La fatigue - "Ceux qui se confient en l'Eternel renouvellent leur force" - Esaïe 40.27-30 - Matthieu 11.28-30 (F. Separi)


Eglise de Lyon (Diapo noire)                                                                       le 24 juin 2018

Un membre de notre Eglise m’a envoyé récemment un article écrit par un théologien (Bernard Dumas), qui menait une réflexion sur le sentiment de fatigue qui semble gagner de plus en plus de terrain dans nos sociétés occidentales quel que soit l’âge, la profession, ou les circonstances réelles de notre vie … y compris les chrétiens. Et comme il m’arrive assez souvent de me plaindre de façon plus ou moins irréfléchie, plus moins spontanée sur ma fatigue latente, je me suis senti interpellé par cette étude. Comme souvent, l’interpellation personnelle est devenue une réflexion dans la prière, et la réflexion personnelle est devenue un message.  C’est la raison pour laquelle je vous invite à lire ce matin un passage de la Bible qui aborde cette question et j’ai choisi pour cela un extrait du livre du prophète Esaïe. Je vous invite à ouvrir votre Bible au chapitre 40 du prophète Esaïe et de commencer notre lecture à partir du v27 : (Diapo texte)

Esaïe 40 : 
27 Pourquoi dis-tu, Jacob, et pourquoi affirmes-tu, Israël : «Ma situation échappe à l'Eternel, mon droit passe inaperçu de mon Dieu» ? 28 Ne le sais-tu pas ? Ne l'as-tu pas appris ? C'est le Dieu d'éternité, l'Eternel, qui a créé les extrémités de la terre. Il ne se fatigue pas, il ne s’épuise pas. Son intelligence est impénétrable.
29 Il donne de la force à celui qui est fatigué et il multiplie les ressources de celui qui est à bout. 30 Les adolescents se fatiguent et s’épuisent, les jeunes gens se mettent à trébucher, 31 mais ceux qui comptent sur l'Eternel renouvellent leur force. Ils prennent leur envol comme les aigles. Ils courent sans s’épuiser, ils marchent sans se fatiguer.

Le mot « fatigue » apparait quatre fois dans ce texte, le mot « épuisé » trois fois, et l’expression « être à bout » une fois aussi … On est vraiment dans ce passage au cœur du problème ! Les mots en hébreux que l’on traduit en français par « fatiguer » ou « épuiser » ne sont pas tous identiques. La plupart suggèrent l’idée d’une personne vraiment dépassée par les circonstances de sa vie, mais il y a, malgré tout, des nuances entre les mots. Certains insistent sur les duretés objectives de la vie, d’autres font plutôt allusion à un manque de ressources intérieures, d’une sorte de défaillance personnelle, une lassitude du cœur !

De manière générale, la fatigue est une notion floue qui renvoie à une perte plus ou moins intense de force, de vitalité. Il faut bien sûr distinguer entre la fatigue physique et la fatigue psychique qui résulte d’une perte de désir, de motivation. Toutefois, il y a des liens entre toutes ces fatigues, même si elles ont des origines différentes. Car le physique influence le moral et inversement. La fatigue qui m’intéresse le plus ce matin, est bien sûr celle qui touche à notre âme, celle qui contribue à notre abattement, notre usure intérieure, celle pour laquelle Dieu fait cette promesse : 29 [Dieu] donne de la force à celui qui est fatigué et il multiplie les ressources de celui qui est à bout. (Diapo noire)

Mais avant de méditer le texte biblique de ce matin, j’aimerais observer ce qui se passe aujourd’hui dans la société française à ce sujet. Quand on rencontre un ami, un collègue que l’on n’a pas vu depuis plusieurs jours, il est habituel de faire suivre notre salutation par un « Comment vas-tu ? » Et même quand les circonstances de sa vie sont globalement bonnes, il est fréquent d’entendre au bout de quelques minutes, voir même au bout de quelques secondes : « Oui ça va, mais je suis crevé ! » « Oui, oui ça va, mais je n’en peux plus ! ». Faites l’expérience ; pas juste après mon message, mais plus tard quand tout le monde l’aura oublié !  Parler de sa fatigue de temps en temps est assez normal, mais le dire presque à chaque fois sans qu’on sache très bien en définir les causes, est beaucoup plus inquiétant. Quand, de plus, ce type de réponse jaillit de la bouche d’un nombre important de personnes différentes, alors ce n’est plus seulement le signe d’un déséquilibre personnel, mais plutôt le symptôme d'une fragilisation d’une société toute entière !

Il est assez amusant de voir le nombre de mots ou d’expressions qui sont utilisées en français pour exprimés cette impression de fatigue qui parfois nous colle à la peau (Diapo liste mots) : je suis … fatigué, crevé, vanné, lassé, épuisé, mort, sur les rotules, rompus, vidé, éreinté, exténué, usé, consumé, cassé, claqué, saturé, pompé, surmené … Et peut-être avez-vous d’autres propositions à me faire que j’ignore ? C’est impressionnant et en même temps c’est un peu inquiétant ! Que nous soyons cadres, employés, fonctionnaires, entrepreneurs, que nous soyons une personne de plus 80 ans ou même un adolescent (!), que nous soyons parents d’enfants en bas-âge ou parents d’enfants devenus indépendants, il semble que tous, à quelques exception près, nous soyons atteint par cette fatigue latente. C’est presque devenu un mode d’existence ! C’est tellement vrai qu’il y a maintenant un nombre croissant d’études scientifiques sur la question de la fatigue dans toutes sortes de disciplines, que ce soit en médecine, en psychologie, en sociologie, en sciences de l’éducation et aussi bien sûr en économie … Que se passe-t-il donc ?

Il est fort probable que nos modes de vie moderne avec une carence d’activités physiques, doublée d’une alimentation déséquilibrée soit en bonne part responsable de notre fatigue physique. Mais cette fatigue physique semble bien souvent associée à une fatigue morale ? Pourquoi ? Pour beaucoup de spécialistes du sujet, ce n’est pas forcément l’excès d’activités qui induit la fatigue, mais le manque de perspective. Il semble que nos sociétés occidentales sont avant tout victimes d’une perte de sens ! La recherche du plaisir, du confort ne suffisent pas à donner du sens à une vie. Quel est le sens de mon existence ? Quel est le sens des relations que j’entretiens aujourd’hui ? Quel est le sens de mon travail ? Ne pas le savoir… génère une usure et une fatigue intérieure !

Le sociologue Alain Ehrenberg, chercheur au CNRS (Diapo livre) fait même un pas de plus, et propose une réponse assez originale à notre fatigue morale (qui d’ailleurs confirme sans le vouloir la parole du Prophète Esaïe que nous avons lu au début). Selon lui, nos sociétés modernes épuisent les gens, car elles exigent que chaque individu fasse énormément de choix, avec finalement bien peu de repères pour décider. La liberté et la créativité sont bien sûr d’excellentes choses ! Mais il se trouve qu’aujourd’hui l’homme doit en permanence choisir et inventer sa vie dans tous les domaines possibles et imaginables : professionnel, social, relationnel, amoureux. C’est épuisant ! (Diapo noire) Aujourd’hui, on invite même l’enfant à s’interroger pour savoir s’ils doivent plutôt se considérer comme un garçon ou plutôt comme une fille, c’est prodigieusement déstabilisant ! Et bientôt, on demandera aux personnes âgées de choisir entre vivre en mauvaise santé en pesant financièrement sur leur famille ou bien mourir en ôtant cette charge. Et peut-être même dans quelques années, on nous demandera de choisir les caractéristiques physiques de notre enfant, et il nous faudra ensuite d’assumer les reproches éventuels que celui-ci nous fera. Ce sont des choix auxquels nous ne sommes pas prêts ! C’est terrible de faire face à des choix aussi importants sans véritables repères ! Nos sociétés ont fait de l’être humain une sorte de demi-dieu capable de s’autodéterminer tout seul, sans l’aide de personne, et cela induit chez les hommes et les femmes d’aujourd’hui un épuisement inattendu. Pour ce sociologue, notre fatigue est l’expression d’une souffrance venant d’une liberté obligée et poussée à son extrême, qui en définitive écrase les individus. Cette hyper-responsabilisation conduirait même les hommes à fuir soit dans les addictions, soit dans une sorte de fatigue chronique dépressive ! Et finalement, la fatigue généralisée que nous percevons aujourd’hui serait le signe d’une vie qui cherche un abri, qui cherche un sens face à cette injonction de la société qui nous demande de nous accomplir.

Que dit la Bible à ce sujet ? Et que dit justement le prophète Esaïe sur cette question ? (Diapo v28 et 30) Au v28, le prophète affirme que seul Dieu ne se fatigue pas, ne s’épuise pas, et possède une intelligence sans limite. Même, les adolescents au sommet de leur vitalité, et qui s’imaginent capables de transformer le monde s’épuisent ; même les jeunes hommes au sommet de leur force et de leur potentiel, demeurent malgré tout fragiles et limités. Ils se fatiguent, ils se lassent, nous dit le v30, et parfois même ils trébuchent. Et la marche dont il est question ici n’est pas seulement la marche physique du randonneur en montagne, mais c’est aussi une image de notre façon de vivre et de diriger notre vie.  En d’autres mots : seul Dieu est capable d’une autonomie totale et absolue semblable à celle que les philosophes proposent à l’homme moderne. Il n’appartient pas aux êtres humains de vivre cette hyper-responsabilité vers laquelle la société veut le conduire.

Vous allez peut-être réagir à juste titre et dire : (Diapo Chaise longue) Doit-on alors cesser d’agir, et même cesser de penser, pour s’installer dans une chaise longue à l’ombre du plus bel arbre de son jardin, avec un jus de fruits et une paille et attendre que la vie s’écoule tranquillement ?

Non bien sûr que non ! Nous avons non seulement le droit, mais le devoir d’agir, de penser, d’organiser notre vie et même la société, c’est d’ailleurs le mandat que Dieu nous a confié au moment de la création. Nous avons parfaitement le droit de poursuivre de bons objectifs et même de nous réjouir quand nous les atteignons, mais voilà, nous devons le faire avec la force et les ressources que Dieu nous donnent. C’est une marche à deux ! Nous ne pouvons pas faire face seuls à tous les choix difficiles de notre vie, il nous faut l’aide du Seigneur. Et c’est exactement ce que l’Eternel offre à ceux qui se confient en Lui !

On peut le lire au v31 (Diapo v31 et 29) : Ceux qui comptent sur l'Eternel renouvellent leur force. Ils prennent leur envol comme les aigles. Ils courent sans s’épuiser, ils marchent sans se fatiguer.

Esaïe poursuit ici l’image de la marche et de la course pour décrire notre vie. Nous ne sommes pas inviter à la paresse ou à l’inaction, mais au contraire inviter à marcher et même à courir vers le but qui nous est fixé, mais … avec la force que Dieu nous communique. 

Ceux qui comptent sur l'Eternel renouvellent leur force ! (et aussi au v29)
29 Il donne de la force à celui qui est fatigué et il multiplie les ressources de celui qui est à bout.
 
La fatigue latente que nous ressentons parfois ne soit pas être considérées comme un simple avertissement destiné à nous remettre à notre place de créature, nous signifier notre infériorité face au Dieu créateur. Notre fatigue humaine est surtout là pour rappeler que nous devons nous ressourcer en Lui et que nous avons même été créés pour vivre une dépendance relationnelle à chaque instant avec Lui !

Esaïe compare celui qui se confie en Dieu et qui renouvelle ses forces en Dieu, (Diapo aigle) à un aigle qui plane apparemment sans effort, sans fatigue, sans même battre des ailes, et qui pourtant conserve son altitude. En réalité, l’aigle se repose sur une force invisible et extérieure à lui-même, qui provient des courants ascendants venant du sol. Nous sommes invités nous aussi à nous reposer sur la force invisible qui provient du ciel et que Dieu désire nous communiquer pour poursuivre notre route sans fatigue ! (Diapo noire)

Il est probable que la fatigue morale que, vous et moi, ressentons pas moment vient du fait qu’en dépit de notre profession de foi chrétienne, nous imitons le fonctionnement de ceux qui nous entourent et qui agissent avec leur seules ressources humaines. Comme eux nous vivons sans Dieu, sans son conseil, sans son aide, sans rechercher sa présence, sans méditer sa Parole … et nous nous fatiguons !

On pourrait penser que les chrétiens échappent, eux au moins, à la tentation de l’homme moderne qui semble poussé par une sorte de fantasme de Toute-Puissance ! Mais détrompez-vous, on y cède beaucoup plus facilement qu’on le croit ! A chaque fois que nous remplissons notre emploi du temps au-delà de ce que nous pouvons supporter, à chaque fois que nous refusons d’écouter les signes de fatigue que nous envoie notre corps, à chaque fois que nous négligeons de chercher le conseil de Dieu dans sa Parole croyant savoir, nous tombons nous aussi dans un travers comparable à celui vécu par nos contemporains. Nous nous prenons nous aussi pour des demi-dieux !!!

D’autre part, beaucoup de chrétiens (et j’en fais partie !) mette en avant leur fatigue, leur agenda saturé activités d’Eglise pour en faire de manière inconsciente un signe évident de leur consécration. Ils prennent appui généralement sur le modèle que nous donne le célèbre apôtre Paul, c’est infatigable voyageur qui a fondé de nombreuses assemblées, vécu de multiples oppositions, mener de nombreux combats et qui écrit : (Diapo textes Paul)

1 Corinthiens 9:27  Je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur d’être moi-même rejeté, après avoir prêché aux autres. (et il ajoute)
1 Corinthiens 4:11  Jusqu’à cette heure, nous souffrons la faim, la soif, la nudité ; nous sommes maltraités, errants çà et là ; 12 nous nous fatiguons à travailler de nos propres mains ; injuriés, nous bénissons ; persécutés, nous supportons …

Cela semble même contredire à tout ce que j’ai pu dire depuis le début en commentant le prophète Esaïe. L’apôtre Paul serait-il sans le savoir le père spirituel du « burn-out » chrétien ?

En réalité pas du tout ! Car encore plus que tout autre, Paul vivait toutes ces épreuves dans une complète dépendance envers Dieu. Il se confiait en l’Eternel sans chercher à porter plus qu’il ne pouvait, sans s’inquiéter plus qu’il n’était nécessaire ! Il rechargeait sans cesse ses batteries spirituelles dans la prière. Certes, comme apôtre, il a beaucoup couru sans se lasser, il a beaucoup marché sans se fatiguer… mais parce que justement il faisait partie de ceux qui se confiaient en l’Eternel de tout leur cœur et qui renouvelaient leur force en Lui. (Diapo noire)

C’est une excellente chose d’être actif pour Dieu, mais voyez-vous cela ne consiste pas à mépriser nos limites humaines. Attention à de ne pas tomber dans le piège qui consiste à croire que notre salut, notre libération sont entre nos mains ! Elles résident en Dieu et tout particulièrement en Christ qui a donné sa vie pour nos fautes ! La théologie du salut par la grâce ne nous invite pas au surmenage, mais plutôt à accepter joyeusement nos limites humaines, et à chercher la force en Dieu, le renouvellement de notre être en Dieu. Et cela se produit par la connaissance de son amour, de sa bienveillance, de ses promesses, de l’espérance … qui nous a été manifestée par la venue de Jésus-Christ.

J’aimerais terminer ce message par quelques questions pratiques à l’intention de ceux qui, justement, se sentent fatigués moralement, spirituellement : (Diapo questions de réflexions)
Si aujourd’hui je me sens fatigué, puis-je identifier d’où vient vraiment ma fatigue ? Est-ce que je ne me suis pas en train de porter des responsabilités supérieures à ce que Dieu me demande ? (L’inverse est vrai aussi : ne suis-je pas en train de fuir des responsabilités que je pourrais assumer avec l’aide de Dieu ?) Est-ce que je ne suis pas en train de poursuivre un idéal imaginaire et irréaliste pour moi-même ? Quelle idole de moi-même, suis-je en train de me forger ? Ai-je vraiment totalement abonné le fantasme de la Toute-puissance ? Est-ce que je prends le temps de me renouveler dans la prière et la présence de Dieu notre Père ? 

Je vous laisse avec cette parole de notre Seigneur Jésus-Christ, notre Sauveur et qui est rapportée en Matthieu 11.28 : (Diapo Matt 11) 28 « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et courbés sous un fardeau, et je vous donnerai du repos. 29 Acceptez mes exigences et laissez-vous instruire par moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. 30 En effet, mes exigences sont bonnes et mon fardeau léger.»

Amen ! (Diapo noire)
Prière                          


Questions pour les petits groupes de partage :
  1. Relisez ensemble les deux passages : Esaïe 40.27-31 et Mat 11.28-30. Comment pourriez-vous résumer en une phrase le message central de ces deux textes ? Est-ce que votre réponse que vous avez choisie semble dans le prolongement des promesses du début du chap. 40 d’Esaïe (Promesses dont le peuple de Dieu doute justement au v27 ; lire Esaïe 40.1-2 ; 10-11) ? Qu’est-ce qui dans votre vie peut parfois vous faire douter que Dieu est véritablement capable de vous donner du repos ? (Il faut faire face à ses doutes et ne pas les fuir! Méditez aussi Esaïe 40.8)
  2. Reprenez les questions en italique proposées à la fin du message sur la fatigue morale, et discutez en ensemble ! (L’animateur du petit groupe choisira les questions qui lui semblent pertinentes pour un petit groupe et celles qui convient plutôt de conserver pour une méditation individuelle).
  3. De façon plus pratique et positive, quels conseils pourriez-vous donner à quelqu’un qui se sent las, fatigué physiquement et moralement ?

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