Prédication du dimanche 26 février 2017 : Marc 9.14-29 - Garder Christ au centre de notre foi (S. Guiton)



Le passage que nous allons méditer se situe dans l’Evangile de Marc, au chapitre 9. 

Sur les hauteurs, Jésus vient de vivre l’expérience si forte de la transfiguration, pendant laquelle, devant trois de ces disciples, il a été enveloppé de la lumière divine, il est apparu en présence d’Elie et de Moïse, pendant que la voix de Dieu le Père retentissait : « celui-ci est mon fils bien aimé, écoutez-le » ! 

Encore porté par ce qu’il vient de vivre, Jésus retourne alors rejoindre le reste de ses disciples, et ce qu’il découvre le fait redescendre brutalement sur terre : il trouve ses disciples en plein désarroi, pris en flagrant délit… d’incrédulité. 

Lecture : Marc 9.14-29


A sa redescente de la montagne, c’est un spectacle de désarroi et de confusion que découvre Jésus. Le Seigneur se heurte ici notamment à l’incrédulité des disciples, qui ne comprennent pas pourquoi ils ne sont pas parvenus à chasser « l’esprit muet ». Les voilà profondément ébranlés par cet échec, au point qu’une fois seuls avec Jésus, ils vont encore l’interroger sur ce point (v.28). Pourtant Marc raconte que peu de temps avant, alors que Jésus les avait envoyés en mission, ils « chassaient beaucoup de démons, faisaient des applications d’huile à beaucoup de malades et les guérissaient » (Mc 6.13). Pourquoi est-ce que ça ne marche plus, se demandent-ils ? Ont-ils perdu leur pouvoir de guérison ? 

Leur désarroi semble s’être transmis à la foule. A son propos, la Nouvelle Bible Segond parle « d’émoi », le mot grec évoque l’étonnement, la surprise : qui est ce Jésus dont les disciples sont incapables d’agir sur le mal ? Est-il vraiment si puissant qu’on le dit ? 

Quand au père de l’enfant, il est déçu et en pleine détresse devant l’incapacité des disciples à guérir l’enfant. Lui qui est venu exprès pour cela, porté par un espoir tremblant. Qu’il est difficile d’être ainsi confronté à un nouvel échec, quand on avait osé y croire à nouveau, malgré toutes ces années de souffrance extrême, sans l’ombre d’une solution…

Beaucoup de doute et de souffrance, donc, et pourtant,  la première réaction de Jésus n’est pas la compassion, mais l’exaspération : « génération sans foi, combien de temps devrai-je vous supporter ? ». 

Citées par Matthieu, Marc et Luc, ces paroles surprenantes sont le centre du récit. Elles mettent le doigt sur la véritable cause du désarroi dans lequel sont plongés tous ces gens : un manque de foi. 

Cette colère de Jésus évoque celle de Moïse descendant du mont Sinaï pour apporter la Loi de Dieu au peuple, et qui découvre que celui-ci, en son absence, s’est mis à adorer un veau d’or qu’il s’est fabriqué. 
La Bible est jalonnée de ces colères de Dieu, navré de voir combien les hommes oublient vite sa fidélité et son amour, pour aller s’emmêler dans les filets de la confusion… d’autant plus ici, où le Seigneur en personne se tient au milieu d’eux ! 
Les voilà assoiffés, et désespérés de trouver de l’eau, alors que la source est devant eux ! 

C’est en cela que les disciples ont manqué de foi : en l’absence de Jésus, ils ont cru pouvoir chasser l’esprit tout seuls. Ils ont pensé que leurs récentes victoires spirituelles les avaient rendus forts et capables, oubliant que Dieu seul était à l’origine de leur pouvoir, et que sans lui, ils ne pouvaient rien faire !

Comment auraient-il pu guérir cet enfant, puisque, par manque de prière, leur esprit était éloigné du Seigneur ? Que Dieu n’était plus au centre de leur foi ? 

Cela révèle qu’ils n’ont pas encore compris qui est vraiment Jésus, ni ce que signifie : « croire en lui ». 

« Génération sans foi ! » : cette parole nous interpelle, nous qui voulons aussi être des disciples de Jésus. 
Le manque de foi de ces hommes n’est-il pas le nôtre, si souvent ? Nous avons nous aussi tant de difficultés à comprendre ce qu’est la foi !

Pour beaucoup de nos contemporains, la foi n’est qu’un sifflet de détresse pour temps de crise - combien de personnes ne se souviennent de Dieu que quand elles sont parvenues au bout d’elles-mêmes, au fond de l’impasse, au fond du désespoir, comme le père de cet enfant ? 

Il est tentant de juger une telle attitude, pourtant Jésus ici l’accueille avec amour. Etonnement, Jésus semble plus indulgent avec cet homme qu’avec ses disciples. Peut-être parce que la douleur rend la prière véritablement humble et sincère, et que cette attitude de coeur touche Jésus.
Alors que les disciples viennent de montrer qu’ils se croyaient un peu arrivés, et assez forts pour affronter l’adversaire par leurs propres forces. 
Parmi nous, je sais que certains sont passés par le même chemin que ce père, et que Dieu les a exaucés eux aussi, alors qu’ils ne le connaissaient pas encore. 

Cela nous incite à la vigilance : ne sommes-nous pas un peu comme les disciples ici ? 
Est-ce bien Dieu qui est au centre de notre foi, de notre vie et notre espérance, ou est-ce notre « démarche de foi » ? Ou est-ce nous-mêmes - nos dons, nos expériences… ? 

Il est si facile d’oublier que la puissance de la foi ne réside pas dans la foi elle-même, mais en Dieu seul qui répond à celui qui lui fait confiance, humblement. 

Et quand Jésus nous dit : « Tout est possible pour celui qui croit », nous pensons alors que c’est la foi elle-même qui agit. Que les choses reposent sur nous. 

Ainsi parfois, « forts » de ce que le Seigneur a fait de nous, « forts » des belles choses que le Seigneur a accompli dans notre vie, dans notre Eglise, « forts » de notre connaissance biblique ou de notre expérience chrétienne, nous pensons être suffisamment armés pour affronter l’adversaire et l’adversité…

Comment nous étonner alors de nous retrouver tôt ou tard dans la même confusion que les disciples ici, travaillés par cette même question : « pourquoi n'avons-nous pas pu le chasser nous-mêmes ? ». Pourquoi ces difficultés ? Pourquoi notre témoignage auprès de telle ou telle personne n’a pas eu l’impact que nous espérions ? Qu’est-ce qui nous retient d’avancer dans nos projets d’Eglise, nos projets d’évangélisation ? 
Pourquoi n’arrivons-nous pas à vaincre tel ou tel péché inavouable avec lequel nous nous battons en secret ?

Le risque de déraper dans ce domaine est d’autant plus grand qu’on a le souci de prendre les promesses de Dieu au sérieux. Mais un glissement peut s’opérer, et la juste attitude : « J’ai confiance en Dieu qui a promis d’agir » peut se changer en prétention - « j'ai la foi qui agit » ! « 
Ma foi vaincra les obstacles » - qui est le contraire de la foi humble et sincère qui nous ouvre à la grâce. Certains cantiques nous encouragent dans ce sens et il faut rester vigilants. 

C’est un des enseignements de ce passage : mieux vaut l’humble prière de ce père désespéré qui crie à Jésus : «  je crois, viens au secours de mon incrédulité », que l’aveuglement des disciples trop sûrs d’eux-mêmes, qui fait le jeu de l’ennemi et lui permet d’installer la confusion et le trouble. 
« Pourquoi n'avons-nous pas pu chasser cet esprit nous-mêmes ? », demandent-ils. « Cette espèce-là ne peut sortir que par la prière », répond Jésus. Matthieu rapporte une autre réponse : « parce que vous n’avez que peu de foi » (Mt 17.20). Le sens est le même : la prière est le témoignage de la foi en Dieu, la demande de son intervention. La reconnaissance humble de notre dépendance à Dieu. 

Oui, Dieu nous promet que « nous tiendrons », comme nous l’avons chanté, mais c’est seulement si nous restons « établis sur le roc », Jésus-Christ, si nous le gardons, lui seul, au centre de notre foi, de notre vie, de notre espérance. Si nous comptons sur la force de son Esprit, et elle seule, pour avancer et vaincre les obstacles. Si nous prions dans une dépendance totale envers Jésus-Christ. 

Alors, tout devient possible !

Et si nous constatons en effet nos dérives et notre manque de foi, la Parole de Dieu ne nous invite pas à nous culpabiliser et à nous mortifier mais à tout confesser à Dieu, qui a tout effacé à la croix. Et à continuer à marcher sur la foi de cette promesse : « 1Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (Romains 8.1). 

La grâce de Dieu est totale, et elle seule peut nous relever, comme le montre la suite du récit : tous ces gens mettent la patience de Jésus à l’épreuve, mais cela n’altère en rien son amour pour eux. Et il vient à leur secours. Sans s’arrêter à la colère, Jésus reprend la place centrale, celle qui lui revient, pour clarifier les choses, guérir, libérer, - et aussi nourrir la foi de ces gens : « amenez-le moi », commande-t’il.

Le temps nous manque pour contempler en détail la manière subtile avec laquelle Jésus se fraye alors un chemin à travers l'incrédulité et la souffrance pour atteindre le coeur de ce père et cet enfant, et en le relevant, relever aussi les disciples.  
Avec douceur, il prend ce père là où il en est pour l’amener du désespoir à la joie, du doute à la foi : « depuis combien de temps cela lui arrive-t’il ? » (v.21). Jésus ne réclame pas la foi pour intervenir, il la suscite lui-même. Avec douceur, il autorise le père à dire enfin toute cette souffrance qu’il porte depuis si longtemps. Toutes ces années de silence pour lui et pour l’enfant, pris par un « esprit muet ». 
Jésus commence par libérer la parole du père, lui permettant alors de formuler sa demande : « laisse-toi émouvoir et viens à notre secours » (v.23). Bien sûr que Jésus s’est déjà laissé émouvoir, depuis le début ! Mais maintenant que le coeur de ce père s’ouvre à lui, il peut achever de le libérer, en délivrant son enfant. 

Par ce miracle, Jésus dissipe la confusion de toute l’assistance et donne la réponse à la question des disciples : « Pourquoi n'avons-nous pas pu chasser cet esprit nous-mêmes ? ». 
A cause de leur manque de prière. Parce qu’ils avaient oublié que seul Jésus, Fils de Dieu, a autorité sur les démons : que lui seul est le libérateur, le Dieu tout puissant, celui à qui rien n’est impossible. 

Dans sa grâce, il vient au secours de tous ceux qui le placent au centre de leur foi, de leur vie, de leur espérance - malgré leur manque de foi ! 
Et il déclare même : « Tout est possible pour celui qui croit » ! 

Cette promesse est pour nous, si nous croyons non en notre propre foi, mais en Jésus-Christ.

Cette promesse s’applique à la destruction de l’oeuvre de l’ennemi opposée à celle de Dieu, l’ennemi qui tient les hommes enfermés dans leur souffrance, muets et asservis comme ce malheureux enfant. La promesse « tout est possible » s’applique à tous les obstacles qui s’opposent à l’accomplissement du plan de Dieu dans notre vie, dans notre Eglise, dans notre ville. 

Alors interrogeons nous paisiblement : qu’est-ce qui nous tient encore liés et nous empêche d’avancer avec Dieu ? Qu’est-ce qui nous retient de vivre la vie d’amour et de liberté que Christ nous a acquise à la croix ? Quels sont nos doutes, les obstacles à ma foi ? De quoi avons nous peur ? 

Jésus nous invite à lui apporter tout cela : « amenez-le moi ! ». 

Faisons-le dans la prière - une prière humble qui peut commencer par ces mots si simples: «  je crois, viens au secours de mon incrédulité » ! 

« Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, écrit Pierre, car lui-même prend soin de vous.
8. Soyez sobres, restez vigilants : votre adversaire, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer. 9 Résistez-lui avec une foi inébranlable, sachant que les mêmes souffrances sont imposées à vos frères et sœurs dans le monde.
10 Le Dieu de toute grâce vous a appelés en [Jésus-]Christ à sa gloire éternelle. Après que vous aurez souffert un peu de temps, il vous rétablira lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables. 11 A lui soient [la gloire et] la puissance aux siècles des siècles ! Amen ! » 
(1 Pierre 5.7).


Sylvain Guiton 


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