Prédication du 19 août 2017 : Matt 15.21-28 : Jusqu'au bout de la foi (F.Sépari)

Eglise de Lyon (Diapo noire)                                                                  le 19 août 2017

Ce matin, alors que je reviens fraichement de vacances, je me suis laissé inspirer par le texte proposé pour ce dimanche 20 août par la Fédération Protestante de France, et qui nous invite à méditer l’attitude de Jésus face à la requête d’une femme cananéenne ou syro-phénicienne. C’est un passage biblique qui choque souvent les lecteurs lorsqu’ils le découvrent pour la première fois, car on a l’impression d’y voir un Jésus assez dur, qui refuse d’aider une femme en détresse sous-prétexte qu’elle n’est pas juive, et donc pas digne de bénéficier des miracles accompagnant la venue du Messie. La question qu’on ose à peine se poser, mais qui vient quand même à l’esprit est : Jésus serait-il sectaire sans en avoir l’air ? Jésus aurait-il un amour limité à ceux qui lui ressemblent, à ceux qui lui sont humainement proches ? Cela n’aurait rien d’étonnant de la part d’un être humain ordinaire, limité dans le nombre de ses relations, mais de la part du Fils de Dieu, comment cela est-il possible ? Avant de méditer ensemble de ce passage de la Bible, je vous invite à le relire avec moi dans l’Evangile de Matthieu au chap. 15 à partir du 21 :

Lecture : Matthieu 15.21-28 (Diapo texte) (Diapo noire)

1) Pour bien comprendre la réaction des disciples et celle de Jésus lui-même, il faut resituer ce passage dans son contexte immédiat.

C’est une époque où Jésus est déjà très connu. Les foules se pressent pour l’écouter, et pour se faire guérir, les pharisiens rivalisent d’habilité pour le mettre en défaut et tenter de la piéger. Et même si Jésus est le Fils de Dieu, il n’en demeure pas moins un véritable homme, peinant et fatiguant comme chacun de nous.

C’est probablement fatiguant de parler à de très grande foule sans l’aide d’un micro. Il faut parler fort, utiliser des expressions simples et bien choisies pour être comprises de tous, et qui soient en même temps profondes et stimulantes pour la foi. C’est nerveusement épuisant de répondre avec vivacité à des hommes hostiles et rusés qui cherchent en vous la moindre faille, et ne rêvent que d’une chose : vous discréditer publiquement. Jésus ne parle pas dans une Eglise, mais à des personnes qui l’écoutent souvent avec un esprit critique. Il lui fallait une attention, une vigilance de chaque instant. À cela s’ajoute le choc émotionnel de la mort de Jean-Baptiste qui arrive sur l’entrefaite et qui de plus rappelle à Jésus sa propre mission personnelle et sa mort prochaine sur la croix par laquelle il devra sauver l’humanité.

Or, au moment où la sagesse aurait dû pousser Jésus et ses disciples à prendre un peu de repos en se retirant dans un lieu tranquille (Diapo Mat 14.13-14), ils n’avaient pas réussi à le faire, parce qu’une foule nombreuse était accourue de partout dans le lieu pourtant désert qu’ils avaient choisi. Et une fois de plus, Jésus avait eu pitié d’eux sur un plan spirituel et humain. Ce fut le fameux épisode de la multiplication des pains, suivi par un temps de prière jusqu’à une heure avancée de la nuit, et par une traversée mouvementée du lac jusqu’à Génésareth. Et avec la venue de cette nouvelle foule, il y eu de nouvelles controverses… Difficile la vie de Messie et la vie de disciples de Jésus, n’est-ce pas ? (Diapo noire)

Face à tout cela le seul moyen de se reposer vraiment, c’était de partir, de partir vraiment loin de la Galilée et loin des juifs, dans une terre où personne ne les connaissait (faire une retraite en quelque sorte). Et c’est ce que Jésus décide de faire avec ses disciples, ils partent tout au Nord, en Phénicie, dans le territoire de Tir et Sidon, non pas pour évangéliser les païens, mais pour se reposer, juste se reposer ! (Diapo texte)

Et patatras ! Voilà qu’une femme cananéenne, une ancêtre des palestiniens peut-être, reconnaît Jésus en cet endroit éloigné, et se met à le suivre en lui criant et en le suppliant de guérir sa fille. « Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David ». On ne sait pas très bien d’où elle le connait et comment elle sait qu’il est le Messie des juifs. Peut-être l’a-t-elle aperçu de loin lors d’un précédant voyage en Galilée, peut-être qu’un disciple n’a pas su tenir sa langue ? Toujours est-il qu’elle sait qu’il est capable de faire des miracles hors du commun, et donc de guérir sa fille, alors pourquoi pas elle ? Pourquoi pas ?

2) (Diapo texte surligné) « Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David », dit-elle encore et encore. Et De façon étonnante, Jésus ne répond pas un mot ! Elle continue à supplier, mais Jésus ne dit toujours rien ! Il ne se retourne même pas pour lui dire : « Je suis désolé Madame, mais je ne peux pas répondre à votre demande pour l’instant » Non il ne dit pas un mot, c’est choquant… et voire même carrément méprisant ! C’est un peu comme quelqu’un qui vous tendrait la main pour vous saluer et que vous refusiez de la prendre.

La cananéenne persévère et continue à crier au point que cette fois-ci ce sont les disciples qui n’en peuvent plus et qui supplie Jésus de faire quelque chose dans un sens ou dans un autre : Renvoie-là ! Parle-le lui, fais quelque chose qu’on ait enfin un peu de tranquillité. (Diapo texte surligné ) Ils expliquent à Jésus : « Renvoie là, disent-il, car elle crie derrière nous ». Cette pauvre femme était devenue comme une casserole bruyante accrochée dans leur dos dont ils ne peuvent plus se débarrasser. L’expression « renvoie-là » pourrait même se traduire par « délivre là », « donne lui ce qu’elle veut et on sera enfin libéré de ces cris ». L’idée pour eux est de trouver la voie la plus courte vers le silence et le repos !

Mais Jésus explique à ses disciples que ce n’est pas une simple question de fatigue, mais une question de principe, il est venu pour la maison d’Israël, il s’adresse aux juifs et seulement aux juifs, c’est la règle fixée par le Père. On lit sa réponse au v24 :

(Diapo texte surligné) 24 Il répondit: Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la communauté d'Israël. (Matthieu 15:24, SG21)

Jésus sait déjà qu’il y aura un temps où le message de l’Evangile et des guérisons s’étendront au monde entier, mais pas maintenant, plus tard après sa mort et sa résurrection. Chaque chose en son temps !

Mais voilà la femme est tenace, maintenant, elle n’est plus derrière Jésus, mais elle le double, (Diapo texte surligné+ image) et se place devant, lui barre le chemin et prosterne à ses pieds en le suppliant : « Seigneur, viens à mon secours »

Et là, Jésus va être d’une rare insolence, totalement inhabituelle, inaccoutumée.

Il va lui dire (Diapo texte surligné) : Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le donner aux petits chiens. (Matthieu 15:26, SG21).

Le mot « chiens » était l’insulte la plus fréquemment utilisée par un juif pour parler négativement des païens, une insulte franchement méprisante, qui faisait des païens une sorte de race inférieure. On peut penser que Jésus en ajoutant le mot « petit » est peut-être plus affectueux, mais en fait dans la langue originale, en araméens, cela ne change rien et l’expression n’a rien d’affectueux. Peut-être Jésus avait-il un ton, une attitude, une pointe d’humour au moment où il le disait, mais en tout cas, cela ne transparaît pas clairement dans les paroles qui sont prononcées ! (Dia. noire)

3) Pourquoi Jésus s’est-il montré sous un jour aussi négatif à cette femme ?

De toute évidence, il le fait volontairement ! Pourquoi agit-il aussi durement à son égard ! C’est vrai que le moment n’était peut-être pas venu de révéler qui il était vraiment aux païens. Mais si ce principe était réellement immuable, pourquoi Jésus, quelques minutes plus tard, va-t-il céder à la requête de cette femme cananéenne. Pourquoi ? C’est vraiment surprenant et quelque peu incohérent !

Et d’ailleurs, Jésus ne s’était pas embarrassé d’autant de préjugés lors de sa rencontre avec le centurion romain, au chap. 8 de l’évangile de Matthieu, il lui avait même proposé non seulement de guérir son serviteur, mais d’entrer dans la maison de ce soldat romain pour le guérir. Ce qu’un juif n’a normalement pas droit de faire. Alors pourquoi manifeste-t-il tant de réticences ici auprès de cette femme ?

Je vous propose une explication qui me semble répondre à toutes ces questions en même temps. En fait, tout semble indiquer que Jésus a délibérément choisi d’éprouver la foi de cette femme. Il l’a testé comme peu de gens ont été testé avant elle !  Le silence méprisant, puis le refus ouvert, et même l’humiliation des païens. Mais voilà, cette femme ne s’est pas laissée impressionner par ces obstacles en apparence rédhibitoires.  A sa place, je me serais sûrement dit : « Acceptons la volonté de Dieu et sachons être humble : qui suis-je pour dire à Dieu ce qu’il doit faire ? » Mais elle, avec humilité, espère une simple miette de grâce qui tombe de la table du Messie !

Elle ne s’est pas laissée impressionner par les refus répétés de Jésus. Elle n’a sans doute pas compris pourquoi Jésus agissait de cette manière à son égard, mais en son for intérieur, elle a continué à croire qu’il pouvait accomplir le miracle qu’elle demandait et surtout, surtout elle a continué à croire en sa bonté et sa miséricorde. Elle s’est appuyée tout au fond de son cœur sur cette connaissance imparfaite qu’elle avait du Dieu d’Israël comme un Dieu d’amour, et elle n’a pas lâché cette pensée jusqu’à la fin.

4) Et cette femme a eu une grande foi, parce qu’elle a cru en l’amour et la miséricorde de Dieu, en dépit des apparences allant en sens inverse. C’est cela une grande foi ! On est bien sûr fortifié dans la foi quand Dieu répond à nos prières, mais ce n’est pas encore le signe que nous avons déjà une foi vraiment solide.

Avoir une grande foi, c’est croire quand la réponse ne semble pas venir, mais qu’on a cette assurance que Dieu est bon et que sa bonté éclatera tôt ou tard !

Avoir une grande confiance en un individu quel qu’il soit, ce n’est pas croire en lui quand il est au sommet de sa gloire et que tout le monde l’acclame, mais c’est croire en lui, quand tout l’accuse et le discrédite. On a vu des épouses croire en l’innocence de leur mari alors que tout les accusait et qu’ils étaient traînés devant des tribunaux, mais elles refusaient de se laisser convaincre par ces soi-disant preuves accablantes non pas parce qu’elles fuyaient la réalité (cela peut arriver), mais parce que cela ne correspondait pas au caractère profond de celui qu’elle avait connu depuis tant d’années. Notre attitude doit être pareille à l’égard de notre Père céleste !

Cette cananéenne a manifesté une grande foi, parce qu’elle a cru que Dieu était fondamentalement miséricordieux et plein d’amour, en dépit du silence que son messager laissait transparaître. Elle ne s’est pas laissé duper par les apparences de rejets que Jésus envoyait pour sonder sa confiance.

5) Cela nous donne me semble-t-il un exemple à suivre lorsque nous sommes dans l’épreuve et que Dieu semble trop silencieux à notre goût. (Diapo désert, solitude)

Peut-être vous est-il déjà arrivé de crier à Dieu votre détresse et que Dieu ne réponde pas, tout comme Jésus l’a fait au début de sa rencontre avec la cananéenne.

Ou bien déçoive votre attente, comme si Dieu méprisait un peu votre souci !

Ou bien peut-être, y a-t-il des règles spirituelles ou même des lois humaines (des lois physiques, médicales, de justice…) qui font obstacles à la réponse de Dieu, un peu comme cette règle sur la priorité des juifs mise en avant par Jésus. Mais Dieu est un Dieu d’amour qui ne se lasse pas de faire miséricorde à ceux qui l’implorent, et qui peut par moment dépasser la règle habituelle. (Diapo noire)

Cette femme est un exemple de persévérance dans la prière et la foi, qui ne se laisse pas impressionner par les apparences contraires, ni même par le caractère indépassable des lois de ce monde ...  Sans nier ces lois, elle regarde à une valeur plus élevée encore, qui est tout simplement l’amour de Dieu. Elle est un exemple qu’il ne faut jamais baisser les bras, jamais douter de la bonté de Dieu. Il faut espérer encore lorsque Dieu semble être silencieux ou même semble dire non. Certainement il a prévu quelque chose de meilleur encore que nous ne connaissons pas encore. Elle a espérée contre toute espérance selon l’expression de l’apôtre Paul !

Job va lui aussi manifester le même type de foi profonde en Dieu, lorsque dans l’une de ces nombreuses lamentations, dans l’une de ces plaintes mainte fois répétées, il dira en parlant de Dieu. (Diapo Job) Job 13:15 Même s'il voulait me tuer, je m'attendrais à lui ;

Pourquoi Job dit-il cela, parce qu’il croit en la justice et l’amour de Dieu et que cette connaissance de Dieu dépasse toutes les autres. C’est un peu cette confiance qui anime le cœur de la femme cananéenne. (Diapo noire)

Quelques remarques générales sur la prière pour terminer mon message.

6) Ce passage nous rappelle que la prière change vraiment le cours des événements de ce monde, qu'il soit de petits évènements ou de grands évènements, parce que Dieu a décidé de les changer à notre demande.

Dans un sens, le plan de Dieu ne change pas parce que Dieu avait déjà prévu notre prière dans son plan, mais nous devons être absolument sûr d'une chose : la prière change réellement le cours des événements.

Dieu ne veut pas avoir à faire des hommes objets, il veut des hommes revêtus de toute leur dignité d'homme fait à l'image de Dieu et c'est pourquoi il veut nous associer à son plan général pour ce monde, à son plan de salut entre autres. Et, il le fait par le moyen de notre intercession.

Par la prière Dieu nous associe à son œuvre de salut. Et il se plait à agir non pas tout seul, mais en réponse à notre prière. Nous ne sommes pas seulement des objets de sa grâce, mais des sujets de sa grâce ! Et c'est tout simplement extraordinaire !

7) (Diapo femme priante) Ce texte pourrait nous donner l’impression que la prière est un combat contre Dieu, un combat où on cherche à convaincre Dieu du bien fondé de notre demande, où on cherche à émouvoir Dieu, par nos pleurs, nos cris, ou même notre piété.

Il y a d’autres passages dans la bible comme la lutte de Jacob avec l’ange, ou la parabole du voisin importun qui pourraient venir appuyer ce texte et donner l’impression que la prière est un combat pour faire changer d’avis un Dieu naturellement réticent.

Mais il ne faut pas oublier cette parole de David écrit dans le psaume 139:4 Ma parole n'est pas sur ma langue, Que déjà, ô Éternel ! tu la connais entièrement.

Dieu sait tout à l’avance, il n’a pas besoin qu’on lui donne des informations sur les circonstances de notre vie, ni même sur les motivations de notre cœur, il les connait déjà. Cependant, il aime quand on lui parle, quand on se tourne vers lui, même s’il n’en a pas besoin, mais il s’en réjouit. Lorsqu’il résiste à nos requêtes c’est parfois pour nous pousser jusqu’au bout de notre foi en Lui. En fait, il veut répondre à notre prière bien davantage que nous-mêmes, bien plus que nous ne l’imaginons nous-même. Mais il cherche à nous faire grandir dans la foi en même temps qu’il souhaite répondre à notre requête !

Ce sont des refus momentanés pour nous faire progresser dans la foi, pour que nous allions jusqu'au bout de la foi. Car Dieu ne veut pas des courtisans qui s'aplatissent devant lui, mais plutôt des hommes et des femmes qui grandissent, qui progressent dans leur foi.

En réalité, dès le début, Jésus voulait bénir la femme cananéenne. Mais il l’a poussé à exprimer sa foi jusqu’au bout, jusqu’au bout de ce qu’elle pouvait donner avant de l’exaucer !

8) Il y a effectivement un combat associé à la prière, mais ce n'est pas un combat contre Dieu. C'est plutôt le combat qui consiste à lutter contre tous les facteurs qui nous empêchent de prier et ils sont très nombreux : cela peut-être le manque de foi, la nonchalance, la peur, les tentations venant du diable, ou d’autres forces mauvaises.

Et avec cela tous les facteurs humains qui nous empêchent de persévérer. (Dia noire)

C'est vrai que, pour nous pauvre homme pécheur, la prière ne va pas de soi, la prière n'est pas naturelle, mais nous devons demander à Dieu de nous y aider, parce que c'est le seul vrai moyen de voir des changements spirituels importants.

Que Dieu nous aide à prendre ce temps quotidiennement, à ne pas nous lasser et à ne jamais douter de l’amour de Dieu, mais à continuer à nous attendre à lui jusqu’au bout, un peu comme cette femme qui finalement a vu sa fille être délivrée !

                                                                                   Amen !

Prière

Chant JEM 530 : je continuerai

Questions pour les petits groupes :

1. Relisez si possible le contexte de ce passage depuis le début du chapitre 14 de l’évangile de Matthieu. Qu’apprenons-nous sur le repos ? Quand le repos peut-il devenir une paresse coupable ? Quand, au contraire, devient-il un activisme peu sage, voire même orgueilleux ? Quel est votre penchant personnel ? Qu’est-ce que cette retraite de Jésus dans le territoire de Tyr et de Sidon nous dit sur les limites à poser dans notre service chrétien ?
2. Avez-vous déjà vécu une expérience comparable à cette femme cananéenne où vous avez été poussé jusqu’au bout de votre foi; avec un silence ou un refus apparent de Dieu de répondre à votre prière qui se termine pas un exaucement après une attente plus ou moins longue ? Pouvez-vous partager votre expérience et dire ce que vous en avez retiré ? 
3.  Combien de temps prenez-vous dans la prière chaque jour ? Comme la durée n’est pas forcément un indicateur significatif, on peut reformuler cette question ainsi : quelle importance la prière a-t-elle dans votre vie spirituelle (sur une échelle de 1 à 10) ? Qu’est-ce qui pour vous décourage de prier, qu’est-ce qui vous stimulerait à la prière ? Est-ce que l’image que vous vous faites de Dieu vous semble avoir un rapport avec votre désir de prier ? Si oui, pouvez-vous en dire davantage ?