Prédication du dimanche 27 octobre 2019 - Enracinés dans l'amour du Père - Ephésiens 3.14-21 (S. Guiton)


Les récents débats autour de la loi « PMA pour toutes » ont ému la communauté chrétienne, et suscité de vives réactions et beaucoup d’inquiétudes, et des demandes que le sujet soit abordé en Eglise. Il est vrai que cette loi suscite beaucoup de questions légitimes. 

Cette chaire n’étant pas le lieu le mieux adapté pour aborder des questions aussi complexes et aussi polémiques, qui contiennent plusieurs sujets interconnectés, je vous renvoie vers les conclusions des différents comités d’éthique protestants, qui présentent un état des lieux des faits et des enjeux éthiques tout à fait intéressant. 

[voir article dédié sur ce blog]

Je garderai simplement ce matin la question de la paternité que la loi a replacée au centre des discussions. PMA « sans père », dit-on. On s’interroge : a-t’on le droit d’inscrire dans la loi et le système médical la privation de père pour certains enfants ? Mesure-t’on les conséquences pour ces enfants à naître ? Est-ce que les pères « manquants» ne vont pas produire des enfants « manqués » ?
La question agite et inquiète, même s’il faut reconnaître que l’équilibre d’un enfant demande bien autre chose que la seule présence d’un père, et qu’il arrive même que celle-ci soit source de blessures plus que de bienfaits. Le récit biblique est riche d’exemples de toutes sortes en la matière, et révèle combien la question de « la famille idéale » est complexe, et le rapport au père aussi. 

Récemment, quelqu’un me disait cependant : « on est tous des enfants qui cherchent leur père ». 
J'ai trouvé la formule intéressante. En tous cas, cette question de la paternité est suffisamment importante pour que Dieu ait choisi de se révéler comme notre père, et que cette révélation soit au cœur du message de Jésus, comme l’une des principales « nouveautés », oserais-je dire. 

Dieu veut se révéler comme notre Père. Bien sûr, il s’agit d’une image car la Bible utilise aussi des images maternellesà propos de Dieu, ne l’oublions pas. 
Cette image paternelle est surtout une image de l'amour que Dieu a pour nous.

Dieu veut nous révéler cet amour fondateur qu’il a pour nous, un amour qui précède même celui de nos parents et dans lequel il nous invite à nous enraciner, à trouver notre identité.

C’est ce Paul écrit aux Ephésiens, dans un beau passage qu’on lit souvent comme bénédiction et que je vous invite à méditer ce matin, car il nous dit des choses importantes sur la paternité de Dieu pour nous. 

Lisons en Ephésiens 3.14-21.

Paul vient de parler aux Ephésiens du « projet éternel » que Dieu a réalisé en Jésus-Christ.  

« 12 C'est en lui, par sa foi, que nous avons l'assurance nécessaire pour nous approcher de Dieu avec confiance. 13 Je vous demande donc de ne pas perdre courage à cause des détresses que j'endure pour vous : elles sont votre gloire. 

14 C'est pourquoi je fléchis les genoux devant le Père, 15 de qui toute famille dans les cieux et sur la terre tient son nom, 16 afin qu'il vous donne, selon la richesse de sa gloire, d'être rendus forts et puissants par son Esprit, au profit de l'homme intérieur ; 
17 que le Christ habite dans votre cœur par la foi et que vous soyez enracinés et fondés dans l'amour, 18 pour être capables de comprendre, avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, 19 et de connaître l'amour du Christ qui surpasse la connaissance, de sorte que vous soyez remplis jusqu'à toute la plénitude de Dieu. 
20 A celui qui peut, par la puissance qui est à l'œuvre en nous, faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons, 21 à lui la gloire dans l'Eglise et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, à tout jamais. Amen !


Paul qui écrit depuis une prison, veut encourager les Éphésiens, et pour cela il les invite à garder les yeux fixés sur Dieu qui est « lePère ». C’est dans son amour manifesté en Jésus-Christ qu’ils vont pouvoir puiser « force et puissance », pour être renouvelés en profondeur jusque dans leur « être intérieur ».  

Que nous apprend Paul sur cette paternité de Dieu ? 

Dieu, Père de tous les pères

Paul aborde la question par cette affirmation un peu énigmatique aux versets 14-15 : « Je fléchis les genoux devant le Père, de qui toute famille dans les cieux et sur la terre tient son nom ». Qu’est-ce que ça signifie ? 

Pour le comprendre, il faut examiner de près le texte grec original. 

On découvre alors que Paul fait un jeu de motici : le mot du verset 14 qui veut dire « Père » est « patéra » en grec et le mot du verset 15 traduit ici par « famille » est «  patria ». L’identité de racine est évidente. Le premier sens de πατριά est soit « patrie », soit « famille » au sens large, plus particulièrement en référence au père : « descendance, lignée, particulièrement du côté paternel ;et par extension, tribu, caste ». Ce qui a conduit certains à traduire « paternité » au lieu de « famille ». 
Ainsi, dans la pensée grecque, parler de famille, c’est définir un groupe en référence au père.
Paul fait donc observer que « toute « patria » sur la terre tire son nom du « patera ». Au-delà du jeu de mot, Paul nous dit ici que Dieu est notre premier père, avant même nos pères humainsLe père de tous les pères, de toutes les familles. 

Il y a là quelque chose de très important pour nous. 

Dieu notre origine 

J’ai été très touché par le témoignage de deux personnes nées d’un donneur, et qui cherchaient désespérément à prendre contact avec cet homme, pour le connaître. Ils semblaient attendre beaucoup de cette rencontre avec quelqu’un qui n’a pourtant avec eux qu’un lien biologique. 
Cela montre bien que pour nous construire, nous avons besoin de savoir d’où nous venons, de qui nous venons. Or, en se révélant comme le Père, le parent par excellence, Dieu répond à cette question. 

Il est notre parent parce qu’il est notre créateur. Bien sûr, il nous crée à travers les mécanismes extraordinaire de la sexualité. Mais toute vie qui naît restera toujours un miracle, un acte de Dieu, même si la fécondation a été provoquée dans un laboratoire. Cela ne change rien sur le fond : quelle que soit notre histoire, nous sommes le fruit d’un projet de Dieu inspiré par l’amour, comme l’écrit Paul au début de sa lettre aux Éphésiens (1.4-5) : 

« Avant la création du monde, Dieu nous a déjà choisis pour être à lui par le Christ, afin que nous fassions ce que Dieu veut et que nous soyons sans défaut à ses yeux. Dans son amour,  Dieu a décidé par avance qu'il ferait de nous ses enfants par Jésus Christ ; dans sa bienveillance, voilà ce qu'il a voulu ». 

Quand nous chantons « Abba Père », « tu rêvais du jour où tu pourrais m’aimer », je sais que la formule trouble certains, mais c’est juste une façon poétique de dire cela :  nous sommes tous le fruit d’un amour éternel, nous avons tous été désirés par Dieu « avant la création du monde ». 

Nous enraciner dans l’amour de Dieu, c’est donc déjà reconnaître en Dieu notre origine. Trouver dans son amour nos racines, et notre identité : voilà d’où et de qui nous venons. Il y a de quoi relever la tête ! 

C’est aussi une source de paix profonde : quel soulagement de savoir que nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes, et qu’un Autre, tout puissant, nous a désiré, nous dépasse et nous porte ! 

A l’inverse, refuser d’accepter d’être créature et pas créateur, c’est précisément la révolte de Satan.Il est celui qui enrage de ne pas être à lui-même sa propre origine. Celui qui tente de s’approprier l’humanité, pour usurper la place de père qui revient à Dieu seul. Pour cela, il essaie de nous troubler en jetant le doute sur l’amour de Dieu sur nous et sur la nature de sa paternité envers nous, comme il l’a fait avec Adam en Eve, en laissant entendre que Dieu était peut-être un père tyran, un père égoïste qui cherchait surtout à brimer ses enfants… un père qu’il leur fallait « tuer » pour devenir libres. 
Ce mensonge les a au contraire entraînés dans la confusion et l’asservissement, et nous en sommes encore affectés, chacun à notre niveau. 
Il y a peut-être de ce rêve de se faire créateur à la place du Créateur dans le désir d’étendre toujours plus les applications de la médecine comme, non plus pour réparer mais pour augmenter l’homme et repousser ses limites naturelles. 
Je ne vais pas plus loin et vous renvoie aux réflexions des comités d’éthique que j’ai évoqués. 


Un Père qui nous reconnaît et nous adopte

Dieu dans sa grâce ne nous a pas laissé dans cette confusion mais il est venu nous offrir une nouvelle révélation de son amour de père, par Jésus-Christ. Paul insiste sur cela.  

En Christ, Dieu apparaît comme celui qui non seulement est notre origine, mais aussi celui qui nous donne un nom, une identité– « de qui toutes les familles de la terre tiennent leur nom ». Paul fait référence à la culture juive de l’époque, dans laquelle le père reconnaissait l’enfant en lui donnant un nom. Ce n’était pas le lien biologique d’abord qui fondait la paternité, mais l’adoption. Qu’il soit le père biologique ou pas, l’homme devait adopter l’enfant, le reconnaître, et il le faisait en lui donnant un nom. 
C’est pour cela que Joseph, dans la généalogie de Jésus en Matthieu 1, est présenté comme père véritablede Jésus dans le même temps où il est clairement dit que l’enfant nait « du Saint Esprit ». 
De la même façon, quelle que soit notre histoire, notre origine – Dieu nous adopte en Jésus, et ainsi il nous reconnaît.

 « Tu n’es plus esclave, mais fils », dit Paul en Galates 4.14. Jean ajoute (1 Jean 3.1) : « Voyez quel amour le Père nous a donné, pour que nous soyons appelésenfants de Dieu — et nous le sommes ! »

Est-ce qu’il n’y a pas là encore une formidable source de joie et de liberté pour nous ? 

En effet, aussi aimants et bien intentionnés qu’ils aient pu être, nos pères n’ont été que des hommes, parfois blessés, parfois blessants. Certes il y a des pères formidables, aimants, encourageants, protecteurs, des pères modèles.. 
Mais beaucoup d’entre nous portent une sorte de « blessure du père », un manque plus ou moins grand, des attentes. Neil Lozzano écrit ainsi : « Beaucoup de gens passent leur vie à essayer d’obtenir l’approbation d’un parent qui n’est pas disposé à leur donner »[1]

En Christ, Dieu nous donne cette approbation. Il se révèle comme un père idéal. « Votre père céleste est parfait », dit Jésus (Mt 5.48). 

En découvrant ce que signifie vraiment la paternité de Dieu pour nous, nous pouvons guérir de cette blessure du père, affermir notre identité et être vraiment libérés intérieurement. 
Même si nous sommes blessés au niveau du père… Dieu est là. Nous sommes ses enfants. 


Un père qui veut nous bénir 
et nous ouvrir son cœur

C’est donc à genoux devant ce père-là que Paul formule des requêtes pour les Ephésiens. 
Ses demandes sont ancrées dans le coeur du Père, dans son amour plein de générosité, d’attention et de désir de communion.

Car Dieu est un père généreux. « Soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; dit Jésus en Matthieu 5.45, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes » 
Alors Paul ose lui demander de bénir les Éphésiens. 

Dieu est aussi un père qui prend soin de ses enfants et les aime : « Comme un père aime ses enfants, le SEIGNEUR aime avec tendresse ceux qui le respectent » (Ps 103.13).

Alors Paul demande pour ses frères et sœurs le renouvellement intérieur, qu’il rende les Éphésiens « forts et puissants par son Esprit », que leur « être », leur vie intérieure soit fortifiée. Qu’il puisse trouver dans son amour un « enracinement », des « fondations ». 

Enfin, Paul demande que les Éphésiens soient « remplis jusqu’à toute la plénitude de Dieu ». 
Honnêtement, cette expression dépasse ce que nous pouvons comprendre ! On comprend en tout cas que Dieu désire nous combler de sa présence, nous ouvrir à sa propre plénitude. Qu’il désire nous ouvrir largement son cœur.
Que nous puissions recevoirpleinement cet amour parfait qu’il a montré pour nous dans le sacrifice de Jésus. 

Cet amour en Christ est présenté ici comme la réalité fondamentale de la vie chrétienne.
Il est le « sol sur lequel repose et s’enracine la vie de la foi », «  l’horizon infini vers lequel on avance »[2]

Il est « le point de départ et d’arrivée » de notre prière. 
Il est notre fondation. En lui nous savons que quelle que soit notre histoire, nous avons en Dieu un père parfait, dans l’amour nous pouvons nous enraciner pour grandir, nous reconstruire, découvrir qui nous sommes vraiment. 

Répondre à l’amour du Père 

Oui, c’est en Jésus-Christ que Dieu nous ouvre grand son cœur de père, et nous invite à lui ouvrir le nôtre en retour, par la foi : « que le Christ habite dans vos cœurs par la foi » (v.17). 

Pour être libres, fortifiés dans notre être intérieur – notre vie sprituelle, affective, émotionnelle, intellectuelle, relationnelle, notre estime de nous-mêmes… nous avons besoin de cet amour inconditionnel du père.
Nous y enraciner implique de reconnaître nos fausses images de Dieu, et de la paternité,
De les remplacer par la vérité biblique,
De guérir de nos blessures familiales pour pouvoir accueillir toujours plus l'amour fortifiant,
Réparateur
Et libérateur du Père.
Et cela en profondeurAvec l’aide et l’action du Saint Esprit 
qui nous fait dire « Abba ! Père ! ».


Qu’est-ce qui nous retient d’ouvrir ainsi notre cœur, et prendre notre place dans le cœur du Père ? 

Prenons le temps, avec Dieu, de descendre en nous-mêmes, de revisiter notre histoire familiale, de l'apporter au Seigneur, en demandant au Saint Esprit de nous révéler ce qui nous retient encore de recevoir l’amour parfait du Père et sa bénédiction. 

Il veut guérir, reconstruire, renouveler nos racines, et nous ancrer en lui. 

Osons lui demander, il nous surprendra, comme le dit Paul à la fin du passage : 
« A celui qui peut, par la puissance qui est à l'œuvre en nous, faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons,  à lui la gloire dans l'Eglise et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, à tout jamais. Amen ! »

Prière : 
Qu’est-ce que je veux dire, qu’est-ce que je veux demander à Dieu mon père ? 

S. Guiton

[1]N. Lozzano, Le coeur du Père, p. 43
[2]M. Bouttier, L’Epitre de Saint Paul aux Ephésiens, Labor et Fides, P.159



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QUESTIONS POUR LA DISCUSSION EN GROUPE 


Comprendre 
1.« Etre rendus forts et puissants » (v.16) : à quel type de  force, de puissance Paul pense-t’il d’après-vous ? 

2. D’après le verset 17, comment pouvons-nous être « enracinés » et « fondés » dans l’amour de Dieu ? 

3. v. 19 : Paul prie que les Ephésiens connaissent l’amour du Christ : comment peut-on connaître cet amour ? Diriez-vous que vous l’avez déjà « connu », expérimenté ? Partagez vos expériences.

3. v. 20 : C’est « par la puissance qui est à l’œuvre en nous » que Dieu veut agir « au-delà de tout ce que nous demandons et pensons ». Comment comprenez-vous cela ? 

Appliquer 

4. Dieu est votre premier Père : quels sentiments, quelles pensées cette affirmation vous évoque-t’elle ? 
Y a t’il des choses qui vous retiennent de recevoir pleinement cet amour inconditionnel que le Père vous offre en Jésus ?

5. Que voudriez-vous demander à Dieu pour vous-même ? 


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