Prédication du dimanche 25 décembre 2016 - Matthieu 2.1-12 - Plutôt Hérode ou mages d’Orient ? (S.Guiton)


« Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, et, sur la terre, paix parmi les humains en qui il prend plaisir ! » (Luc 2.14).
Ces paroles d’un ange, retentissant la nuit de Noël, annoncent aux bergers la naissance  de Jésus. 
La nuit de Noël, la proclamation de l’ange confirme à tous que l’enfant qui naît est bien celui qui a été annoncé par les prophètes, celui qui a « la souveraineté sur son épaule » ; «  Conseiller étonnant, Dieu-Héros, Père éternel, Prince de paix… »

Mais si la naissance  de Jésus est un sujet de joie pour beaucoup, les récits des Evangiles nous montrent que c’est aussi une naissance qui dérange… 

Voilà précisément ce que rapporte Matthieu, dans le texte proposé à notre méditation ce matin. 

Lecture : Matthieu 2.1-12

1 Après la naissance de Jésus, à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem 2 et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus nous prosterner devant lui. 
3 A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. 4 Il rassembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple pour leur demander où devait naître le Christ. 5 Ils lui dirent : A Bethléem de Judée, car voici ce qui a été écrit par l'entremise du prophète :

6 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es certainement pas la moins importante dans l'assemblée des gouverneurs de Juda ; car de toi sortira un dirigeant qui fera paître Israël, mon peuple.

7 Alors Hérode fit appeler en secret les mages et se fit préciser par eux l'époque de l'apparition de l'étoile. 8 Puis il les envoya à Bethléem en disant : Allez prendre des informations précises sur l'enfant ; quand vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que moi aussi je vienne me prosterner devant lui.

9 Après avoir entendu le roi, ils partirent. Or l'étoile qu'ils avaient vue en Orient les précédait ; arrivée au-dessus du lieu où était l'enfant, elle s'arrêta. 10 A la vue de l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. 11 Ils entrèrent dans la maison, virent l'enfant avec Marie, sa mère, et tombèrent à ses pieds pour se prosterner devant lui ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors et lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe. 12 Puis, divinement avertis en rêve de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

C’est la Parole de Dieu : prière

Voilà un récit qui sent bon la magie de Noël, la légende dorée. On visualise tout de suite nos trois rois mages, les fameux Gaspard, Melchior et Balthazar, dans les jolies crèches « culturelles » de nos mairies..
Et pourtant, Matthieu rapporte là un épisode dont rien ne dit qu’il n’est pas historique. C’est plutôt la tradition qui en a accentué le côté merveilleux au point de faire oublier la portée réelle de cet évenement. 
Une tradition remise en question par le récit de l’évangéliste, qui par exemple ne dit pas qu’il y avait trois mages, ni comment ils se nommaient… 
De plus, ce ne sont pas des rois mais des « savants » de leur temps. Ils sont probablement venus de Babylone, l’Irak actuel. 

Beau clin d’oeil aujourd’hui, n’est-ce pas ? 
Ce sont donc des Perses, héritiers d’une riche culture qui avait développé une grande connaissance des astres - astrologie mais aussi astronomie. Voilà donc des gens très instruits, qui malgré leur éloignement géographique et culturel connaissent l’histoire du roi des Juifs qui doit venir… certainement qu’une graine de la Parole de Dieu a été semée chez eux. Est-ce un lointain héritage du prophète Daniel, un « sage d’Orient » lui aussi, juif déporté à Babylone des siècles plus tôt, et qui avait aussi prophétisé la venue d’un tel roi ? 

Il y a également la fameuse étoile, peut-être la grande conjonction de Jupiter et de Saturne en 6-7 avant J.-C. , qui semble être un fait vérifié. Elle pouvait orienter des astronomes du milieu culturel babylonien et perse vers le pays de Juda.
Quoi qu’il en soit, l’essentiel, c’est ce qui pousse ces hommes à parcourir plusieurs milliers de kilomètres : ils cherchent Dieu. Ils ont entendu son appel et ils se laissent appeler. 

Le voyage est long… au point que quand ils arrivent, Jésus n’est plus un nouveau né
Autre erreur de la tradition qui nous montre toujours les mages devant le berceau de Jésus : mais quand ils trouvent le Roi des Juifs, celui-ci est un « petit enfant » (de moins de deux ans, certainement). Il marche peut-être déjà quand ils lui offrent l’or, l’encens et la myrrhe. 

Mais tout cela n’est pas l’essentiel, car pour Matthieu il ne s’agit pas de raconter une jolie histoire, mais de dire au peuple d’Israël que Jésus est bien le Messie attendu, et que sa venue place maintenant chacun devant un choix : croire, ou ne pas croire.
Croire comme les mages, chercher Dieu en Jésus
Ou résister, comme Hérode, comme les chefs religieux…
Suivre les mages et trouver Dieu - ou suivre Hérode. 
Oui, Jésus est bien le Messie promis : Matthieu souligne combien sa naissance de Jésus accomplit les prophéties. Il cite Michée, qui huit siècles avant avait désigné Bethléem comme la ville où naîtrait le roi d’Israël. Implicitement, Matthieu évoque aussi Esaïe, qui en 60.6 annonce la venue de « gens de Saba » qui « viendront, … apporteront de l’or et de l’encens, et se feront les messagers des louanges du SEIGNEUR ».
Tout cela se réalise en Jésus, dont la naissance vient aussi déranger l’ordre établi pour apporter une nouvelle espérance aux plus faibles, aux plus humbles . Comme Marie l’a prophétisé, avant la naissance de son fils : par cet enfant, Dieu va intervenir «  de toute la force de son bras ». Il va « disperser les hommes à la pensée orgueilleuse »… « jeter les puissants à bas de leurs trônes » et « élever les humbles » (Luc 1).
Derrière ces paroles, c’est un combat spirituel qui est évoqué : le Prince de la paix est aussi un roi qui vient reconquérir le territoire laissé à l’ennemi, qui vient « détruire les oeuvres du diable » et placer chacun devant un choix : l’accueillir comme le roi légitime, et se protester avec joie devant lui - ou refuser de le recevoir.
Croire, ou ne pas croire. 
Voilà ce qui va faire maintenant la différence entre les hommes. 
Ainsi Jésus va être adoré par des étrangers lointains qui n’appartiennent pas au peuple de l’Alliance - les mages - et rejeté par ceux qui vivent tout près et connaissent le mieux les prophéties - les grands prêtres et les scribes du peuple juif, dépositaires de la Parole de Dieu. 
Parmi eux, Hérode incarne le refus de croire. De tout son être, il résiste à Dieu. Et Dieu lui résiste aussi, conformément à la prophétie de Marie, car « l’Eternel résiste aux orgueilleux mais il fait grâce à ceux qui sont humbles ». 
Hérode a pourtant toute la connaissance nécessaire pour croire lui aussi ; les grands prêtres connaissent toutes les prophéties concernant le Messie et savent exactement où il doit naître ! 
Mais avoir des connaissances bibliques, ce n’est pas encore avoir la foi. D’une certaine manière, Hérode croit qu’un Messie va venir, mais il ne va pas jusqu’à ouvrir son coeur. 
Qu’est-ce qui le retient ?  
Visiblement, c’est un homme qui s’est laissé enfermer à force d’écouter la voix de l’orgueil et de la peur. Plus que tout, il désire garder son trône. Or sa position est instable, car il a été placé là par les Romains. C’est donc un roi illégitime, qui n’est pas un vrai Juif. Les historiens nous disent que dans ses dernières années de règne, il a été obsédé par la peur de voir surgir des rivaux, des héritiers légitimes du trône au sein du peuple, et qu’il a usé de violence pour les éliminer. 
Matthieu évoque ainsi son « trouble » lorsque les mages lui parlent d’un roi qui vient de naître. 

Jésus est cet héritier légitime, descendant de David à qui Dieu a promis de régner pour toujours. Sa venue menace le règne illusoire d’Hérode. 

Hérode qui pourtant en savait assez pour croire n’a pas voulu ouvrir son coeur. Il s’est entouré de religieux parce qu’il avait besoin de Dieu - mais d’un Dieu à son service, qui l’aide à conserver le pouvoir. Un Dieu qui devait rester lointain. Ce Dieu qu’on utilise depuis toujours par les hommes pour justifier la tyrannie, l’asservissement et la violence, et qui n’est pas le Dieu qui se révèle en Jésus Christ - un Dieu doux et humble, mais en même temps puissant et agissant. Un Dieu dont la venue révèle la réalité de nos coeurs et met en lumière toutes les puissances de mort à l’oeuvre dans ce monde. 
Un Dieu de grâce, d’amour, de justice.

D’une certaine manière, il y a en chacun de nous un Hérode qui résiste à l’idée de laisser son trône. 
Un Hérode qui entend la voix de la peur, de la honte.
Peut-être que comme ce roi malade, nous nous sommes laissés enfermer, asservir par certains péchés, certains esclavages que nous seuls connaissons. Une voix qui ne vient pas de Dieu nous dit peut-être que nous ne pouvons pas ouvrir la porte à Jésus, que nous devons d’abord régler nos problèmes seuls, comme Hérode était seul avec sa peur, assis sur le trône mais incapable de gouverner sa propre vie. 
Ce n’est pas la vérité. Jésus le prince de paix est venu pour nous libérer et briser ce qui nous retient captifs. Il n’est pas venu nous juger, mais nous offrir gratuitement sa paix, son pardon. 

En ce jour de Noel, pourquoi ne pas choisir de le laisser entrer, pour qu’il établisse en nous son règne d’amour et de paix ? 
Pourquoi ne pas suivre l’exemple des mages, qui se sont au contraire laissés déplacer, attirer par Dieu ? 
Avec le peu que Dieu leur a révélé - un bout de prophétie, et une étoile mystérieuse - ils prennent la route. C’est beau de voir comment Dieu utilise leurs croyances pour les rejoindre : l’astrologie n’est-elle pas sévèrement condamnée dans la Bible ? Le culte des étoiles n’est-il pas une de ces idolâtries qui perdent les hommes ? 
Pourtant c’est par ce canal, qui est l’un des seuls qu’ils connaissent, que Dieu les appelle vers son Fils. Il va aussi les avertir par un songe (v.12), autre « canal » bien connu dans leur culture.  
De la même façon, Jésus apparaît en songe, aujourd’hui, à des personnes qui ne le connaissent pas et qui sont culturellement très loin de lui. On sait qu’il rejoint ainsi des personnes musulmanes, dans des pays où la Bible est absente. 
J’ai aussi connu à Nîmes un couple qui a cherché la paix dans toutes les spiritualités possibles jusqu’à cette nuit où Jésus leur est apparu en rêve à tous les deux, leur disant de lire la Bible ! Et c’est ainsi qu’ils sont arrivés dans notre Eglise. 

Parce que Dieu résiste aux orgueilleux, mais qu’il guide vers lui ceux qui le cherchent sincèrement, d’où qu’ils viennent. 

Et aujourd’hui encore, cette paix nous est offerte, à nous qui sommes venus ce matin. Peut-être que d’une façon ou d’une autre, une étoile a brillé dans notre ciel, et que nous cherchons nous aussi le Fils de Dieu, pour l’adorer ? 
Qui que nous soyons - nouveau chrétien, chrétien de toujours, chrétiens d’Orient et d’Occident. Chrétiens en formation, en devenir, chrétien qui se cherche et hésite encore à se dire vraiment disciple de Jésus - chrétien aguerri, joyeux ! … chrétien désabusé peut-être… en lutte avec son Hérode intérieur…

En ce jour de Noël, le Prince de la paix nous appelle tous à venir à lui, avec confiance.

Certains parmi nous viennent directement d’Irak, le pays des mages ! D’autres ont fait un chemin intérieur encore plus long : même s’ils vivaient tout près, leur univers était étranger à la connaissance de Dieu. 
Que leur foi stimule celle des plus anciens ! Quel encouragement de voir de nouvelles personnes venir vers Jésus-Christ ! Cela renouvelle notre envie d’avancer vers lui, nous aussi.

Parfois le chemin vers lui est long et incertain, comme celui qui conduit de Babylone à Bethléem.
Et la nuit est obscure, très obscure. 
Mais la Parole de Dieu est notre étoile dans la nuit, et Jésus, la « brillante étoile du matin », est avec nous.

Ne nous laissons pas guider par la voix de nos peurs, ou celle de l’ennemi, mais par la sienne, qui nous ouvre un avenir d’espérance, comme par exemple dans ces mots du prophète Esaïe : 
"Voici qu’en effet les ténèbres couvrent la terre et un brouillard, les cités, mais sur toi le SEIGNEUR va se lever et sa gloire, sur toi, est en vue. 3 Les nations vont marcher vers ta lumière et les rois vers la clarté de ton lever. 4 Porte tes regards sur les alentours et vois : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi, tes fils vont arriver du lointain, et tes filles sont tenues solidement sur la hanche. 5 Alors tu verras, tu seras rayonnante, ton cœur frémira et se dilatera, car vers toi sera détournée l’opulence des mers, la fortune des nations viendra jusqu’à toi. 6 Un afflux de chameaux te couvrira, de tout jeunes chameaux de Madiân et d’Eifa ; tous les gens de Saba viendront, ils apporteront de l’or et de l’encens, et se feront les messagers des louanges du SEIGNEUR ».

Joyeux Noël à tous ! 

Amen  


S. Guiton

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