Prédication du dimanche 7 janvier 2018 : Jean 2.1-11 Accueillir la surabondance de l’amour de Dieu (S. Guiton)



Aujourd’hui c’est le dimanche de l’Epiphanie, et traditionnellement on lit l’histoire des rois-mages, qui parle de la proclamation du salut en Jésus-Christ à tous les peuples de la terre. 
Mais en ce jour particulier centré sur la « révélation », la « manifestation » de Dieu aux hommes (c’est le sens du mot « épiphanie »), la tradition chrétienne accorde aussi une importance particulière à un autre récit : celui du miracle de Cana. C’est ce deuxième texte que je voudrais méditer avec vous. 

Je vous invite à lire en Jean 2.1-11

1 Or, le troisième jour, il y eut des noces à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là. 
2 Jésus fut aussi invité aux noces avec ses disciples. 3 Comme le vin venait à manquer, la mère de Jésus lui dit : « Ils n'ont plus de vin.» 4 Jésus lui répondit : « Que me veux-tu, femme ? Mon heure n'est pas encore venue.» 5 Sa mère dit aux serviteurs : « Faites tout ce qu'il vous dira.» 6 Or il y avait là six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs et contenant chacune une centaine de litres. 7 Jésus leur dit: «Remplissez d'eau ces jarres.» Et ils les remplirent jusqu'au bord. 8 «Puisez maintenant, leur dit-il, et apportez-en à l'organisateur du repas.» Et ils lui en apportèrent. 9 L'organisateur du repas goûta l'eau changée en vin. Ne sachant pas d'où venait ce vin, tandis que les serviteurs qui avaient puisé l'eau le savaient bien, il appela le marié 10 et lui dit: «Tout homme sert d'abord le bon vin, puis le moins bon après qu'on s'est enivré; mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent !»
11 Tel fut, à Cana en Galilée, le premier des signes miraculeux que fit Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui.



Je comprendrais tout à fait qu’après le régime alimentaire chargé des fêtes de fin d’année, certains parmi nous regrettent que je parle d’une surabondance de vin plutôt que de la galette des rois, peut-être plus digeste !

Méditons malgré tout, si vous le voulez bien, cet épisode surprenant. Un récit court et néanmoins particulièrement chargé en mystères et en difficultés potentielles. 
Pour certains chrétiens, le miracle lui-même fait obstacle : Jésus changeant de l’eau en vin, pour que la fête puisse continuer… trop dur à avaler.
 De fait, plusieurs interprétations  « scientifiques » circulent aujourd’hui, intéressantes par ailleurs, mais qui tendent souvent à nier le caractère miraculeux du récit pour ne conserver qu’un sens symbolique. 
Pour la plupart des chrétiens, en revanche, c’est le sens du geste qui fait l’objet de spéculations, au point que dans la tradition chrétienne, un nombre particulièrement important d’interprétations différentes ont été proposées. 
A un autre niveau, le fait même que ce soit du vin que Jésus multiplie amuse certains : imaginez, avoir Jésus en permanence sous la main pour changer l’eau en alcool ! D’autres, notamment ceux qui subissent de près les méfaits de l’alcool sont gênés au contraire de cette surabondance de vin provoquée par Dieu. Pour eux, surabondance de vin peut signifier surabondance de souffrances... 
Comment comprendre ? 

Le plus simple est peut-être de lire ce texte selon la perpective qui était celle de Jean. 

Partons des faits : on se trouve au tout début du ministère de Jésus. Peu de temps après les avoir appelés à le suivre, Jésus amène ses disciples à un mariage. Dans l’Evangile de Jean, cet événement marque le début d’une nouvelle période, jalonnée par 7 signes, dont le miracle de Cana est le premier : « Tel fut, à Cana en Galilée, le premier des signes miraculeux que fit Jésus ». Viendront ensuite la guérison du fils d'un officier royal, la guérison d’un infirme à Béthesda, la multiplication des pains, la marche sur l’eau, la guérison d’un aveugle né puis la résurrection de Lazare.
Chez Jean, chacun de ces signes renvoie à un événement qui s’est réellement produit, mais dont il souligne le sens profond. En somme, il raconte en théologien, et non en historien ou en biographe. Et ces miracles, ces « signes » sont importants non par leur caractère surnaturel ou par la puissance qu’ils manifestent mais comme moyens de révélation de la véritable identité de Jésus, moyens adressés à tous ceux qui veulent croire - et non pas « coups de magie » destinés à susciter la foi : Jésus lui-même a exprimé sa méfiance envers une foi basée uniquement sur des événements surnaturels. 
Voilà donc Jésus et ses disciples à la noce. A l’époque, un mariage ressemble davantage à une kermesse de village, où les invités sont nombreux. La fête peut durer jusqu’à une semaine… et il est très embêtant d’un point de vue social, respectabilité, de tomber à court de vin avant la fin.

Qui sont les mariés ? Ont-ils un lien de parenté avec Jésus ? Quel rôle joue exactement Marie dans le mariage ? A quel moment de la fête Jésus arrive-t’il ? Comment se terminent les noces ? Jean ne dit rien de tout cela. Ce qui l’intéresse, c’est de mettre en valeur le miracle de Jésus : la transformation de l’eau en vin, un vin surabondant et d’une qualité extraordinaire.

Tout dans le récit est fait pour souligner ce miracle, et la surprise qui l’accompagne. Tout, y compris la participation de Marie. Sa remarque : « Ils n'ont plus de vin » semble davantage un constat, ou une expression de surprise, qu’une prière adressée à Jésus, contrairement à ce qu’on dit parfois. On retrouve d’ailleurs chez Jean la même technique narrative, basée sur un dialogue, pour introduire d’autres récits de miracles : d’abord, quelqu’un constate un manque, une situation humainement désespérée : ici, plus de vin. Ailleurs, plus de pain pour nourrir la foule. Ou bien quelqu’un est malade, ou est mort. Alors, Jésus prend la parole, laisse entendre que la situation n’est pas si désespérée qu’elle en a l’air… et accomplit un miracle. Un miracle, un signe, qui arrive quand la situation semble insoluble, et par surprise. 

Ainsi à Cana, contre toute attente, Jésus va demander aux serviteurs de remplir d’eau six énormes jarres de 100 litres chacune. Cela a dû prendre du temps, et beaucoup de seaux d’eau. Puis Jésus leur dit de puiser de l’eau et d’en porter au maitre du repas. Quelle surprise lorsqu’ils découvrent que c’est du vin ! A part eux, les disciples et Jésus, personne ne sait d’où vient ce vin ! Sa qualité hors du commun est saluée par l’organisateur du repas - certainement moins aviné que les convives eux-mêmes.

Et le vin se remet donc à couler à flot - six jarres, près de 600 litres ! Comme l’écrit Jean Vanier, « aujourd’hui, nous serions plus prudents… peut-être ! Mais Dieu fait tout avec surabondance ». Et dans cette surabondance se cache une clé pour comprendre le sens de ce miracle : dans la tradition d’Israël, cette surabondance du bon vin est liée à la venue du Messie - comme chez le prophète Amos : 

13» Les jours viennent, déclare l'Eternel, où le laboureur suivra de près le moissonneur, et le vendangeur le semeur, où le vin nouveau ruissellera des montagnes et coulera de toutes les collines. 14 Je ramènerai les déportés de mon peuple, d'Israël; ils reconstruiront les villes dévastées et les habiteront, ils planteront des vignes et en boiront le vin » (Amos 9.13-14).

Le prophète Esaïe annonce quant à lui que lorsque Dieu viendra libérer son peuple, il rassemblera l’humanité dans un grand festin : (Esaïe 25.6-7) : 

6… l'Eternel, le maître de l’univers, prépare pour tous les peuples un festin de plats succulents, un festin de bons vins, de plats succulents, pleins de moelle, de bons vins clarifiés. 7 … il détruira le voile qui est tendu sur tous les peuples, la couverture qui est déployée sur toutes les nations. 8 Il engloutira la mort pour toujours.
Le Seigneur, l'Eternel, essuiera les larmes de tous les visages, il fera disparaître de la terre la honte de son peuple. 

A Cana, par ce miracle, Jésus s’affirme donc comme étant le messie attendu, venu établir le Royaume de Dieu. 
Tout en laissant entendre que le vin de Cana n’est qu’un avant-goût ; aussi succulent soit-il. « Mon heure n’est pas encore venue », dit en effet Jésus. Cette heure, ce sera celle de la crucifixion, où une surabondance plus grande encore sera révélée - par le don du salut et de la vie éternelle à tous ceux qui croient. Il faudra encore que Jésus aille jusqu’au sacrifice sur la croix ; alors il pourra dire « tout est accompli ». 

Pour nous, ce texte n’est pas une justification biblique aux excès de vin ! Et par le choix de ce passage, mon intention n’était pas de briser les élans courageux de ceux qui, pour reprendre la ligne après les fêtes, ont décidé de troquer les bouteilles de St Joseph contre celles de St Amand ou de St Yorre !  
En ce début d’année, ce texte nous encourage à croire en Jésus, nous aussi - comme Jean le dit ailleurs : croire « pour avoir la vie en son nom ». Croire que Jésus est bien plus que le fondateur disparu d’une religion triste et légaliste. Qu’il est est Dieu lui-même, venu partager nos fêtes, et nous offrir la surabondance de sa grâce et de son amour. 
Dieu qui nous invite même à la fête : la fête du mariage, que par sa présence aux noces de Cana, il a honoré et approuvé ; la fête du partage, des bons repas ensemble, des belles choses de la vie. 
Croire que tout ce que nous vivrons cette année, belles expériences ou difficultés, réussites ou échecs, moments de fête ou de souffrance… Jésus le vivra avec nous. Et que lui qui a relancé la fête en renouvelant le vin manquant, il saura changer l’eau plate de notre quotidien en vin de fête et faire naître la joie dans les situations les plus désespérées en apparence. 

Mais il y a plus : ce texte nous ouvre aussi à une espérance plus grande.  La fête de Cana est l’annonce d’une autre fête, encore à venir, à laquelle nous sommes tous invités : celle qui aura lieu lorsque Jésus, le marié, reviendra chercher l’Eglise, son épouse. Alliance de Dieu avec l’humanité, donc avec nous, si nous l’acceptions. Alliance éternelle d’amour et de paix, que la Bible présente comme un grand repas de mariage, bruyant et joyeux,  le « festin des noces de l’Agneau ». En Apocalypse 19.5-9, Jean lève brièvement le voile sur cette fête magnifique : jetons un regard rapide nous aussi.
Et voilà ce que nous voyons : 

« Une voix sortit du trône et dit : « Louez notre Dieu, vous tous ses serviteurs, vous qui le craignez, petits et grands !» 6 Et j'entendis comme la voix d'une foule immense. Elle ressemblait au bruit de grosses eaux, au grondement de forts coups de tonnerre, et elle disait: « Alléluia! Car le Seigneur, notre Dieu tout-puissant, a établi son règne. 7 Réjouissons-nous, soyons dans la joie et rendons-lui gloire, car voici venu le moment des noces de l'Agneau, et son épouse s'est préparée. 8Il lui a été donné de s’habiller d'un fin lin, éclatant, pur.» En effet, le fin lin, ce sont les œuvres justes des saints.
9 L'ange me dit alors: « Ecris : ‘Heureux ceux qui sont invités au festin des noces de l’Agneau !».

Nous sommes tous invités ! 
Alors que notre soif de ce vin supérieur et éternel que nous trouverons alors dans sa présence, ne soit pas étouffée par les vins de cette vie, qu’ils soient fins ou amers. 
Et que chaque jour, nous puissions inviter à notre table ce Jésus qui veut notre joie et qui a donné sa vie pour que nous recevions son amour, dans une surabondance au delà de toute mesure - car comme l’a écrit Saint Augustin, « la mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure ».  
Amen

Avant de partager la Sainte-Cène, je vous invite à prier :

Seigneur Jésus, tu es le Fils de Dieu venu épouser notre humanité.
Tu sais que beaucoup d’entre nous sont « pris dans des vies épuisantes, 
et ont besoin d’alcool et de distraction pour oublier la grisaille de l’existence ».
Toi, Seigneur, tu es le vin de la joie véritable.
Viens à notre rencontre. Ecoute nos prières. Aide nous à te trouver, à croire en toi. 
Viens Seigneur faire alliance avec nous.
Accueille la pauvreté de notre eau et transforme tout en vin,
pour manifester ta gloire et nous donner la vraie joie, celle qui demeure.

Amen.

Questions pour le partage en groupe 

Avant l’échange, relisez le passage à haute voix (Jean 2.1-11)

1. Quelles paroles, quel encouragement, quelle interpellation retenez-vous de ce texte et de sa méditation ?

2. En quoi est-il important, pour notre vie, que Jésus ait changé cette eau en vin ? Qu’est-ce que ça change pour nous ? 

3. Dans la vie, il y a parfois de petites contradictions qui vont à l’encontre de nos projets, comme aux noces de Cana. Vous est-il déjà arrivé de prier pour que la situation soit changée, et vous avez été exaucé ? Vous pouvez partager vos expériences sur ce sujet. 

Question personnelle (il est peut-être plus difficile d’échanger en groupe sur celle-ci) : 
4. Comme à Cana, Dieu peut changer les choses ordinaires de nos vies en quelque chose d’extraordinaire. Dans quel domaine auriez-vous besoin que Dieu accomplisse une telle transformation ? 


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