Culte du 17 septembre 2017 - Protestants 2017 - La redécouverte de la grâce par Luther (S. Guiton)







Cette fleur étonnante qui figure sur les tracts d’invitation vous a peut-être intrigués… Certains ne l’ont pas trouvée très « protestante » ! Pourtant c’est la « rose de Luther » que le réformateur allemand utilisait comme sceau pour authentifier ses écrits. Un symbole qui résume son enseignement, la croix de Jésus au centre


Si sa fleur évoque certains symboles du catholicisme (comme le Sacré Coeur), c’est que Luther était moine. Issu d’une modeste famille de paysans allemands, Luther rentre dans les ordres contre l’avis de son père, pour devenir professeur d’Ecritures saintes à l’université de Wittenberg. 
L’événement marquant, celui qu’on met en avant cette année, c’est ce jour où Luther placarde sur la porte de l’église de Wittenberg 95 thèses, 95 affirmations sur la foi qui dénoncent les dérives de l’église de son temps. 

Avant d’aller plus loin, une courte video pour mieux comprendre ce qu’on appelle la Réforme.  



L’affichage des 95 théses, c’est l’événement historique, celui a déclenché la crise politique et religieuse. Mais qu’est-ce qui a pu conduire ce moine sérieux et discipliné à un tel geste ? 
C’est qu’avant la crise politique, il y a sa crise personnelle, une crise intérieure.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Luther n’avait rien d’un moine rebelle, au contraire : son métier était d’enseigner la Bible et il s’y consacrait avec le plus grand sérieux du monde. Comme tous les moines, il consacrait ses journées à prier et méditer la Bible, célébrant les offices, servant la communauté. Et cela, de tout son coeur, convaincu de sa vocation. 

Mais si le calme régnait dans son couvent, une angoisse travaillait son coeur, malgré sa vie religieuse irréprochable. Une culpabilité, un « mal-être ». 
On lui a toujours montré Dieu comme un juge exigeant et implacable. On brandit sans cesse, dans les Eglises, la menace de l’enfer, tout en soulignant les exigences de sainteté posées par Dieu. Comment alors être sauvé ? Comment satisfaire de telles exigences ? 
Quoi qu’il fasse, la conscience du moine Luther le taraude : il se sent indigne d’être devant Dieu. Une sourde culpabilité le hante, sans lui laisser de repos. 

Aujourd’hui comme hier, que faisons-nous lorsque nous nous sentons ainsi travaillés intérieurement ? Certains fuient, essaient d’étouffer leurs voix intérieures - et notre monde offre de nombreux moyens de nous fuir nous mêmes - dans un verre, sur un écran ou dans un bureau qu’on ne quitte plus.
On peut aussi travailler sur soi, ou pratiquer des disciplines - religieuse, sportive. « Cultiver l’instant présent », méditer, changer de régime alimentaire, etc. Cela peut apporter un certain apaisement. 
Les moyens sont divers, la question reste la même : où trouver une paix intérieure véritable et durable ? 
Le moine Luther cherche cette paix dans plus de prière, plus de veilles, plus d’efforts religieux. Si Dieu rejette les « « injustes », ceux qui n’obéissent pas parfaitement à sa loi, alors il veut être juste, parfaitement juste. 
En vain. D’abord, il n’y arrive pas. Personne ne peut être parfait. Et il vit de plus en plus mal cette discipline qui consiste à faire de « bonnes actions » pour se faire accepter par Dieu. « Je n’aimais pas ce Dieu juste et vengeur », confie-t’il. Est-ce que ça ne suffisait pas qu’il condamne les hommes à la mort éternelle à cause du péché ? Il fallait aussi qu’il les tourmente en les faisant vivre dans l’angoisse et la crainte ?

La crise est profonde. Comment en sort-il ? En redécouvrant une vérité clé de la révélation biblique : ce qu’on appelle la grâce. De quoi s’agit-il ? Découvrons-le avec Luther. 

On l’a dit, Luther a pour mission d’étudier la Bible. Un jour, il médite la lettre de Paul aux Romains, dans le Nouveau Testament. Et ce qu’il y découvre va transformer sa vie. 

D’abord, dans ce texte, l’apôtre Paul lutte précisément contre ceux qui se vantent de faire de « bonnes oeuvres ». Mais il y a plus : dans le chapitre 3  notamment, Paul affirme ceci : Dieu « a montré de quelle façon il nous rend justes sans la loi ». « Dieu rend justes les êtres humains par leur foi en Jésus-Christ. Il le fait pour tous ceux qui croient au Christ, parce qu'il n'y a pas de différence entre eux : 23 tous ont péché et tous sont privés de la gloire de Dieu. 24 Mais dans sa bonté, Dieu les rend justes gratuitement par Jésus-Christ, qui les libère du péché. 25-26 Dieu l'a offert en sacrifice. Alors par sa mort, le Christ obtient le pardon des péchés pour ceux qui croient en lui. (…) 27 Alors, est-ce qu'il y a encore des raisons de se vanter ? Non, pas du tout ! Pourquoi donc ? Parce que, ce qui compte, ce n'est pas d'obéir à la loi, c'est de croire. 28 Oui, nous pensons ceci : les êtres humains sont rendus justes parce qu'ils croient, et non parce qu'ils font ce que la loi demande ».


Que dit ce passage de la Bible ? 
Certaines paroles confirment la culpabilité que ressent Luther : « tous ont péché et sont privés de la grâce de Dieu ». 
Tous ont péché… le mot « péché » sonne bien étrangement à nos oreilles d’occidentaux du XXIe siècle. Chargé d’une forte odeur de morale grincheuse que l’on considère globalement comme dépassée. Les péchés, ça évoque des choses interdites on ne sait plus trop pourquoi. Interdire le meurtre, le vol, soit… mais la « convoitise », le mensonge… ? 
Il se trouve que le mot « péché » ici désigne quelque chose de plus profond. Pour le comprendre, pensons au constat que l’on fait trop souvent, face aux nouvelles du monde qui nous arrivent : quelque chose cloche dans le coeur humain
Au fond, qui n’a pas envie d’être quelqu’un de bien ? Quelqu’un qui fasse du bien autour de lui, vive en harmonie avec le monde et les autres ? En paix, heureux de donner et de recevoir de l’amour ? 
Tel est le projet de vie que Dieu a pour nous ! 
Mais comment y parvenir ? L’expérience prouve que ça ne nous est pas accessible naturellement. Pourquoi n’arrivons-nous pas à aimer comme on le voudrait ? Pourquoi la bonne volonté, dans un groupe, dans un couple, ne suffit pas à éviter les jalousies, les trahisons… ? 
Plus profondément même, pourquoi ne sommes-nous pas plus satisfaits - de nous-mêmes, des autres, de ce que nous avons ? Pourquoi nous sentons si souvent « privés » de quelque chose d’essentiel ? 
La réponse de Dieu, révélée par Jésus, c’est que nous sommes en manque… de Dieu. De son amour. Il est la source de la vie et de l’amour, et nos coeurs sont malades d’être coupés de cette source. Privés de Dieu. 
L’enseignement reçu par Luther appuyait sur ce diagnostic, en forme de verdict : tout homme participe au mal, même comme simple complice - ce qui le coupe du Dieu parfait. 
Pour l’en libérer, la réponse proposée était celle des la plupart des religions : obéir parfaitement à des règles religieuses pour espérer mériter l’amour de Dieu. 
Luther découvre que la Bible propose une toute autre réponse : la grâce. L’effacement pur et simple de la dette.
La grâce, au coeur du message de l’Evangile : Dieu n’attend pas que nous soyons parfaits pour nous aimer et nous accueillir. Il a fait lui-même le premier pas en venant, comme un homme, dans la personne de Jésus. Jésus a fait tout ce qu’il y avait à faire pour que nous soyons pardonnés. Il a tout donné : sa vie, son amour, son pardon. 

Voilà le coeur de la foi chrétienne, voilà le sens de cette croix derrière moi : dans un étrange procès, Dieu le juge a purgé lui-même la peine qu’il a prononcé, pour que les vrais coupables soient déclarés innocents ! C’est Dieu, en Jésus-Christ son Fils, qui paie ce qu’il y a à payer pour le mal qui détruit le monde. Il y a une inversion : Jésus qui est innocent porte notre péché, et nous recevons son innocence devant Dieu - devenant ainsi ses enfants, dans une communion d’amour avec lui, même au delà de la mort. 
Si du moins nous acceptons de lui faire confiance, de croire, car cela, c’est notre liberté. 
Mais il n’y a plus rien que nous devions mériter. 
« Ce qui compte, ce n'est pas d'obéir à la loi, c'est de croire ».

De quelle loi parle le texte ? Encore une fois, pas de la loi civile, ni d’une loi religieuse, faite de rites à respecter, de prières à réciter, non : c’est la loi de l’amour, que Jésus résume ainsi : « aime Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme… » et « aime ton prochain comme toi-même » : ces deux commandements résument toute la loi de Dieu, dit Jésus.  

En étudiant ces paroles, Luther comprend alors l’impasse dans laquelle il s’était engagé : il essayait d’empiler des « bonnes actions » bancales pour monter jusqu’au ciel, alors que Dieu était là, en bas, descendu jusqu’à lui en Jésus-Christ pour lui offrir l’entrée gratuite, par la foi ! 

Alors oui, le péché est une réalité, mais la Bible ne pose ce diagnostic que pour mieux nous amener au remède : accepter ce salut gratuit, à recevoir dans la confiance. 

Cette découverte a libéré Luther de ses angoisses.

Est-ce que ce n’est pas un peu facile cependant ? On lui a fait ce reproche. Il suffit de croire en Jésus, et tout le mal qu’on a pu faire est oublié ! 
[photos de la donnerie « nous osons donner, osez prendre »] 

Nous avons du mal à recevoir, n’est-ce pas ? Quand il s’agit de vêtements ou de vaisselle, nous n’hésitons pas à nous servir, mais quand Dieu nous offre gratuitement la vie éternelle… nous refusons ! Pourquoi ? 

D’autres diront : être déclaré juste par un Dieu invisible… tout cela est bien abstrait ; en quoi ça peut impacter ma vie quotidienne ? 


Mais comme Luther l’a montré, cet Evangile est aussi une puissance de transformation intérieure. La relation avec Dieu rétablie par la foi transforme notre être profond. La Bible prend l’image d’un désert qui refleurit, d’un coeur de pierre qui se met à battre, d’un squelette qui retrouve sa chair et sa vie…. 
Réconcilié avec le Dieu de la vie, je revis. 
En relation, par la prière, avec le Dieu d’amour, j’apprends à aimer vraiment. Dieu guérit ce qui en moi bloque l’amour. Et si je cherche à faire un maximum de bien, ce n’est pas pour mériter Dieu, mais gratuitement, par reconnaissance. 
Dans cette relation personnelle avec Dieu, la Bible est un guide, qui me permet de connaitre Dieu et de discerner le chemin de la vie qu’il ouvre dans la confusion du monde.  
Chemin de résurrection, quand tout semble perdu. Chemin d’amour, quand les coeurs semblent définitivement secs. 
Ainsi, la crise de Luther déboucha sur une redécouverte du message de l’Evangile. 

C’est ensuite que l’affaire a pris un tour politique. 
Car le moine allemand voulut partager cette bonne nouvelle du pardon gratuit de Dieu.


Or, à cette époque justement, le pape Léon X qui a besoin d'argent pour la construction de la basilique Saint-Pierre à Rome, décide de monnayer le salut et vend ce qu’on a appelé des « indulgences » : il accorde le pardon aux « fidèles » contre le paiement d'une certaine somme. On disait aux gens : « l'âme (celle de vos chers défunts pour lesquels vous payez) s'envole du purgatoire au moment même où le denier offert résonne dans le tronc ! ».


Quel contraste avec le message de gratuité de l’Evangile ! 
Effaré par cette dérive, Luther fait alors un coup d’éclat : sur la porte de la chapelle du château de Wittenberg, il affiche 95 thèses, 95 « affirmations ». Il dénonce le commerce des indulgences et remet en question la prétention de l’Eglise à contrôler la relation entre Dieu et les hommes. 


Pour cela, Luther est convoqué devant les plus hautes autorités politiques et religieuses. Il refuse de se rétracter, persuadé d’être fidèle à l'enseignement de l'Église en affirmant que « les hommes doivent mettre leur confiance uniquement en Jésus-Christ, et non dans leurs prières, leurs mérites ou leurs bonnes œuvres. » 
La suite de l’histoire… c’est de l’Histoire : il s’est trouvé que la situation politique de l’époque était tendue, et que des princes d’Allemagne voulaient prendre leurs distances avec le Pape. Quelqu’un a dit : « la situation politico-religieuse était la poudre, Luther a été l’étincelle ». 

Cette année, en fêtant les 500 ans de la Réforme, nous ne faisons pas simplement de l’histoire. Ce n’est pas non plus un événement identitaire : « nous les Protestants, contre les autres chrétiens ».. 
Le message de la grâce de Dieu n’appartient à personne, sinon à Dieu. 
Mais pour chacun, chrétien ou non, c’est l’occasion de découvrir ou redécouvrir en Jésus-Christ l’amour de Dieu pour lui, pour vous, pour moi. Un amour qui s’offre, qui vous invite à le chercher. 
Un amour qui nous ouvre à une vie au delà de la mort. 
Un amour qui nous offre d’aimer nous aussi, plus fort, plus large, plus profond. 
« promesse de Dieu ». 


Je vous laisse quelques paroles de Jésus à emporter avec vous :
« Celui qui croit en moi vivra, même s’il meurt », a dit Jésus (Jean 11.25).
« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde donne. Que votre cœur ne se trouble pas et ne se laisse pas effrayer » (Jean 14.27)
« Venez auprès de moi, vous tous qui portez des charges très lourdes et qui êtes fatigués, et moi je vous donnerai le repos. Je ne cherche pas à vous dominer. Prenez donc, vous aussi, la charge que je vous propose, et devenez mes disciples. Ainsi, vous trouverez le repos pour vous-mêmes. » (Matthieu 11.28-30)
Que ces paroles puissent trouver le chemin de notre coeur.  

Prenons un temps de silence, pour prier ou simplement réfléchir à tout cela. Vous pouvez parler à Dieu directement, avec vos propres mots. 

Prière 

Seigneur, 
tu es venu jusqu’à nous en Jésus-Christ par amour.
Tu donnes la vie gratuitement et gracieusement.
Apprends-nous à la recevoir simplement. 
Donne nous de croire en ton amour plutôt que de chercher à le mériter. 
Par ta grâce, viens transformer notre désir de faire, pour exister à tes yeux, en un désir d’être auprès de toi. 
Amen

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