Prédication du 3 mai 2020 - Actes 13.44-52 - Notre responsabilité dans la mission (S. Guiton)

Prédication du 3 mai 2020
Actes 13.44-52
Notre responsabilité dans la mission
(Culte spécial mission)


Nous avons été invités, dans la présidence, à « partager la joie de la Bonne Nouvelle » ! La joie de se découvrir aimé par Dieu, accueilli par lui pour la vie éternelle, par la foi en Jésus…
Voilà bien ce qui motive la mission chrétienne ! 

Le livre des Actes que nous méditons en ce moment raconte comment cette belle nouvelle, hélas, a été, depuis le début, accueillie de façon très diverse. Avec joie, en effet, par beaucoup. Mais elle a aussi suscité beaucoup d’hostilité, de la part des autorités juives notamment – on l’a vu encore la semaine dernière, en Actes 12. 
Pourtant, c’est d’abord aux juifs, c’est-à-dire aux proches des premiers chrétiens, qu’était destiné l’Evangile. C’est dans un 2e temps seulement que Dieu a amené l’Église à se tourner vers le monde extérieur. Alors seulement est née la mission, telle que nous la connaissons aujourd’hui. 

Le récit des Actes que nous allons méditer raconte un moment important de cette ouverture. 
Nous sommes peu après la conversion de Paul. Celui-ci arrive à Antioche, en Turquie (son pays natal). Là, sa prédication a un impact particulièrement fort. Après son exposé, plusieurs juifs lui demandent « de revenir au prochain jour du sabbat » pour continuer à parler de Jésus. 
Nous lisons la suite en Actes 13.44-52

44 Le sabbat suivant, presque toute la population de la ville s'assembla pour entendre la parole du Seigneur. 
45 Quand les Juifs virent cette foule, ils furent remplis de jalousie ; ils contredisaient Paul et l'insultaient. 
46 Paul et Barnabas leur dirent alors avec assurance : « Il fallait que la parole de Dieu vous soit annoncée, à vous d'abord. Mais puisque vous la repoussez et que vous vous jugez ainsi indignes de la vie éternelle, eh bien, nous irons maintenant vers ceux qui ne sont pas Juifs. 
47 Voici en effet ce que nous a commandé le Seigneur :
“Je t'ai établi comme lumière pour les peuples,
afin que tu apportes le salut jusqu'au bout du monde !” »
48 Quand ceux qui n'étaient pas juifs entendirent ces mots, ils se réjouirent et louèrent la parole du Seigneur. Et tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants. 
49 La parole du Seigneur se répandait dans toute cette région. 
50 Mais les autorités juives excitèrent les femmes de la bonne société qui reconnaissaient l'autorité de Dieu, ainsi que les notables de la ville ; elles provoquèrent une persécution contre Paul et Barnabas et les chassèrent de leur territoire. 
51 Les deux hommes secouèrent contre eux la poussière de leurs pieds et se rendirent à Iconium. 
52 Quant aux disciples à Antioche, ils étaient remplis de joie et de l'Esprit saint.


La mission est l’œuvre du Dieu souverain

Non, l’Evangile n’est pas toujours accueilli avec joie. De fait, si les uns sont touchés et croient, pour être sauvés, d’autres au contraire s’opposent. 
Luc, l’auteur du texte,  nomme ces opposants les « juifs », ce sont surtout les responsables religieux. 
L’enthousiasme de Luc le pousse peut-être à exagérer un peu l’impact positif de la prédication de Paul (« presque toute la population de la ville s’assembla pour entendre la parole du Seigneur », ça fait rêver). Mais il n’exagère pas l’opposition : Paul est contredit, insulté. Puis les autorités juives s’appuient sur des femmes « de la bonne société », très influentes dans cette partie du monde, pour expulser les apôtres de la ville, probablement avec violence.

Cette triste exclusion n’est pas le plus important, pour Luc. Ce qui compte, c’est la souveraineté de Dieu dans le salut qui apparaît ici : Dieu utilise ce refus des Juifs pour ouvrir plus largement encore ses bras à l’humanité, enamenant Paul et Barnabas à annoncer l’Evangile aux non-juifs. 

La mission est l’œuvre du Dieu souverain

Luc insiste sur ce point. Il souligne l’affirmation de Paul : « Il fallait que la parole de Dieu vous soit annoncée, à vous d'abord. Mais puisque vous la repoussez et que vous vous jugez ainsi indignes de la vie éternelle, eh bien, nous irons maintenant vers ceux qui ne sont pas Juifs ».

Et plus loin, au verset 48 : « Quand ceux qui n'étaient pas juifs entendirent ces mots, ils se réjouirent et louèrent la parole du Seigneur. Et tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants »

Dieu avait préparé le cœur de ces personnes, comme le montre leur réaction de joie. 
Une joie qui vient de Dieu, car la mission est d’abord son œuvre, son désir, son projet. 

C’est ce que Paul affirme en citant Esaïe : « Voici en effet ce que nous a commandé le Seigneur :
“Je t'ai établi comme lumière pour les peuples,
afin que tu apportes le salut jusqu'au bout du monde !” »

En réalité, ce n’est pas aux apôtres que ces mots s’adressent à l’origine, mais à un personnage nommé le Serviteur, qui annonce le Christ. 



Huit siècle après, Jésus se présentera comme étant ce Serviteur, en s’appliquant ces mots que Gilles nous a lu : « l'Eternel m’a consacré par onction pour annoncer de bonnes nouvelles aux pauvres ».
Puis ici, Paul se place à son tour dans la continuité de Jésus. 
Une façon de dire : l’Église poursuit la mission du Christ. Par l’Eglise, c’est Dieu lui-même qui est en mission, parti à la recherche de ses enfants perdus, pour les ramener à la maison. 

Cette vérité biblique est très importante pour comprendre notre rôle dans la mission. Comme l’écrit le théologien Christopher Wright, « du point de vue biblique, la mission n’est pas avant tout quelque chose qui dépend de nous ou nous appartient. La mission, pour nous, signifie la participation résolue du peuple de Dieu aux desseins de Dieu pour le (salut) de la création tout entière. La mission est à Dieu. Ce qui est formidable, c’est que Dieu nous invite à en faire partie »[1]

C’est formidable, parce que cela signifie que le poids de la mission ne repose pas tout entier sur nos épaules : nous sommes associés à Dieu, qui dirige la mission – et, oui, c’est un soulagement ! 

Notre responsabilité dans la mission

Un soulagement parce qu’il faut l’avouer, il n’est pas toujours facile de porter sur nos épaules ce « devoir de mission » qu’on nous rappelle sans cesse.  
D’abord parce que l’idée de mission est encore entachée par les dérives du passé, la colonisation, l’utilisation de l’Evangile pour asservir des peuples et détruire des cultures…
Ensuite parce qu’en voulant nous motiver, on nous rend parfois responsables de la perdition des autres – tous ces gens que notre manque d’audace dans le témoignage condamnerait à être séparés de Dieu pour l’éternité… 
Est-il juste de porter tout cela ? 
Cette charge de culpabilité explique peut-être le manque d’enthousiasme de beaucoup de chrétiens pour la mission… c’est lourd à porter ! 

Pour libérer notre témoignage, il est donc important de comprendre quelle est notre véritable responsabilité ici.C’est précisément ce que Luc éclaire ici, à travers l’exemple des apôtres.

Quelle est la responsabilité de Paul et Barnabas dans la mission ? 

D’abord, faire connaître Jésus-Christ et l’Evangile
Comment en effet,  (les gens) mettront-ils leur foi en Jésus-Christ sans en avoir entendu parler ? Paul rappelle cette évidence en Romains 10.
Voilà l’essentiel. 
On dit « je fais donner mon témoignage ». Mais le focus n’est pas sur nous : 

« dans notre prédication, dit Paul, ce n'est pas nous-mêmes que nous annonçons, mais c'est Jésus Christ comme Seigneur »  (2 Co 4.5).

Le point central, le message de la mission ce sont Jésus et son œuvre, ancrés dans l’histoire des hommes, et tels que rapportés dans la Bible. 

A nous de partager cela, avec cœur et intelligence. Le Saint Esprit nous a été donné pour rendre ce partage possible, pour l’inspirer – parce que Dieu veut sauver ses enfants ! 

La responsabilité des apôtres allait-elle au-delà de cette proclamation ? 

L’affirmation tranchée de Paul au v.46 montre qu’il renvoie chacun à sa liberté de réponse : « puisque vous (…) repoussez (la Parole de Dieu » et que vous vous jugez ainsi indignes de la vie éternelle, dit-il aux Juifs, eh bien, nous irons maintenant vers ceux qui ne sont pas Juifs ». Le choix de ne pas croire est clairement présenté comme le choix libre de ces personnes. Ce sont elles qui sont responsables de leur réponse, pas les apôtres. 

Dans le même temps – et c’est là un grand mystère - Dieu est aussi désigné au v.48 comme responsable principal du salut : 

« Tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants ».

Cette formulation peut surprendre, et même choquer, en donnant l’impression d’une sorte de fatalité injuste : d’un côté ceux qui ont la chance d’être « destinés à la vie éternelle »… et les autres ? Condamnés à mourir sans rien pouvoir faire ? Dieu interdirait à certains de croire ? 
Ce sujet de l’élection divine dans le salut, qui est proclamé dans tout le NT, et fait débat depuis des siècles ! 
Car Paul écrit aussi : « Si, de ta bouche, tu reconnais devant tous que Jésus est le Seigneur et si tu crois de tout ton cœur que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, tu seras sauvé » (Ro 10.9).

Comment donc articuler l’appel à une démarche de foi personnelle, et l’idée que c’est Dieu qui « destine à la vie éternelle » ?! 
Voilà un sujet important dans la théologie protestante.

Revenons sur ce v.48 : « tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants »…
Le verbe grec traduit ici par « destinés… » signifie littéralement : « inscrire dans un registre ».  
Les temps utilisés, quant à eux, expriment l’idée d’une action qui a eu lieu dans le passé, mais qui a son effet dans le présent
Luc semble donc dire : Dieu avait déjà inscrit le nom des personnes qu’il allait sauver. Et lorsque ces personnes, entendant Paul, ont accepté le Christ par la foi, Dieu leur a accordé ce salut. 

Ainsi la souveraineté de Dieu qui choisit, appelle, et la réponse croyante de l’homme sont comme deux faces d’une même pièce de monnaie, il est inutile de chercher à les séparer
D’ailleurs Luc évoque le sujet sans débat, sans doute qu’il ne troublait pas les apôtres ; ils savaient que si nous sommes sauvés, ce n’est pas à nous que nous le devons – même pas à notre foi, qui n’est que la main qui accepte le don de Dieu. C’est à la grâce de Dieu, entièrement.  


Alors, que cette question ne nous déstabilise pas, mais qu’elle nous encourage même, car c’est une bonne nouvelle pour nous : 
cette assurance que le Dieu tout-puissant lui-même travaille pour nous sauver…
Qu’il désire cela plus que personne, alors qu’il ne nous doit rien…
que rien ne peut empêcher son amour d’accomplir ce qu’il a prévu… 
tout cela doit nous rassurer et libérer notre témoignage.

Parce que Dieu conduit la mission, nous pouvons être en paix, quoi qu’il arrive, comme les apôtres. 

On les attaque, on les chasse, mais ils restent sereins. Ils ont fait leur part, alors ils peuvent quitter Antioche en secouant contre leurs adversaires la poussière de leurs pieds, ce qui est un geste très fort, qui signifie : pas de regrets. On a fait ce qu’on a pu, on remet l’autre à Dieu, pour qu’il s’en occupe.
Jésus lui-même a demandé à ses disciples de faire ça dans les lieux où on ne les recevrait pas. Ce n’est pas un geste de mépris, mais de confiance en Dieu

Parce que Dieu conduit la mission, nous pouvons être audacieux dans le témoignage de l’Evangile, oser affronter l’opposition : le St Esprit est notre force

Parce que Dieu conduit la mission, nous pouvons être patients : Dieu sauve en son temps, selon son plan, pas le nôtre
Nous pouvons résister au découragement quand nous constatons que nos paroles suscitent surtout de l’indifférence ou du mépris : Dieu, lui, sait ce qu’il fait.

C’est une vraie souffrance quand ceux que nous aimons restent loin de Dieu. On peut se sentir coupable là encore – se demander ce qu’on a râté – et sans doute nous sommes tous des témoins maladroits, conduits par la peur plus que par l’amour, trop souvent… 
Nous devons certainement demander pardon pour ça, mais aussi nous faire grâce : car c’est Dieu seul qui sauve. 

C’est pourquoi notre part est enfin de prier, avec persévérance, pour le salut des autres. Que Dieu ouvre leurs cœurs à sa vie, la vie éternelle. 

Pendant des années, la mère de St Augustin a prié pour la conversion de son fils, avec des larmes, avec persévérance. Et Dieu l’a exaucée. 

Voilà donc le récit d’un problème que Dieu utilise pour sa gloire.
La conclusion est encourageante : « les disciples… étaient remplis de joie et d’Esprit Saint ». 
Que le Seigneur nous accorde de l’être, nous aussi, engagés avec lui dans la mission. 
Qu’il nous remplisse de paix et d’audace, de persévérance et de foi. 

Amen  


Quels actes concrets puis-je accomplir, à mon niveau, pour assumer ma responsabilité dans la mission du Seigneur ? Je lui demande de m’éclairer. 

Je m’engage à prier régulièrement pour quelqu’un qui ne connaît pas encore Jésus. Je demande à Dieu de me porter, de m’inspirer dans cette prière. 
Je lui demande de renouveler ma foi dans sa souveraineté, mon espérance. 




Sylvain Guiton 


[1] C. Wright, La mission de Dieu, XL6, p.66

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