Prédication du 12 mai 2019 - Apocalypse 7.9-17 - Le peuple de l’espérance (S. Guiton)

Quand on parle d'apocalypse, on évoque le plus souvent l'anéantissement du monde dans des circonstances terrifiantes.
Pourtant, c’est tout le contraire que le livre de l’Apocalypse révèle. 
Au 1ersiècle après JC, Jean de Patmos reçoit de Dieu des visions qui ont pour but de stimuler les Eglises de l’époque, très bien intégrées dans la société païenne et qui du coup ont tendance à se laisser absorber par elle. 
En révélant ce que Dieu va accomplir dans l’avenir, l’Apocalypse vient aider ces croyant à mieux vivre leur foi dans le monde présent. Elle est un antidote contre le mal qui menace les Chrétiens de toutes les époques : le découragement qui démobilise – à quoi bon ?- et détourne de la fidélité au Christ. 
Sommes-nous découragés ? 
Alors que le texte proposé aux Eglises pour la méditation d’aujourd’hui renouvelle notre espérance et notre joie de suivre le Christ ! 

Cette vision de Jean nous amène à la fin des temps.

Apocalypse 7.9-17

9Après cela je vis : C’était une foule immense que nul ne pouvait dénombrer,
de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le trône et devant l’agneau, vêtus de robes blanches et des palmes à la main.
10Ils proclamaient à haute voix : Le salut est à notre Dieu qui siège sur le trône et à l’agneau.11Et tous les anges rassemblés autour du trône, des anciens et des quatre animaux
tombèrent devant le trône, face contre terre, et adorèrent Dieu.
12Ils disaient : Amen ! Louange, gloire, sagesse, action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles ! Amen !
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13L’un des anciens prit alors la parole et me dit : Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d’où sont-ils venus ?
14Je lui répondis : Mon Seigneur, tu le sais !Il me dit : Ils viennent de la grande épreuve.
Ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’agneau.
15C’est pourquoi ils se tiennent devant le trône de Dieu et lui rendent un culte jour et nuit dans son temple. Et celui qui siège sur le trône les abritera sous sa tente.
16Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, le soleil et ses feux ne les frapperont plus,
17car l’agneau qui se tient au milieu du trône sera leur berger, il les conduira vers des sources d’eaux vives.
Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.


Comme tout le livre de l’Apocalypse, cette vision parle à la fois de demainet d’aujourd’hui. Et elle est pleine de symboles.  

Que voit-on donc ? Au centre, un agneau et un trône. Devant, une foule « innombrable ». D’autres personnages aussi : les anges, les « anciens », peut-être symbole d’Israël et des apôtres, et « quatre animaux », qui représentent certainement l’ensemble du monde vivant, du « règne animal». 

L’agneau (un des plus anciens symboles chrétiens), c’est Jésus-Christ, le fils de Dieu. L’agneau offert par Dieu en sacrifice, « l’agneau de Dieu qui ôte le péché du monde », selon l’Evangile de Jean. 
Au centre se tient donc le Dieu trinitaire : le Fils, l’agneau, avec le Père, « notre Dieu qui siège sur le trône », symbole du pouvoir. 
Tout est résumé en lui (v.12) : « Louange, gloire, sagesse, action de grâce, honneur, puissance et force ». 
 « Qui sont ces gens (devant le trône) et d’où sont-ils venus ? », demande un ancien à Jean. On comprend que ce sont les croyants de toutes les époques, tous rassemblés. L’Église universelle. 

Le Saint Esprit est là aussi, il souffle la vision. En quoi peut-elle nous aider à vivre notre foi dans le monde présent ? 
Elle peut nous encourager en nous aidant à comprendre quel type de peuple il est en train de rassembler dans l’Église, et où il le conduit. 

J’ai retenu 5 points. 

1.     D’abord, c’est un peuple nombreux que Dieu en est train d’appeler à lui. 
Cette image de ces gens qui se tiennent « sera un interminableculte où il faudra rester debout ! (cf vieux monsieur d’Alès). 
L’image symbolise la grande proximitéque Dieu désire avec chacun d’entre nous. 

C’est lui seul qui appelle, qui sauve par amour. Tous ceux qui sont là le sont par pure grâce : parce qu’« ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’agneau » - image paradoxale – c’est-à-dire qu’ilsont cru en Jésus, «  l’agneau » qui s’est donné volontairement en sacrifice pour eux. Sur le seul mérite de leur foi, Dieu les a déclarés justes, innocents, purs. Ce que symbolisent leurs robes blanches et leurs feuilles de palmiers, signes de joieet de victoire

Cette vision nous révèle donc ce que Dieu est en train de faire, par l’Eglise : rassembler tout un peuple, toute une famille près de lui
Un peuple nombreux, « impossible à compter ». Voilà déjà qui est encourageant pour nous, pécheurs d’hommes amateurs qui avons parfois l’impression qu’il n’y a plus de poissons dans le lac, et que nos efforts pour annoncer l’Evangile sont vains ! 
Mais « le salut appartient à Dieu », dit la foule. Au lieu de nous agiter en vain, sans doute vaut-il mieux demander à Dieu de nous conduire vers ceux qu’il désire appeler

2epoint : Dieu appelle chacun comme il est.
La foule qui est là frappe Jean par sa diversité. Il y a là des gens de toutes les cultures, de tous les pays, de toutes les langues ! 
Pas de moule uniquedonc pour les enfants de Dieu. Le vêtement blanc n’est pas un uniforme !
L’Église n’est pas là pour gommer nos particularités individuelles, au contraire. Chacun se tient devant le trône avec sa culture, son histoire, sa propre langue– c’est-à-dire son identité profonde. Mais purifié par sa foi en Jésus-Christ, comme le symbolise la robe blanche. 
Cette foi commune est donc notre vrai point commun, celui qui restera à la fin des temps. 
Voilà notre vrai point commun, ce qui fait de nous une communauté, une famille, un peuple. Voilà ce qui restera à la fin des temps. 
Le reste est secondaire. 

Je retire de cette vision un appel à relativiser certaines questions que nous nous posons dans nos Eglises – à propos de nos locaux, du style de musique, etc- 
Un appel aussi à ne pas baser notre identité chrétienne sur ces « signes extérieurs de foi » que nous apprenons vite à afficher – la bonne attitude, le bon mot, le masque approprié… tout pour donner l’impression qu’on est un sain homme ou une femme de Dieu. 
Maitriser aussi le fameux « patois de Canaan » peut aussi aider à faire bonne impression …  cette langue codée, désincarnée et sans rien qui dépasse… (pas celle que vous avez utilisée sur la route pour venir, j’imagine, quand le mec en trottinette électrique vous a frôlé à contresens…)
A l’inverse, on juge facilement ceux qui ne maitrisent pas nos codes. 

Dieu n’est pas dupe de nos vies. Ce qui restera à la fin, ce sera le contenu de nos cœurs. Notre foi. 
Alors, pourquoi ne pas commencer dès à présent à enlever nos masques pour essayer de nous rencontrer les uns les autres avec plus de profondeur ? 
Cela demande plus qu’un bonjour un peu rapide – même s’il est bienvenu ! je crois que nous devons tous redécouvrir cette « communion fraternelle » toute simple qui consiste à partager du temps, des repas ensemble – et aller à la découverte de la culture, la nation, la langue de l’autre qui est loue Dieu à côté de moi, pour apprendre à l’aimer vraiment ! 

3epoint : Tournés ainsi ensemble vers Dieu, l’Église est appelée à être un peuple d’adorateurs, qui espère en Dieu et proclame sa gloire. 

« Ils proclamaient à haute voix : Le salut est à notre Dieu qui siège sur le trône et à l’agneau ».Avec toutes les créatures célestes, ils disaient « Louange, gloire, sagesse, action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles ! ».

Louer, proclamer, espérer. Ces trois actions sont étroitement liées, car louer Dieu nourrit notre foi et notre espérance. Louer Dieu exerce notre regard pour voir les manifestations de son amour au quotidien. Louer Dieu nous décentre de nous-mêmes et nous centre vers Dieu, nous tourne vers le trône. 


La louange et la prière nourrissent aussi notre proclamation : « ils proclamaient.. ». 
L’Église est aussi le peuple que Dieu forme pour proclamer sa gloire et manifester son amour

Devant cette foule si diverse, on comprend que Dieu aime sans frontières. Est-ce notre cas ? Il m’arrive de me dire que ce n’est pas la peine d’aller vers telle ou telle personne, que ça ne sert à rien, qu’on est trop loin, trop en conflit, trop différents. 
Dieu nous appelle à sortir de nos frontières pour aller vers les autres pour les aimer, comme il le fait. 
Jean Vanier, un grand homme de foi qui est décédé cette semaine, a écrit que notre mission de disciples du Christ, c’est « donner aux autres, quels qu’ils soient, une nouvelle espérance » et leur « révéler.. la valeur qu’ils ont, leur capacité d’aimer, de grandir, de faire de belles choses et de rencontrer Dieu ». 

Nous ne pouvons accomplir cette mission sans souffrances, car il faut pour cela que notre cœur s’élargisse peu à peu aux dimensions du cœur de Dieu, et cela implique des renoncements, des prises de risque.Jean Vanier dit aussi : « Nous sommes appelés à renoncer à tous les comportements égoïstes du monde, à ne plus mettre toutes nos énergies à rechercher le pouvoir, la richesse, les honneurs et les relations intéressées… ». 

Le texte parle d’une « grande épreuve » que la foule a traversée. Nous avons tous à affronter celle-ci : vivre l’amour vrai à la suite du Christ. Se mettre au service des autres. Etre bienveillant. Ne pas juger ni condamner, mais pardonner. Aimer ses ennemis. Partager, donner, encourager. 
C’est très difficile ! 
Le chemin vers le trône passe forcément par là. Mais Jésus y marche avec nous. 


5eet dernier point : au bout de ce chemin, une plénitude de paix et d’amour nous attend auprès de Dieu, dans la vie éternelle auprès de lui : « ils se tiennent devant le trône de Dieu et lui rendent un culte jour et nuit dans son temple ». 
Leurs souffrances sont finies, ils ne manquent plus de rien. Car « celui qui siège sur le trône » les abrite « sous sa tente. Ils n’ont plus faim, plus soif. Ils ne souffrent plus, car Dieu essuie toute larme de leurs yeux. Ils sont en communion avec Dieu. 

Telle est notre espérance




Tous les jeudis matin, en allant à une réunion de prière œcuménique, je passe dans ce tunnel pour piétons, près de Perrache. 

Là, une dizaine de familles se sont réfugiées, sous des tentes. Qu’est-ce qui a pu pousser ces gens à venir jusque-là, se tenir dans ces abris précaires, dans la saleté et le froid ? La peur sans doute, qui les a contraints à fuir la guerre, à fuir leurs pays. Mais surtout l’espoir d’une vie meilleure. Comment tenir dans de telles conditions, entre l’ombre et la lumière, sans espoir ? 
Ces gens ont faim, froid. Ils manquent de tout, et je pense que dans le secret de leurs tentes Quechua, le soir, ils pleurent.  

Même si nous vivons dans le confort, nous sommes avec euxdes « étrangers et des voyageurs sur la terre ». En transit vers le Royaume de Dieu. Encore en route vers la maison. Encore dans le tunnel. La lumière est là, toute proche, mais encore hors de portée.

Dans cet entre-deux parfois inconfortable, où le découragement menace, le Seigneur est déjà auprès de nous, et son trône nous est accessible, grâce à Jésus.


La lettre aux Hébreux mentionne ce « trône de Dieu » quand elle dit : « Approchons-nous avec assurance du trône de la grâce » , c’est-à-dire, « du Dieu tout puissant qui nous aime », « près de lui nous recevrons le pardon, nous trouverons son amour, et ainsi, il nous aidera au bon moment » (Hébreux 4.16, PDV).

S’approcher du trône de la grâce, dès aujourd’hui : c’est ce que nous faisons chaque fois que nous tournons nos pensées vers Dieu, par Jésus. Chaque fois que nous le prions, que nous cherchons son aide, que nous l’appelons au secours, que nous le louons ou que nous nous mettons à l’écoute de sa Parole… nous anticipons sur ce que nous vivrons dans les derniers temps, quand nous serons face à face avec lui

Alors nous qui sommes le peuple de l’espérance, ne perdons pas courage et au nom de Jésus, approchons-nous du trône de Dieu, dans la prière,à chaque occasion de notre vie

Tournons nos cœurs vers lui, même si c’est à tâtons, dans l’obscurité de nos tunnels – même quand la connexion semble interrompue. 

Jésus notre « berger » ne nous abandonnera pas. Il nous « abritera sous sa tente » et nous conduira vers des « sources d’eaux vives » dont nous ne soupçonnions même pas l’existence. 


Amen 

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