aussi une promessepour moi, pour nous : fais confiance à Jésus, écoute sa Parole, parle-lui, et tu découvriras ce que signifie la liberté d’un enfant de Dieu. 
Tu comprendras peu à peu quel type de Père Dieu est pour toi, tu comprendras mieux comment il met en œuvre son amour pour toi, et tu découvriras alors qui tu es vraiment. 


Alors prenons notre place avec Jésus dans la file des repentants, et laissons-nous baptiser par lui, du baptême du pardon, de la grâce. Si vous n’avez pas encore été baptisé, qu’est-ce qui vous retient ? Pourquoi attendez-vous ? 

Puis arrêtons-nous pour entendre – ou réentendre- la voix du Père qui nous dit : « tu es mon enfant bien aimé, qui fait toute ma joie ». 

Que cet amour du Père manifesté en Jésus-Christ soit notre ancrage dans tous les aspects de nos vies. La source de notre espérance, de notre force, de notre bonheur. Qu’il nous guérisse. 
Qu’il nous donne l’assurance et le courage de passer à l’action et d’aimer vraiment, concrètement, ceux au milieu desquels il nous a placés. 

Amen

Temps de prière silencieuse. 
Laisser résonner ces paroles : « tu es mon enfant bien aimé, qui fait toute ma joie ».
Répondre en disant « oui », je l’accepte. Au nom de Jésus. 
Remettre à Dieu ce qui me retient de recevoir son amour en ce moment. Ce qui me retient d’aimer les autres. 

 Sylvain Guiton



[1]Calvin, Institution…, XL6, p.903

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