Prédication du 27 janvier 2019 - Série « nous croyons… » (1/5) - Ephésiens 2.1-10

Dans la crise profonde que notre pays traverse en ce moment, la question du « lien social », de ce qui nous unit les uns aux autres dans ce pays, se pose avec force. On parle beaucoup de fractures - entre ville et campagne… entre les politiques et les citoyens… entre les médias et le terrain… entre riches et pauvres… 

Et nous, qu’est-ce qui nous unit ? Il m’a semblé important d’amener la question, déjà, au sein de notre assemblée, en abordant aujourd’hui une série de prédications consacrées aux fondements de notre foi chrétienne, à ce que « nous croyons ». 

Jésus nous l’a appris, l’essentiel c’est l’amour. C’est la fraternité. Comment resserrer nos liens si nous ne sommes pas au clair sur ce que nous partageons, sur ce qui fait de nous des frères et des soeurs ? Au sein de la crise de fraternité que traverse notre pays, la question me semble pertinente. 

Certes, les dogmes n’ont pas très bonne presse à notre époque. Mais sans nous enfermer dans un dogmatisme malsain, il faut bien faire reposer notre foi sur des bases solides, des éléments objectifs.

Modestement, la confession de foi de notre union d’Eglises  propose une formulation de ces bases doctrinales, et il m’a semblé intéressant de m’appuyer sur elle pour les parcourir avec vous. 


Que cette méditation des piliers de notre foi - série intitulée « nous croyons… » - nous aide à approfondir notre compréhension de l’amour de Dieu, qu’elle puisse nourrir notre louange et resserrer nos liens ! Que la vérité de Dieu manifestée en Jésus-Christ éclaire nos vies, dans ce pays et cette époque où Dieu nous a appelés à vivre. 


Commençons donc par un premier « nous croyons » :
« Nous croyons en Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, un seul Dieu béni éternellement. Il a créé le ciel et la terre, les choses visibles et invisibles, il a fait l'homme à son image. L'homme s'est révolté contre son Dieu, encourant ainsi sa colère. Dès lors, captive du men- songe, incapable de servir son créateur, l'humanité est livrée à la perdition. Mais Dieu, dans sa miséricorde, ne l'a pas abandonnée à la mort, il a envoyé son Fils dans le monde ». 

Pour ancrer bibliquement ces affirmations, nous méditerons un passage de la deuxième lettre de l’apôtre Paul aux Ephésiens : 2.1-10. 
Paul vient de décrire, dans un magnifique cantique, la grandeur du projet d’amour de Dieu pour nous en Jésus-Christ. Puis il continue ainsi : 

1 Quant à vous, vous étiez morts à cause de vos fautes et de vos péchés, 2 que vous pratiquiez autrefois conformément à la façon de vivre de ce monde, conformément au prince de la puissance de l’air, de l’esprit qui est actuellement à l’œuvre parmi les hommes rebelles. 3 Nous tous aussi, nous étions de leur nombre: notre conduite était dictée par les désirs de notre nature propre, puisque nous accomplissions les volontés de la nature humaine et de nos pensées, et nous étions, par notre condition même, destinés à la colère, tout comme les autres.
4 Mais Dieu est riche en compassion. A cause du grand amour dont il nous a aimés, 5 nous qui étions morts en raison de nos fautes, il nous a rendus à la vie avec Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés –, 6 il nous a ressuscités et fait asseoir avec lui dans les lieux célestes, en Jésus-Christ. 7 Il a fait cela afin de montrer dans les temps à venir l'infinie richesse de sa grâce par la bonté qu’il a manifestée envers nous en Jésus-Christ.
8 En effet, c'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu. 9 Ce n'est pas par les œuvres, afin que personne ne puisse se vanter. 10 En réalité, c’est lui qui nous a faits; nous avons été créés en Jésus-Christ pour des œuvres bonnes que Dieu a préparées d'avance afin que nous les pratiquions.



Ce passage, dans ses parties clairement articulées par le « mais » du v.4, met le focus sur deux réalités exprimées dans la confession de foi : Dieu le créateur (sujet des v. 4 à 10), a créé les humains à son image, ces humains qui se sont révoltés contre lui.  
Ainsi, les versets 1 à 3 décrivent en quelques mots rapides mais précis et implacables, ce qu’est la vie des hommes sans Dieu, en dehors de Jésus-Christ. 
Les termes sont durs : « vous étiez morts à cause de vos fautes et de vos péchés ». Paul décrit une vie sans liberté, livrée à des influences diverses, une vie destinée « à la colère », c’est-à-dire au jugement que Dieu, dans sa parfaite sainteté, exercera contre ceux qui pratiquent le mal en rejetant son pardon. 

Certains diront peut-être : voilà bien les chrétiens ! Sinistres, négatifs, pleins de jugement sur les autres…. moralisateurs ! Si l’Evangile est une « bonne nouvelle », pourquoi commencer par dresser un tel tableau ? Pourquoi mettre le focus sur le mal, sur le « péché »? Une vision aussi tragique de la vie humaine est-elle seulement pertinente ?

La remarque me semble juste. Il faut déjà éclaircir cette notion de péché, car elle constitue un des principaux axes de la pensée biblique. Dès le début, les chrétiens ont confessé un Christ « mort pour nos péchés ». Qu’est-ce que ça veut dire ? 




Pour commencer, deux instantanés, parmi d’autres. 
Que pensez-vous de cela ? 

(tag photographié près du bouquet de la place Bellecour après une manifestation des gilets jaunes en novembre). 




Difficile de ne pas faire le constat que quelque chose ne va pas chez les humains… tant de raffinement, d’avancées technologiques, de merveilles artistiques, de générosité… et en même temps ça ! Comment peut-on arriver à une telle haine, à de telles injustices dans la répartition des richesses ? D’où vient le problème ? 

La Bible répond que c’est parce que quelque chose de très précieux a été brisé en nous, et que notre relation avec Dieu a été rompue. Le « péché » évoque cette rupture, et tout ce qu’elle entraîne.






Principale conséquence de cette rupture : un dysfonctionnement du coeur humain, que Jésus identifie comme la principale source des problèmes du monde.

Le récit biblique affirme que nous sommes en même temps les héritiers et les continuateurs d’une rébellion ancienne contre Dieu - initiée par Adam et Eve, nos lointains parents. Rébellion qui se traduit par un désir de tout contrôler comme si nous étions Dieu… De tenir nous-mêmes le gouvernail de notre vie sans Dieu. Méfiance envers les règles qu’il nous donne pourtant pour que nous soyons heureux et que nous évitions de nous faire du mal.

Cette posture universelle de l’humanité nous coupe de Dieu et nous détruit, car « le salaire du péché, c’est la mort », dit Paul ailleurs. « Il n’y a pas de juste, pas même un seul. Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ». Personne n’y échappe. 



Parce que nous sommes en rupture avec le Dieu de la vie - privés de sa « gloire », de sa présence, de la communion avec lui, nos vies ont perdu leur centre de gravité - et nous vivons dans une recherche permanente d’équilibre intérieur, de satisfaction, que Saint Augustin résumait ainsi : « Il y a dans le coeur de l’homme un vide en forme de Dieu ». 

Quels sont les fruits de cette rupture ? L’orgueil, l’envie, le narcissisme, le mensonge, le perfectionnisme… Voilà ce que à quoi Paul fait allusion quand il évoque des « fautes » et des « péchés ». Autant de choses qui nous empêchent d’aimer et d’être aimé pleinement
Ainsi, tout le monde sait que mentir à ses proches, c’est risquer de casser la confiance, et de les blesser, au risque de perdre le lien… alors pourquoi continue-t’on à mentir ? 

Personnellement, ce que la Bible dit du péché nourrit ma conviction qu’elle est inspirée. Pour moi la question du mal est un mystère, une plaie ouverte. Et quand Paul écrit : « nous accomplissions les volontés de la nature humaine et de nos pensées ». », ça correspond à mon expérience personnelle, et j’ai bien vu quelle impasse ça pouvait être. 
J’aime aussi l’humilité que la Bible nous impose : personne ne peut parler du péché d’en dehors, pour juger les autres et leur faire la morale. « Nous aussi, dit Paul, nous étions » comme les autres.
Qui ne fait pas le constat qu’il y a en lui des forces dont il n’est pas vraiment maître, qui le poussent à faire ce qui est mauvais pour lui et dont il peut même être esclave ? Il suffit de penser aux nombreuses addictions présentes dans notre société - à l’alcool, aux écrans, à la pornographie, à la nourriture même… pour mesurer la pertinence de ce discours. 
Il n’y pas les « bons » et les « méchants ». Eux et moi. Eux et nous. Tout le monde est concerné. 
« Le problème n’est pas quelque chose d’externe, disait quelqu’un, le problème c’est cette sorte de bête affamée qui vit en moi ». 

Plus difficile à admettre pour nos esprits cartésiens, Paul accuse aussi l’influence spirituelle de Satan, le « prince de la puissance de l’air », «  l’esprit qui est actuellement à l’œuvre parmi les hommes rebelles ». 
En grec, l’expression « la puissance de l’air » exprime une sorte de « pollution atmosphérique » du mal… le péché comme une « ambiance spirituelle », un « état d’esprit général », un « climat » qui englobe un peu tout, comme un nuage vaporeux mais nauséabond et réellement toxique. Je trouve l’image très pertinente pour nous, qui vivons au temps des particules fines ! 
Est-ce qu’on ne voit pas aussi les fruits du péché dans nos structures culturelles, sociales et économiques (inégalités, prétention, pouvoirs abusifs…) - là où le Dieu argent règne en maitre ?

Reposons maintenant cette autre question : pourquoi est-ce si important d’insister sur tout cela ? 
Est-ce qu’on ne fait pas que ça, voir le mal ? Est-ce qu’on n’en pas notre dose, justement, des saletés que les humains sont capables de produire ? Est-ce qu’on a besoin d’appuyer là où ça fait mal - de dire en plus qu’on a tous notre part de responsabilité, que personne n’est innocent ? 
D’accord, Paul vient crier « tous pourris », et où ça nous mène ? A part nous culpabiliser, nous désespérer… à quoi ça sert ? 



La réponse nous est amenée par un tout petit mot lourd de sens, au v.4 : « mais ».
La vie humaine est pleine de souffrances et de difficultés, mais Dieu nous aime d’un grand amour. 
Nous étions esclaves de toutes sortes de choses plus fortes que nous, qui nous tiraient vers les bas mais par grâce, càd gratuitement, sans que nous le méritions, « Dieu nous a rattrapés et « fait asseoir avec lui dans les lieux célestes, en Jésus-Christ ».  
Malgré nos efforts, nous n’arrivons pas à vivre une vie de paix et d’amour, mais « à cause du grand amour dont il nous a aimés… », Dieu nous sauve, il nous « crée pour des oeuvres bonnes », il nous rend capable d’aimer vraiment. 

Comment saisir vraiment la profondeur de l’amour de Dieu pour moi si je ne suis pas conscient d’où il m’a tiré ? Si je minimise la maladie dont j’ai été atteint, en refusant de croire que mes jours étaient en danger, comment pourrais-je être vraiment reconnaissant envers le médecin qui a permis ma guérison - et ici, en allant jusqu’à donner sa vie pour que je vive ? 

Le but, c’est donc d’abord la reconnaissance, la louange : merci Seigneur !
Ce « mais » nous remet aussi en route ; il ouvre une espérance extraordinaire : nous ne sommes pas prisonniers de ce système mortifère mais le Christ nous a ouvert une brèche. Il offre de nous transformer en profondeur : Dieu « nous a rendus la vie avec Christ », dit Paul : si le salaire du péché c’est la mort, le « salaire » de la foi c’est la vie éternelle. En espérance, par la foi en Jésus nous sommes déjà sortis d’affaire, à l’abri dans l’intimité du coeur de Dieu, « assis dans les lieux célestes », en quelque sorte. 

En nous révélant cela, Dieu vient dissiper le nuage de pollution du mal qui nous pousse à dire : « tous pourris », au risque de désespérer de l’humanité - et il y a de quoi, certains jours, n’est-ce pas ?

En Jésus, Dieu est justement venu prendre le taureau du mal par les cornes - sous toutes ses formes : pulsions destructrices, oppression sociale, conflits relationnels, influences démoniaques… il a tout pris en face, il a tout subi, jusqu’à la mort de la croix - mais il est ressuscité, et en est sorti vainqueur. 
Et il  nous appelle à nous positionner nous aussi fermement face au péché, et à faire barrage partout où il se présente à nous - dans nos coeurs, nos relations, notre travail, notre société… mais en lui opposant non des jugements et des discours moralisateurs, mais de l’amour et des « oeuvres bonnes ».

« Soyez vainqueurs du mal par le bien », dit Paul en Romains 12. 

Opposer par exemple un "welcome refugees" concret, dans l'accueil et l'amour, aux discours de haine (photo prise près du bouquet de fleurs de la place Bellecour)




Je finis avec cette vidéo de l’abbé Pierre qui circulait sur les réseaux sociaux autour des manifestations des gilets jaunes. Il s’agit d’un discours dans lequel l’Abbé Pierre, plein de colère, fustige sans détours les plus riches, « ceux qui ont pris tout le plat dans leur assiette », et qui se couchent pleins de bonne conscience « avec au regard de Dieu du sang sur leurs mains d’inconscients »…
Juste colère devant l’injustice, l’égoïsme, la lâcheté et la souffrance. 
Une dénonciation de péché de plus - « tous pourris » ? Non, car l’abbé Pierre est passé à l’action, et il a créé Emmaüs. 
Il a répondu au mal par des « oeuvres bonnes », en s’accrochant à Jésus-Christ. 


Alors ne désespérons pas, puisons du courage dans l’espérance que le Christ nous ouvre, et au lieu de nous focaliser sur le mal, au risque d’être happé et de tomber, concentrons-nous sur Jésus, et sur ces « oeuvres bonnes » que Dieu a préparées d’avance pour que nous les pratiquions. Il nous rendra capables de les accomplir par la puissance de son Esprit, pour que la lumière de la vie triomphe dans ce monde obscurci.

Amen 



Et moi, comment est-ce que je peux faire barrage au péché dans ma vie - en moi, autour de moi... - par la puissance de Christ ? 

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