Prédication du 6 mai 2018 - Le travail : tous à plein temps pour Dieu ! - Colossiens 3. 23-25 (S. Guiton)

Ce matin, je voudrais parler d’une chose avec laquelle nous avons souvent des rapports… ambigus. Quand on en a un, il peut nous faire mal ou nous épanouir. Mais on est toujours content quand on le laisse, si ce n’est pas pour trop longtemps… parce que son absence engendre souvent des difficultés, des inquiétudes. Une bonne partie de notre identité sociale dépend de lui. Voilà pourquoi on se bat pour lui, depuis toujours. De quoi s’agit-il ? 
Du travail. 

Le travail… mardi 1er mai dernier, notre pays s’est arrêté pour le fêter, et je saisis cette occasion pour aborder le sujet  du point de vue de la Bible et de la foi  : comment nous situer, en tant que chrétien, envers le travail que nous accomplissons  ? 

Certains diront que je suis mal placé pour parler du travail car je suis un ex enseignant, et maintenant pasteur (travail une fois par semaine)… ! 
Mais passons sur les clichés. Ils disent déjà beaucoup de choses sur nos conceptions du « travail » ! 

Partons d’un constat : pendant les nombreuses années de notre « vie active », nous passons l’essentiel de notre temps au travail.
Pendant 40 ans et plus, nous partons chaque matin au boulot. Nous emportons avec nous notre sandwich, notre téléphone, notre ordinateur… Mais est-ce que Dieu vient avec nous ? 
Quelle place pour lui au milieu de notre vie professionnelle, c’est-à-dire dans notre vraie vie, celle de tous les jours ? 

Une parole de l’apôtre Paul aux chrétiens de Colosse peut nous éclairer sur ce sujet .

Colossiens 3.23-25  : Quoi que vous fassiez, travaillez-y de toute votre âme, comme pour le Seigneur, et non pour des humains,  sachant que vous recevrez du Seigneur l'héritage en récompense. Servez comme des esclaves du vrai Seigneur, le Christ. 
Car celui qui agit injustement recueillera l'injustice qu'il a faite  : il n'y a pas de partialité. 


Explication du contexte
Ces paroles de Paul s’inscrivent dans un ensemble plus grand : dans les chapitres précédents, Paul vient de décrire en quoi consiste la vie nouvelle en Christ, cette vie que Dieu nous invite à vivre par la force de son Esprit, selon les règles du Royaume de Dieu. 
Il a exhorté les Colossiens à se « dépouiller du vieil homme », leur ancienne nature sans Dieu, et à se « revêtir de l’homme nouveau, celui qui… ne cesse d’être renouvelé à l’image de son créateur ». Cela implique un profond changement de vie : dépouillez vous du mal, dit Paul et revêtez vous de la vie nouvelle, cette vie de respect, de partage, d’amour. Pardonnez-vous.
Autant de principes qui transformeraient déjà radicalement notre façon de vivre le travail s’ils étaient appliqués dans notre environnement professionnel, n’est-ce pas ? 
C’est là qu’après avoir décrit à grands traits la vie nouvelle avec Jésus, Paul en applique les principes à différents domaines : les relations entre mari et femmes, entre enfants et parents.. et ici, entre maîtres et esclaves. 

Oui, ces paroles s’adressent à des esclaves qui se trouvent dans l’Eglise de Colosse ! Paul ne justifie pas ce fait, loin de là, mais le constate, simplement; c’est une donnée sociale. Contre les règles de l’époque, Paul s’adresse à ces esclaves comme à des individus à la valeur pleine et entière aux yeux de Dieu, pour leur confier une mission : travailler avec un sérieux exemplaire, non pour les hommes qui les ont asservis, mais pour Dieu, qui seul mérite d’être servi, afin de lui rendre témoignage. 

Comme eux, nous sommes nous aussi appelés à travailler pour Dieu, avant de travailler pour nous-mêmes, pour un patron, pour l’argent, pour un statut social…
« Quoi que vous fassiez, travaillez-y de toute votre âme, comme pour le Seigneur ». 

Derrière ces paroles, apparaît en filigrane l’idée biblique que l’homme est appelé à servir son créateur par son travail. C’est sa vocation originelle, comme le révèle le livre de la Genèse. 



Genèse 2.15 nous dit en effet qu’au moment de la création du monde, Dieu « prit l'homme, et le plaça dans le jardin d'Eden pour le cultiver et pour le garder. »
Ainsi, contrairement à une idée reçue, le travail en soi n’est pas une conséquence du péché. Pas d'Adam couché sous un arbre, attendant tranquille que les fruits tombent dans sa main... cultiver et garder le jardin : telle est la vocation de l’humanité. Adam est responsable de la bonne tenue du « jardin », c'est à dire du monde. Il doit « cultiver » ce monde (c'est la racine du mot « culture ») avec sagesse, sans imposer sa tyrannie à la création. 
Cette activité lui revient spécifiquement parce qu'il est créé à l’image de Dieu et que, comme Dieu est créateur, et se réjouit de ce qu'il a fait (« il vit que cela était bon ») l'homme est appelé à créer, et à se réjouir dans son activité. 
On peut même dire qu’Adam doit adorer et servir Dieu au moyen de ses activités et entreprises. 
Il y a donc dans l'institution du travail l'idée d'une co-gestion de la création par Dieu et l’homme. Dieu choisit de travailler avec les hommes.
Le théologien J. Stott raconte à ce propos l'histoire de ce jardinier qui faisait admirer à un pasteur la beauté de son jardin aux plates bandes fleuries, magnifiques. Impressionné, le pasteur se mit à louer le Seigneur, et la beauté de ses œuvres. Mais le jardinier n'apprécia guère de voir que toute la gloire revenait à Dieu : 
« Vous auriez du voir l'état de ce jardin lorsque Dieu s'en occupait tout seul ! » s'exclama-t-il. Et J. Stott de conclure : « nous pouvons donc envisager notre travail comme une collaboration avec Dieu » ! (J. Stott, Le chrétien et les défis de la vie moderne, Vol.2, Sator, p. 14)



Est-ce ainsi que vous le vivez ? Malheureusement, ce projet initial de Dieu a été corrompu par le péché, qui a introduit dans le travail une part de malédiction : après qu’Adam et Eve lui ait désobéi, Dieu dit à l'homme « Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre : Tu n'en mangeras pas ! le sol sera maudit à cause de toi. C'est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie… » (3.17) ; « C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain… » (3.19)
Dieu énonce ici les conséquences du péché sur le travail :  pour la créature qui est devenue sa propre finalité, le travail tend à perdre son sens; mis au service d’intérêts personnels, privé de la bénédiction divine, il devient vite une source de souffrance, marqué par des rapports de domination. 
Ce détour par la Genèse nous permet donc de comprendre que les aspects négatifs ne viennent pas fondamentalement du travail en lui-même, si dur soit-il, mais du cœur de l'homme, de l'égoïsme qui pousse à exploiter les autres, à piller la création en oubliant de servir notre Créateur. Mais si la corruption du coeur de l’homme a corrompu le travail, dans un mouvement inverse, la transformation de ce coeur, dans la vie nouvelle avec Jésus, peut rendre au travail sa dignité. 

Voilà le chemin que Paul nous indique : à vie nouvelle, valeurs nouvelles, et nouveau rapport au travail. Comme les esclaves chrétiens auxquels Paul s’adresse, nous sommes appelés à redécouvrir notre vocation originelle, en travaillant pour Dieu, et avec Dieu. 

Et ce, quelle que soit la nature de notre activité : Paul ne fait pas de différence entre des activités « spirituelles » qu’on ferait pour Dieu et des activités « séculières » qui ne concerneraient pas le Seigneur : « Quoi que vous fassiez… ». Plus haut, au v. 17, Paul a même dit, de façon plus large encore : « Tout ce que vous pouvez dire ou faire, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en rendant grâce par lui à Dieu le Père ».
Cela va à l’encontre de certaines de nos représentations : n’a-t’on pas tendance à penser, sans toujours le dire, qu’on ne peut servir Dieu que dans certaines professions, identifiées comme « chrétiennes » ? Pasteur,  missionnaire, évangéliste… on accepte aussi les infirmiers, médecins, pompiers, enseignants, travailleurs sociaux… Pour les autres, qu’ils soient plombiers, commerciaux, maçons, comptables ou programmateurs… ce serait moins évident. Or Jésus était charpentier, Paul fabriquait des tentes… est-ce qu’ils le servaient pas Dieu pour autant ? 
Bien sûr, il y a des métiers peu compatibles avec la foi parce que complètement opposés aux valeurs de l’Evangile : si vous vous sentez un appel à servir le Seigneur en trafiquant de la drogue, posez vous de sérieuses questions.
Mais en dehors de ces cas particuliers, le contenu du travail est secondaire en réalité : ce qui compte, c’est pour qui on travaille, et dans quel état d’esprit. « travaillez de toute votre âme, comme pour le Seigneur ».

Travailler pour Dieu, ce sera chercher à lui rendre gloire par notre façon de travailler.
Si nous travaillons comme des « hommes nouveaux » que le Saint Esprit est en train de transformer, en suivant les règles du Royaume de Dieu… nous retrouvons notre juste place dans l’oeuvre de Dieu, et notre travail redevient un service pour sa gloire ! 

Deux domaines sont principalement impactés : les relations et les finances.
Nous sommes appelés à rendre gloire à Dieu par notre façon d’être et nos relations au travail : rendons gloire à Dieu en gérant nos conflits comme Jésus nous l’a appris ; en respectant les personnes avec qui nous travaillons - notamment nos clients !-  et en nous respectant nous-mêmes, dans la pression que nous nous mettons…. 
On pourrait ici dire bien des choses sur l’importance d’un sabbat digne de ce nom pour chacun de nous, afin de ne pas sacrifier nos vies pour le dieu travail…

  Les finances, ensuite : nous sommes appelés à rendre gloire à Dieu en gérant nos finances avec honnêteté, sans plier le genou devant le Dieu argent comme tout le monde, mais en faisant de la richesse que nous produisons une source de bénédiction pour les autres.
Le partage inégal des richesses est aujourd’hui un des grands fléaux de notre monde ; nous pouvons impacter fortement la société en agissant différemment dans ce domaine. Je sais que beaucoup parmi nous le font, et donnent généreusement.
Un de mes amis chrétien dans le Nord pratique ainsi, dans son entreprise, ce qu’on appelle l’économie de communion : les bénéfices sont partagés avec les salariés, et servent aussi à aider des personnes en difficulté, notamment pour qu’elles créent leur propre activité.
Au départ, les concurrents de cet ami pensaient que ce ne serait pas viable… or son affaire est devenue l’une des plus florissante du secteur. 
C’est le cas de le dire, il travaille dans l’aménagement paysager… et sert Dieu en cultivant le jardin des autres ! 

A chacun de trouver une approche adaptée à son activité. 
Mais Dieu nous appelle tous à sortir d’une vie éclatée, divisée entre activités spirituelles et activités professionnelles… pour passer à plein temps pour lui !

Et ce, qu’on gère, qu’on programme, qu’on cuisine, peigne, vende, soigne, enseigne… qu’on aide des personnes ou pas… Que l’on soit salarié ou en recherche d’emploi ; en activité ou en arrêt… ou même bénévole, car il n’est pas nécessaire que l’activité soit rémunérée. 
Insistons sur ce point : la Bible nous invite à ne pas considérer le travail exclusivement sous le rapport de sa finalité économique. L’éducation des enfants, le travail bénévole ou le travail d'un parent qui reste à la maison seraient-ils sans valeur car non rémunérés, ou sans valeur économique ? La valeur d’un travail se mesure-t-elle au salaire qu’il génère ? Haut salaire, forte valeur ; pas de salaire, valeur nulle ? Il y a là un problème éthique important. 
Toute activité créatrice entre dans le champ de la bénédiction divine sur le travail. Cela ne s'arrête donc pas aux frontières de la retraite ou du chômage. 

Quelle que soit notre situation, finalement, Dieu nous donnera la possibilité d’être à plein temps pour lui là où nous sommes, afin de le servir par notre activité… et de nous épanouir avec lui. 



Je partage pour finir cette citation d’un théologien protestant : « c'est par Lui (le Christ) et pour Lui que nous devons prier, obéir, tenir en main la bêche, le marteau, l'aiguille, le livre, le pinceau, la calculatrice bref l'instrument de notre travail quel qu'il soit ». (Pierre Courthial, « le Christ et la culture selon K. Schilder », Revue Reformée n°133/1983, p.45)



Questions

Si je me considère comme étant « à plein temps » pour Dieu, là où il m’a placé … Qu’est-ce cela va changer dans ma façon de vivre mon activité ? Y a t’il dans mon attitude, mon état d’esprit, mes pratiques… des choses que je vais modifier, afin de rendre davantage gloire à Dieu ? 


Comment puis-je concrètement emporter Dieu avec moi au travail ? 

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