Prédication du 18 octobre 2020 - Matthieu 7.7-11 : Pour une prière simple dans un monde complexe

 

 

[Introduction à la prédication : lecture du témoignage de S. 

à l'occasion de son baptême]

 

Bonjour, 

 

Je m’appelle S., je suis né le ... en Iran à Ispahan.

Mes parents se sont séparés à l’âge de mes trois ans, et j’ai grandi avec mon père et ma grand-père dans une famille de confession musulmane. 

Plus tard, mon père s’est remarié et m’a obligé à aller vivre chez ma grand-mère. Etant donné que j’ai été privé de l’amour de ma mère et de mon père très jeune, j’ai pris la décision dans mon jeune âge de me renfermer sur moi-même et de ne parler à personne. 

 

Durant toutes ces années qui se sont écoulées je me suis pourtant toujours posé beaucoup de questions, mais il n’y avait personne pour y répondre. Et les années ont passé jusqu’à ma majorité. 

 

J’ai toujours eu une soif inexplicable d’appartenir à quelque chose. Et j’ai donc commencé à faire des recherches, jusqu’à ce que je fasse la connaissance du seigneur Jésus-Christ par l’intermédiaire d’un de mes amis arméniens, et c’est avec lui et en lisant la Bible que j’ai enfin obtenu toutes les réponses à mes questions, et peu à peu les priorités de ma vie ont changé. 

Et maintenant je me rends compte que pendant toutes les années, les jours, les mois où j’ai pensé désespérement que j’étais seul, Dieu était là, il veillait toujours sur moi et me regardait à chaque instant, espérant que je chercherai à le connaître, comme c’et expliqué dans Matthieu 7.7-8 : 

Celui qui demande reçoit

Demandez, et on vous donnera

Cherchez et  vous trouverez

Frappez à la porte, et on vous ouvrira.

Oui, celui qui demande reçoit.

Celui qui cherche trouve.

Et si quelqu’un frappe à la porte, on lui ouvre.

 

A cause de mon choix de croire en Christ, j’ai beaucoup souffert au cours de mes dernières années dans mon pays, mais je n’ai jamais été déçu, car j’ai vécu ce que dit Matthieu (5.10-21) :

Ils sont heureux, ceux qu’on fait souffrir parce qu’ils obéissent à Dieu, oui le royaume des cieux est à eux. Vous êtes heureux quand on vous insulte, quand on vous fait souffrir, quand on dit contre vous toutes sortes de mauvaises paroles et de mensonges à cause de moi. 

 

Grâce à Dieu, ma mère m’a un jour retrouvé au moyen de l’application Instagram, et après avoir faut connaissance l’un avec l’autre, nous sommes tous les deux rendus compte que nous avions un point commun en dépit de parcours très différents, ce point commun c’était le Seigneur Jésus-Christ qui avait touché nos cœurs à tous les deux. 

 

Je suis arrivé en France en mai 2019, et j’ai continué à suivre librement mon chemin de foi et à m’approcher un peu plus de Dieu et du Seigneur Jésus-Christ. 

Et maintenant que je suis ici, au milieu de vous, dans un pays où il est plus facile de le faire, je veux me faire baptiser car j’ai pris conscience de tout ce que Dieu a fait pour moi au fil des années. Je veux dire aujourd’hui par mon baptême que Jésus est bien le Sauveur du monde et l’envoyé de Dieu sur terre. Et puis voilà, c’est une étape très importante pour moi, dans ma vie de chrétien, car elle est le symbole d’une nouvelle naissance. 

Je suis heureux de pouvoir partager ce beau moment avec vous.



Prédication 


Le témoignage de S. est émouvant ; c'est l'histoire d’une double reprise de contact : avec sa mère, et avec son père… céleste. L'entrée dans une relation avec Dieu qu’il veut marquer ce matin par le baptême. 

 

S. a vécu l’exaucement de cette promesse de Jésus que nous avons lue en Matthieu 7 et que je relis : 

Demandez et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l'on vous ouvrira la porte. 

Car celui qui demande reçoit, celui qui cherche trouve et l'on ouvre la porte à celui qui frappe. 

Y a-t-il quelqu'un parmi vous qui donnera à son fils une pierre si celui-ci demande du pain ? 

10 ou qui lui donnera un serpent s'il demande un poisson ? 

11 Vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants. Alors, ceci est encore plus sûr : votre Père qui est dans les cieux donnera de bonnes choses à ceux qui les lui demandent. »

 

 

S’approcher du Dieu Père

 

Dans les chapitres 6 et 7 de Matthieu, Jésus décrit ce qu’il attend de ceux qui le suivent, qui veulent être ses disciples. Et il en vient, ici, à la prière. Demander, chercher, frapper… trois images pour désigner la prière. Comment prier ? En nous adressant à ce Dieu qu’on ne voit pas, qui est « aux cieux » comme un enfant le fait avec son Père, dans la simplicité de la confiance, car ce Dieu père se manifeste avec bonté à ceux qui le cherchent.

 

Ce qui compte, donc n’est pas la façon dont on prie – telle posture, telles formules, bien dire « au nom de Jésus » à la fin… 

Jésus valorise les dispositions du cœur et la recherche d’une relation authentique et personnelle avec ce Dieupère.   

 

Une prière simple dans un monde complexe ? 

 

Dit comme ça, ça a l’air simple… Certains en effet prient spontanément avec cette simplicité profonde… 

Mais peut-être que pour d’autres, pour nous, cette prière simple, confiante que Jésus présente pose problème. L’idée même de prier simplement Dieu comme un enfant alors que la vie est si complexe… n’est-ce pas simpliste plutôt ? Un peu naïf, réducteur ? 

Pourtant les paroles de Jésus sont là, incontestables : « Demandez et vous recevrez ». Dieu est un père qui désire vous donner de bonnes choses. 

Peut-être que notre difficulté à prier ainsi révèle l’encombrement de nos cœurs malades et le besoin qu’ils soient épurés, simplifiés, pour pouvoir s’ouvrir à cette simplicité que Jésus valorise : « Heureux les simples »…

 

Prier comme un enfant sera alors… une destination pour nous, quelque chose vers quoi avancer… Peut -être nous faut-il suivre un chemin de simplification dans notre vie de prière… ce n’est pas simple ! Ca peut être un voyage intérieur exigeant. Certaines croyances, craintes, blessures, doutes peuvent s’être accumulés sur notre route vers Dieu comme des montagnes…

 

Le théologien John Stott identifie deux de ces obstacles, deux objections majeures aux paroles de Jésus ici qui se dressent souvent devant nous. 

 

Pourquoi Dieu aurait-il besoin qu’on lui demande ?

 

Dieu a-t’il besoin que nous l’informions de nos besoins ou que nous le forcions à répondre à force de frapper à sa porte ? Est-ce que Jésus n’a pas dit juste avant que Dieu connaissait nos besoins avant que nous lui disions ? Alors à quoi ça sert, finalement, de l’importuner avec nos demandes ? 

S’ajoutent à cela, peut-être, des croyances héritées de notre éducation : on n’est pas des mendiants, il faut savoir se débrouiller tout seul ; aide toi et le ciel t’aidera ; 

 

Généralement, nous n’aimons pas demander, n’est-ce pas ? « C’est bon, je gère ». Et puis demander, c’est reconnaître une faiblesse, une dépendance, or nous n’aimons pas cela. Question de dignité.

On pourrait voir ici des échos au péché d’Adam, le désir d’indépendance envers Dieu exprimé : faire comme si nous étions Dieu, capables de tout porter, tout résoudre, tout assumer nous-même. 

Voilà qui peut nous retenir de prier avec la simplicité d’un enfant.  

 

Et en effet, pour connaître nos besoins et pour y répondre, Dieu n’a pas besoin de nos prières. D’ailleurs Jésus souligne qu’il y a des dons qu’il accorde à tous les humains, croyants ou non, comme la vie, le soleil… 

Mais il y a aussi des choses qu’il réserve à ses enfants en Jésus-Christ. A ceux-là, il promet notamment son Esprit et par lui les trésors de la paix, la joie, l’amour, la libération intérieure… Son intervention. 

Pour recevoir ces bénédictions-là, nous avons besoin de prier, car prier, c’est justement reconnaître que l’on dépend de Dieu, qu’on a besoin de lui. Se tourner vers lui ainsi nous rend alors disponibles à ce qu’il veut nous donner. 

 

Dieu a choisi , mystérieusement, que la prière serait la manière pour que ses enfants expriment leurs besoins comme signe de leur humble dépendance.

Jacques écrit pour sa part : « vous n’avez pas ce que vous voulez, parce que vous ne le demandez pas à Dieu » (Jc 4.2). 

 

Reconnaître cette dépendance peut nous aider à passer la montagne. 

 

Qu’est-ce qui nous pousse à penser et agir comme si tout dépendait de nous, comme si nous devions nous passer de l’aide des autres et de Dieu ? Est-ce juste ? 

 

« Prier ne sert à rien »

 

Une autre montagne, et non des moindres : se dire qu’au fond, prier ne sert à rien.

 

Qui n’a jamais pensé cela ? Même les Psaumes en parlent ! Nombre d’entre eux expriment cette tension entre la confiance en Dieu – il va répondre, il m’aime – et le doute – à quoi ça sert ? Le Psaume 73 par exemple exprime cette lutte intérieure qu’on peut vivre ne voyant tous ces gens qui ne prient jamais, ne croient pas du tout en Dieu et ne suivent que leurs désirs… et s’en sortent mieux que nous ! A quoi ça sert, alors, de prier ? 

Et puis est-ce que ce n’est pas plutôt grâce à la science médicale qu’on guérit ? Est-ce que ce n’est pas notre travail quotidien qui paie les factures ? A quoi sert la prière alors ? 

Et puis tous ces moments où l’on a prié sans recevoir de réponse… peut-être priez-vous tous les jours pour quelque chose qui ne vient pas… Alors entendre Jésus dire : « celui qui demande reçoit », ça peut faire mal. 

 

La prière est-elle donc inutile ? Inefficace ? 

Penser que Jésus décrit ici une prière « magique » - je demande et hop ! Dieu donne – c’est en effet courir à la déception. Ne soyons pas simplistes dans notre lecture de ces versets !


Prier n’est pas réciter une formule magique, c’est un dialogue, on parle à quelqu’un qui est libre de d’ouvrir la porte ou pas. Certes Dieu s’engage à répondre, et il est légitime de lui demander ce qu’il a promis de donner. Mais il n’a fait aucune promesse de réponse systématique. 


Dieu ne nous appartient pas, il n’est pas soumis à nos désirs. Et s’il ne nous accordait pas quelque chose simplement parce que ce n’est pas bon pour nous, comme le font les parents sensés ? « Vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants. Alors, ceci est encore plus sûr : votre Père qui est dans les cieux donnera de bonnes choses à ceux qui les lui demandent. »

Est-ce que ce que je demande est vraiment bon pour moi ? Dieu sait ce dont j’ai vraiment besoin.

 

Nos images parentales enfin peuvent aussi influencer notre approche de la prière. Notre père était-il un papa gâteau qui ne nous refusait jamais rien ? Un père exigeant, dur… voire maltraitant ? Ou un homme juste et à l’écoute ? Cela influence notre façon d’aborder Dieu. 

Mais ne laissons pas l’image de notre père terrestre nous empêcher d’approcher le père céleste. Lui, qui est parfait, saura guérir nos cœurs des blessures parentales et nous révéler qui il est vraiment. Alors continuons à le chercher, à frapper, à demander. 

 

 

Dieu au secours de notre prière

 

Il y a bien des choses, donc, qui peuvent rendre compliquée cette prière que Jésus demande de vivre avec simplicité. 

 

Esquiver doutes et questions n’est pas une solution, au contraire. Il nous faut les accueillir, les regarder en face, pour les aborder avec Dieu, quitte à nous battre avec lui comme Jacob l’a fait, comme David le fait dans les Psaumes : tu as promis de répondre, Seigneur, où es-tu ? Jusqu’à quand vas-tu me laisser comme ça ? Qu’est-ce que tu fais ? Viens à mon aide ! 

 

Oser poser ces questions, sans se lasser, c’est aussi ce que Jésus nous invite à faire ici : « cherchez et vous trouverez ; frappez et l'on vous ouvrira la porte ». Ne pas s’arrêter de frapper, de chercher. Dieu promet de répondre, d’ouvrir. 

Peut-être que nous devrons continuer à porter encore nos doutes, nos prières qui ne dépassent pas le plafond … pour un temps indéterminé. Mais Dieu ne se laissera pas décourager. Il ne rajoute pas non plus de culpabilité sur nos épaules déjà trop chargées. Dieu sait tout de nous et pourtant il a donné son Fils pour nous ramener à lui. 

 

Et sa grâce va même jusqu’à porter et inspirer notre prière ! 

 

En effet, en Romains 8, Paul révèle ce fait extraordinaire : « L'Esprit Saint …. vient nous aider, nous qui sommes faibles.  Nous ne savons pas prier comme il faut. Alors l'Esprit Saint lui-même prie pour nous, avec des gémissements que la bouche ne peut pas redire. Mais Dieu voit le fond des cœurs, il sait ce que l'Esprit veut demander. Oui, l'Esprit Saint prie comme Dieu le veut pour ceux qui lui appartiennent ».

 

Dieu lui-même prie en nous… quelle incroyable affirmation ! C’est une formidable source d’espérance pour moi qui suis censé être un « professionnel » de la prière… et qui pourtant, doit cheminer à travers les mêmes montagnes de complexité que tout le monde. Mais je peux témoigner de la réalité de cette grâce de Dieu qui vient porter ma faible prière. 

 

Alors je crois que Dieu nous donnera les forces nécessaires pour parcourir ce chemin intérieur vers la simplicité d’une relation d’enfant avec lui

Quant à nous, il nous revient de continuer à demander pour recevoir, à chercher pour trouver, à frapper pour qu’on nous ouvre… 

Dans ces tâtonnements, Dieu ne nous laisse pas seuls, il est déjà là, présent, attentif, même si nous en doutons – et nous avons le droit d’en douter, parce que la foi est un doute surmonté, une montagne à gravir. Mais Jésus en personne fait l’ascension avec nous, et il nous encourage :  « cherchez, vous aller trouver ». 

 

Alors ne nous décourageons pas, et demandons au St Esprit de nous porter, de nous inspirer. 

 

Amen.

 

Qu’est-ce que je veux demander maintenant à Dieu ? 

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