Prédication du 14 juin 2020 - Deutéronome 8.1-6 : l’éducation au désert (S. Guiton)
Prédication du 14 juin 2020
Culte de déconfinement
Deutéronome 8.1-6 : l’éducation au désert
La période agitée que nous vivons, avec la crise sanitaire, est globalement, une épreuve. Certes, certaines des expériences nouvelles nous sont imposées peuvent être amusantes, comme participer à une chorale de chanteurs masqués, ou s’inscrire pour aller au culte et venir avec son billet d’entrée !
Mais pour beaucoup de gens, la crise actuelle ressemble à une traversée du désert compliquée. Il faut marcher sans savoir où l’on va, et personne ne peut dire si oui ou non, nous sommes sortis du désert. Certains se demandent comment on en est arrivés là, et comment continuer. D’autres, quelles leçons on peut tirer des épreuves actuelles.
Dans ce contexte inédit, l’un des textes proposés pour la méditation des Eglises chrétiennes, aujourd’hui, résonne avec une force particulière, et je vous invite à l’écouter, le méditer, ensemble.
C’est un extrait du livre du Deutéronome.
Ce 5e livre de la Bible nous emmène juste avant la conquête de Canaan, la terre promise, par Josué. Depuis 40 ans, le peuple d’Israël a été confiné dans le désert. Moïse l’a amené maintenant aux frontières du pays promis.
Le peuple de Dieu va bientôt déconfiner, sortir du désert… Pour préparer ce monde d’après, avec l’installation en Canaan, Dieu va alors lui redonner sa loi, car de l’obéissance à celle-ci dépendra le bonheur d’Israël. La loi de Dieu est ainsi donnée à nouveau au peuple, d’où le nom « deutero-nome », litt. la « seconde » loi.
Pour l’aider à aller de l’avant, Moïse offre au peuple une relecture de ce qui s’est passé dans cette épreuve du désert…
Lisons en Deutéronome 8.1-6.
1 Veille à mettre en pratique tous les commandements que je te transmets aujourd'hui ; ils vous permettront de vivre et de devenir un peuple nombreux. Vous pourrez alors prendre possession du pays que le Seigneur a promis à vos ancêtres.
2 Souviens-toi de la longue marche que le Seigneur ton Dieu t'a imposée à travers le désert, pendant quarante ans ; il t'a ainsi fait rencontrer des difficultés pour te mettre à l'épreuve, afin de découvrir ce que tu avais au fond de ton cœur et de savoir si, oui ou non, tu voulais observer ses commandements.
3 Après ces difficultés, après t'avoir fait souffrir de la faim, il t'a donné la manne, une nourriture inconnue de toi et de tes pères. De cette manière, il t'a montré que l'être humain ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.
4 Tes vêtements ne se sont pas usés, tes pieds n'ont pas enflé durant ces quarante ans.
5 Comprends donc bien que le Seigneur ton Dieu veut t'éduquer comme un père éduque son fils.
6 Observe les commandements du Seigneur ton Dieu, conduis-toi comme il le désire et reconnais son autorité.
Moïse commence par rappeler au peuple les termes de l’alliance que Dieu a contractée avec Abraham : de la part de Dieu, promesse de croissance – « devenir un peuple nombreux » - de prospérité, sur une terre donnée par Dieu – « le pays que le Seigneur a promis à vos ancêtres ». La part des hommes dans l’alliance, c’est de faire confiance à Dieu et de lui obéir, en se laissant conduire.
Mais voilà, le chemin vers Canaan a été difficile. Pourquoi ces 40 ans dans le désert alors qu’à vol d’oiseau, le trajet est assez court ? Moïse donne ici une interprétation qui peut étonner : c’est Dieu lui-même qui a permis que son peuple rencontre des difficultés.
« Souviens-toi de la longue marche que le Seigneur ton Dieu t'a imposée à travers le désert, », dit Moïse. « il t'a ainsi fait rencontrer des difficultés », et a même « fait souffrir » son peuple « de la faim ».
Cette affirmation a de quoi troubler : si Dieu est amour, pourquoi ferait-il souffrir volontairement « son peuple » ? Pour le punir ? C’est vrai qu’Israël n’a pas cessé de désobéir à Dieu, de se rebeller contre lui...
L’idée que nos épreuves seraient des punitions divines circule depuis des millénaires, et on la retrouve aujourd’hui à propos du coronavirus, dans lequel certains voient un châtiment divin sur les péchés de notre temps, sur l’infidélité de l’Eglise, etc.
Pourtant ce texte ne parle pas de punition. Il y est bien écrit, certes, que si l’obéissance à Dieu amène la bénédiction, le bonheur, la désobéissance, elle, engendre le malheur… mais comme une conséquence des erreurs humaines, et non comme un acte délibéré de Dieu qui « enverrait » la faim, la peste, le coronavirus pour châtier… Ainsi, dans une certaine mesure, nous payons aujourd’hui les conséquences de notre destruction de l’équilibre écologique.
Est-ce que la justice de Dieu ne s’exerce pas contre le péché des hommes, alors ? Oui, un jugement se prépare, c’est vrai : il aura lieu quand Jésus reviendra. En attendant, nous sommes dans le temps de la grâce. La présence du mal reste un scandale, nous ne savons pas pourquoi il est là, c’est un « mystère opaque », comme dit le théologien Henri Blocher.
Ici, Moïse ne donne pas de réponse générale à cette question du mal. Mais il affirme que si Dieu a permis le désert , c’est pour éduquer son peuple comme un père éduque ses enfants.
« Comprends … bien, dit Moïse, que le Seigneur ton Dieu veut t'éduquer comme un père éduque son fils »… et « reconnais son autorité .
Oui, c’est bien une épreuve éducative que Dieu a fait subir aux hébreux ; une école à la dure « pour leur faire du bien à la fin », dira Moïse plus loin, au v.16.
Les souffrances du désert ont été un moyen de les faire sortir de leurs vieux travers – Moïse pointe l’orgueil et le manque de foi notamment – et qu’ils grandissent, humainement et spirituellement !
Ainsi, dans le désert, Israël a grandi en connaissance de lui-même : pour avancer, il fallait qu’il sache ce qu’il avait dans le cœur, « savoir si, oui ou non, (il) voulait observer (les) commandements de Dieu. Et qu’il gagne en humilité.
Et malgré la dureté de son cœur, Dieu a pris soin de lui, envoyant la manne, « une nourriture inconnue ». Ce don inattendu avait lui aussi une vertu éducative :
[diapo] Par les privations du désert et le don de la manne, dit Moïse, Dieu voulait apprendre à son peuple que « l'être humain ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ».
Voilà l’enseignement clé du désert.
Nous connaissons cette formule, mais que signifie-t’elle, notamment pour nous ?
Pour mieux la comprendre, revenons sur l’histoire de la manne, dont on peut tirer plusieurs leçons.
Les leçons de la manne - Leçon n°1 : la confiance
La manne, c’est d’abord une école de confiance. La manne illustre la grâce agissante de Dieu : il ne laisse pas mourir son peuple de faim, mais pourvoit concrètement à ses besoins.
Cependant, il le fait avec une nourriture « inconnue » : cela implique de la confiance de la part d’Israël. Ce n’est pas pour rien que le nom manne vient de l’hébreu, man-hou, « qu’est-ce que c’est ? ». Le peuple réclamait la nourriture qu’il avait en Egypte… Dieu lui donne cette substance étrange à ramasser !
Ainsi la manne est une école de foi : Dieu apprend à ses enfants à recevoir ce qu’il envoie avec confiance, comme quelque chose de bon, même si ce n’est pas ce qu’ils attendaient.
Et si ses réponses à nos prières, à nos besoins, sont parfois surprenantes… il répond et c’est pour notre bien ! Alors ouvrons nos cœurs et soyons prêts à être surpris !
Quelle est la manne qu’il va nous envoyer, aujourd’hui ?
Leçon n°2 : la dépendance
La manne est aussi une école de dépendance envers Dieu, contre le désir d’autosuffisance, l’égoïsme...
En effet, la manne devait être ramassée le matin avant de faire quoi que soit d’autre, et on ne pouvait pas la stocker. Pas possible de dévaliser les rayons du supermarché local pour remplir ses placards ! Si on prenait plus que sa dose quotidienne… elle pourrissait.
Sauf le jour du sabbat, où elle ne tombait pas, mais Dieu en envoyait double dose la veille…
Pour vivre, les hébreux étaient donc dépendants de ce qui allait sortir « de la bouche de Dieu », c’est-à-dire de ce qu’il allait faire pour eux. De la même façon, même si notre système technique est très performant, c’est toujours de la « bouche » de Dieu, c’est-à-dire de sa volonté et de sa puissance que nous tenons de quoi vivre, car Dieu tient ensemble le monde matériel, il est mystérieusement à l’œuvre dans la trame de tous les événements.
« C’est lui qui nous donne le mouvement, la vie et l’être », dit la Bible.
De plus, si chercher du pain « matériel » est légitime - la sécurité d’un frigo plein, de revenus stables, d’un logement accueillant… cela ne rassasie pas pleinement, et à la fin, on meurt ! La vie pleine, la vie éternelle est en Dieu, par Jésus-Christ.
C’est pourquoi nous sommes aussi dépendants des paroles de vie qui sortent de la bouche de Dieu – transmises dans la Bible. Cette Parole est agissante – elle a le pouvoir de nous changer, de nous sauver, de nous éclairer. Elle ne « retourne jamais à Dieu sans effet », dit Esaïe.
En cette période particulière, quelle place accordons-nous à « ce qui sort de la bouche de Dieu » dans nos projets de vie, nos plans pour avancer ? Sur quoi fondons-nous nos espoirs pour demain ?
Leçon n°3 : changer de regard
L’expérience du désert et de la manne, enfin, c’est aussi une éducation du regard pour Israël. « Souviens-toi », dit Moïse. Il s’agit de regarder en arrière pour apprendre à voir ce que Dieu a fait, et être encouragé !
Relire sa vie… et y voir Dieu. Cette discipline est au cœur de la tradition hébraïque, et elle doit nourrir aussi notre vie de foi. Chercher à voir Dieu dans nos vies, son action derrière tous les bienfait matériel, pour l’aimer et lui rendre gloire. Il est si facile de prendre pour un dû ce dont nous bénéficions. Mais le désert, avec les privations qu’il engendre, aide changer de regard et à prendre conscience de ce qui est important.
De fait, beaucoup de gens ont partagé que le confinement leur avait fait prendre conscience de l’importance de la famille, de prendre du temps ensemble… au lieu de tout donner au travail, même pour gagner plus. Est-ce votre cas ?
Quel lien entre le désert, la manne et un changement de regard, me direz-vous ?
Le récit de la tentation de Jésus en Luc 4 va nous aider à le comprendre.
Jésus vient de jeûner 40 jours, image des 40 ans que le peuple a passé dans le désert.
Luc 4.3-4 : « Il ne mangea rien durant ces jours-là et, quand ils furent passés, il eut faim. Le diable lui dit alors : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de se changer en pain. » Jésus lui répondit : « L'Écriture déclare : “L'être humain ne vivra pas de pain seulement ».
Lorsque Jésus est tenté par le diable, dans le désert, il cite le Deutéronome, dans une confrontation de regards, justement ; Satan attire son regard sur son besoin immédiat de « pain »: Jésus a faim, qu’il mange en changeant les pierres en pain. C’est comme cela que Satan nous piège, en nous mettant sous le nez le bénéfice immédiat d’un acte interdit, et en nous détournant de voir plus loin, les conséquences négatives.
Mais Jésus, lui, voit au-delà du piège. Il n’obéira pas à Satan pour se soumettre à lui. Jésus voit au-delà, le plan de salut du Père, son Royaume à établir. C’est de cette parole-là, cette volonté de Dieu là qu’il se nourrit, pas seulement de pain.
Cela permet à Jésus de réussir là où Israël a été en difficulté. Parce qu’Israël a perdu de vue le pays qui l’attendait au-delà du désert ; il n’a plus vu que la difficulté de la marche, les privations… et s’est révolté contre Dieu.
Mais Jésus, lui, voit jusqu’à la croix, et au-delà. Il voit notre salut qui dépend de son obéissance, de son acceptation de la souffrance… et il résiste au diable.
Nous aussi, il nous faut apprendre à voir autrement.
A voir, dans le passé, la présence et l’action de Dieu, de sa grâce, et dans l’avenir, ses promesses et son Royaume qui vient, notre Canaan.
Oui il y a des déserts, des privations, des blessures… oui la crise actuelle met en péril, peut-être, un emploi, des projets, une situation financière…
Ne pas vivre de pain seulement, cependant, c’est ne pas nous laisser accaparer par ces soucis du jour, envahir par ce qui frappe les yeux, ne pas nous laisser non plus intoxiquer par les pains frelatés que Satan nous met sous le nez.
C’est affronter tout cela avec courage, en mettant notre confiance en Dieu pas après pas, avec le regard de la foi, - instant après instant, comme nous y a invités Benoît - en regardant, plus loin, le Royaume où il nous conduit.
Christ, notre manne
Nous ne pouvons pas faire cela tout seul. Mais nous pouvons compter sur Jésus, qui est la manne envoyée pour soutenir notre marche dans le désert.
« Moi je suis le pain vivant descendu des cieux, dit Jésus. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra pour toujours » (Jean 6.51-58).
Tout israélites devait chercher la manne chaque jour, de bon matin, en quantité suffisante. De même, nous sommes appelés à chercher en Christ, dans sa Parole, dans sa présence, notre nourriture, chaque jour avant toute autre activité, de façon à être pleinement rassasié, en nous appropriant par la foi les dons et les promesses de Dieu.
Jésus est notre secours, notre paix, notre vie. Son Esprit nous guide et nous fortifie.
Avec eux, Dieu notre Père nous conduit vers un bonheur plus grand.
Alors laissons-nous enseigner et conduire.
Au final, on peut retenir de ce texte deux disciplines pour mieux tenir dans le désert :
[diapo] Chaque matin, prendre des forces avec la manne de la Parole, la présence du Seigneur, avant notre journée de marche.
Une lecture biblique, un temps de prière pour lui remettre notre journée. Qu’il ouvre nos yeux sur sa présence avec nous, que son Esprit nous remplisse, nous guide, nous fortifie...
Et chaque soir, nous souvenir : relire notre journée dans la prière, à la lumière de la Parole de Dieu. Comment Dieu a t’il été avec nous, aujourd’hui ? Quel don, quelle parole, quelle leçon nous a-t’il envoyé ?
Que la Parole du Seigneur nourrisse notre marche, affermisse notre foi, ravive notre espérance ! Que sa grâce réjouisse nos cœurs ! Que son Esprit nous éduque et nous rende davantage semblables à lui !
A lui soit la gloire !
Amen
Questions
Je regarde mon parcours : quelle manne Dieu m’a t’il donnée dans les déserts que j’ai traversés ? Je le remercie pour cela et lui demande de me conduire, aujourd’hui, dans la confiance. Je veux me mettre aujourd’hui, tout entier au service du Royaume à venir, sans me laisser accaparer par les soucis de ce monde.
Quelle est la manne que le Seigneur va nous envoyer, aujourd’hui ?
En cette période particulière, quelle place accordons-nous à « ce qui sort de la bouche de Dieu » dans nos projets de vie, nos plans pour avancer ? Sur quoi fondons-nous nos espoirs pour demain ?
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