Prédication du 2 octobre 2016 - Philippiens 1.8-11 - Un amour qui abonde (S.Guiton)
Commençons par une question : lorsque vous priez pour vos amis chrétiens, que demandez-vous pour eux ? Quelles sont les choses importantes par dessus tout que vous demandez à Dieu de leur accorder ?
Bien sûr vos réponses sont certainement variées - la santé pour les uns, la paix pour d’autres, un travail, etc.
J’ai été interpellé par l’exemple que l’apôtre Paul donne dans ce domaine :
Voilà ce qu’il écrit aux chrétiens de Philippes, au tout début de sa lettre :
« Ce que je demande dans mes prières, c’est que votre amour abonde/déborde de plus en plus en connaissance et en vraie sensibilité ; qu’ainsi vous sachiez discerner ce qui est important, afin que vous soyez sincères et irréprochables pour le jour du Christ, et que vous soyez remplis du fruit de justice qui vient par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu ». (1.8-11)
Alors que nous parlons beaucoup, ces derniers temps, de croissance - croissance spirituelle, croissance de l’Eglise - « grandir ensemble en Eglise »… ce passage m’a touché.
- Au coeur de la vie d’église, la qualité de la relation
Pourquoi ? Parce qu’il parle de croissance, mais de la croissance de l’amour. Et même de la croissance dans l’amour.
Le week-end dernier, Chris Short, l’orateur de notre WE, spécialiste de la croissance de l’Eglise, nous a expliqué que l’Eglise du XXIe devait être relationnelle ; que la relation était plus que jamais placer au coeur de la vie d’Eglise.
Même écrite dans les premiers siècles de notre ère, la prière de Paul ici résonne fortement avec cette affirmation : le plus important, prie Paul, c’est que les Philippiens approfondissent leurs relations et s’aiment de plus en plus.
Paul aurait pourtant bien d’autres sujets de prière pour eux. Cette Eglise à laquelle il écrit affronte bien des problèmes internes. De faux apôtres se sont glissés en son sein, et ils séduisent les gens par de beaux discours pleins de mensonges et d’hérésie. Des divisions apparaissent.
L’apôtre aurait pu leur écrire : « ce que je demande dans mes prières, c’est que vous trouviez les bons arguments théologiques pour contredire ces imposteurs » ou « c’est que vous trouviez une nouvelle organisation qui vous permette de mieux vous défendre »…
Mais non. La priorité face aux tensions, aux inquiétudes et aux divisions, c’est d’aimer davantage.
Ainsi donc, le fait que Paul accorde une telle priorité à la croissance de l’Eglise dans l’amour m’a interpellé.
Dans notre désir de « grandir ensemble en Eglise », nous pensons à annoncer l’Evangile dans la région Rhône-Alpes, à mieux nous organiser pour mieux accueillir, nous travaillons notre façon de louer Dieu et d’accompagner les enfants et les jeunes…
Mais pensons-nous à approfondir nos liens d’amour ?
En lisant Paul, je me suis posé la question. C’est comme si on se concentrait sur tout sauf sur ça, qui est pourtant l’essentiel.
Nous parlons vite projets, bâtiments, lieu…
Paul lui nous parle de la qualité de nos relations.
Et sa prière nous ramène simplement au coeur de notre appel de chrétien : « aimez Dieu de tout votre coeur, aimez vous les uns les autres ». « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous sauront que vous êtes mes disciples ».
Rien de nouveau, direz vous. C’est vrai. On est presque déçus : quoi de plus banal dans une Eglise que de dire : l’amour c’est le plus important ?
Pourtant, c’est une réalité qu’on perd rapidement de vue, surtout lorsqu’on est pris par bien des préoccupations, par nos engagements…
Engagement dans l’Eglise qui signifie souvent pour nous : intégration dans un groupe d’activité. Quand des personnes me disent, un peu de gênées : « oh, je sais, je ne suis pas très engagée… », elles pensent généralement à ça.
Or la prière de Paul nous rappelle que notre premier engagement de chrétiens est celui du coeur : s’engager à déborder d’amour pour Dieu et à déborder d’amour pour les autres.
Je peux ne rien faire de visible et être extrêmement engagé de coeur auprès de mes frères et soeurs - c’est le cas de tous ceux qui prient activement pour nous.
Engageons-nous donc à déborder d’amour les uns pour les autres !
Mais de quel amour parle-t’on ?
2. Quel est la nature de cet amour pour lequel Paul prie ?
Dans notre culture, l’amour est perçu comme un sentiment qu’on ne maîtrise pas ; un jour il vient, un autre il part. Les chansons de Maître Gims ne racontent que cette histoire-là.
On pense que l’amour est enfant de bohême, et qu’on n’a aucune prise sur lui.
Mais l’amour dont parle Paul n’est pas seulement un sentiment d’amour qui devrait déborder - et on se ferait des bisous passionnés à la sortie du culte, ce serait génial.
Ce n’est pas seulement de la gentillesse ou de la convivialité sympathique.
Le sentiment, c'est important certes ! Mais l’amour qui jaillit du coeur même de Dieu, tel qu’il nous apparaît dans la personne de Jésus est plus profond : il implique aussi la volonté et l’intelligence - Paul parle de « connaissance », de « discernement ».
C’est un amour fait de don de soi et d’attention portée à l’autre. Un amour humble qui donne sans chercher son propre intérêt : Tel est l’amour de Dieu qui est au cœur de notre foi : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique »…
Amour qui se révèle parfaitement dans la personne de Jésus, au point que Paul résume ainsi la ligne à suivre : « Que votre attitude soit identique à celle de Jésus-Christ ».
« Conduisez vous d’une manière digne de la bonne nouvelle du Christ… ne faites rien par ambition personnelle ni par vanité ; au contraire, avec humilité, estimez les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun, au lieu de regarder ce qui lui est propre, s’intéresse plutôt aux autres » (2.3-4).
Cet amour là ne rend ni aveugle ni idiot ! Au contraire, il éclaire le regard que nous portons sur les autres, éclaire aussi notre attitude envers eux.
Cet amour-là « abonde en connaissance » et donne le « discernement » - éclaire à la fois notre connaissance de Dieu et notre façon d’agir.
En aimant les autres d’un amour qui ne cherche pas son propre intérêt, nous apprenons aussi à connaître le Dieu qui nous a aimés le premier. Par exemple, quand nous nous faisons violence pour pardonner celui qui nous a blessés, nous entr'apercevons la profondeur de ce que Jésus a fait pour que nous soyons pardonnés.
Et nous l’aimons encore davantage !
En aimant les autres comme Dieu les aime, nous apprenons à être plus patients et indulgents envers eux. Dieu nous fait grâce, nous faisons grâce. Cela éclaire notre façon d’agir et de discerner l’important qui vaut la peine de se battre - et le reste. Cela nous aide à agir toujours plus comme Jésus a agi, et nous faisons ainsi sa volonté - nous produisons ce « fruit de justice qui vient par Jésus-Christ » : fruit de paix, de joie…
En somme, plus nous ferons des efforts pour aimer, plus cela nous rendra humbles, et donc plus disponibles à l’action de Dieu, qui pourra alors nous faire « déborder » d’amour - agrandissant toujours plus l’espace de notre coeur, élargissant notre façon de voir.
Vous voyez, le cercle est vertueux.
3. Comment cet amour peut-il abonder ?
Je le lis dans vos yeux : devant un si beau programme, comment ne pas se sentir petit ! Si c’est par humilité, c’est positif : d’abord, reconnaître que sans Christ nous ne pouvons rien faire.
Mais que cela ne nous décourage pas de relever le défi !
Car Dieu attend de nous de la bonne volonté, de la « ferveur ». Que nous fassions tout notre possible pour approfondir nos relations avec les autres chrétiens. Pour cela, les occasions sont nombreuses.
Revenons par exemple aux groupes de service, d’activité évoqués tout à l’heure. Ils sont un lieu privilégié d’engagement, c’est vrai : d’engagement dans le service, et d’engagement du coeur pour apprendre à aimer les autres d’un amour qui abonde en discernement !
Prenons le cas de quelqu’un qui s’engage à la sono. « Toute ressemblance avec une personne existante… ».
Il y a des besoins, la personne se dit qu’elle peut être utile, et puis ça l’intéresse. Tout au long du culte, elle s’applique à régler le son le mieux possible, par amour, dans l’intérêt des autres, pour qu’ils puissent bien entendre la Parole de Dieu, et se concentrer sur ce qui est dit. Ou qu’ils puissent louer le Seigneur en entendant bien la musique.
Les choses se compliquent quand à la fin, des personnes l’attrapent pour se plaindre ! L’une trouve que c’était trop fort, l’autre qu’on n’entendait pas assez la batterie… C’est là où l’amour devient un engagement persévérant, et demande du discernement !
Quelle va être la réaction de l’amour face à ces récriminations ? Que répondre ? Comment régler de la façon la plus appropriée ensuite ?
Et on pourrait dire la même chose à propos de la personne qui projette les chants… dans l’intérêt des autres, puisqu’ils puissent louer Dieu sans faire du play back !
De ceux qui accueillent les tout-petits 20 mn avant le début du culte, pour les rendre une demi-heure après… par amour des enfants mais aussi des parents - pour qu’ils puissent vivre tranquillement leur culte ! (pensez à aller vite chercher vos enfants).
De ceux qui prennent deux heures de leur semaine pour nettoyer l’église de fond en comble, par amour là encore, pour que nous entrions dans des locaux accueillants, que nous appréciions d’y passer du temps, d’y prolonger nos échanges…
L’expérience montre que dans une assemblée de pécheurs comme celle que nous formons, c’est un défi de servir et d’aimer les autres comme ils sont, ces autres souvent plus enclins à remarquer le Larssen qui interrompt l’orateur, la video qui ne démarre pas ou la miette qui traîne, qu’à encourager et remercier. Mais c’est aussi comme cela qu’on apprend à servir vraiment avec l’amour de Christ, en pardonnant ces écarts, en cultivant un regard d’indulgence et de grâce - parce que nous voulons avant tout réjouir le Dieu de grâce, dans cet amour qui ne cherche pas son propre intérêt.
Quand à nous qui profitons de ces services, que l’amour nous aide aussi à discerner ce qui est important : est-il plus important de faire vite un retour critique sur ce qui n’a pas fonctionné, ou de remercier et d’encourager nos frères et soeurs ?
J’aurai pu évoquer aussi les groupes de maison (cf Chris). Idem : lieu privilégié.
Je n’insiste pas sur ce sujet.
Ainsi, c’est bien en servant ensemble, en priant ensemble, en partageant des moments plus intimes que notre regard les uns sur les autres pourra évoluer positivement. Mais ce sera dur parfois ; on va s’agacer, se vexer, s’emporter…
En persévérant dans la relation, malgré tout, notre amour pourra « abonder », et nous grandirons en « connaissance et en vraie sensibilité ».
4. Rester unis dans l'amour, en discernant ce qui est important
Je voudrais finir en faisant un lien entre la situation des Philippiens et celle de notre Eglise.
Paul prie pour que l’amour des Philippiens, en abondant, leur permette de mieux distinguer l’essentiel et le secondaire. Sa préoccupation en temps de trouble est d’abord que l’unité de coeur, l’unité spirituelle des Philippiens soit renforcée.
Alors que notre Eglise locale réfléchit à son avenir, la préoccupation de Paul nous concerne directement.
En ce moment même, le conseil travaille activement (1 ou 2 réunions/semaine rien que pour ça) sur la base des questionnaires que vous avez remplis, pour préparer la réunion de membres de novembre. Ensuite, il y aura des décisions importantes à prendre, qui entraîneront des changements. Nous ne savons pas encore ce que l’Eglise décidera, mais il y aura forcément des avis divergents, des désaccords sur ce qui est « non négociable », « secondaire » ou « important ».
Prions qu’alors, notre amour, ancré en Dieu, passe le test, et que cet amour que nous avons déjàles uns pour les autres nous garde unis au milieu des débats.
Que nous nous regardions les uns les autres avec bienveillance et grâce. Que par amour nous réfléchissions non pas seulement à partir de ce qui nous arrange, mais ce qui est dans l’intérêt du plus grand nombre.
« Ayez un même amour, un même cœur, une unité de pensée » (Philippiens 2).
C’est une autre prière de Paul pour les Philippiens. Qu’elle soit aussi la nôtre.
Et pour que Dieu nous donne ce même coeur, je nous encourage à prier les uns pour les autres, comme Paul le fait ici. Priez aussi pour le conseil.
Prier pour quelqu’un, c’est l’aimer. Cela nous gardera les yeux fixés sur Jésus. Nous pouvons puiser l’amour en lui, par le Saint Esprit. Nous pouvons lui demander de faire abonder et même surabonder l’amour entre nous, pour la seule gloire de Dieu !
Qu’il nous permette d’être « sincères et irréprochables » lorsque Jésus reviendra, et « remplis du fruit de justice qui vient par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu ».
Amen.
Sylvain GUITON
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Philippiens 1.9-11
Questions pour discuter en groupe
I. Quelques mots sur la lettre aux Philippiens :
Philippes, colonie romaine entre la Grèce et les Balkans, est la première ville d’Europe où Paul ait préché l’Evangile. Il y fonda une Eglise lors de son premier voyage missionnaire (Actes 16.12-40). Quelques années plus tard, alors qu’il est prisonnier (sans doute à Rome), Paul écrit aux Philippiens une lettre au ton particulièrement chaleureux. On l’appelle même « l’épître de la joie » car ce thème traverse la lettre d’un bout à l’autre. Cette joie est liée à la fidélité au Christ, dont l’oeuvre est célébrée dans l’hymne de 2.6-11 (voir prédication du …)
Paul remercie les Philippiens qui lui ont fait parvenir de l’aide matérielle. Il les encourage aussi à rester fidèles au Christ et à ne pas se laisser séduire par de fausses doctrines qui s’insinuaient dans leur communauté.
Le premier chapitre insiste sur la communion qui existe entre Paul et les Philippiens : ils sont « partenaires dans l’Evangile ». Paul utilise plusieurs mots de la famille de koinonia pour dire que les Philippiens et lui sont en communion spirituelle à la fois avec Dieu par Jésus-Christ et entre eux. Là est là source de leur amour fraternel.
II. Un amour qui abonde
1. Lisez Philippiens 1.1-11 :
Nous construisons le plus souvent nos relations en fonction de nos affinités. Sur quoi repose la l’amour de Paul pour les Philippiens ?
Piste : Lisez 1.5 ; 1.6-7
2. Quelles différences remarquez vous entre l’amour « selon la Bible » et l’amour « selon notre culture actuelle » ? Ces différences peuvent-elles avoir des conséquences dans nos vies de chrétiens ?
Piste : relisez 1 Corinthiens 13.4-7 : notre société voit l’amour comme un sentiment, associé au désir et concernant surtout les émotions. Dans la description de l’amour faite par Paul, qu’est-ce qui relève du sentiment ? De la volonté ?
L’amour selon Dieu est tourné vers l’intérêt de l’autre (voir prédication).
3. Comment pouvons nous savoir si nous aimons Dieu ? (Jean 14.21-23 ; 1 Jean 5.3)
4. Comment pouvons nous savoir si nous aimons vraiment les autres ? (1 Corinthiens 13.4-7 ; 1 Jean 3.16-18 ; 1 Jean 4.7-21)
Question personnelle pour la prière :
Est-ce que votre amour pour Dieu et pour les autres « abonde de plus en plus en en connaissance et en vraie sensibilité » ?
Appliquez pour vous cette prière de Paul, et priez aussi pour les autres du groupe.
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