Prédication les Missions de l'Eglise : La communion fraternelle (F. Separi)



La Communion fraternelle                                                             le 20 Nov. 2016

J’aimerais ce matin poursuivre notre série de messages sur les 5 grandes missions universelles de l’Eglise dont voici le rappel en cinq lignes à l’écran (Diapo ). Nous avons déjà abordé, le pasteur Sylvain Guiton et moi-même, les thèmes de l’adoration et celui du service. Je vous propose tout simplement de continuer ce matin avec la question très importante de la communion fraternelle.

Les Ecritures Saintes, et en particulier le Nouveau Testament, nous parlent souvent de la communion fraternelle. Elle est dépeinte dans l’Eglise primitive et notamment dans les Actes des apôtres, comme une unité de cœur et d’âme, hors du commun, produite par l’action du Saint Esprit, et capable d’unir par un lien d’amour quelques dizaines ou même quelques milliers de personnes pourtant fort différentes. Les lettres des apôtres soulignent à plusieurs reprises l’importance de préserver, de conserver cette communion fraternelle. L’une des paroles les plus fortes de l’apôtre Paul à ce sujet se trouve dans l’épître aux Philippiens : 

(Diapo Phil 2.2) Phil 2.2 : Rendez ma joie parfaite, ayant un même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée. 3  Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l’humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes.

Et ce n’est pas un verset isolé, en voici d’autres. (Diapo versets)Trois fois les apôtres invitent l’Eglise à avoir une même âme, quatre fois une même pensée, cinq fois à échanger un saint baiser, six fois à vivre en paix, six fois à vivre l’amour fraternel, sept fois à être d’un même sentiment,  neuf fois à être unis dans un même esprit … C’est très présent dans les Ecritures. Et même si l’expression « communion fraternelle » n’apparait pas souvent, elle correspond à un vrai souci des apôtres.
A cela on peut ajouter que de nombreux commandements du N.T. sont formés d’un verbe à l’impératif suivi de l’expression « les uns les autres » : (Diapo les uns les autres)

Ro 15:7  Accueillez-vous les uns les autres
1Co 11:33  attendez-vous les uns les autres.
Col 3:13  Supportez-vous les uns les autres,
Col 3:13   pardonnez-vous réciproquement.
Eph 5:21  soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte de Christ.
Col 3:16  instruisez-vous et exhortez-vous les uns les autres en toute sagesse
1Th 4:18  Consolez-vous les uns les autres
Et bien sûr de très nombreuses fois : Jn 13:34  Aimez-vous les uns les autres ;

Et cette expression « les uns les autres » nous montre que les premiers chrétiens étaient conscients de l’importance prendre soin de leurs frères et sœurs, et savait que face au monde hostile qui les entourait, leur santé spirituelle était liée indirectement à celle des autres membres de la communauté. Ils comprenaient beaucoup mieux  que nous aujourd’hui leur interdépendance et le fait qu’ils ne formaient qu’un seul corps en Christ.

Enfin, le NT utilisent plusieurs analogies (Diapo analogies) pour parler de l’Eglise qui contiennent implicitement les notions de solidarité, d’unité et donc de communion. Il y a l’image du corps composé de plusieurs membres, celle de la famille composée de plusieurs personnes, celle de la communauté bien sûr,  mais aussi il y a aussi celle de l’armée, de la nation, du peuple …  Et toutes ces structures sont des structures organisées qui possèdent une unité en dépit de leur complexité. C’est très riche !

La plupart d’entre nous, sommes d’accord pour dire que les relations sont essentielles pour notre vie humaine et notre vie spirituelle, mais nous ne connaissons pas toujours la réalité exacte qu’il convient de placer derrière ces versets que nous venons de survoler. (Diapo noire) De quelle nature était la communion fraternelle vécue par les premiers chrétiens ? … Finalement, on lit et on reçoit ces passages bibliques au travers du filtre de nos habitudes de chrétien occidental du XXIème siècle.
Il faut être conscient qu’il y a probablement un écart significatif entre la communion fraternelle vécue aujourd’hui dans nos assemblées, même parmi les plus vivantes et les plus chaleureuses, et celle que vivaient les chrétiens du premier siècle.

Il y a eu dans le passé récent ou lointain des sociétés très collectivistes qui écrasaient l’individu, mais aujourd’hui nous sommes tombés dans un autre extrême, celle d’une société très individualiste. Ce mode de vie agit sur notre comportement chrétien sans même que nous ne le percevions. Il agit comme un filtre devant nos yeux, comme un schéma mental qui nous empêche de saisir ce que la Bible veut nous enseigner sur l’importance de la communion fraternelle

En fait nous avons tous, sans exception, été contaminés par la pensée du grand écrivain et brillant philosophe Jean-Jacques Rousseau (Diapo Rousseau) qui pensait que les hommes naissaient naturellement bons et qui était convaincu que ce qui le rendait méchant c’était les interactions avec les autres individus. Rousseau estimait, à tort, que la plupart des relations humaines étaient oppressives. En disant cela, il pensait tout particulièrement … au mariage, à la famille, à l’Eglise, et aussi aux relations de travail. (Diapo clic 2) Il a fait reposer une suspicion, une connotation négative, et au minimum une grande prudence sur toutes les relations humaines non librement choisies, et nous en mesurons les conséquences aujourd’hui. Nous les percevons dans le refus de s’engager, dans la méfiance envers la famille et entre les générations, dans la peur de la dérive sectaire, et dans les relations de travail conçues comme une lutte des classes permanentes. Le summum a été atteint par Jean-Paul Sartres qui a osé écrire : « L‘enfer c’est les autres ». Ainsi, même si vous êtes d’un naturel ouvert et bienveillant, vous avez forcément été contaminé par ce logiciel, ce virus de l’individualiste qui nous vient du 18ème siècle. Il a été intégré dans notre ADN depuis des générations, et les textes de la Bible qui parlent de communion fraternelle n’arrivent plus à avoir le même pouvoir évocateur et interpellateur qu’ils avaient au premier siècle.

Je vous propose de lire ensemble un texte biblique qui sera mon texte principal, et qui est pour moi une sorte d’antivirus à l’individualisme. Je vous invite à lire ce passage de l’Evangile de Jean  qui est tirée de la prière sacerdotale de Jésus peut avant sa crucifixion : (Dia Jn 17.11, 20-23)
Jean 17. 11 Je ne suis plus dans le monde, et ils sont dans le monde, et je vais à toi. Père saint, garde en ton nom ceux que tu m’as donnés, afin qu’ils soient un comme nous. (…)
20 Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, 21  afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m’as envoyé.
22  Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, afin qu’ils soient un comme nous sommes un, —
23  moi en eux, et toi en moi, afin qu’ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé.

Si je comprends bien cette prière, dont la puissance d’exaucement est toujours aussi vive et réelle qu’au premier jour, Jésus demande  à Dieu son Père qu’il y ait dans l’Eglise, entre les chrétiens, une unité de même qualité que celle qui existe dans la Trinité, dans la Tri-unité divine. Jésus demande que l’image de Dieu, constituée d’un seul être en trois personnes puisse en quelque sorte se reproduire dans l’Eglise. Mais, avec cette différence toutefois, que ce sont plus trois personnes, mais des dizaines, des centaines, voire des milliers de personnes différentes qui vont à leur tour former un seul corps. Jésus demande que l’image même de Dieu qui réunit à la fois l’un et le multiple se reproduise dans l’Eglise.

La plupart du temps, les chrétiens ont beaucoup mal avec cette notion de trinité. Ils la trouvent un peu mystérieuse pour eux, difficile à comprendre. (Diapo image trinité) Ils considèrent que cela ne concerne que quelques théologiens planants, déconnectés de la vie réelle. Et pourtant, d’après ce texte biblique, il semble que, si nous comprenons mieux qui est Dieu, nous comprendrons un peu mieux qui nous sommes, et nous comprendrons un peu mieux le rapport qui existe entre individus et famille, entre individus et société,  entre individus et Eglise. La Trinité est une clé pour comprendre nos problèmes de sociétés et nos problèmes d’Eglise !

Si j’avais le temps, je passerais tous les passages de la Bible qui parle indirectement de la trinité, mais ce ne sera pas pour ce matin. Mais je veux juste signaler que le texte de Philippiens 2.2, (Diapo Phil 2.2) mentionné au début du message, est vécu par Dieu lui-même avec une parfaite et une totale intensité : le Père, le Fils et le Saint Esprit partagent un même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée… Leur unité de cœur est tellement grande qu’on ne peut même pas distinguer la volonté respective du Père, du Fils et du Saint Esprit quand ils agissent à l’extérieur d’eux-mêmes, en direction du monde créé. Et pourtant, en interne, les différentes personnes de la trinité ne disparaissent pas, ne s’effacent, de fusionnent pas, mais garde bel et bien leur individualité, et leur capacité à offrir un amour authentique à chacune des deux autres. Il y a en Dieu, un bel équilibre entre l’unité et l’individualité que nous avons bien du mal à retrouver dans notre société, et même dans l’Eglise. Et c’est sans doute un problème dont nous souffrons sans le savoir ! (Diapo noire)

Nos sociétés oscillent en permanence entre deux extrêmes : une valorisation de la collectivité qui oublie et méprise l’individu, ou bien une valorisation de l’individu qui oublie et méprise la collectivité. Ces deux extrêmes sont aussi nocifs l’un que l’autre. En Dieu, nous voyons l’exemple d’un équilibre parfait entre l’interdépendance et la valorisation de la personne individuelle. Il nous faut retrouver cet équilibre !

Mais ce qui est encore plus important pour le sujet de la communion fraternelle, c’est la place des relations au sein de la divinité. (Diapo Trinité) La trinité divine ne se limite pas à trois personnes juxtaposées, c’est aussi trois relations d’amour continuelles. Et c’est cela qui est important à souligner : ces relations sont aussi constitutives de l’essence divine. Dans cette diapo ce ne sont pas seulement les ronds représentant les personnes divines qu’il faut garder en mémoire, mais aussi les flèches qui représentent les relations d’amour qui les unissent. Lorsque l’apôtre Jean écrit à deux reprises que Dieu est amour, il ne nous explique pas simplement que Dieu nous aime (ce qui est vrai !), mais surtout que l’amour habite et circule en permanence au sein de son être intérieur. Il est amour en lui-même dans la constitution même de son être

(Si vous préférez !) Les personnes divines et les relations qui les relient sont données ensembles … et forment un seul Dieu, créateur, immortel, habitant une lumière inaccessible

(Diapo Jean 17.21) … afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m’as envoyé.

C’est la même chose pour nous les êtres humains. Comme nous avons été créés à l’image de Dieu, notre nature humaine n’est pleinement épanouie que lorsque l’individu possède des relations d’amour qui le relient aux autres. Notre conscience individuelle et nos relations nous sont données ensemble !
Il n’y a pas d’être humain qui ne puisse développer de personnalité équilibrée, sans avoir préalablement gouté à des relations saines et sans avoir développé lui-même des relations saines. Les histoires d’enfants sauvages (Diapo enfant sauvage) retrouvés au XVIIIème siècle nous montrent les limites du développement d’un être humain en dehors de toute société humaine. Nous avons besoin des autres pour grandir. Nous grandissons ensemble… ou bien nous ne grandissons pas du tout !  (Diapo « grandir ensemble »)

-        - C’est vrai au niveau matériel et économique, l’échange de biens nous enrichi globalement.
-        - C’est vrai au niveau psychologique, car nous avons besoin de parler et d’être écouté, d’aimer et d’être aimé, de servir et d’être servi pour avoir une personnalité équilibrée et épanouie.
-        - C’est vrai enfin au niveau spirituel où nous avons besoins de frères et sœurs pour grandir comme disciples, nous avons besoin de leur regard lucide et bienveillant pour nous corriger, nous avons besoin de leur encouragement et de leur soutien pour surmonter les épreuves de la vie, et ainsi vivre une véritable croissance spirituelle. Les relations sont aussi vitales dans le domaine spirituel qu’elles le sont dans le domaine psychologique ou économique.

C’est pour cela que la communion fraternelle est si importante, elle n’est pas un gadget dont on pourrait se passer, elle n’est pas une option facultative, mais elle constitue un élément indispensable à notre croissance spirituelle. Nous avons perdu la conscience de ce besoin, de cette vérité aujourd’hui et c’est une raison de la fragilité des Eglises occidentales du XXIème siècle. 

Alors, bien sûr, on peut me rétorquer, à juste titre, que nos plus grandes blessures psychologiques, nos plus grandes meurtrissures de l’âme, (Diapo couple qui se dispute) proviennent bien souvent de relations avec des personnes méchantes, égoïstes, ou simplement pas suffisamment aimantes ! Mais il faut bien distinguer entre la source du mal et le canal par lequel il passe. Les relations humaines sont bonnes et utiles, mais certainement pas le mal qui se propage par ce moyen. Et d’ailleurs, c’est pour cela qu’un minimum de discipline demeure essentiel dans une Eglise. (Diapo noire)

Il est évident qu’en parlant de la communion fraternelle de cette manière, comme une image de l’amour divin qui habite en Dieu, et comme un besoin profond indispensable au développement de notre nature humaine, je demeure sur un plan idéaliste, laissant davantage entrevoir la communion qui sera vécue dans le royaume du Père que celle que nous sommes appelés à  vivre ici-bas au sein de l’Eglise locale ou même au sein de la famille.

Que peut-on dire pour nous aujourd’hui de pratique et concret qui nous permettent d’avancer sans faire table rase de notre imprégnation culturelle que nous n’allons pas changer du jour au lendemain ?
J’aimerais vous laisser 4 conseils pratiques très simples : (Diapo 4 conseils)
1.      Faites tous vos efforts pour garder l’unité
2.      Soyons réalistes dans nos attentes envers les autres
3.      Choisissons d’encourager plutôt que de critiquer
4.      Refuser le commérage, et choisissez d’aller voir celui qui vous a blessé quand cela arrive

1) Faites tous vos efforts pour garder l’unité (Diapo 1 conseil): Vous devez vous considérer comme un agent de l’unité, mandaté par Jésus Christ pour promouvoir et préserver la communion fraternelle parmi les croyants, car la prière de Jésus en Jean 17 nous montre à quel point elle est précieuse pour Dieu.  Une façon de faire consiste s’attacher davantage sur ce que nous avons en commun que sur nos différences. Bien sûr, Dieu ne souhaite pas une uniformité plate et stérile. Mais par égard pour l’unité, nous ne devrions jamais laisser des différences « mineures » nous diviser. 

2) Soyons réaliste dans vos attentes (Diapo 2 conseil) : Une fois qu’on a découvert ce que Dieu entend par la vraie communion fraternelle, c’est assez facile de se décourager en voyant le fossé qui existe entre l’idéal et la réalité de notre église. Pourtant, nous devons aimer passionnément l’église en dépit de ses imperfections. Nous devons accepter de vivre cette tension entre l’idéal et la réalité, sans immaturité, ni complaisance non plus !
Bonhoffer a dit (Citation Bonhoffer), " Celui qui aime son rêve de communauté plus que la communauté chrétienne elle-même devient un destructeur de celle-ci… Si nous ne rendons pas grâce journellement pour l’assemblée chrétienne dans laquelle nous avons été placés, même quand il n’y a pas de grandes expériences, de richesses évidentes mais plutôt de la faiblesse, une petite foi et de la difficulté ; si au contraire nous ne cessons de nous plaindre que tout est dérisoire et insignifiant, alors nous empêchons Dieu de faire croître notre assemblée… " 

3) Choisissons d’encourager plutôt que de critiquer (Diapo 3 conseils) : Il est toujours plus facile de se tenir sur la touche et de tirer sur ceux qui servent, que de s’impliquer et d’apporter sa contribution. Et agir ainsi c’est finalement faire nous-même le travail du diable, qui est dépeint comme l’accusateur des enfants de Dieu. Souvenons-nous que les autres chrétiens, même ceux avec lesquels nous sommes en désaccord, ne sont pas nos ennemis.

4) Refusez d’écouter les commérages (Diapo 4 conseils) : Le commérage, c’est quand vous transmettez une information alors que vous ne faites ni partie du problème, ni partie de la solution. Pendant les conflits, il est dans notre nature humaine d’aller se plaindre à une tierce personne au lieu d’aller courageusement dire la vérité, dans l’amour, à la personne qui vous a contrarié. Une confrontation en privé est toujours le premier pas vers une solution.

(Diapo noire) Plus je lis la Bible, plus je suis ébloui par la profondeur de ce qui nous est révélé sur Dieu et sur nous-mêmes, derrière un langage parfois assez simple en apparence. Je suis en particulier émerveillé de ce que la trinité nous révèle sur la communion fraternelle et sur son importance dans notre construction personnelle et notre édification. Je prie que nous puissions garder à l’esprit que nous sommes des agents d’unité et que la qualité de la communion fraternelle dans notre Eglise passe aussi par nous. Que Dieu nous vienne en aide dans l’accomplissement de cette belle et grande mission ! Amen ! 

          
Questions pour petits groupes de partage :
Qu’est-ce que cela peut changer dans le regard que vous portez sur vos proches de savoir que Dieu a prévu que nos relations soient un constituant important du développement de notre personne ? Par rapport à vos parents, à vos enfants, à vos amis, à vos collègues ?
Quelles sont les conséquences pratiques que nous pouvons tirer de cette même vérité (le caractère constitutif de nos relations sur notre être) à l’échelle de l’Eglise, sur nos relations entre frères et sœurs en Christ ? Qu’est-ce que cela change sur le regard que nous portons sur eux, sur nos paroles, sur nos actions, sur nos services ?
Parmi les 4 conseils proposés à la fin du message, quel est celui qui vous semble le plus difficile à vivre et à mettre en pratique pour vous aujourd’hui ? Pouvez-vous dire pourquoi, et éventuellement partager cette difficulté avec les autres membres du groupe ?

Commentaires