Prédication du dimanche 13 mai 2018 - Matthieu 28.16-20 : Jésus avec nous dans la mission (S. Guiton)

Mesurons-nous l’importance de l’Ascension pour nous ? Pour notre vie de foi, notre vie de prière, et notre engagement à la suite du Christ ? 
Nous avons entendu le récit de cet événement par Marc. Les Evangiles rapportent comment Jésus ressuscité a laissé ses dernières volontés à ces onze disciples qui allaient maintenant devenir ses apôtres, (lit. ses « envoyés » ) avant de les quitter pour « monter au ciel » - c’est-à-dire près de Dieu, dans le monde spirituel, et pas dans l’espace !  

Méditons ensemble le récit que Matthieu fait de cet événement. 

Matthieu 28.16-20
16 Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus avait désignée. 17 Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes ; 18 Jésus s'approcha et leur dit : Toute autorité m'a été donnée dans le ciel et sur la terre. 19 Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et de l'Esprit saint, 20 et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé. Quant à moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde.



Chez Matthieu, pas de récit de l’ascension proprement dite, mais celui d’un dernier rendez-vous : Jésus, apparu à des femmes lors de sa résurrection, leur a transmis un message pour ses disciples : « allez dire à mes frères de se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront » (Mt 28.10).
Et voilà le moment des retrouvailles ; l’émotion est tellement forte, l’expérience tellement bouleversante… quoi !? Jésus était mort ! Et le voilà vivant, qui s’adresse à eux maintenant. « Quelques-uns eurent des doutes », dit Matthieu, et on les comprend. 

Mais les paroles de Jésus rétablissent vite la confiance. 
Ce sont des paroles de la plus haute importance.  Adressées ici aux apôtres, elles résument en quelques mots la mission de l’Église, le mandat que Jésus-Christ lui a confié : faire des gens de toutes les nations des disciples du Christ. 
Les disciples seront ceux qui accepteront de croire en Jésus, et qui le manifesteront par le signe du baptême. Si cette confession de foi publique s’accompagne de la foi du coeur, des fruits visibles apparaîtront, dans une façon de vivre, d’être et de penser différente.

« Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples ».

Je ne sais pas si, sur la montagne où les disciples se trouvent alors avec Jésus, la vue était dégagée, mais j’imagine ces hommes regarder au loin, vers l’horizon, quand Jésus évoque « toutes les nations ». C’est vaste ! Et encore, ils ne connaissent du monde qu’une toute petite partie. 
Les disciples regardent un instant le vaste monde autour d’eux, pensifs, puis leur regard revient sur le petit groupe qu’ils forment ; ils ne sont plus que onze, onze hommes modestes, sans pouvoir particulier… l’entreprise les dépasse largement ! Il va vraiment falloir multiplier les disciples ! 
Et en effet, pour atteindre toutes les nations, c’est une chaîne de témoins que Jésus va mettre en place ; une chaîne qui va s’étendre toujours plus loin, d’une personne à l’autre, d’un coeur à l’autre… et nous voici. La mission est pour nous, maintenant. Passage de témoin, à qui allons nous le transmettre, chacun ? 

« Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples ». 
Oui, la mission est ambitieuse, mais elle est assortie d’une promesse, sans laquelle elle est mission impossible : « Quant à moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde ».

Nous aimons nous rappeler ces paroles de Jésus, n’est-ce pas ? Mais avons-nous conscience qu’elles sont prononcées dans le cadre de cet envoi en mission ? C’est d’abord à ses hommes qu’il envoie que la promesse est faite. Même s’il promet sa promesse continuelle à tous ceux qui croient en lui, en temps de mission comme en temps de repos, au temps de doute comme au temps de l’engagement enthousiaste… c’est pour « tous les jours », les bons, les mauvais, que Jésus s’engage. Que souhaiter de plus ? 

Peut-être… être avec lui tous les jours, nous aussi, et répondre à son appel. Celui-ci prend une forme inédite dans cette fin d’Evangile : le plus souvent Jésus dit aux personnes : « viens, suis-moi ». Ici, il nous dit : « allez, je vous suivrai ». Mais sans les deux cas, il faut se mettre en route, par la foi. Croire ce qu’il nous dit, et partir. Faire un choix : s’engager ou non. 

« Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples».
La mission n’est pas facile. Le monde dans lequel les onze apôtres doivent se rendre pour témoigner de Jésus est dur, souvent hostile à Dieu. C’est le « monde », selon l’expression du Nouveau Testament, l’humanité sans Dieu. La Bible utilise aussi l’expression « les nations », comme ici, pour dire cela. 
Le monde c’est le milieu où le mal est entré, c’est l’humanité coupée de Dieu et devenue étrangère à lui, à sa Parole, à la vérité. Coupé du Dieu de la vie et de la vérité, ce monde est la maison de la peur, de la mort, de la culpabilité, du mensonge, de la division.   

Et c’est là que Jésus envoie cette poignée de disciples, et nous à leur suite ! 
En plus, le Seigneur les a prévenus, avant même sa crucifixion : « S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi… Ils vous excluront des synagogues ; l'heure vient même où quiconque vous tuera pensera offrir un culte à Dieu » (Jean 15.18 ; 16.2). 

Bien sûr, la plupart d’entre nous ne connaîtrons pas une telle opposition - comment ne pas penser ici aux violences que l’Etat Islamique a fait subir aux frères et soeurs de Syrie et d’Irak qui sont parmi nous aujourd’hui ? 
Même si notre situation n’est pas aussi critique, il faut reconnaître que vivre avec Dieu dans un monde qui ne le connaît pas n’est pas toujours une situation facile. Cela peut créer un décalage que Jésus exprime ainsi, en priant son Père pour les disciples : « ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. Je ne te demande pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais. » (Jean 17). 

Cette situation de porte à faux -  dans le monde mais pas du monde -  a toujours fait osciller les chrétiens entre deux tentations opposées : se retirer, se couper de la société, se mettre à l’écart - au risque de se transformer en secte - ou se diluer dans le monde, au risque de ne plus briller, de perdre sa saveur et sa capacité de témoignage… 
Dans les deux cas, ne se dérobe-t’elle pas à sa mission de témoignage ? A nous d’être vigilants envers nous-mêmes. L’équilibre n’est pas facile à trouver, mais nous ne le trouverons qu’en obéissant à l’appel de Jésus : « Allez ». Ne restez pas entre vous, allez au milieu du monde, pour qu’il puisse connaître lui aussi l’amour de Dieu et être sauvé. 
Comme en deux roues, c'est en avançant qu'on trouve l'équilibre. 

Il faut noter que Jésus n’exprime pas ici un souhait : « ça serait bien si, parmi vous, quelques uns se dévouaient pour aller témoigner de l’Evangile… ». Jésus commande : « Allez ! » Et ce commandement est pour toute l’Eglise ; pour vous, pour moi. 

Dans ce mouvement de témoignage, Jésus promet d’être avec nous, « tous les jours, jusqu’à la fin du monde ». 

« Tous les jours » : ici le commandement donné à toute l’Eglise rejoint notre vie quotidienne, notre petite marche jour après jour dans la foi. Je me plais à imaginer qu’en disant ces mots, Jésus a posé son regard tour à tour sur chacun des disciples qui étaient là, sur la montagne : oui, je serai avec toi, Pierre. Et avec toi, Thomas. Et avec toi, Jean, Jacques, André, Philippe… Ces onze hommes ont déjà vécu tant de choses avec Jésus, et il ne les a jamais abandonnés. Jour après jour, il a été avec eux pour les former, les amener plus loin, ouvrir peu à peu leur intelligence et leur coeur à la présence de Dieu, à la parole de Dieu. 
De la même façon, l’envoi de Jésus commence pour nous dans notre vie quotidienne, où il est avec nous pour nous former. 
En effet, si nous voulons faire des disciples, nous devons déjà être des disciples nous-mêmes. Pas des disciples parfaits, loin de là - cela n’existe pas. Mais puisqu’un disciple, c’est quelqu’un qui suit son maitre, nous devons au moins être en mouvement à sa suite. Faire de notre mieux pour le suivre, en nous tenant à lui par la foi. Etre consacrés, c’est-à-dire investis, motivés. 
Pour atteindre les extrémités de la terre, il nous faut bien commencer par faire un pas, puis un autre… par la foi. Suivre humblement le chemin que Jésus trace pour ses disciples, et ça commence par les étapes qu'il indique ici : apprendre à « garder tout ce que Jésus nous a commandé », c’est-à-dire méditer Sa parole et la mettre en pratique du mieux possible. Changer de vie résolument, et pour marquer ce changement de vie, demander le baptême « au nom du Père, du Fils et du St Esprit ». 

Acte d’obéissance, acte de témoignage, le baptême marque en effet notre entrée dans la vie nouvelle avec Jésus, il exprime de façon symbolique notre mise en mouvement, et le fait que désormais, nous ne voulons plus vivre pour nous-mêmes mais pour Dieu, à la suite de Jésus.
Le baptême est notre premier témoignage envers le monde ; d’ailleurs, c’est à l’occasion des baptêmes que l’église est la plus remplie, n’est-ce pas ? 

Le baptême est donc l’un des premiers pas que Jésus nous demande de faire en réponse à son commandement : « allez ! ». Peu de temps après l’Ascension, à la Pentecôte, les disciples remplis du Saint Esprit se mettront à annoncer le Royaume de Dieu. Les personnes qui les entendront seront profondément touchées et demanderont : « que devons nous faire ? ». Et Pierre leur répondra simplement : «  : Changez radicalement ; que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus-Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don de l'Esprit saint ».
Avons-nous demandé le baptême ? Qu’est-ce qui nous en empêche ? 
Il est important de prier Dieu pour cela, et d’en parler avec un chrétien en qui vous avez confiance - pour voir si vos freins intérieurs sont légitimes - ou pas. 

« Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples… Quant à moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde ».

Jésus est avec nous pour que les gens deviennent ses disciples. Comme le dit Vincent Miéville, « voilà l'objectif : faire des disciples du Christ. Pas des disciples de nous-mêmes, ou de notre Église, ou de notre religion. Il s'agit de présenter le Christ pour permettre à ceux qui ne le connaissent pas de le rencontrer.

Et c'est là que la présence du Christ est essentielle, car c'est lui qui agit, c'est lui qui appelle, c'est lui qui convainc. Sans lui nous ne pouvons rien faire ». 

Etre témoin du Christ, ce n’est donc pas enseigner une doctrine, imposer une morale, proposer une religion : c’est présenter le Christ qui est vivant en nous par son Esprit. C'est pour cela que notre témoignage ne passe pas seulement par des mots mais aussi par notre façon de vivre. Laisser le Christ transparaître dans notre vie, c'est le début du témoignage.

Cela exige que nous ayons une relation authentique avec lui, car si nous n’avançons pas avec un coeur sincère, cela va se voir dans nos incohérences et l’écart entre nos paroles et nos actes. Christ transparaîtra d'autant mieux dans notre vie que nous serons simplement vrais.

Un missionnaire m’a raconté ainsi que pendant des années, il avait essayé d’établir le contact avec son voisin, pour lui parler de Jésus. En vain. Les relations restaient cordiales, mais froides. Jusqu’au jour où une épreuve terrible frappa le missionnaire. Il fut littéralement brisé par la douleur. Un moment très dur, pendant lequel cependant il resta désespérément accroché au Seigneur, dans les larmes. Et bien c’est là que le coeur de son voisin s’ouvrit, quand celui-ci le vit en vérité, à la fois si fragile, et si fort dans sa foi. Lui ne le voyait pas comme ça, il avait un peu honte de « manquer de foi » et d’être aussi atteint par l’épreuve. Mais Jésus était avec lui, tous les jours, pour le reconstruire et le guérir, et pour manifester aussi, à travers ses blessures et ses fragilités, sa gloire et son amour. Et le voisin ouvrit son coeur à Dieu. 

Oui, ce n’est que parce que Jésus est avec nous tous les jours que nous pouvons répondre à son appel, et être envoyés. Pas de « armons nous et partez » avec Jésus : il a envoyé les disciples, mais il est parti avec eux, devant eux, en eux. Pour être davantage présent, il est monté auprès du Père : jusque là, il accompagnait ses disciples dans le pays d’Israël. Désormais, ayant reçu « toute autorité dans le ciel et sur la terre », il est partout avec nous. Il est en nous, par son Esprit de force et de sagesse, d’amour et de paix. 

Non, nous ne sommes pas seuls, nous ne serons jamais plus seuls, car Jésus siège à la droite de Dieu, et il va revenir pour nous prendre avec lui. Rien ne pourra nous séparer de son amour.

Car monté auprès du Père, Jésus prie maintenant pour nous. 
« le Christ Jésus est mort, de plus, il s'est réveillé de la mort : il est à la droite de Dieu et il prie pour nous » (Romains 8.34).

En ce moment même, il prie le Père de nous garder. Il prie le Père de nous conduire, de nous donner sa puissance, d’inspirer nos actes et nos paroles, de nous combler de son amour et de sa paix. Il prie pour nos difficultés, nos questions, nos relations. Il prie que nous soyons remplis de sa joie, dans tout ce que nous vivrons avec lui - une joie que rien ne pourra nous enlever (Jean 17)! 

Notre part, ce qu’il nous demande, c’est d’avoir confiance en lui, et de faire ce qu’il nous demande sans nous laisser arrêter par la crainte. Il ne s'agit pas de pas croire que nous pouvons y arriver, mais de croire que Dieu peut agir à travers nous, tels que nous sommes aujourd’hui. 

Questions : 
Je demande à Dieu de me montrer ce qui fait obstacle en moi, ce qui m’empêche d’accomplir la mission que Dieu m’a confiée, et d’être un témoin de Jésus-Christ là où je suis.

Quel pas de foi pourrais-je faire pour surmonter ces obstacles ? 

Je me laisse encourager par ces paroles de Paul aux Ephésiens (3.20-21) : 

« A celui qui peut, par la puissance qui est à l'œuvre en nous, faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons, à lui la gloire dans l'Eglise et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, à tout jamais. Amen ! »


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