Prédication du dimanche 18 mars 2018 : Esaïe 50.4-10 - Dire « oui » à ce que nous sommes et ce que nous vivons (S. Guiton)



Dans ce que vous vivez en ce moment, y a t’il des choses que vous avez du mal à accepter ? 

Quelle que soit notre situation, tant de choses ne sont pas comme nous voulons, n’est-ce pas ? 
Et souvent nous ne comprenons pas comment Dieu agit ; pourquoi il permet certaines choses ; pourquoi il n’exauce pas telle ou telle prière pour arranger une situation. Pourquoi il ne guérit pas malgré nos prières sincères et confiantes. Et cela peut ajouter du trouble aux difficultés que nous avons déjà. 

La Parole de Dieu ne donne pas de réponses toute faites à ces questions. Mais en toutes circonstances, elle nous invite à regarder à Jésus, révélation parfaite de Dieu, notre modèle en toutes choses. 
Cette période de Pâques nous amène notamment à nous souvenir des difficultés auxquelles Jésus a dû faire face lui aussi, par amour pour nous. A méditer tout ce qu’il a dû accepter de subir pour que nous retrouvions le chemin de Dieu notre Père. 
Ecoutons ensemble un des textes proposés à notre méditation, en cette période de carême.  C’est un passage du livre d’Esaïe. 
800 ans avant la naissance de Jésus, Esaïe annonce la venue et les épreuves d’un mystérieux personnage qu’il nomme le « serviteur ». Il annonce des événements qui se réaliseront avec la venue de Jésus. 


Lecture : Esaïe 50

4 Le Seigneur DIEU m'a donné le langage des disciples, pour que je sache soutenir par une parole celui qui est épuisé ; chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille, pour que j’écoute à la manière des disciples.
5 Le Seigneur DIEU m'a ouvert l'oreille, et moi, je ne me suis pas rebellé et je ne me suis pas dérobé.
6 J'ai livré mon dos à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe ; je ne me suis pas détourné des insultes et des crachats.
7 Mais le Seigneur DIEU m'a secouru ; c'est pourquoi je n'ai pas été confus, c'est pourquoi j'ai rendu mon visage semblable à du granit, sachant que je n'aurais pas honte.
8 Celui qui me justifie est proche : qui veut m'accuser ? Comparaissons ensemble ! Qui s'oppose à mon droit ? Qu'il s'avance vers moi !
9 Le Seigneur DIEU viendra à mon secours : qui me condamnera ? Ils tomberont tous en lambeaux comme un vêtement, les mites les dévoreront.
10 Qui parmi vous craint le SEIGNEUR, en écoutant son serviteur ? Quiconque marche dans les ténèbres et manque de clarté, qu'il mette sa confiance dans le nom du SEIGNEUR et qu'il s'appuie sur son Dieu !

[Prière]

Qui parle ici, sinon Jésus, le Christ, qui a accepté de recevoir des coups, des insultes et des crachats pour que nous soyons réconciliés avec Dieu et que nous recevions la vie éternelle ? 
En même temps, Esaïe parle aussi de tous ceux qui cherchent à « écouter à la manière des disciples », et à servir Dieu. Tous ceux que Dieu appelle à l’écouter… il parle de chacun d’entre nous. 
Dans sa fidélité à Dieu, l’homme évoqué ici doit subir des choses difficiles. Tout le monde rencontre des difficultés ; mais lui souffre à cause de sa fidélité à Dieu. Jésus a prévu que celui qui s’engageait à sa suite devait s’attendre à de telles difficultés, même s’il ne s’agit pas de les chercher, et même si elles sont toujours secondes par rapport à la joie et à la paix que Dieu accorde.
Quand nous rencontrons des problèmes nous aussi… comment  réagissons-nous ? 
Si par exemple nous faisons face à une situation financière difficile ? 
Ou une situation familiale qui nous échappe, et dans laquelle nous nous sentons coincés ?
Si nous avons à subir une maladie chronique, un souci de santé auquel la médecine ne trouve pas de remède… ? 


De façon générale, trois réactions sont possibles : la révolte, la résignation - ou l’acceptation. Le consentement. 
La révolte - dire « pourquoi ? C’est injuste ! Pourquoi Dieu ne me guérit-il pas ? 
La résignation - à quoi bon ? C’est comme ça, c’est ma croix…
Ou le consentement - dire « oui » à ce qui nous est imposé. 
Le serviteur, lui, dit oui : « je ne me suis pas rebellé et je ne me suis pas dérobé. J'ai livré mon dos à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe ; je ne me suis pas détourné des insultes et des crachats ».

Il fait plus qu’encaisser les coups : il « livre son dos »… courageusement, il ne se détourne pas, va même jusqu’à se donner volontairement… 
Etonnante, déroutante attitude. Il n’y a que par amour pour quelqu’un qu’on peut faire cela, je crois. 

Par amour, Jésus, le serviteur, dit « oui » à la souffrance qui lui est infligée par les hommes. 
Ce « oui » est peut-être le plus grand acte de liberté que le Fils de Dieu ait pu poser sur cette terre, lui qui s’est « défait » de sa vie librement, sans contrainte. Alors le Père l’a ressuscité, et a fait de lui une source de vie pour tous les hommes. 

Son exemple nous révèle une vérité spirituelle majeure : ce « oui » de consentement est l’une des plus importantes conditions pour que Dieu puisse agir dans notre situation, et la rendre féconde - pour nous et pour les autres. Parce que Dieu ne nous bénit pas, ne nous guérit pas malgré nous, sans notre autorisation.

La révolte, elle, nous ferme à Dieu. « Pourquoi suis-je obligé de rester dans ce travail ? Dans cette ville ? Dans cette famille ? Pourquoi suis je comme ça ?… ». Nourrie d’insatisfaction, la révolte peut être un moteur formidable pour changer le monde, quand elle s’en prend aux injustices, à la violence ! Mais l’ennemi sait aussi la retourner contre nous et contre Dieu. Elle peut alors nourrir l’amertume, dont les racines sont profondes ; l’amertume qui peut étouffer notre coeur, comme une mauvaise herbe…

Quant à la résignation, elle nous ferme aussi à Dieu, car elle est pleine de désespoir. « A quoi bon ? Ça ne sert à rien. J’ai déjà prié tellement souvent… ». Or Dieu est espérance, joie et paix ! 

Mais dire oui à ce que Dieu nous donne à vivre - consentir - ouvre le chemin vers la guérison et la liberté. Parvenir à ce oui est à la fois un cadeau de Dieu et un choix de notre part : « Le Seigneur DIEU m'a ouvert l'oreille, et moi, je ne me suis pas rebellé et je ne me suis pas dérobé ».
C’est le choix de l’espérance et de la foi : « Le Seigneur DIEU viendra à mon secours »…

Mais pour faire un tel choix, nous devons aller contre plusieurs idées répandues, qui peuvent nous entraîner dans la confusion. 

La première, c’est qu’être libre, c’est maitriser les choses : être maitre de la situation, de ses choix… On pense aussi que la liberté c’est d’abord le choix - les consommateurs que nous sommes baignent là dedans depuis leur naissance : plus de choix, le droit de se rétracter… certains rêvent d’une vie où comme sur Amazon ils puissent choisir sans limites ce qu’il veulent vivre, posséder, être !

Alors, envisager d’accepter quelque chose qu’on n’a pas choisi… ! Et en plus y voir de la liberté ! Ça fait beaucoup. 

Autre idée discutable : penser qu’avoir la foi, c’est savoir encaisser quand ça va mal (la fameuse « résilience ») Dieu ne nous appelle pas à un stoïcisme qui nous referme sur notre souffrance (« j’ai mal mais c’est pour le Seigneur » !), mais une relation ouverte avec nous, que nous puissions lui dire tout ce qui nous pèse, crier à lui quand ça fait mal- et lui demander la délivrance. 
De fait, quand le Serviteur dit « j'ai rendu mon visage semblable à du granit, sachant que je n'aurais pas honte », ce n’est pas pour dire : « j’ai serré les dents comme un homme, parce qu’un homme doit souffrir en silence » !  C’est pour marquer sa détermination face à la souffrance, une détermination ancrée dans une relation de confiance avec Dieu : «  le Seigneur DIEU m'a secouru… c’est pourquoi j'ai rendu mon visage semblable à du granit ». 
En d’autres termes, accepter quelque chose par la foi, ce n’est pas se résigner, surtout pas. Et c’est plus que « prendre sur soi » : c’est vivre notre situation en restant accroché à Dieu, sans cesser d’espérer qu’il va venir à notre secours, parce qu’il s’y est engagé, et qu’il ne délaisse pas ses enfants. 

Dieu seul est notre secours ; même la foi nécessaire pour espérer « contre toute espérance », c’est lui qui nous la donne ! Encore faut-il que nous le laissions faire. Que nous lui disions « oui », sans nous « rebeller » ou nous « dérober ». 

Ainsi, à la suite de Jésus, nous découvrirons que la vraie liberté intérieure c’est de pouvoir dire oui à ce qu’on n’a pas choisi. 
Dire le  « oui » de la foi ; même si je ne comprends pas comment Dieu agit, je peux choisir de lui faire confiance : il sera ma lumière : « Quiconque marche dans les ténèbres et manque de clarté, qu'il mette sa confiance dans le nom du SEIGNEUR et qu'il s'appuie sur son Dieu ! ».

La jeune Marie a dit ce « oui » sans condition à Dieu, acceptant de se retrouver enceinte hors mariage sans avoir « planifié » cette grossesse.


Dire oui à Dieu, c’est accepter. Consentir à ce que je vis, ce que je suis. 
Jacques Philippe, dont le livre La liberté intérieure a largement inspiré cette méditation, écrit ceci : 
« Bien souvent, ce qui bloque l’action de la grâce, ce sont moins nos péchés ou nos erreurs que ces manques de consentement à notre faiblesse, tous ces refus plus ou moins conscients de ce que nous sommes ou de notre situation concrète. Pour « libérer » la grâce dans notre vie, et pour permettre des changements profonds et spectaculaires, il suffirait parfois de dire simplement « oui » (un oui inspiré par la confiance en Dieu) à des aspects de notre existence face auxquels nous maintenons une position de refus intérieur. Je n’admet pas d’avoir… telle fragilité, d’avoir été marqué par tel ou tel événement, d’être tombé dans tel péché… Sans m’en rendre compte, je stérilise l’action du Saint Esprit… Si je ne m’accueille pas tel que je suis, je ne permets pas à l’Esprit Saint de m’améliorer ! ». 

Y a t’il des choses que j’ai du mal à accepter - dans ce que je suis, dans ce que je vis ? 
Qu’est-ce qui me retient de dire « oui » à cela ? 



Parvenir à accepter les choses comme elles sont, c’est un travail difficile, il faut le dire. Ça peut prendre toute une vie. Mais Jésus, cet ami qui sait « soutenir par une parole celui qui est épuisé », secourir, éclairer, encourager… peut nous rendre capables de le faire. 
Avec lui, consentir n’est pas renoncer à changer, au contraire : redisons-le, consentir est un choix d’espérance ! Mais pour changer les choses de manière féconde, il nous faut commencer par les accepter. 
On le sait, le déni est une protection fréquente face à quelque chose qui faut mal, mais il ne permet pas d’avancer, au contraire. Quoi de plus attristant qu’une personne qu’on voit souffrir, galérer, et qui pourtant nie les choses et refuse catégoriquement toute forme d’aide ? « Non je n’ai pas besoin d’un coup de main … pas besoin qu’on prie pour moi ; pas besoin de l’aide d’un psychologue ». 

Parfois, regarder en face la réalité de notre situation est plus difficile que de continuer à la subir. Et le plus souvent, ça peut faire peur de se voir soi-même tel qu’on est. Mais sous le regard de grâce de Dieu, nous pouvons le faire. 
Il n’existe pas de regard plus bienveillant, plus compréhensif, plus empreint d’amour et de tendresse, d’espérance et de confiance en nous, que celui de Dieu. Lui qui est « compatissant et clément, patient et grand par la fidélité », qui « n'accuse pas sans cesse », « ne garde pas rancune pour toujours », « ne nous traite pas selon nos péchés », qui est comme un Père compréhensif (Psaume 103).

Devant lui, nous pouvons lâcher nos défenses, enlever notre armure, ouvrir notre coeur en toute confiance. Soyons en assurés, « nous n’aurons pas honte » (v.7), si au lieu de nous rebeller ou non dérober nous lui faisons confiance. 
Car il ne cherche pas nous crucifier, mais nous sauver, nous relever, nous ressusciter : c’est bien là le message de Pâques. 

Y a t’il des choses que nous avons du mal à accepter - dans ce que nous sommes, dans ce que nous vivons ? 


Que cette promesse de Dieu nous aide à dire un « oui » plein d’espérance à ce que nous vivons : 

« Quiconque marche dans les ténèbres et manque de clarté, qu'il mette sa confiance dans le nom du SEIGNEUR et qu'il s'appuie sur son Dieu !


Amen

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