Prédication du dimanche 12 février 2017 - Le jeûne que le Seigneur préconise : Esaïe 58.1-11 (S. Guiton)
Aujourd’hui, je voudrais commencer par une annonce : dans quelques semaines, du 13 au 17 mars, les pasteurs et le conseil invitent tous ceux qui le désirent à une semaine de prière et de jeûne en Eglise.
Très honnêtement, c’est quelque chose que nous n’avons jamais pratiqué, c’est totalement nouveau… mais nous souhaitons nous lancer dans l’aventure, et nous rendre disponibles devant Dieu pour nous mettre à son écoute et passer du temps dans la prière - personnelle et communautaire.
Rassurez-vous, les modalités pratiques seront précisées d’ici là, et nous partagerons aussi des conseils pour que ceux qui souhaitent participer puissent vivre ce jeûne de façon saine et raisonnable, sans mettre en danger leur santé ! Ces choses-là se préparent, il y a des précautions à prendre. Et puis, comme on va le voir, le jeûne peut porter sur autre chose que la nourriture.
Mais le plus important, bien sûr, c’est le sens que l’on va donner à ce temps, et je vous propose d’y réfléchir ce matin.
Je tiens à préciser que pour aborder ce sujet, en plus du texte biblique j’ai puisé à deux sources : une méditation du pasteur Michaël Razzano, et l’ouvrage de Daniel Bourguet, Un chemin de liberté, l’ascèse (ed. Olivetan).
Jeûner et prier, donc.
Prier, oui - mais pourquoi jeûner ? A t’on vraiment besoin de cela ?
La pratique du jeûne nous concerne pour au moins une raison : Jésus lui-même a jeûné pendant 40 jours avant d'entamer son ministère. Il a aussi enseigné sur ce sujet.
Le livre des Actes nous montre que les apôtres ont eux aussi pratiqué le jeûne en lien avec la prière - comme en Actes 14 : 23 :
23 Ils firent nommer des anciens dans chaque Eglise, et, après avoir prié et jeûné, ils les recommandèrent au Seigneur, en qui ils avaient cru.
Cela suffit à attiser notre intérêt : qu’apporte le jeûne à la prière du Seigneur, à celle des apôtres ?
L’approche biblique de cette pratique est-elle différente de celle des autres religions qui le pratiquent - on pense bien sûr au ramadan ? Est-ce une simple question de « bien être », comme l’affirment tous ceux qui, en ce moment, font la promotion du jeune « laïque », vantent ses bienfaits pour l’organisme, ses aspects « purifiants ». Un site le présente même comme moyen « d’auto-guérison », affirmant qu’il « procure … un sentiment de clarté d’esprit et de « désencombrement mental »…
Pour répondre à cela, je vous invite à méditer un passage du prophète Esaïe, dans lequel Dieu formule en quoi consiste le véritable jeûne, celui qu’il approuve. Nous allons voir que cette démarche n’est pas faite pour nous replier sur nous-mêmes, sur notre nombril et ce qu’il y a derrière - l’estomac ! - mais au contraire, pour nous aider à nous tourner humblement vers Dieu - et vers les autres…
Lisons dans Esaïe 58.
Huitième siècle avant Jésus-Christ. Dans le pays d’Israël en grande partie détruit, règnent la corruption et de grandes inégalités sociales.
Le peuple choisi par Dieu prie et jeûne encore, mais son coeur est fermé. Alors Dieu vient les interpeller, par la bouche d’Esaïe.
Esaïe 58.
1 Crie à plein gosier, ne te retiens pas ! Elève la voix comme une trompe, dis à mon peuple sa transgression, à la maison de Jacob ses péchés !
2 Jour après jour ils me cherchent, ils désirent connaître mes voies, comme une nation qui aurait agi selon la justice et qui n'aurait pas abandonné l'équité de son Dieu ; ils me demandent des jugements justes, ils désirent s'approcher de Dieu.
3 Pourquoi jeûnons-nous ? Tu ne le vois pas ! Pourquoi nous privons-nous ? Tu ne le sais pas ! Le jour où vous jeûnez, vous vaquez à vos propres affaires et vous pressez tous vos ouvriers.
4 Quand vous jeûnez, ce ne sont que querelles et brouilles, méchants coups de poing ; vous ne jeûnez pas comme le veut ce jour, pour être entendus d'en haut.
5 Est-ce un jeûne de ce genre que je préconise, un jour où l'homme s’humilie? S’agit-il de courber la tête comme un roseau? Faut-il se coucher sur le sac et la cendre? Est-ce cela que tu appelles un jeûne, un jour agréable à l’Eternel ?
6 Le jeûne que je préconise, n'est-ce pas plutôt ceci : détacher les chaînes de la méchanceté, dénouer les liens du joug, renvoyer libres ceux qu'on écrase, et rompre tout joug ? 7 Ne s'agit-il pas de partager ton pain avec celui qui a faim et de ramener à la maison les pauvres sans abri ? De couvrir celui que tu vois nu, et de ne pas t'esquiver devant celui qui est ta propre chair ? 8 Alors ta lumière jaillira comme l'aurore et ta restauration progressera rapidement, ta justice marchera devant toi et la gloire de l'Eternel sera ton arrière-garde. 9 Alors tu appelleras et l'Eternel répondra, tu crieras et il dira : « Me voici ! »
Oui, si tu éloignes du milieu de toi la contrainte, les gestes menaçants et les paroles mauvaises, 10 si tu offres à l'affamé ce que tu désires toi-même, si tu rassasies l'affligé, ta lumière se lèvera dans les ténèbres, et ton obscurité sera comme le midi.
11 Le SEIGNEUR te conduira constamment, il te rassasiera dans les lieux arides et redonnera de la vigueur à tout ton corps.
Tu seras pareil à un jardin bien arrosé, comme une fontaine d’eau dont les eaux ne déçoivent pas.
« Etre entendus d'en haut » : voilà déjà le but du jeûne qui est posé. Il n’est pas un fin en soi : le but, c’est la prière qu’il facilite, soutient… Le but, c’est la relation avec Dieu.
Pour que cette relation soit possible, Esaïe met en avant deux conditions, que nous résumerons par deux mots d’ordre : faire le point. Et faire de la place.
- Le jeûne doit s’inscrire dans une démarche d’humilité et de repentance sincère. « Faire le point ».
- Il doit être aussi recherche d’une libération - libération envers ce qui ferme notre coeur à Dieu et aux autres. Libération envers ce qui distrait et nous détourne d’écouter Dieu. « Faire de la place » à Dieu, et à mon prochain.
Au final, son but est donc de nous rendre disponibles devant le Seigneur, libérés de tout ce qui nous détourne de lui, pour que nous puissions nous mettre à son écoute, pour qu’il nous dirige et glorifie son nom dans nos vies.
1. Premièrement donc : humilité et repentance. Faire le point.
Le principal reproche de Dieu à son peuple ici est de jeûner sans se repentir et sans l’écouter - ce qui oblige Esaïe à « crier à plein gosier ».
A force de vivre tournés sur eux-mêmes, les Israélites est devenu sourds à la voix de Dieu et aux cris de leur prochains qui souffrent, et devant lesquels ils « s’esquivent ». Leur coeur est plein de « querelles, brouilles, oppression, et surtout, d’égoïsme profond : « vous vaquez à vos propres affaires et vous pressez tous vos ouvriers ».
Pourtant ces personnes « cherchent Dieu » (v.2), et attendent de lui des réponses. Qu’ils commencent déjà par aimer leur prochain, dit l’Eternel, qui veut que nos paroles et nos actes soient cohérents, et que nos chants, nos prières, nos offrandes soient pas juste des moyens de nous donner bonne conscience ou de conforter notre impression d’être de « bons chrétiens »…
Ne jeûnons pas pour faire pression sur Dieu, ou essayer de mériter son écoute ou sa faveur. Il n’y a rien à ajouter au salut que Dieu nous a accordé en Jésus-Christ : tout est accompli, et notre jeune ne peut être qu’une réponse d’amour à la grâce de Dieu, une réponse de repentance humble et sincère.
C’est le sens du mot hébreu traduit par « jeûner » dans nos Bibles est : « humilier son âme » (Lv 16.29-31). « Vous humilierez votre âme ».
Pas d’une « humiliation » qui serait honte, culpabilité, écrasement. Mais une « humiliation » qui est humble reconnaissance de nos fautes, et joyeuse acceptation du pardon que Dieu nous accorde, lui qui nous relève, nous lave de nos péchés et fait de nous ses enfants !
C’est dans cet esprit là que le peuple était censé jeûner un jour par an, pour Yom Kippour, le « Grand Pardon ». Dieu avait institué ce jour de repentance et de grâce, où tout le monde était appelé à se tourner vers lui, sans rien vouloir lui cacher de son péché, pour obtenir le pardon.
S’imposer un jeûne alimentaire, c’est alors une façon de manifester la repentance qui nous amène à reconnaître humblement que l’on a blessé Dieu… Avoir blessé Dieu, qu’on aime, cela nous rend tristes. Et nous disons cette tristesse avec tout notre être, dans une prière qui implique toute notre personne : l’esprit, l’âme… et le corps !
Il est vrai que notre sensibilité évangélique nous habitue davantage à une approche désincarnée de la relation à Dieu - on veut être « spirituels » ! Mais dans la Bible, ce qui touche l’âme touche aussi le corps. C’est pourquoi dans l’Israël ancien, on priait de tout son corps - le texte évoque « courber la tête comme un roseau, de se coucher sur le sac et la cendre »…
Ainsi, la faim et la soif provoquées par le jeûne vont aussi être faim et soif du pardon, de la grâce de Dieu…
Voilà donc le premier but de cette semaine de jeûne et de prière du mois de mars : faire le point. Ouvrir notre coeur devant le Père Céleste, reconnaître humblement nos fautes et l’adorer pour le salut qu’il nous accorde en Jésus-Christ.
2. Démarche d’humilité, le jeûne doit être aussi recherche d’une libération envers ce qui ferme notre coeur à Dieu et aux autres. C’est « faire de la place ».
« Détache... dénoue... renvoie libre », dit Esaïe au verset 6. Pour que Dieu accueille sa prière, le peuple doit « détacher les chaînes de la méchanceté », et pratiquer l’amour du prochain.
Ainsi, le jeûne authentique est celui qui nous délivre de notre égocentrisme, de ce qui ferme notre coeur à Dieu et aux autres. Qui nous libère de ce qui nous détourne d’écouter Dieu.
Encore une fois, ce n'est pas le jeûne qui libère (il n'en a pas le pouvoir) mais le jeûne nous permet d'être disponibles devant Dieu, de nous consacrer entièrement à la prière.
En jeûnant, nous mettons le Christ en premier dans notre vie, avant même la nourriture, en refusant de nous laisser distraire par quoique ce soit
C’est d’ailleurs pourquoi le jeûne peut concerner autre chose que la nourriture : on peut choisir de jeûner de télé, de réseaux sociaux, de sport, de musique, que sais-je… Les relations sexuelles font aussi l’objet d’un jeûne dans la Bible !
C’est une occasion de tester les liens qui nous attachent à ces choses : sont-ils tellement forts qu’ils nous détournent de prier ? Sommes nous encore les maîtres de nos agendas, de nos corps, de nos pensées ?
Dans ces temps que nous allons consacrer à Dieu, le texte d’Esaïe nous invite aussi à examiner nos propres enfermements - et notre attitude envers notre prochain.
Saint Augustin a dit : « jeûner et partager : la prière prend son envol portée par ces deux ailes. Jeûne donc de sorte qu'un autre ayant mangé à ta place tu te réjouisses d'avoir ainsi pris ton repas ».
Sur ce point, l’interpellation des versets 6 et 7 est forte et concrète ! Que faisons nous pour lutter contre les injustices et les inégalités ? Partageons nous ce que Dieu nous donne ?
Je suis particulièrement touché par la parole du verset 7 : est-ce que je m’esquive devant celui est ma propre chair ? Est-ce que je me dérobe devant mon frère, le laissant seul dans ce qu’il vit, ou bien est-ce que je lui donne quelque chose de moi-même - mon écoute, mon temps ?
Est-ce que je « donne ma vie » pour mes frères (1 Jean 3.16) ?
Est-ce que je garde les chaînes de la méchanceté attachées envers quelqu’un d’autre - par ma colère, ma jalousie ? Est-ce qu’il y a quelqu’un que je garde captif dans ma rancoeur et que mon pardon libérerait ? Et moi, suis-je captif de quelque chose, que je pourrais remettre à Dieu, afin qu’il me libère ?
Le temps mis à part pour prier est aussi l’occasion d’écouter ce que le St Esprit voudra nous dire sur ces choses, pour les confesser, en être libéré - et peut-être libérer quelqu’un d’autre.
On le voit, tout cela fait écho à ce que Dieu a fait pour nous en Jésus-Christ. D’ailleurs, quelques versets plus loin au chapitre 61, se trouvent les paroles que Jésus citera pour formuler sa mission, lui qui a été envoyé « panser ceux qui ont le coeur brisé, proclamer aux captifs la libération et aux prisonniers leur élargissement, proclamer une année de grâce pour le Seigneur, consoler tous ceux qui sont dans le deuil… » (Es 61.1-3).
Voilà donc les deux axes de cette semaine de mars : faire le point, faire de la place.
Dire au Seigneur notre amour pour lui et le prier de nous rendre saints.
Lui dire aussi notre désir d’être source de vie et de libération pour ceux qui nous entourent, comme de vrais disciples de Jésus-Christ. En reconnaissant notre totale dépendance envers le Saint Esprit pour vivre cela !
C’est un engagement joyeux ! Car la fin du passage nous ouvre l’espérance que Dieu répondra à nos humbles prières, non parce que nous l’aurons mérité mais parce qu’il l’a promis :
« Le SEIGNEUR te conduira constamment, il te rassasiera dans les lieux arides et redonnera de la vigueur à tout ton corps.Tu seras comme un jardin abreuvé, comme un point d'eau dont l'eau ne déçoit pas ».
Qu’il nous conduise ensemble dans ses voies, nourrisse nos coeurs de sa Parole, et manifeste sa grandeur dans notre faiblesse !
Qu’il fasse de nous des « fontaines d’eau dont les eaux ne déçoivent pas », pour nos familles, nos frères et soeurs, notre quartier, notre ville..
Amen
Questions pour l'étude en groupe :
A. Entrée en matière : avez-vous déjà pratiqué le jeûne ? Dans quel état d’esprit, quelles circonstances ? Partagez votre expérience avec le reste du groupe.
B. Relisez Esaïe 58.1-11
1. Quel est le principal reproche de Dieu à son peuple ici ? (v. 3-5) Quelle mise en garde pouvons nous trouver ici pour notre propre pratique du jeûne ?
2. Jésus dit pour sa part : « « C’est la miséricorde que je désire et non pas le sacrifice. » (Mt 12, 7). A la lumière d’Esaïe 58, comment comprenez-vous ces paroles ?
Quelle application personnelle pouvez-vous en tirer ?
3. Relisez les versets 6-7 et 10.
- Dans l’Eglise, quelles sont les façons de « partager », « d’accueillir » et de « vêtir » l’autre qui ne seraient pas uniquement matérielles ?
- « Ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair. »
Est-ce que j’ai tendance à me dérober face à celui avec qui je ne suis pas à l’aise, qui me gêne ? Comment est-ce que je tiens compte des plus défavorisés dans la société et dans le monde ?
4. Relisez les versets 9-11
Quelles sont les promesses faites à ceux qui obéissent et mettent ainsi en pratique l’amour du prochain ?
Vous pouvez méditer sur chacun des fruits du jeûne « selon Dieu » : que peut signifier dans nos vies :
- la lumière éclatante (v.10)
- la guérison de la blessure (v.8 ; 11)
- la présence et l’exaucement du Seigneur (v.9)
- le rassasiement et la source jaillissante même dans les lieux arides (v.11)
Vous pouvez partager ce que Dieu a fait pour vous dans l’un ou l’autre de ces domaines.
C. Pour finir, vous pouvez lire Esaïe 61.1-7 dans un esprit de prière : « Merci Seigneur d’avoir accompli ces choses pour moi, en Jésus-Christ » !
Commentaires
Enregistrer un commentaire