Prédication du dimanche 20 septembre 2020 - 1 Jean 4.9-11 : Enracinés dans l’amour dont Christ est le modèle (S.Guiton)


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Cette semaine, le thème du Chemin de rentrée est : 

« enraciné dans l’amour dont Christ est le modèle ». 

Quelqu’un a dit : « la clé de voûte de la révélation chrétienne, c’est l’amour »[1]

 

C’est bien le cœur du message du Christ, qui affirme que notre tâche principale, dans ce monde, c’est d’aimer :  « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être et de toute ta pensée.” 38 C'est là le commandement le plus grand et le plus important. 39 Et voici le second commandement, qui est d'une importance semblable : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même.” 40 Toute la loi de Moïse et tout l'enseignement des prophètes dépendent de ces deux commandements. »

 

Un célèbre texte de la Bible décrit quel est cet amour dont Jésus parle : 1 Corinthiens 13. Nous n’allons pas le méditer aujourd’hui, il le sera verset par verset cette semaine (un canevas pour les petits groupes est aussi proposé). 

Écoutons cependant, pour entrer en matière, ce bel hymne à l’amour. 

 

Lecture : 

1 Corinthiens 13

Supposons que je parle les langues des êtres humains et même celles des anges : si je n'ai pas d'amour, je ne suis rien de plus qu'un métal qui résonne ou qu'une cymbale bruyante.
2J e pourrais transmettre des messages reçus de la part de Dieu, posséder toute la connaissance et comprendre tous les mystères, je pourrais avoir la foi capable de déplacer des montagnes, si je n'ai pas d'amour, je ne suis rien !
Je pourrais distribuer tous mes biens aux affamés et même livrer mon corps aux flammes, si je n'ai pas d'amour, cela ne me sert à rien !
L'amour est patient et bon, il n'est pas envieux, ne se vante pas et n'est pas prétentieux ;
l'amour ne fait rien de honteux, n'est pas égoïste, ne s'irrite pas et n'éprouve pas de rancune ;
l'amour ne se réjouit pas du mal, il se réjouit de la vérité.
En toute circonstance il fait face, il garde la foi, il espère, il persévère.

Comment vivre un tel amour ? Est-ce seulement possible ? 

Quand on lit ce texte dans les mariages, est-ce qu’on n’est pas en train de décrire un idéal que justement, les mariés n’atteindront jamais ? Un rêve qui peut mener à de grandes désillusions ? 

Parce que nous ne parvenons pas à vivre l’amour dont nous rêvons, nous pouvons en arriver à croire qu’il n’existe pas, que ce n’est pas possible. 

 

C’est ici que la Bible vient nous ouvrir un chemin. Elle ne se contente pas de décrire un idéal, elle indique aussi le chemin à suivre pour avancer vers lui. Un chemin sur lequel nous ne sommes pas seuls, car Jésus l’a déjà parcouru, jusqu’au bout. Il est lui-même le modèle de l’amour, et un guide sûr en la matière. 

 

1 Jean 4.7-16

9 Voici comment Dieu a manifesté son amour pour nous : il a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous ayons la vie par lui. 

10 Et voici en quoi consiste l'amour : ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c'est lui qui nous a aimés ; il a envoyé son Fils qui s'est offert en sacrifice pour le pardon de nos péchés.

11 Très chers amis, si c'est ainsi que Dieu nous a aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres ! 

 

Si notre tâche principale, dans ce monde, c’est d’aimer, nous voulons savoir comment.

La réponse de Jean à cette question n’est pas théorique : il nous renvoie à ce que Dieu a fait en Jésus : « il a envoyé son Fils qui s'est offert en sacrifice pour le pardon de nos péchés ». 

 

Un commentateur écrit que : « l’amour que Dieu a manifesté est le sol dans lequel s’enracine la vie de foi »[2]

 


Jean dit cela : c’est l’amour de Dieu pour moi qui est premier, et va me permettre d’aimer. Voilà le sol où m’enraciner pour aimer à mon tour : « si c'est ainsi que Dieu nous a aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres ! » 

 

Cet amour se présente ici sous trois facettes principales : un amour qui agit, un amour qui s’engage, et un amour qui, dans cet engagement, se met en situation de vulnérabilité – et assume cela. 

Déjà, on devine que la barre va être placée haut ! Oui, nous allons avoir besoin de nous enraciner solidement dans l’amour de Dieu si nous voulons, à notre tour, aimer ainsi. 

 

1.     L’amour agit pour l’autre

 

 « L’amour de Dieu s’est manifesté ». Et comment ? Par des actes d’abord, souligne Jean par plusieurs  des verbes d’action : Dieu a envoyé son Fils qui s’est offert en sacrifice…

 

Ces verbes expriment un mouvement de don, pour le seul profit de l’autre : « Il envoyé son Fils – son Fils unique - qui s'est offert en sacrifice pour le pardon de nos péchés ».

Dans le sacrifice de Jésus, le plus grand profit n’est-il pas pour nous ? Ainsi l’amour est un mouvement vers l’autre, pour son bien, ce qui se manifeste particulièrement dans le pardon, que Jean évoque ici comme exemple suprême d’amour. Après un conflit, est-ce qu’il ne faut pas beaucoup d’amour pour revenir vers l’autre et poser les gestes, les paroles qui peuvent permettre une réconciliation ? 

Dieu nous donne l’exemple d’un tel mouvement, et promet aussi de nous donner la force d’agir ainsi. Nous enraciner en lui, ici, ce sera compter sur la force de son Esprit qui est promise juste après, au verset 13. Cet Esprit qui, dit Paul « déverse en nous l’amour de Dieu » et nous rendra capable de poser de vrais actes d’amour. 

 

Quels sont ces actes ? 1 Corinthiens 13 nous donne toutes sortes d’exemples : …

A travers cette description, c’est le visage de Jésus qui apparaît, lui qui est l’amour fait homme. Jésus c’est en personne. L’amour de Dieu avec le visage d’un frère. Source d’inspiration, modèle de comportement.

 

Ce qui fait dire à Madeleine Delbrêl, une spirituelle du XXe siècle : « On n’apprend pas l’amour, on fait peu à peu sa connaissance, en faisant la connaissance du Christ » (La joie de croire, p.96)

 

Plus je découvre, dans les Évangiles, comment Jésus a parlé et agi, comment il est allé à la rencontre des autres, plus je découvre ce que signifie concrètement ce mouvement vers l’autre qu’est l’amour.

C’est une façon de nous enraciner dans cet amour dont Christ est le modèle. 

 

2.     L’amour s’engage envers l’autre.

 

Dieu n’a pas fait que nous dire de belles paroles : il a engagé son être dans sa démarche envers nous. Il a donné son Fils Unique, qui est venu jusqu’à nous en se dépouillant de sa puissance divine, pour finir exécuté sur une croix, humilié. Sur ce don de soi, Dieu a scellé une nouvelle alliance avec l’humanité.  

Ainsi tout amour véritable implique un engagement profond envers l’autre. 

Il y a beaucoup de malentendus sur cette notion d’engagement dans l’amour. On ne voit souvent que des aspects négatifs, ou bassement légaux. L’engagement du mariage notamment serait quelque chose d’enfermant - passer la corde au cou - motivé par la peur, alors que le vrai amour n’aurait pas besoin de tout ça. 

Mais le sens du mariage est justement de manifester socialement et publiquement la profondeur du don de soi que l’on fait à l’autre. Un don sans limite de validité, et qui ose défier même le temps. 

Si je ne me donne à l’autre qu’à condition que… que tant que… que jusqu’à ce que… que de façon « raisonnable » - pas trop quand même – quelle est la valeur de mon don ? Jusqu’où ma main ne reste pas un peu serrée sur ce que je donne, par peur de perdre ? Or l’amour véritable « ne cherche pas son propre intérêt ». Dieu a donné son Fils, sans rien retenir. La mort de Jésus est la garantie de la solidité de son engagement, de son amour, comme le dit Paul aux Romains (8. 31-32)

 

«  Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Même à son Fils, Dieu n'a pas évité la souffrance, mais il l'a livré pour nous tous. Alors, avec son Fils, il va tout nous donner gratuitement…. Rien ne pourra nous séparer de l'amour que Dieu nous a montré dans le Christ Jésus, notre Seigneur ».

 

Que notre foi s’enracine aussi solidement dans une telle déclaration ! 

 

3.     L’amour accepte sa vulnérabilité. 

 

 « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis », a dit Jésus. 

En donnant sa vie sur la croix, Jésus a prouvé la réalité de son amour , il nous a réouvert le chemin vers Dieu, et, en même temps, s‘est mis volontairement en situation de vulnérabilité devant les hommes, devant leur rejet, leur incompréhension

Ce jour-là, plusieurs de ceux pour qui Jésus était en train de mourir se moquaient de lui, lui crachaient leur mépris. 

Aujourd’hui encore Dieu offre son amour et son pardon à chacun d’entre nous, sans poser de condition préalable sinon la foi, dans le but que nous « ayons la vie » éternelle. Il nous revient à chacun d’accepter ou pas cet amour et cette vie. 

 

Ainsi l’amour véritable nous met en situation de vulnérabilité face à l’autre et nous expose au risque du rejet.

 

Or être rejeté est l’une des plus grandes peurs. De celles qui nous tiennent emprisonnés, en lutte avec notre désir d’amour. 

 

Il suffit de penser à ce moment critique, quand on est amoureux, de la déclaration : ce moment où vous ne pouvez plus garder pour vous cet amour qui vous tient. Il faut le dire à l’autre… et courir le risque du « non ». Être rejeté est l’une des épreuves les plus difficiles à vivre. Pour certaines personnes qui ont été blessées, cela peut même devenir une peur si profonde qu’elle peut orienter toute leurs actions – tout sauf ça, tout encaisser, tout accepter pour ne surtout pas être rejeté. 

Bien sûr, quand on a déjà couru le risque de la vulnérabilité, et qu’on a été blessé, avancer à petits pas prudents est légitime. Si, aux terrasses des cafés, les masques ne sont pas obligatoires, combien de couples en premier RDV en portent – sur leurs sourires, leurs paroles choisies, leurs confidences prudentes… Faire confiance et accepter de se livre nécessite un long chemin, parfois, mais l’amour est à ce prix. 

Il demande parfois que nous abattions ces murs que nous avons dressés pour nous protéger, à un moment, mais qui aujourd’hui peuvent nous enfermer. 

 

L’amour de Dieu pour nous, et la puissance de son Esprit, peuvent nous aider à sortir de nos enfermements pour aimer plus librement. 

 





Cet amour est bien le sol dans lequel nous enraciner pour grandir dans l’amour. 

 

S’enraciner dans l’amour de Dieu. Jean utilise plutôt le terme « demeurer » - en Dieu, dans son amour, qui exprime un peu la même idée. 

Demeurer en Dieu, c’est déjà croire ses promesses, lui faire confiance, compter sur son aide. 

 

C’est aussi s’enraciner dans son amour qui nous a précédés, qui nous a créés et qui est comme une corde qui nous assure, pour que nous puissions aimer à notre tour. 

 

Son regard de grâce posé sur nous peut nous aider à être plus libres par rapport au regard des autres, avoir moins besoin de plaire, moins peur de ne pas être validé. Avoir moins peur du rejet. 

« Si mon père et ma mère m’abandonnent, toi, Seigneur, tu me recueilleras », promet le Psaume 27.10. 

Cela ne veut pas dire que le mal en nous ne provoque pas sa désapprobation. Mais il a choisi ne pas nous rejeter, parce que Jésus a déjà payé le prix à notre place. 

Au contraire, son Esprit en nous veut être une sève bienfaisante pour infuser son amour au plus profond de nos cœurs – et nous transformer de l’intérieur

 

« Notre tâche dans ce monde... »

 

Ainsi, notre tâche principale, dans ce monde, c’est d’aimer. D’un amour agissant, engagé vers l’autre pour donner, et prêt à prendre des risques. 

C’est vrai, le chemin qui mène à cet amour auquel nous aspirons tous n’est pas facile, mais Jésus y marche avec nous, comme un modèle, un maitre, un ami. 

 

Peut-être que des blessures comme la peur du rejet nous retiennent d’aimer pleinement, librement. Avec Dieu, il est possible d’en guérir. Cela peut demander du temps, et peut-être l’aide d’un thérapeute, mais rien n’est impossible à Dieu

 

Il nous aidera dans ce travail, mais c’est à nous de commencer, de nous mettre en route, de faire sans attendre un pas vers les autres. 

Passer de la réflexion à l’action, commencer à aimer modestement mais concrètement, en comptant sur lui. 

 

C’est un défi à la fois personnel et communautaire, car rien qu’au sein de l’Église nous avons tous à faire un « premier » pas vers quelqu’un.      

 

Question : 

Vers qui Dieu m’appelle-t’il à faire un pas aujourd’hui ? Et quel pas? 

Y a t’il des craintes qui me retiennent de faire ce pas ? Ai-je peur d’être rejeté ? 

Je remets cela à Dieu dans la prière. J’en parle à une personne de confiance. 

 



[1] Sœur Evangéline, Soyez le ciel pour vos contemporains, Ed.Olivétan, p.27

[2] M. Bouttier, L’Epître aux Ephésiens, p.159

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